LA RELATION CONSULTANT-CLIENT

LA RELATION CONSULTANT-CLIENT

Ainsi que le mentionne Bordeleau dans sa définition-synthèse, chaque situation d’intervention dans une entreprise est caractérisée par un problème technique et par l’interaction qui existe entre les individus concernés. Cependant, le consultant a souvent tendance à accorder plus d’attention à l’aspect technique du problème, au détriment des processus humains qui conditionnent la relation. Or, La mission de conseil externe est très largement déterminée par la relation consultant-client. Les relations humaines qui   établissent dès le début de la mission de conseil ont donc une grande importance : si elles sont mauvaises, les techniques, la compétence et lexpérience du consultant ne seront d 1 aucune utilitél . On peut se questionner sur la nature de cette relation entre le consultant et son client : quelle forme de relation assurera les meilleurs résultats à l’intervention? Quelles en sont les caractéristiques et les conditions?

LA RELATION CONSULTANT-CLIENT

Pour la majorité des auteurs, une relation efficace est une relation coopérative. Les carbeau, Payette et St-Arnaud définissent ainsi la relation coopérative : Une relation coopérative existe lorsque les trois conditions suivantes sont réunies 1) les partenaires se concertent dans la poursuite de cibles communes; 2) les partenaires se reconnaissent mutuellement un champ de compétence par rapport aux objectifs poursuivis; 3) il y a un équilibre du pouvoir, chacun exerçant une influence sur son partenaire en fonction de son champ de compétence2. D’Ambroise et Plante suggèrent qu’une relation de collaboration entre le consultant et le dirigeant de PME implique l’établissement d’une communication fructueuse, continue et à double sens pour la compréhension des opportunités et des contraintes avec lesquelles chacun doit composer. Cette relation prend en compte la logique propre à chacun des partenaires et permet un enrichissement réciproque. Pour ces auteurs, la compréhension mutuelle est toujours à la base d’une relation profitable entre des personnes possédant des intérêts différents et des manières différentes de conduire leurs activités quotidiennes. «Des rapports donnant-donnant rendront la relation chercheurdirigeant plus équitable et possiblement plus viable à long terme4». Comme nous l’avons vu, la relation consultant-client doit permettre l’implication du client dans le processus de consultation. Bordeleau estime 9 qu’il est très important que le client chemine avec le conseillerS. Les auteurs en recherche-action font même de l’implication du client une condition essen ti elle : Cette interaction des chercheurs et des acteurs permettra la cueillette de données plus pertinentes à la problématique et l’élaboration de théories plus adaptées au monde de 1 ‘action6. La notion d’implication du conseiller joue aussi pour plusieurs un rôle central dans la pratique de la consultation. Dans un contexte de recherche action par exemple, l’implication du chercheur est une donnée de départ : «Qu’il le veuille ou non, le chercheur est impliqué dans la recherche aux niveaux psycho-affectif, historico-existentiel et structuro-professionnel. Sa recherche commence par la reconnaissance de cette implication». Prévost et Amegan disent encore : En recherche-action, le chercheur ne s’y conçoit plus uniquement comme un observateur des phénomènes mais il devient conscient d’être un «intervenant» dans le processus même de ‘actions. Le chercheur est amené à s’engager non seulement intellectuellement, mais également affectivement et socialement, c’est..:à-dire avec ses valeurs, ses idéologies, ses croyances et tout son être ( … ). Le chercheur ne peut donc prétendre à la neutralité : y prétentre serait un leurre9• La relation coopérative se présente donc comme une relation où les deux partenaires manifestent confiance en l’autre, ouverture à autrui et compréhension mutuelle. Elle se fonde sur l’implication des deux parties dans 10 l’intervention et cette implication est à la fois intellectuelle et émotive. Voilà donc pour les principales caractéristiques de la relation coopérative. Qu’en estil maintenant des moyens d’obtenir une telle relation?

 LA RELATION CONSULTANT-CLIENT ET LE SAVOIR-FAIRE 

Si les auteurs restent plutôt vagues dans leurs définitions d’une relation coopérative, ils sont un peu plus loquaces lorsqu’il s’agit de soumettre des moyens d’établir une telle relation. La liste des techniques à mettre en oeuvre pourrait être très longue; aussi nous contenterons-nous de présenter les plus usuelles. D’Ambroise et PlantelO identifient par exemple les stratégies suivantes : -faire un effort sincère pour gagner l’estime, le respect et la confiance du client; -assurer une rétroaction ponctuelle au client; -créer un climat de confiance; -trouver des points d’entente, malgré les mentalités très différentes du consultant et du client. Dans son Guide pour la professionll, le Bureau International du travail suggère quant à lui des moyens plus concrets: -définition conjointe du problème par le consultant et le client;-contacts personnels et écrits fréquents et réguliers; -attitude réceptive du conseiller: patience, modestie, professionnalisme. D’autres auteurs considèrent que c’est par la gestion du processus de consultation lui-même que le consultant établit avec son client une relation coopérative. Ainsi, Lescarbeau et a1.12 proposent au consultant de franchir les étapes suivantes qui, comme on le verra, mettent l’accent sur la participation conjointe du consultant et du client à toutes les phases de l’intervention : L’entrée: Le contrat: Le recadrage (diagnostic): La planification : L’implantation : La terminaison : prendre contact avec le client et décider conjointement de la pertinence de formuler un projet d’intervention. consolider la relation en apprenant à se connaître et à se faire confiance lors de la négociation de l’entente mutuelle. s’entendre sur une formulation du problème et sur les procédés de changement. s’entendre sur un plan d’action. procéder aux changements avec l’organisationcliente. évaluer l’intervention et la relation obtenue. 

LA RELATION CONSULTANT-CLIENT ET LE SA VOIR-ETRE

 Notre expérience personnelle nous a cependant démontré que la connaissance et la mise en oeuvre de ces moyens ne garantissaient pas l’établissement d’une relation coopérative. Même si on applique un processus reconnu d’intervention, même si on veut bien adopter une attitude réceptive et confiante envers le client, on ne parvient pas nécessairement à établir cette relation idéale dont parlent les auteurs. Laurent Bélanger confirme d’ailleurs cette situation : En rattachant la notion de savoir-être à celle de développement des organisations, nous voulons mettre de l’avant l’idée selon laquelle la réussite d’un programme de développement organisationnel repose en grande partie sur la qualité de la relation qui s’établit et se développe entre l’intervenant et l’organisation de travail qui a retenu ses services. En d’autres termes, nous voulons démontrer qu’un intervenant en développement organisationnel ne peut se baser uniquement sur un savoir – c’est-à-dire des connaissances approfondies en sciences du comportement et en sciences de la gestion – et un savoir-faire – c’est-à dire des capacités de concevoir et d’utiliser des instruments de prise de conscience, de diagnostic, de planification de changements. Il doit surtout faire appel à une aptitude qui demeure imprécise dans sa définition et qu’on qualifie de savoir-être – c’est-à-dire une aptitude à établir et à maintenir une cohérence entre ce qu’on manifeste extérieurement et ce qu’on vit ou ce qu’on ressent dans une situation donnée13. Bélanger affirme en somme que la qualité de la relation consultantclient dépend de facteurs personnels au consultant. En introduisant la notion de savoir-être, cet auteur ouvre une porte sur tout le domaine intime du 13 consultant, sur son intériorité. Nombreux sont d’ailleurs les auteurs qui réfèrent aux facteurs personnels à l’individu lorsqu’ils traitent des difficultés de la relation consultant-client. Bordeleau par exemple affirme que «ce type de relation est beaucoup plus complexe et, comme toute relation humaine, est empreinte de sentiments, de réactions affectives, de perceptions subjectives ». Le chercheur et l’acteur entrent dans une dynamique complexe où les perceptions, opinions, attitudes, préjugés, comportements verbaux et non verbaux, apparence physique de chacun forment une entité subjective qui influence autant l’une ou 1 ‘autre de ses parties. C’est à partir de cette dynamique que s’établit la relation qui va déterminer la valeur de l’ entrevue . Lescarbeau et al. affirment pour leur part que «la rencontre de plusieurs partenaires est un lieu où s’entrecroisent des besoins de toutes sortes, des traits de personnalité très variés, des intérêts et des valeurs souvent divergents ». Ces auteurs poursuivent : Tout dialogue est implicitement influencé par un ensemble de valeurs que l’on adopte concernant le développement d’une personne, les relations interpersonnelles, la vie en groupe, les organisations ou la vie en société. L’identification de ces valeurs est importante car c’est souvent à ce niveau que naissent les rivalités, les conflits de personnalité ou les simples malentendus pendant une intervention  Bercovitz ajoute à cette liste de facteurs personnels influant sur l’intervention : L’une des questions essentielles est celle des enjeux du conseiller : les gratifications qu’il recherche, ses valeurs, ses choix, ses propres peurs, sa tolérance à l’angoisse des autres, aux conflits, ses investissements affectifs et idéologiques dans son métier, les revanches qu’il a à prendre, son désir de reconnaissance, son besoin de marginalifé. Citons encore une fois Bélanger qui souligne l’effet souvent inconscient de ces aspects : À la limite, il faut se rendre compte qu’un agent de changement au cours de son intervention dans une organisation, consciemment ou à son insu, est porteur d’un modèle de développement personnel véhiculant une conception du bon fonctionnement de la personne. Cette constatation nous incite à traiter du développement des organisations non seulement dans une perspective intellectuelle, mais surtout affective ( … ). Le caractère inconscient des aspects personnels du consultant ne leur enlève toutefois pas leur influence, comme le fait remarquer Claude Paquette: Admettre que l’acte d’intervenir est subjectif ne lui enlève pas la rigueur qui peut s’avérer nécessaire. Cela peut nous inviter à la prudence dans nos rapports avec les commettants. Notre influence peut être excessivement grande. Par le fait même cela peut nous faire ressentir l’importance de mieux nous connaître pour arriver à mieux nommer les influences que nous avons dans nos rapports avec le commettant . Sentiments, perceptions, valeurs, besoins, intérêts, traits de personnalité, cohérence entre le vécu et le manifeste, sont autant de concepts que les auteurs  associent au savoir-être. Mais si tous les auteurs consultés confirment l’intervention de facteurs individuels dans la relation qu’entretient le consultant avec son client, ils ne nous donnent que très peu de précisions sur leur mode d’influence. La plupart se contentent de mentionner cet aspect de la relation et s’empressent de livrer au lecteur un savoir-faire, c’est-à-dire des moyens et techniques permettant d’obtenir une bonne relation, comme les étapes d’un processus de consultation par exemple. li est vrai que discuter du domaine des émotions et des sentiments, de la vie intérieure de l’intervenant, peut pour certains friser l’ésotérisme. Les valeurs, les perceptions, toutes ces notions abstraites peuvent paraître très peu utilisables pour les chercheurs habitués à analyser des faits tangibles, comme c’est souvent le cas en administration. D’ailleurs, d’autres disciplines se sont chargées d’expliquer la nature humaine : la psycholologie, la sociologie, l’anthropologie, pour ne nommer que celles-là. Pourtant, les sciences de la gestion reconnaissent de plus en plus l’importance du phénomène humain dans les organisations; on n’a qu’à donner en exemple le cours de comportement organisationnel qui figure à la liste des cours obligatoires pour l’obtention d’un diplôme universitaire en administration. Connaître la nature humaine et se connaître soi-même est devenu un impératif, comme le souligne si bien Nicole Côté : Il importe donc que le gestionnaire, qui se trouve en interaction fréquente avec d’autres personnes, soit bien au fait du fonctionnement des personnes, de leurs possibilités et de leurs limites. De plus, le gestionnaire doit utiliser, dans ses relations avec les autres personnes, l’outil très important qu’est sa personnalité. Ainsi, celui qui veut être bien et productif dans un poste de gestion a besoin non seulement d’acquérir des connaissances sur la personnalité humaine en général, mais également de bien se connaître lui-même .  Si cette connaissance de soi et des autres est nécessaire au gestionnaire, elle l’est tout autant, sinon plus, pour le consultant qui, en un court laps de temps, doit établir avec son client une relation efficace. Pour lui, aucune reprise possible : une mauvaise relation avec le client signifie l’échec de l’intervention.

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