L’animation territoriale de l’AICT Éducation à la Citoyenneté Mondiale et dynamiques événementielles

L’animation territoriale de l’AICT Éducation à la Citoyenneté Mondiale et dynamiques événementielles

L’Éducation à la Citoyenneté Mondiale : faire évoluer les comportements et les pratiques et légitimer l’AICT

Jean-Pierre Elong Mbassi évoque le rôle de l’éducation dans la prise de conscience de l’interdépendance croissante entre les communautés humaines. Il aborde alors l’éducation à la solidarité comme étant un outil visant au changement de vision du « Nord » sur la coopération décentralisée. Ce changement, d’une dimension humanitaire, charitable et compassionnelle envers les collectivités du Sud, vers une dimension de responsabilisation, passe par la compréhension des mécanismes d’exploitation des populations du sud dans le commerce international291 . Cet enjeu de responsabilisation est central dans l’Éducation à la Citoyenneté Mondiale (ECM), démarche portée par les collectivités territoriales ou par les acteurs locaux (le plus souvent associatifs) impliqués dans le domaine de la coopération internationale. Selon les différentes définitions qui lui sont attribuées, l’ECM vise tout à tour à amorcer une réflexion analytique et critique sur les relations entre le Nord et le Sud292 , à provoquer des changements de valeurs293 , ou encore à éduquer les citoyens afin d’éveiller leur esprit critique sur les causes et les effets des inégalités entre les pays du « Nord » et les pays du « Sud » pour qu’ils s’engagent dans la construction d’un monde « plus solidaire et durable294 ». Nous aborderons ici l’Éducation à la Citoyenneté Mondiale sous deux angles : son rôle en tant qu’outil de sensibilisation et d’ouverture au monde et la dimension stratégique qu’elle revêt pour les collectivités territoriales du point de vue de la légitimation de leurs politiques internationales.

 L’ECM : une démarche pour faire évoluer les comportements et les pratiques

Le terme d’Éducation à la Citoyenneté Mondiale (ECM) remplace de plus en plus fréquemment celui, plus classique d’Éducation au Développement (EAD), ou Éducation au Développement et à la Solidarité Internationale (EAD-SI). Il est préféré à ces derniers car il se distancie de la notion de « développement », qui comme nous l’avons vu en introduction, peut être connotée négativement. De plus, il dépasse une dimension « Nord/Sud » réductrice. Dans le sillage du constat formulé par le Conseil Économique Social et Environnemental à propos du manque de débat sur la « mondialisation sociale » évoqué précédemment,295 l’Éducation à la Citoyenneté Mondiale vise à développer l’écoute mutuelle et l’esprit critique des habitants sur les questions internationales. Elle peut par exemple encourager une prise de conscience sur les inégalités mondiales et aider le public à en comprendre les mécanismes. Pour ce faire, l’ECM peut revêtir une multitude de formes sur les territoires et s’adresser à tous types de publics. Le tableau 13 apporte des informations sur les acteurs et les cibles de ces actions. Il expose également le type d’outils mis en place et les principaux espaces d’application sur les territoires.Si on identifie plusieurs acteurs potentiellement porteurs de démarches d’Éducation à la Citoyenneté Mondiale (collectivités territoriales, associations de solidarité internationale, établissements scolaires), celle-ci répond d’un savoir-faire spécifique principalement portée par des associations spécialisées. Elles-mêmes sont structurées en réseaux296 et proposent de manière plus ou moins ponctuelle aux habitants et avant tout aux jeunes, diverses formes d’animation et de sensibilisation. Ces animations se déclinent par la mise en place dans divers lieux publics, d’ateliers pédagogiques, d’expositions, de conférences-débats, de jeux thématiques, de marchés solidaires, etc. Il peut également s’agir de formations au montage de projet à destination des associations de solidarité internationale, afin de les ider à tendre vers des pratiques plus responsables et à dépasser par exemple le stade du don dans les actions de coopération internationale, comme nous l’avons vu précédemment. « C’est tout un travail de changement de mentalités qu’il est nécessaire de mener […]. L’objectif est d’encourager les comportements éthiques au Nord, notamment une façon de penser plus globalement et une responsabilité vis-à-vis de la durabilité […]297 ». Le planisphère inversé (figure 26) est un outil parfois utilisé par les acteurs de l’Éducation à la Citoyenneté Mondiale pour déconstruire les représentations d’un occident « centre du monde ». Il permet de créer du débat autour des choix de représentations cartographiques à l’échelle mondiale, qui, comme le rappelle la géographe Karine Hurel, sont reconnus comme des actes importants de la construction de l’image.

L’ECM : un outil de légitimation de la coopération décentralisée

L’Éducation à la Citoyenneté Mondiale et la coopération décentralisée « s’alimentent » réciproquement. Dans certains services des relations internationales de grandes collectivités territoriales, des professionnels sont dédiés exclusivement au soutien et à l’accompagnement des associations et à l’ECM. En sensibilisant les habitants et les acteurs des territoires aux inégalités et à leurs mécanismes, mais également en déconstruisant les idées reçues et les représentations négatives qu’ils peuvent avoir en direction de certaines parties du monde, l’ECM peut permettre de vulgariser les actions de coopération décentralisée et de donner aux citoyens les ressources nécessaires pour en comprendre l’intérêt. L’usage de l’action de coopération pour sensibiliser les habitants peut ainsi constituer une première étape de justification de leur intérêt local. « L’action internationale doit être un médiateur face au traumatisme de l’opinion publique sur le mondialisation302» résume un élu local. L’ECM améliore l’ancrage local de l’AICT, qui constitue un enjeu fondamental en termes de visibilité pour les collectivités territoriales lorsque la majeure partie des activités sont menées à l’international, et permet ainsi de « défendre les actions de coopération décentralisée303 ». La photographie 2 illustre l’une des formes que peuvent prendre les actions d’Éducation à la Citoyenneté Mondiale. Il s’agit ici d’une conférence-débat organisée en 2011 par la Ville de Cergy, la Communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise et l’Ecole Supérieure d’Agro-Développement International (ISTOM) sur le thème « les interdépendances Nord-Sud à l’heure de la crise environnementale : comment repenser le développement ici et là-bas ? ». Cette rencontre a marqué le début d’un cycle de conférences mis en place par ces trois acteurs afin d’aborder des enjeux locaux et globaux. En proposant, chaque année lors de ces conférences, l’intervention d’un acteur thiessois304 , ces initiatives visent également à faire connaître la coopération décentralisée auprès du grand public. Leurs impacts sont principalement observables au niveau des étudiants de l’ISTOM qui participent massivement à ces débats (qui intègrent leurs programmes de formation). Ils sont en revanche à nuancer pour ce qui est du grand public, qui – nous verrons que c’est un constat encore fréquent dans ce type de rencontre – s’y intéresse encore peu. Parmi les critères des soutiens financiers des projets de coopération menés à l’international, les associations locales sont fortement invitées à détailler leurs impacts sur les territoires et notamment la démarche d’ECM menée localement. De la même manière, si nous avons vu qu’il n’a pas toujours incité les collectivités territoriales à formuler l’intérêt local de leur action internationale, le Ministère des Affaires Étrangères leur demande, depuis plusieurs années, de détailler les actions menées dans le cadre de l’ECM via les formulaires de demande de soutien à la coopération décentralisée. 

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