La modélisation des systèmes techniques complexes pour la rétro -conception de sites industriels anciens

La modélisation des systèmes techniques complexes pour la rétroconception de sites industriels anciens

 Nos enjeux et finalités

Gérard Métayer distingue « modèle » de « système » : le système est un ensemble de phénomènes physiques, tandis que le modèle n’est qu’une description (une représentation) d’un mécanisme décrit dans un langage déterminé. À l’inverse, Jean-Louis Le Moigne et Michel Roboam les envisagent liés, « la notion de modèle est étroitement liée à celle de système68 », il permet de représenter les phénomènes perçus complexes . Bernard Walliser va plus loin car « modèle » et « système » sont inséparables, puisque « tout système réel n’est connu, en effet qu’à travers des modèles représentatifs ». Mais, le modèle porte en lui ses propres limites, en préciser les enjeux est nécessaire. Pour les uns, le modèle doit aboutir sur une action et n’a d’intérêt que s’il agit et débouche sur de l’opérationnel. Pour les autres, il inclut une dimension que Jean-Louis Le Moigne appelle d’intelligibilité (compréhension). Précédant et préparant l’action, il s’agit de comprendre le système et les comportements observés Par conséquent, comprendre et agir sont deux enjeux majeurs : 1°) saisir la situation, pour mieux la connaître, 2°) modifier la situation, pour se rapprocher des objectifs, c’est-à-dire comprendre et agir sur une réalité problématique. En histoire, nous ne pouvons agir sur une réalité passée, puisque construire l’histoire revient à articuler le passé qui est l’objet à construire. En réalité, l’historien veut rendre intelligible le passé pour « parvenir à jeter sur le passé ce regard rationnel qui comprend, sait et (en un sens) explique » pour permettre « de savoir ce que nous n’avons pas su […] et surtout de comprendre ». Carole Bournonville est plutôt critique et ne considère la systémique que « simplement descriptive », c’est-à-dire n’ayant qu’un faible pouvoir prédictif. Cette critique prenons-la comme un atout. Par la description, il s’agit de présenter le processus de fabrication d’un système technique. En ce sens, la systémique se veut révélatrice d’une situation pour mieux la saisir, la connaître et la comprendre. En histoire, les modèles peuvent fournir une description (et/ou une explication) d’un phénomène et sont des « outils » utiles pour aider à mieux comprendre certains phénomènes complexes, ou perçus comme tels78 . Comprendre c’est « avoir l’intelligence d’une chose79 », c’est saisir la place qu’occupe une idée ou un fait dans une structure de savoir plus vaste80. Expliquer c’est « rendre un discours intelligible » pour démontrer ou enseigner81. Comme intention pédagogique, l’explication est alors liée au partage, à la transmission de savoirs82. Mais certains auteurs opposent compréhension et explication83. Citant Raymond Aron, Jean-Claude Passeron voit l’explication par les causes et la compréhension du côté de la raison. La mise en intrigue en histoire « c’est l’explication par les raisons, par les intentions, par les mobiles » et la compréhension est l’analyse de « ce qui se passe comme le résultat d’une interaction entre des acteurs84 ». Elle spécifie le mode d’intelligibilité afin de retrouver la vérité d’une situation ou d’un fait85. Expliquer, c’est rechercher les causes d’un objet ou d’un événement qui est situé par rapport à son origine ou son mode de production. Comprendre, pour Edgar Morin, c’est « saisir les significations existentielles d’une situation ou d’un phénomène86 ». Paul Ricœur récuse l’alternative du philosophe Wilhem Dilthey ; les sciences de la nature seraient du côté de l’explication et les sciences de l’esprit situées du côté d’une théorie du Verstehen (de la compréhension)87. En effet, Dilthey place l’explication dans le « comment », la compréhension dans le « pourquoi » 88. Contrairement à Raymond Aron et à Wilhem Dilthey, Edgar Morin n’oppose pas explication et compréhension ; au contraire, elles peuvent et doivent s’entre-contrôler, s’entre-compléter89. Plus encore, l’explication prolonge naturellement la compréhension90. Selon cette idée, nos modèles veulent rendre intelligible le système complexe, prolongeant eux-mêmes l’explication, ce qui est possible par les « allers-retours » entre le récit et les représentations, les uns prolongeant les autres91. Reposant sur sa capacité à construire une vision commune d’une entité, retenons la relation triadique de Granger, faisant le lien entre décrire, comprendre et expliquer : « expliquer, c’est-à-dire, ayant repéré un phénomène, comme totalité et dissocié ses parties (c’est « décrire »), ayant établi les relations et les contraintes qui les associent (c’est « comprendre »), savoir insérer ce système dans un système plus vaste dont dépend sa genèse, sa stabilité et son déclin ».

S’initier à la lecture des modèles construits

 Replacer le système technique complexe dans un état antérieur Nos modèles replacent le système dans un état antérieur où il fonctionnait pour représenter tout ou une partie des étapes (« essentielles ») de fabrication d’un navire construit à l’arsenal de Lorient. Ils forment ensemble une représentation qui part du général pour aller vers le particulier : niveau 0 (A0 : niveau le plus haut du modèle), niveau 1 (A1, A2, …), niveau 2 (A11, A12, …, A21, …), niveau 3 (A111, A112, …, A211, …) (fig. 2). Cette représentation hiérarchique est réalisée suivant les principes de la modélisation IDEF093 : c’est une méthode d’analyse de système qui est descendante, modulaire, hiérarchique et structurée. En quelque sorte, elle établit une vue éclatée du système technique qui part du niveau le plus élevé pour graduellement descendre aux niveaux inférieurs, lesquels procurent de plus en plus de détails94 . En plus de ces principes, le lecteur a accès à d’autres indications grâce au cycle de vie d’un projet de navire. Ce dernier est matérialisé en tête de la figure 3 par des cadres de couleur : 1°) la phase préparatoire (en rouge), 2°) la mise en œuvre (en vert pour la fabrication et le montage, en orange pour l’armement), 3°) la phase clôture (en mauve). Reprise à partir du premier niveau (niveau 1), les couleurs servent de repères, elles situent les activités avec l’ensemble du projet de navire. Dans ces cadres sont aussi repérées les entités industrielles participantes : atelier, service, etc. Les blocs révèlent les fonctions (activités), les flèches matérialisent l’interconnectivité pour relier les fonctions (fig. 3) :  un bloc contient une description de ce qui arrive ;  les flèches matérialisent l’inter-connectivité des blocs avec les flux de données, les flux matières et l’utilisation de ressources. A1 Nom de la fonction Mécanisme Entrée Sortie Contrôle Fig. 3 : Position des flèches et fonction d’un bloc D’après Vernadat, F., Techniques de modélisation en entreprise : applications aux processus opérationnels, Paris, Économica, 1999, p. 23. Les flèches du côté droit du bloc symbolisent les sorties et représentent les données ou les objets produits par la fonction. Les entrées, connectées à gauche, correspondent aux 32 objets à traiter ou qui vont subir une transformation. Les données de contrôles qui sont sollicitées par l’activité ne sont pas modifiées, mais elles influent sur son comportement, c’est-à-dire sur les données qui sont créées, générées, transformées, sollicitées (les données d’entrées) par l’activité. En quelque sorte, elles entraînent une contrainte sur la façon dont l’activité sollicite l’entrée : il s’agit de règles, de directives, d’objectifs, etc. Connectés en bas, les mécanismes (ou supports de l’activité) sont nécessaires à l’exécution d’une activité : ce sont les moyens humains et matériels .

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