Le marché, les services publics, les monopoles et l’intervention de l’Etat

Le marché, les services publics, les monopoles et l’intervention de l’Etat

Walras (1874-7, EEPP : 38)1 reprend à son compte l’idée de Blanqui, l’économie politique est, à la fois, l’exposition de ce qui est et le programme de ce qui devrait être. Pour réaliser ce projet, il faut, d’abord, établir les propriétés de l’équilibre concurrentiel. Évoquant l’origine de sa théorie économique, Walras raconte qu’après la publication, en 1860, de L’économie politique et la justice, il en adressa un exemplaire à Lambert-Bey, un Saint- Simonien, avec lequel il était en relation. Quand il lui rendit visite, Lambert-Bey lui fit observer que si la libre concurrence permet de déterminer les prix et les quantités échangées, les économistes n’avaient pas démontré que ces quantités et ces prix étaient les meilleurs possibles. Walras chercha à écarter l’objection mais en vain. « Je n’avais pas achevé de descendre l’escalier que je m’étais avoué à moi-même qu’il avait raison… et enfin je m’en allai en disant : “Évidemment, il faudrait prouver que la libre-concurrence procure le maximum d’utilité.” » (Walras, 1898a, EEPA : 419)

Rétrospectivement, la position que développa Walras sur ce point est tout à fait spécifique. Il reconnaît explicitement (Ibid. : 426) qu’il reprend, dans ce domaine, une thèse que les premiers économistes avaient énoncée sans pouvoir la démontrer : « la libre concurrence est, dans certaines limites, un mécanisme automoteur et autorégulateur de la production de richesses. » En particulier, on retrouve l’idée centrale que Smith évoquait en écrivant que les prix de marché gravitent autour des prix naturels : la mobilité des travailleurs et des capitaux permet d’adapter la structure de la production à la demande. L’introduction de la notion d’utilité marginale apparaît comme un moyen de surmonter les difficultés auxquelles Smith s’était heurté quand il avait voulu démontrer que le mécanisme de marché permet aux hommes de jouir de la plus grande richesse possible. Mais, il reste à interpréter ce qui peut nous apparaître aujourd’hui comme un échec. Si Walras, dans sa préface à la seconde édition (1889) des Éléments d’économie politique pure, cite Mathematical Psychics, il ne semble tirer, en dépit de sa correspondance avec Edgeworth au sujet de son théorème de l’utilité maximum des capitaux neufs, aucun enseignement de l’œuvre de Edgeworth et, en particulier, de la construction de la courbe des contrats. Il essaie de prouver que la libre concurrence permet aux hommes d’obtenir la plus grande satisfaction de leurs besoins mais il n’explique jamais dans quel sens on peut dire que l’équilibre concurrentiel est une situation optimale.

Quand Walras tire de son analyse des propriétés de l’équilibre les raisons d’une intervention de l’État, la façon dont il définit les services publics attire l’attention. Pour lui, ce sont des biens qui intéressent les hommes non en tant qu’individus mais comme membres de la communauté ou de l’État. La difficulté est comparable à celle que nous venons d’évoquer en parlant de l’optimalité de l’équilibre. On a, aujourd’hui, l’habitude de s’appuyer, dans ce domaine, sur la notion de bien collectif telle qu’elle fut développée par Bowen (1943) et Samuelson (1954, 1955, 1958). Le rapport entre biens collectifs et services publics n’est pas évident et suscite d’autant plus la curiosité que les analyses de Bowen et de Samuelson trouvent leur origine dans les travaux d’économistes comme Ugo Mazzola (1890).

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