L’Opportunité de la réglementation des contrats de joint-venture en droit OHADA

L’Opportunité de la réglementation des contrats de joint-venture en droit OHADA

Les règles de mise en œuvre du montage

Le droit OHADA, par le biais de son arsenal juridique, offre un cadre favorable au montage de la joint-venture peu importe qu’elle soit contractuelle ou institutionnelle c’est-à-dire sociétaire. Pour ce qui est de la joint-venture contractuelle, il est prévu une obligation d’enregistrement du contrat de base au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM). Cela a pour objet de renforcer l’efficacité du contrat à l’égard des tiers. Mais, nous jugeons que cela n’est pas suffisant du fait de l’Acte Uniforme relatif au droit des contrats est toujours en veille, il s’avère nécessaire d’opérer un renvoi au droit interne du fait de l’incomplétude du droit OHADA. À ce titre, nous préconisons aux parties désirant constituer une joint-venture de se référer à la théorie générale des contrats en attendant l’existence de règles unifiées en la matière. 339.À titre subsidiaire l’application de l’AUDCG est incontournable du fait de l’obligation d’enregistrement qui incombe aux parties. Le registre du commerce ayant pour objet de porter à la connaissance du public les informations relatives à l’enregistrement, nous dirons que cela va aussi dans le sens de la protection de l’intérêt général. En fait, dans le contexte de l’enregistrement, l’ordre public aura pour objet de protéger tout tiers désirant s’engager avec la coentreprise contractuelle par le biais de l’information. 340.Les dispositions d’ordre public sont importantes, elles permettent de soumettre l’individu au respect de certaines règles supérieures visant le maintien de l’organisation sociale au détriment de sa liberté contractuelle et de l’autonomie de la volonté288. En effet, elles ont pour but la protection de l’intérêt général. S’agissant des dispositions de l’AUSCGIE, leur caractère d’ordre public est énoncé par l’article 2 alinéa 2 qui dispose « Est réputée non écrite toute clause statutaire contraire à une disposition du présent Acte Uniforme ». 341.Cela veut dire que les parties ne peuvent y déroger. À ce titre, leur application à la société commune de la joint-venture institutionnelle est obligatoire d’autant plus qu’il est exigé dans l’Avant-projet que cette forme soit obligatoirement revêtue d’une société commerciale, comme instrument de réalisation du projet commun. Mais encore faudrait-il que les parties à un contrat de joint-venture 288V. KARIM, « L’ordre public en droit économique : Contrats, concurrence, consommation », Les Cahiers de droit, Vol. 40, n°2, 1999, p. 405. 87 institutionnelle en prennent conscience et le prévoient dans la rédaction des statuts du contrat de base afin de se conformer aux dispositions de l’AUSCGIE. 342.Ainsi, il est opportun de voir dans le cadre des règles relatives au montage des joint-ventures, les techniques applicables à la joint-venture contractuelle (Section I) avant de voir les mécanismes sociétaires applicables à la joint-venture institutionnelle (Section II). Section I : les techniques applicables à la joint-venture contractuelle 343.La joint-venture contractuelle, ne créant pas une troisième société qui serait la société commune, reste une collaboration soumise à la volonté des parties. En tant qu’accord de volonté matérialisant un contrat entre les parties, elle est régie par la théorie générale des contrats aussi bien dans la phase précontractuelle que contractuelle. Cela est transposable en droit OHADA pour régir ce montage contractuel. 344.Cependant, l’application du droit commercial général ne peut être méconnue du fait que la jointventure en tant que contrat commercial est aussi soumise au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM) en vue d’informer les tiers de son installation dans l’espace OHADA et de lui donner une identité propre. 345.Sur ce, notre analyse portera sur l’application de la théorie générale des contrats à la joint-venture contractuelle (§ I) mais aussi celle subsidiaire du droit commercial du fait de sa soumission au RCCM (§ II).

la joint-venture contractuelle : un contrat soumis à la théorie générale des contrats

La joint-venture contractuelle est mise en œuvre par la réalisation de plusieurs contrats. Elle relève de la volonté des parties. La doctrine traditionnelle en la matière présente l’accord de coopération comme un contrat cadre ou accord de base. Il fixe les objectifs à atteindre, les droits des parties et le mode de gestion de la coentreprise. 347.C’est dans ce contrat cadre qu’il est aussi prévu les contrats d’exécution encore appelés contrats satellites. C’est la raison pour laquelle en droit belge, le contrat de base s’analyse comme une convention d’actionnaires qui définit le cadre général de la coopération tout en prévoyant certains 88 aménagements contractuels289 . Il s’agit d’accords souvent désignés sous le vocable d’accords satellites ou de contrats d’application qui sont les actes dérivés du contrat de base. Ils sont conclus en vue de la réalisation de l’objet du contrat de joint-venture. 348.Dans l’Avant-projet d’Acte Uniforme relatif à la coentreprise (Joint-venture) de l’OHADA, le contrat de base est un contrat qui détermine le cadre de la collaboration entre deux ou plusieurs entreprises au sein d’une entreprise commune. Ce contrat précise les droits et obligations des parties et définit les principales règles auxquelles seront soumis les accords à conclure dans le futur. Le présent Avant-projet prévoit en son article 11 que « La coentreprise est constituée par un accord dénommé « contrat de base » comprenant notamment la constitution, l’organisation et l’exploitation d’une coentreprise et l’adoption de normes de gestion ainsi que l’obligation de conclure avec la coentreprise des contrats d’exécution nécessaires à l’exercice de ses activités. » Le législateur OHADA précise à l’alinéa 2 de cet article 11 que « Tout accord entre entreprises comportant les obligations ci-dessus est réputé contrat de base d’une coentreprise. ». 349.On peut noter que cette définition n’est pas loin de celle de la doctrine française. Certains auteurs le définissent comme « Un contrat visant à définir les principales règles auxquelles seront soumis des accords à traiter rapidement dans le futur, contrats d’application ou contrats d’exécution.290 ». 350.Le contrat de base étant un acte juridique voire un accord de volonté générateur d’obligations, il s’’identifie par ses éléments constitutifs qui caractérisent l’acte ainsi que les règles fixées par les partenaires dans ledit contrat. En fait, ce sont ces règles prévoyant le mode de gestion et les clauses contractuelles s’appliquant au contrat qui permettent d’encadrer la liberté contractuelle dans l’acte constitutif. 351.Prenant en compte la forme classique du contrat synallagmatique négocié, l’acte constitutif définit les droits et obligations des parties de manière réciproque. Le contrat de joint-venture est ainsi un contrat consensuel. De la négociation à la formation jusqu’à la rupture291, le contrat de joint-venture ne pourrait méconnaitre les règles de la théorie générale des contrats.  Ces processus renvoyant au montage contractuel de la joint-venture seront étudiées de manière plus explicite dans le cadre de l’impact du droit interne des contrats sur le droit OHADA 89 352.Ces actes peuvent être des contrats nommés qui sont généralement réglementés dans toutes les législations, il en est ainsi des contrats classiques tels que le contrat de vente, de prêt, de dépôt. Il peut s’agir aussi de contrats développés par la pratique tels que les contrats de franchise, de distribution ou de crédit-bail. 353.Il faut souligner que le crédit-bail est aujourd’hui réglementé au Sénégal292. Au titre de cette loi, il est défini comme toute opération de location de biens meubles ou immeubles, corporels ou incorporels à usage professionnel, spécialement acquis en vertu de cette location par des entreprises qui en demeurent propriétaires, lorsque cette opération quelle que soit sa dénomination, prévoit à terme la faculté pour le locataire d’acquérir tout ou partie de biens loués, moyennant un prix convenu tenant compte, au moins pour partie, des versements effectués à titre de loyers. 354.Ainsi ces contrats nommés comme innomés servent à la réalisation des objectifs économiques de la joint-venture. Les contrats de cette coopération, bien qu’ils soient indépendants du fait que les parties comme les objets et causes diffèrent, entretiennent des relations étroites. 355.À titre illustratif, un contrat de joint-venture peut impliquer un contrat de vente, un contrat de distribution ou autres, leur objet diffère mais ils ont le commun vouloir de la réalisation du projet de joint-venture. En effet, ce sont les contrats d’exécution qui servent les moyens de la jointventure. 356.Ce schéma contractuel créé par la pratique des affaires, est qualifié d’ensemble contractuel. Le contrat de base s’analyse en un contrat principal qui définit l’existence et le contenu des contrats d’exécution293. En somme, il faut retenir qu’à la base de toute joint-venture contractuelle, il y a un contrat cadre et des contrats d’application, l’ensemble reposant sur la liberté contractuelle. 357.De ce fait, il faudra l’envisager ainsi en droit OHADA. À l’heure actuelle, bien qu’il n’existe pas un Acte Uniforme relatif au droit des contrats, la joint-venture contractuelle reste praticable en droit OHADA, car ce dernier intègre le jargon juridique de ses États membres en opérant des renvois au droit interne qui régit la théorie générale des contrats. En effet, le droit OHADA ne saurait évoluer en vase clos.  Cependant, l’OHADA a pour ambition d’unifier progressivement les législations et ce, de manière générale en droit des affaires. Elle a pour objet d’élaborer et d’adopter des règles communes, simples, modernes et adaptées à la situation des économies de l’ensemble des Etats parties294 . C’est dans cette optique qu’un avant-projet d’Acte Uniforme relatif au droit des contrats a été rédigé par le Professeur Michel Fontaine. Ce processus d’uniformisation du droit des contrats aurait pu permettre de régler toutes les questions relatives au droit des contrats et de manière subsidiaire celles relatives à la joint-venture surtout celle contractuelle. Malheureusement, cet avant-projet qui pourrait régler toutes ces difficultés demeure en veille. 359. C’est ainsi qu’une réglementation sur les contrats d’affaires a été envisagé au niveau de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires295 . 360. Ce projet de réglementation est salutaire car la joint-venture est tout d’abord un contrat d’affaire mais elle entre aussi dans le domaine de compétence de l’OHADA qui est le droit des affaires296 . En dehors de sa soumission à la théorie générale des contrats, il faudrait aussi préciser qu’elle nécessite un enregistrement au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier réglementé par l’Acte Uniforme relatif au Droit Commercial Général (AUDCG). §II : la joint-venture contractuelle : un contrat soumis au RCCM 361. L’article 12 alinéa 2 de l’Avant-projet relatif à la coentreprise (Joint-venture) dispose « la coentreprise contractuelle n’est opposable aux tiers qu’à compter de l’enregistrement du contrat de base au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier conformément aux dispositions de l’Acte Uniforme portant droit commercial général ». L’enregistrement du contrat de base au RCCM est donc essentiel pour l’efficacité de la joint-venture contractuelle à l’égard des tiers. 362. Nous pensons qu’il serait important d’élucider cette procédure du fait que l’inscription du contrat de base au RCCM n’est pas prévue par l’Acte Uniforme relatif au droit commercial général. Ce dernier ne mentionne d’ailleurs dans aucune disposition les contrats de joint-venture, d’où l’importance de prévoir la procédure d’enregistrement dans les dispositions de l’Acte Uniforme relatif à la coentreprise à l’avenir. 363. Pour cela, il suffit de se référer aux dispositions de l’AUDCG qui sont afférentes à l’inscription du contrat de crédit de bail ainsi qu’à celles relatives au Registre du commerce et du Crédit Mobilier. 364. Nous souhaitons que l’enregistrement ait un caractère obligatoire. Cela renforcerait davantage l’efficacité du contrat de joint-venture contractuelle mais, il jouerait aussi un rôle important en matière de preuve. De même, ce caractère obligatoire aura un impact sur les conséquences que l’enregistrement produit. 365. Cela dit, il convient de mettre l’accent sur l’obligation de l’enregistrement du contrat de base au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (A) avant de voir les effets de l’enregistrement du contrat de base en matière de joint-venture contractuelle (B). A) L’enregistrement obligatoire du contrat de base au RCCM 366. L’enregistrement du contrat de base au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier se justifie à travers l’article 35 de l’Acte Uniforme portant droit commercial général. En effet, selon les dispositions de cet article : « Le registre du commerce et du crédit mobilier a pour objet : 92 – de recevoir le dépôt des actes et pièces et mentionner les informations prévues par les dispositions du présent Acte Uniforme, par celles de l’Acte Uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises et par toute autre disposition légale297 ; – de délivrer, à toute époque, les documents nécessaires pour établir l’exécution par les assujettis des formalités prévues par les Actes uniformes et par toute autre disposition légale298 . 367. Au regard des dispositions précitées de l’article 35 de l’AUDCG, on note un élargissement du champ d’application du RCCM. En fait, lorsque le législateur de l’AUDCG prévoit à l’égard du RCCM, la mission de recevoir le dépôt des actes et pièces et mentionner les informations prévues par « toute autre disposition légale », il donne la possibilité aux acteurs économiques de faire enregistrer leurs actes s’il est prévu par une disposition légale. De surcroît, le législateur de l’AUDCG ne précise pas si cette disposition légale doit être une disposition relative à un autre Acte Uniforme ou à une disposition nationale, ce qui nous conduit à croire dans l’hypothèse où nous sommes que les coentrepreneurs d’une joint-venture contractuelle peuvent enregistrer leur contrat de base au RCCM conformément à l’article 35 de l’AUDCG alinéa 3. 368. Le Registre du Commerce et du Crédit Mobilier sera tenu de délivrer les documents nécessaires, attestant l’enregistrement du contrat, conformément à l’article 35 alinéa 9 de l’AUDCG et l’article 12 de l’Avant-projet relatif à la coentreprise qui fait d’eux des assujettis à l’obligation d’enregistrement. De ce fait, les coentrepreneurs doivent suivre la procédure d’enregistrement prévue par l’AUDCG pour accomplir les formalités. 369. Le Registre du Commerce et du Crédit Mobilier bénéficie d’une organisation qui est très importante pour l’accomplissement des formalités. Ainsi, il existe trois (3) fichiers qui sont destinés à recueillir les inscriptions sur le registre du commerce et du crédit mobilier. Nous avons le fichier local, le fichier national et le fichier régional299. Le fichier national a pour rôle de centraliser les renseignements et informations consignés dans chaque registre du commerce et du crédit mobilier. Il est tenu dans chaque État partie par la juridiction compétente ou par l’organe compétent, ce qui fait que le greffe300 n’est pas le seul à être habilité à tenir le registre. Dans les pays qui sont dotés de tribunaux de commerce, nous estimons que le registre du commerce et du crédit mobilier doit être tenu par le greffe du tribunal de commerce et des chambres commerciales d’appel301 . 370. Quant au fichier régional, il centralise les renseignements consignés dans le fichier national de chaque État partie et est tenu auprès de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage. Au regard de ce fichier national, on pourrait avoir des renseignements sur les joint-ventures contractuelles qui s’installeront dans l’espace OHADA. Au-delà de l’inscription initiale qui renvoie au premier enregistrement, les coventurers auront la possibilité de procéder à des inscriptions ultérieures. Ces inscriptions ultérieures renvoient aux modifications que les parties veulent opérer, aux données complémentaires renforçant l’inscription initiale ainsi qu’au renouvellement d’inscription ou de radiation. Cette dernière, comme l’inscription, est obligatoire. Au cas où la coentreprise contractuelle cesse son activité, les coentrepreneurs doivent en faire part au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier par une déclaration de cessation d’activité afin que la coentreprise soit rayée sur le RCCM. 

Table des matières

INTRODUCTION
Première Partie : Les joint-ventures en droit OHADA : une reconnaissance juridique possible
TITRE I : Une technique conforme aux objectifs de l’OHADA
Chapitre I : La consécration : un moyen de pérenniser les ressources naturelles pour le développement des États membres
Chapitre II : La consécration : un moyen de promouvoir les investissements pour le développement des États membres
Titre II : Une technique praticable en droit OHADA
Chapitre I : les règles de mise en œuvre du montage
Chapitre II : les règles de gestion des différends en joint-venture
Deuxième partie : Les joint-ventures en droit OHADA : une difficile gestation d’un droit uniforme
Titre I : L’influence des législations internes
Chapitre I : L’impact du droit des contrats
Chapitre II : L’impact du droit du travail
Titre II : La présence de divers ordres juridiques dans l’espace OHADA, un risque de conflits
Chapitre I : L’influence des ordres juridiques communautaires
Chapitre II : Les risques des conflits
Conclusion Générale

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