La prise en charge palliative en lits identifiés de soins palliatifs : avantages et limites

La prise en charge palliative en lits identifiés de soins palliatifs : avantages et limites

Récit de la situation clinique 

Il s’agit d’un patient de 71ans suivi dans le service d’oncologie médicale depuis 2016 pour un cancer ORL (carcinome épidermoïde de l’angle mandibulaire droit sous forme d’une lésion bourgeonnante douloureuse). Le patient travaillait à la télévision, fumeur occasionnel et consommation régulière mais modérée d’alcool. Il est marié et à un fils âgé de 16ans au moment du diagnostic. Dans l’histoire de sa maladie, il a bénéficié d’une prise en charge optimale avec chirurgie puis radio-chimiothérapie adjuvante. Il a rechuté deux mois après la fin de ce traitement initial au niveau local avec un œdème jugal, un trismus et une ulcération de la gencive. Il bénéficie d’une première ligne de chimiothérapie sans résultat clinique significatif, puis d’une deuxième avec une réponse partielle. Il bénéficie en septembre 2017 d’une inclusion dans un essai clinique pour un traitement par immunothérapie. Il est hospitalisé en janvier 2018 pour un tableau de diarrhée profuse. Les examens réalisés ne permettent pas de définir clairement l’étiologie de la diarrhée qui s’améliore peu malgré les différents traitements symptomatiques entrepris. A noter que le patient a une gastrostomie d’alimentation depuis plusieurs mois en raison d’une prise orale impossible secondaire à sa pathologie ORL. Au décours de l’hospitalisation, le patient passe son scanner de réévaluation montrant une progression locorégionale importante avec un envahissement des vaisseaux cervicaux sans métastases à distance par ailleurs. Cette annonce de progression est très mal vécue par le patient, qui n’accepte pas la situation. Son oncologue référent propose une quatrième ligne de traitement par méthotrexate hebdomadaire en informant le patient de la faible probabilité de résultats. En effet, sur le plan clinique il présente une progression locale exophytique visible de jour en jour. Dans ce contexte il est décidé en équipe d’une prise en charge palliative exclusive. La 7 masse tumorale devient très importante avec la nécessité d’une réfection de pansement deux fois par jour pendant au moins une heure et d’un traitement par corticothérapie afin de diminuer l’œdème facial réactionnel. De plus, il présente des douleurs importantes secondaires à cette lésion, difficile à équilibrer notamment parce que le patient refuse toute augmentation des thérapeutiques ou l’adjonction de traitements pouvant agir sur les douleurs neuropathiques de type amitriptyline. Il refuse également les traitements anxiolytiques ou antidépresseurs malgré une humeur triste et une anxiété exprimée. Il craint en effet avec ces différents traitements de se retrouver sédaté malgré lui. Il m’exprime à plusieurs reprises le fait qu’il peut supporter la douleur et qu’il espère que son oncologue trouvera un traitement efficace. Il est vu à plusieurs reprise par l’EMSP, sans succès sur la prise en charge antalgique et anxiolytique. Au fur et à mesure de son hospitalisation, le contact avec les équipes paramédicales devient de plus en plus difficile, le patient se renferme sur lui, communique de moins en moins malgré les temps de soins prolongés dans sa chambre. A plusieurs reprises les équipes paramédicales me font part de leurs difficultés à accompagner le patient et il devient pour certains d’entre eux difficiles de rentrer dans la chambre. Il en advient de même, progressivement avec l’équipe médicale, hormis son oncologue référent à qui il demande régulièrement s’il y a la possibilité d’un nouveau traitement. A plusieurs reprises il lui est fait la proposition d’un séjour en unité de soins palliatifs afin de lui proposer une prise en charge différente et optimale de ses symptômes. Après de nombreux échanges avec le patient mais aussi avec sa famille, il refuse car il dit se sentir abandonné si on l’envoie vers une autre équipe et craint de manquer une opportunité thérapeutique bien qui lui était dit à plusieurs reprises qu’on ne pourrait pas faire de nouveaux traitements. Son oncologue référent est peu enclin également au transfert car ilsouhaite accompagner le patient et comprend le sentiment d’abandon exprimé par le patient. La situation devient de plus en plus difficile et conflictuelle, d’une part pour les équipes qui se sentent démunie face à la souffrance du patient mais également face à son mutisme, et d’autre part entre médecins : le référent et les médecins de la salle qui se sentent en échec dans la prise en charge palliative. Devant m’occuper au 8 quotidien de ce malade, j’ai le sentiment de ne pas lui offrir un accompagnement palliatif de qualité et d’être en rupture thérapeutique complète avec lui. Ce sentiment n’est pas partagé par son référent qui ne comprend pas nos motivations de transfert vers une USP. Finalement, après plusieurs semaines de prise en charge dans le service, le patient accepte un transfert. Il n’aura jamais accepté les traitements antalgiques, anxiolytiques proposés et la communication avec les différents intervenants hormis son médecin référent fut de plus en plus difficile voire inexistante. Il décède très peu de temps après son arrivée en USP.

Analyse de la situation clinique 

On peut identifier dans cette histoire clinique différents problèmes : 9 – La prise en charge de la douleur chez un patient qui refuse les traitements médicamenteux : principe d’autonomie versus principe de bienfaisance. – L’accompagnement de fin de vie chez un patient non communicant sur le projet thérapeutique et/ou en opposition avec l’équipe. – La gestion des conflits en équipes sur l’accompagnement d’un patient complexe en fin de vie et la compréhension des sensibilités et limites des soignants. – Le vécu psychologique du patient dans un parcours de soin où il n’y pas eu de succès thérapeutique, dans le cadre d’une maladie mutilante et entrainant une atteinte sociale majeure. Par ailleurs, j’ai pu identifier les problèmes spécifiques que m’a posé cette situation clinique : – Le sentiment d’échec dans l’adhésion au projet de soin vis-à-vis du patient – L’échec dans la création d’une communication adapté et d’un lien de confiance – La gestion du conflit avec mon collègue référent où je n’ai pas réussi à exprimer clairement les raisons de notre désaccord et à lui montrer notre rôle et position très différents vis-à-vis du patient. Problématique liée au sujet Dans le cadre de la prise en charge en Lits identifiés soins palliatifs dans les services de médecine aigüe : quels sont les avantages, les inconvénients et les limites de l’accompagnement palliatifs pour le patient et pour les soignants ? Pour ce travail, je détaillerai de façon choisie la question des limites de ce dispositif et des problématiques spécifiques qu’il peut amener aux seins des services de médecine conventionnels. 

Les avantages de la prise en charge en LISP 

Pour les patients

 Différentes études menées en France comme à l’étranger rapporte un souhait fort de la part des patients de pouvoir décéder au domicile (4,5). Pourtant, la majorité des patients décèdent à ce jour dans des structures hospitalières.(6) La valorisation de ces séjours en fin de vie en LISP doit donc améliorer la qualité de prise en charge de ces patients. En effet, l’accompagnement par une seule et même équipe du diagnostic jusqu’à la fin de vie assure une meilleure connaissance du patient, de son parcours de soin et de l’évolution de la maladie. Le malade sait qu’il est connu, ainsi que ses proches par les soignants, il a pu avoir exprimé par le passé ses souhaits et rédigés des directives anticipées. Ainsi ses volontés sur sa fin de vie peuvent être connues en amont par l’équipe qui pourra répondre au plus près à ses demandes. Pour les patients suivis en oncologie, il existe également une habitude du lieu entre les structures d’hôpitaux de jour et l’hospitalisation conventionnelle et il s’agit le plus souvent d’un repère important dans ces parcours de soin complexes. La réassurance de l’unité de lieu est souvent exprimée, ainsi que le sentiment d’être connu et compris en tant qu’individu par les équipes. Par ailleurs, cet accompagnement continu dans le même service permet une prise en charge moins brutal de la situation palliative en s’inscrivant dans une continuité de soins, sans rupture pour le patient avec possiblement une meilleure acceptation de la situation de fin de vie.

Pour les soignants 

Pour les équipes qui soignent les patients atteints de cancer, la possibilité de pouvoir les accompagner jusqu’à la fin ces malades leur offre la possibilité de de remplir au mieux leur mission. En effet, devant les pathologies incurables comme le cancer, les soignants peuvent être amenés à développer un sentiment de culpabilité et d’échec dans la mission de soin (X). Ainsi, accompagner le patient dans son projet de fin de vie leur offre la possibilité de compenser cet « échec thérapeutique ». Par ailleurs, la création des lits identifiés de soins palliatifs dans les services de médecine où un nombre significatif de patients décèdent comme dans les services d’oncologie médicale, a permis la reconnaissance concrète et la valorisation de pratiques quotidiennes. (7) De plus, l’objectif de ce niveau intermédiaire de prise en charge (entre la prise en charge 11 extrahospitalière et la prise en charge en unités de soins palliatifs) contribue à la diffusion de la démarche palliative et de l’accompagnement en fin de vie. 

Table des matières

LISTE DES ABREVIATIONS
INTRODUCTION
RECIT DE LA SITUATION CLINIQUE.
ANALYSE DE LA SITUATION CLINIQUE
A LES AVANTAGES DE LA PRISE EN CHARGE EN LISP
1- Pour les patients
2- Pour les soignants
B INCONVENIENTS ET LIMITES DES LISP
1- Pour les patients
2- Pour les soignants
SYNTHESE ET APPORTS POUR LE CAS CLINIQUE
BIBLIOGRAPHIE

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