L’absence de réelles séparations

L’absence de réelles séparations.

Cette partie a pour but de montrer que dans les usages, il n’existe pas ou peu de coupures entre Tours et Saint-Pierre-Des-Corps. En effet, il y a un décalage entre les représentations et les pratiques quotidiennes des habitants. De plus, la création de la communauté d’agglomération permet d’assoir une tendance à la coopération entre les deux villes notamment au niveau des projets portés par cette structure. Dans le cadre de notre étude de l’interterritoire entre Tours et Saint-Pierre-des-Corps, nous avons cherché à observer les pratiques aux abords de la limite communale et des gares pour savoir si ces dernières étaient influencées par la présence proche d’une commune voisine et par conséquent d’une limite administrative établie. Pour cela, nous avons réalisées plusieurs études sur le terrain, comme une période d’imprégnation, un cycle de 24h entier et d’autres périodes plus courtes d’observations (Cf. Partie Méthode d’analyse de l’interterritoire Tours / Saint-Pierre-des-Corps). Nous débutions généralement nos études de terrain en nous rendant au Point Zéro, qui apparaissait alors comme l’évidence de l’interterritoire, soit un espace doté d’un contenu et dont la localisation sur l’une ou l’autre commune ne paraît pas clairement établie. L’ordre des espaces décrits dans cette partie résulte de notre cheminement au sein de l’interterritoire lors de nos phases d’observations. Nous avons pris le parti de les présenter ainsi afin de rendre compte de l’interterritoire tel que nous l’avons observé. L’espace sous l’autoroute : D’après nos observations, il s’agit surtout d’un espace de passage et de parking pour les ouvriers du technicentre mais nous avons également remarqué des traces d’autres usages que celui de passage. Nous avons par exemple observé des traces de feux, des bouteilles d’alcool vides, des préservatifs usagés, des tags etc. Il ne s’agit pas de pratiques que nous avons pu voir pendant ces 24h mais ces traces laissent présager de leur existence. Nous avons également pu voir des usages caractéristiques d’endroits délaissés et à l’abri des regards extérieurs comme des personnes urinant à cet endroit, des dépôts sauvages d’encombrants ou encore une personne s’arrêtant pour vomir. Ces différentes observations nous montrent que l’espace sous l’autoroute, le « Point Zéro », peut ressembler par moment à un espace délaissé, d’entre-deux voire même de « non-droit ». Nous nous sommes alors posé une question dans le cadre de notre étude : est-ce que ces caractéristiques sont le résultat de la position du Point Zéro à la limite communale.

En plus de ces pratiques et des interrogations qu’elles soulèvent, nous avons pu observer des activités ponctuelles dans cet endroit. Ainsi, il existe une « géocache » au niveau du Point Zéro, une pièce d’un jeu de piste urbain décrit sur le site Internet comme étant placé spécifiquement dans cet espace, qualifié par l’ANPU comme le « point de départ d’une spirale de réconciliation urbaine universelle » (Agence Nationale de Psychanalyse Urbaine, 2009). En dehors du cadre de l’étude sur 24h du terrain, nous avons pu également assister à un évènement ponctuel nommé le « Caravanserail » et orchestré par le pOlau. Il y a donc une partie des usages qui sont directement engendrés par la force que le pOlau et l’ANPU ont attribué à cet espace en créant le Point Zéro. Cette identité supplémentaire, qui n’est malgré tout pas sans lien avec la position du Point Zéro à la limite communale, participe à la formation de pratiques plus artistiques ou récréatives. Pont du Milieu : Ce point de passage caractérise la continuité de l’espace urbain entre les deux villes. Il s’agit d’un pont de perméabilité de l’autoroute au centre de l’espace entre Loire et Cher. Il n’y a que peu de passage, à la manière d’une rue de quartier résidentiel avec des écoliers qui traversent, des passages sensiblement égaux de part et d’autre, etc. Nous avons identifié peu de différences dans les formes urbaines, ou dans les catégories sociales « ressenties » comme a pu nous le dire une personne lors des 24h. Ce pont est revenu plusieurs fois comme faisant lien entre les deux communes mais également comme le marqueur de leur différenciation (d’un côté nous sommes à Tours et de l’autre à Saint-Pierre-des-Corps). Ainsi, le pont du Milieu illustre parfaitement notre Nous pouvons penser que pendant les saisons plus clémentes, le nombre de personnes sur le lieu et les pratiques évoluent légèrement. Cependant, la façon dont cette zone est aménagée et utilisée montre que la voiture est clairement privilégiée. Ainsi, même si nous pouvons trouver certaines différences dans les formes urbaines ou dans le traitement des quais87, cet espace à la croisée de la Loire et de la limite communale est un point de perméabilité entre les deux communes. Cette perméabilité se ressent d’ailleurs dans les dires de la gérante du bar-tabac situé à proximité de la limite communale, côté Saint-Pierre-des-Corps, nous confiant qu’il y avait surtout des ouvriers dans son bar mais qu’ils n’étaient pas tous corpopétrussiens, des tourangeaux viennent également dans cet endroit. Ainsi, malgré quelques différences physiques, les pratiques sont communes.

Les espaces résidentiels proches de l’autoroute (quartier Velpeau à Tours et Vieux-Saint- Pierre à Saint-Pierre-des-Corps) : Dans les pratiques, ces espaces ont la particularité de ne pas être en mouvement, surtout la nuit. L’absence d’usages et d’activités n’a pas été une surprise dans le sens où ces espaces sont essentiellement des « dortoirs » de chaque ville mais la symétrie des deux communes sur cet aspect a renforcé notre sentiment de continuité. Nous pouvons malgré tout noter la présence du bar à hôtesses L’interdit qui n’est pas le genre d’établissement que nous nous attendions à trouver dans un quartier plutôt résidentiel. Ceci renforce l’idée d’un interterritoire de confins plus permissif. Les voies SNCF : Si une frontière urbaine, une limite entre plusieurs espaces, nous parait davantage ressortir, presque par rapport à l’autoroute, il s’agirait certainement plus de cet ouvrage. Les voies de chemin de fer constituent une limite franche sur toute leur longueur. En terme de perméabilité, cet ouvrage est difficile à franchir avec des points de traversées qui sont désagréables (les passages sous les voies au niveau du Point Zéro) ou mal entretenues, comme la passerelle Fournier entre le quartier du Sanitas et le quartier Velpeau à Tours, qui doit être rénovée depuis longtemps (la création d’une nouvelle passerelle est prévue pour 2015 selon le site Internet de la ville de Tours). Les espaces de part et d’autres de ces voies produisent également de la différenciation avec notamment le changement d’ambiance (éclairage, végétation) et d’usages sous l’autoroute (parking pour camion au sud et pour voiture au nord). flux massifs lors des arrivées ou des départs des employés du technicentre de Saint-Pierre-des-Corps par exemple (8H, 16H) ou encore des moments où le parking est plein, mais les flux de véhicules restent très faibles (10H, 15H). Ces mouvements hachés et réguliers pendant la journée entière nous amènent à l’idée d’une respiration de cet endroit, qui se gonfle et se dégonfle au rythme des flux domicile – travail. Cette respiration se retrouve à plus ou moins grande échelle sur les bords de Loire, aux Atlantes et dans toute la ville. Nos observations rejoignent le constat général fait par Luc Gwiazdzinski sur les villes : « certains espaces s’animent, d’autres s’éteignent, certains se vident alors que d’autres s’emplissent, certains ouvrent alors que d’autres fonctionnent en continu. Dans la même journée, les villes attirent et expulsent les hommes et les femmes venues pour leur travail, leurs études, leurs achats ou leurs loisirs » (Gwiazdzinski, 1996). En partant de ce fait, nous pouvons appréhender une nouvelle dimension temporelle et cyclique de l’interterritoire.

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