La recherche d’une lecture d’une photographie

La recherche d’une lecture d’une photographie

Lire, décoder les signes dans l’image photographique

Lire d’hier à aujourd’hui Comment lire les photographies ? La question est posée, elle est primordiale dans une société de l’information où « 90% des informations nous parviennent par nos yeux » comme le rappelle Brian Kennedy, Directeur du musée du « Toledo Museum of Art » dans l’état de l’Ohio aux Etats-Unis. Aujourd’hui, nous sommes, dit-il, dans la troisième révolution, après celle de l’écriture et celle de l’imprimerie, l’ère de la « digital image » dit-il, qui nous oblige à envisager de développer une culture visuelle. Selon Brian Kennedy « Visual literacy is the key … we must teach it. » : la littératie visuelle est la clé, nous devons l’enseigner (Kennedy, 2013). Nous devons cependant rappeler que l’image a longtemps été le vecteur de la connaissance et pourrions nuancer ces propos en proposant de renouer nos liens avec l’image éducative. Au Moyen-âge, peu d’hommes et de femmes savaient lire les manuscrits ; en effet, la lecture était réservée à ceux qui étaient instruits. C’est l’image qui enseignait aux chrétiens la religion (Manguel, 2001). Les sculptures, les tableaux permettaient de faire comprendre à tous des notions abstraites comme l’enfer, le paradis pour ne citer qu’elles. Ces représentations les aidaient à les mémoriser mais aussi leur offraient un temps d’observation qui, paradoxalement, développait leur imaginaire. A partir du XIIIème siècle, les bibliothèques se développent, la lecture se généralise peu à peu, l’imprimerie (fin XVème) renforce cet élan en permettant la reproduction des livres et l’accès au savoir au plus grand nombre (Cavallo, Chartier, 2009). L’apprentissage de la lecture des textes sera alors prédominant dans l’éducation. « Today our education system teaches textual literacy digital and letters) and computer literacy, but neglects sensory literacy as core curriculum », (Kennedy, 2003), si nous traduisons les propos de Brian la recherche d’une lecture d’une photographie 2NN! Kennedy, nous écririons : « aujourd’hui notre système éducatif enseigne l’alphabétisation textuelle (numérique et lettres, que nous pourrions traduire par la lecture) ainsi que l’informatique mais néglige la culture sensorielle comme programme de base ». En effet, l’apprentissage de la lecture de l’image est le parent pauvre de l’éducation en France également. En cours de français, si nous ne prenons que l’exemple du lycée, l’image est encore étudiée en regard du texte qu’elle illustre. La lecture nécessite une connaissance de la langue dans laquelle est écrit le texte, elle requiert, selon Guillaume Bardet, « un savoir préalable, la maîtrise d’un vocabulaire, d’une grammaire et d’une syntaxe qui ne peuvent s’acquérir que progressivement, par l’expérience et à l’école. » En effet, les instructions données aux enseignants dans le Bulletin officiel de l’éducation nationale sont à cet égard très explicites. Il s’agit, dans le primaire, d’apprendre aux élèves à « déchiffrer » les syllabes et les mots afin de parvenir, progressivement à « comprendre » des textes de plus en plus longs (compétences de décodage et compétences linguistiques sont ainsi sollicitées). Au collège et encore plus au lycée, la lecture d’extraits ( ou d’œuvres intégrales) s’accompagne, en outre, de l’acquisition progressive de compétences nouvelles : textuelles (structure du texte, énonciation, focalisation, genre, registre de langue, figures de style, dénotation, connotation, sonorités, ponctuation etc.) et référentielles ( biographiques, historiques, culturelles …), qui permettront à l’élève de développer à la fois un esprit critique et une sensibilité littéraire, en vue notamment de l’explication et du commentaire de texte qui seront proposés en classe de première, à l’épreuve anticipée de français » (Guillaume Bardet, Dominique Caron, 2013). La lecture (de textes) a donc un programme clairement pensé, organisé.

La lecture, une activité complexe

L’œil voit, il parcourt la photographie en suivant un chemin précis et le cerveau interprète. Ce dernier cherche à décoder l’image photographique (Body 2015). Il se focalise d’abord sur la vie, et cherche en priorité une forme humaine sur la photographie. Puis, il recherche les zones de netteté, les zones de lumière, les formes, analyse les couleurs. Phil Body, photographe, dans un article intitulé : « sens de lecture d’une photo », publié en 2015 sur son site, explique que c’est le cerveau qui lit l’image. Il y a d’abord une lecture rapide de 2E9! l’œil, un balayage en Z où l’œil commence à regarder en haut, de gauche à droite puis descend en diagonale pour, à nouveau, regarder le bas de la photo de gauche à droite puis il y a une lecture approfondie pour interpréter les signes perçus. Il nous faut nous tourner du côté de la sémiologie pour en apprendre davantage sur la lecture d’une photographie. Lire une image est une activité complexe dans laquelle il nous faudra guider les élèves. Avant d’aborder ce point, nous voudrions faire une remarque. Nous devons nous souvenir que le photographe a construit son image et a pensé ce chemin de l’œil36, par le cadrage, en appliquant la règle des tiers, en choisissant son angle de vue, le photographe a donc construit son message pour que le lecteur le décode. Retenons qu’il y a plusieurs regards en jeu lors d’une lecture : la lecture du photographe, de ce qu’il voit, de ses choix et connaissances pour les retransmettre, pour accompagner la lecture du spectateur qui dépendra de ses connaissances, de sa culture… Et même si chacun de nos yeux (sauf maladies de l’œil) envoie une même image inversée, en partie monochrome au cerveau, c’est bien nos cerveaux qui vont devoir lire l’image pour lui donner du sens. C’est pourquoi, dans les expositions photographiques, à Arles par exemple ou au pavillon photographique de la photographie à Montpellier, une médiation est prévue pour les personnes malvoyantes. Lire une image ne demanderait donc pas nécessairement de la voir mais de se la représenter pour l’interpréter et construire, puisque c’est ici notre propos, une connaissance. Pour une personne malvoyante, apprendre en lisant une image est donc possible. Ce résultat surprenant nous permet de relancer notre questionnement : qu’est-ce que lire une image si ce n’est pas la voir ? C’est décoder son sens. Il est désormais temps de nous tourner vers la sémiologie pour tenter de répondre à nos interrogations.

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