La f or ce com m e indi cateur de capacité

La force comme indicateur de capacité

Le but de ce chapitre est de présenter l’état de l’art et le contexte dans lequel se situe ce mémoire de thèse relatif à la prédiction des CGF. La première partie traitera des travaux relatifs à l’analyse expérimentale des CGF qui sera focalisée plus spécifiquement sur le membre supérieur. Cette étude identifiera leurs principales caractéristiques qui doivent être reproduites par la modélisation. Après avoir justifié l’intérêt des outils de prédiction des CGF, une revue de littérature des formalismes les plus pertinents (les ellipsoïdes et les polytopes de force) pour les évaluer sera présentée. Elle prendra en compte aussi bien les modèles articulaires que musculosquelettiques. Enfin, le cadre applicatif des outils de prédiction des CGF retenus sera abordé. Il concerne la propulsion en fauteuil roulant manuel à main courante. L’analyse de la bibliographie nous permettra d’identifier les outils d’analyse biomécanique existante et leurs limites et de justifier l’apport des nouveaux outils proposés dans ce mémoire de thèse. Ce chapitre sera conclu par une synthèse et une présentation de la démarche adoptée dans la suite du manuscrit.

Introduction

Le système neuro-musculosquelettique du membre supérieur est un ensemble complexe comportant de nombreux éléments : os, tendons, ligaments, muscles, nerfs … Les articulations reliant les segments ont de nombreuses mobilités et divers capteurs permettent un rétrocontrôle sur les actions décidées par le système nerveux central. Tous ces éléments sont coordonnés lors de la réalisation de mouvements (Bernstein, 1967). De plus, une tâche motrice implique l’application d’une force fonctionnelle sur l’environnement qui va varier en amplitude et en direction en fonction de la posture adoptée par l’individu, de ses caractéristiques musculosquelettiques et de la direction d’application (Jan Nijhof et Gabriel, 2006). Évaluer l’aptitude à générer un effort est nécessaire pour améliorer la compréhension des choix réalisés par le système nerveux et caractériser les mécanismes de la performance et de la formation des troubles musculosquelettiques. L’application d’une force sur l’environnement commence par le recrutement des unités musculo-tendineuses (UMT). Les composantes contractiles vont générer une force transmise au segment via par le tendon du muscle. L’ensemble des forces musculaires et leur bras de levier par rapport au centre d’une articulation sera à l’origine des couples articulaires. Transmis via la chaine cinématique, ces derniers permettront à leur tour de générer une force à l’extrémité de la chaîne et ainsi agir sur l’environnement. In vivo, il est très difficile de mesurer directement les forces développées par les UMT, (Komi, 1990; Komi et al., 1987), car il est nécessaire de placer un transducteur entre le tendon et l’os au moyen d’une intervention chirurgicale, ce qui est inenvisageable dans la plupart des études. La connaissance des forces générées est pourtant importante pour comprendre comment un individu coordonne ses segments corporels afin de réaliser une tâche. Une solution consiste alors à mesurer la résultante des forces produites par les UMT à l’extrémité d’une chaine de segments corporels comme la main ou le pied au moyen de capteurs. En biomécanique, ils sont généralement inclus dans des plateformes posées sur le sol ou intégrés dans des tapis de marche (Ghoussayni et al., 2004; Hreljac et Marshall, 2000; Kiss, 2010), intégrés à une poignée pour la mesure des forces du membre supérieur au niveau de la main (Jan Nijhof et Gabriel, 2006; Sasaki et al., 2010) ou embarqués dans des roues Chapitre I : État de l’art 29 instrumentées équipant les vélos à bras et les fauteuils roulants (Jacquier-Bret et al., 2013; Sasaki et al., 2010; van der Woude et al., 2009). Les mesures ainsi réalisées permettent d’obtenir des informations sur les efforts dans une seule direction à la fois. L’amplitude de la force produite par un individu varie en fonction de la posture adoptée et de la direction d’application (Jan Nijhof et Gabriel, 2006; Oshima et al., 2000). De ce fait, la construction d’une représentation globale des CGF, c’est-à-dire pour un ensemble de directions, nécessite alors la multiplication des mesures ce qui s’avère être complexe et chronophage.

De la nécessité d’une modélisation

Comme nous l’avons vu précédemment, il est difficile de généraliser la prédiction des forces produites par le membre supérieur à partir de mesures. La nécessité d’une modélisation biomécanique pour caractériser une tâche et les capacités de l’individu est pourtant pertinente et importante (Jacquier-Bret et al., 2013; Sasaki et al., 2010; Tanaka et al., 2006; Tanaka et al., 2005). Par ce moyen, on peut envisager d’identifier les compromis réalisés par le système musculosquelettique et aider à fournir des explications sur le comportement moteur d’un individu. Au travers d’outils de modélisation, estimer à priori les CGF est important pour aider, par exemple, à la conception d’un poste de travail notamment dans le cas de tâches intensives et/ou répétitives. Cette estimation doit être considérée afin de réduire l’inconfort, la fatigue et les risques d’apparition des TMS du membre supérieur. On peut également envisager des applications relatives à l’évaluation d’un patient en milieu clinique avant, pendant et après sa phase de rééducation. Chapitre I : État de l’art 35 Afin d’éviter les inconvénients d’une approche liée uniquement à des mesures, le développement d’outils de modélisation des CGF permettra de généraliser les prédictions à des situations non observées directement. Ces outils devront permettre d’estimer les efforts qui peuvent être appliqués sur l’environnement en respectant les caractéristiques mises en évidence à l’issue de la revue de littérature du chapitre précédent, c’est-à-dire l’anisotropie et la dépendance vis-à-vis de la posture. Les outils proposés devront permettre de représenter visuellement les CGF sous une forme graphique 3D facilement interprétable pour des nonspécialistes (Komura et al., 1999). Plusieurs propriétés de la distribution des forces sont pertinentes afin de caractériser une tâche. L’axe principal indique la direction dans laquelle les forces maximales les plus importantes peuvent être exercées. De plus, les couples articulaires nécessaires seront minimisés si une force sous-maximale d’amplitude donnée est exercée selon la direction de l’axe principal de la représentation 3D des CGF. La force maximale isométrique, toutes directions confondues, est aussi un indicateur pertinent des capacités musculaires du sujet. Enfin, des informations sur la forme de la représentation graphique des CGF caractérisent la capacité de l’opérateur à exercer des efforts maximaux plus ou moins équivalents selon les directions. Dans le cadre d’applications en ergonomie ou en rééducation pour lesquelles la caractérisation des forces appliquées et/ou subies par l’environnement revêt une importance fondamentale, les outils de prédiction des CGF sont ainsi pleinement justifiés. Le nombre important de domaines d’applications potentiels que nous détaillons dans la suite de ce paragraphe en est la preuve. Dans l’industrie, de nombreuses tâches sont physiquement intenses et/ou répétitives et présentent un risque important de développement de TMS (Ambrosio et al., 2005; Cooper, 1998; Koontz et al., 2004). Certaines normes ergonomiques existent et proposent des recommandations dans le but de les réduire. Ces dernières portent notamment sur la posture et la nécessité d’éviter des configurations angulaires extrêmes (Hignett et McAtamney, 2000; McAtamney et Nigel Corlett, 1993), la répétitivité des tâches (Armstrong et al., 1986) ou encore les vibrations (WSDLI). L’intégration de données portant sur les CGF pourrait encore améliorer ces consignes de prévention en prenant en compte les forces exercées. Par exemple, lors de la conception d’un poste de travail, déterminer a priori le placement optimal de l’opérateur en lien avec ses capacités (de Looze et al., 2000; Tanaka et al., 2005). En effet, un poste de travail mal conçu et contraignant peut alors engendrer des coûts importants par une Chapitre I : État de l’art 36 réduction de la productivité ou des arrêts de travail. Cette constatation est d’autant plus vraie si on considère des sujets atteints d’une déficience. Alors, évaluer la différence entre les capacités de l’opérateur et l’effort à fournir pourrait aider à la conception d’un poste de travail adapté. En ergonomie, on retrouve le développement du modèle 3DSSPP (Michigan Threedimensional Static Strength Prediction Program) développé par Chaffin (1997). Cet outil est conceptualisé sur l’utilisation des limites de production de couple articulaires comme une contrainte sur la capacité à générer un effort en fonction de la posture. Ce modèle détermine si pour une posture et un effort donné, la tâche est réalisable ou non en fonction des limites. Bien qu’intéressants, les informations obtenues ne permettent pas une vue d’ensemble des CGF et sont rarement spécifiques au sujet, car basé sur des données de population (Chaffin et al., 2006). En outre, la détermination des CGF d’un patient en lien avec sa déficience permettrait de déterminer les directions d’applications d’effort selon lesquelles les patients sont plus faibles que des sujets valides. Ceci permettrait au personnel médical d’adapter et d’affiner les programmes de rééducation. Dans ce cadre, on peut citer les travaux de (Carmichael et Liu, 2011, 2013) qui portent sur la compensation de la faiblesse musculaire importante de patients à l’aide d’un exosquelette motorisé. À partir de la connaissance des CGF du sujet, cette assistance robotique procure l’aide « juste nécessaire » pour réaliser un exercice de rééducation et contribue à l’amélioration de sa motricité par une action ciblée.

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