Le modèle et l’écologie du système

Le modèle et l’écologie du système

Dans ce chapitre, les résultats du modèle sont analysés sous une perspective écologique. Les variables simulées (aspects physico-chimiques) sont interprétées à l’égard du biote de la retenue. Notre vision critique vis à vis la qualité de Peau fait appel au concept d’usage multiple des systèmes aquatiques. Ce concept a un caractère sans doute anthropologique, puisque l’homme est un usager potentiel, mais il inclut également l’utilisation de l’eau par d’autres organisme; la possibilité d’utilisation de l’eau par un grand nombre d’organismes assure le maintien d’une diversité importante dans l’écosystème. Le modèle développé pour la retenue de Tucurui reproduit correctement l’évolution annuelle des variables d’état, ainsi que les événements de stratification et déstratification, ce qui est im­ portant en milieux aquatiques tropicaux, où souvent la stratification est suivie de la détérioration de la qualité de l’eau hypolimnique. Dans ces milieux, la diminution de la température vers le fond est très faible et la thermocline n’est pas bien définie; elle est plutôt associée à une zone où il existe une barrière au mélange. Cette zone, souvent large, établit une transition graduelle entre Pépilimnion et l’hypolimnion (Heide, 1982). Cette barrière est cependant stable à Tucurui (pendant les mois d’étiage), comme nous pouvons le constater par les profils d’oxygène. Au cours de l’étiage, l’oxycline est forte et la séparation entre la couche aérobie et la couche anaérobie est nettement marquée. Le modèle simule bien ces aspects démontrant sa performance dans la description des transports verticaux.

Les différences trouvées entre les allures des profils d’oxygène et de température à Tucu­ rui (voir figure 3.13) sont provoquées par les processus de consommation d’oxygène. Dans un milieu comme les retenues amazoniennes, où la charge en matière organique est très forte, la consommation d’oxygène est intense et î’anaérobiose survient dès que des faibles différences de densité s’installent dans la colonne d’eau. Le même comportement a été observé à Brokopondo où la thermocime semblait peu stable mais l’oxycline était forte et permanente. La stabilité de la colonne d’eau à Brokopondo a duré très longtemps (>3 ans), ce qui a provoqué l’anaérobiose de l’hypolimnion avec des modifications d’écologie du système, ainsi que des dommages sévères pour l’utilisation de l’eau de la retenue (Heide, 1982). La formation d’un hypolimnion anaérobie provoque des modifications sur le fonctionnement et les usages multiples des retenues (production de cyanophycés, altération de la chaîne tro- phique, diminution du volume d’eau disponible pour la vie piscicole etc.) (Tundisi, 1984). Ces modifications seront d’autant plus négatives que la durée de la période de stratification sera longue. Lorsqu’il s’agit d’un volume anaérobie important, la déstratification par un phénomène de convection, où l’eau oxygénée de surface est mélangée avec l’eau anaérobie du fond, provoque la diminution de la concentration en oxygène de la colonne d’eau, parfois à des niveaux tels que le biote est sérieusement atteint. La déstratification dans les lacs de várzea, pendant la friagem1 ou la nuit, est souvent accompagnée d’une mortalité des poissons (Melack k Fisher, 1983; Tundisi et ai, 1984; Schmidt, 1973a; Schmidt, 1973b).

Le cycle aérobie-anaérobie

A Tucurui, la déstratification est provoquée par les forts flux d’entrée pendant la crue. L’apport d’oxygène par ces flux est important, atténuant ainsi la diminution de la concentration dans la colonne d’eau lors du mélange des eaux anaérobies avec des eaux aérobies. L’influence du flux sur l’évolution des concentrations hypolimniques est bien marquée (Figure 6.1); pendant les périodes de crue, les concentrations d’oxygène dissous au fond (dernière couche de 1 m) sont deux années hydrologiques très différentes. Le modèle simule le changement rapide des conditions d’oxygénation et permet d’obtenir la durée de la période d’anaérobiose hypolimnique. La bonne définition du cycle aérobie-anaérobie est une information importante pour la caractérisation limnologique de la retenue et d’intérêt majeur pour la vie piscicole qui peut être affectée par le manque d’oxygène au fond. (Figure 6.2), la concentration d’ammonium ne dépasse pas 0,2 mg 1_1 pendant toute l’année. Ce niveau stable et faible peut indiquer que la production se maintient par un recyclage très rapide de nutriments, comme il a été observé dans les lacs de várzea (Forsberg et al, 1988; Fisher & Parsley, 1979). La capture des nutriments dans la biomasse peut entretenir longtemps l’état trophique actuel de la retenue. Les concentrations d’ammonium au fond (Figure 6.2) suivent le cycle aérobie-anaérobie de la retenue. Le modèle reproduit l’augmentation des concentrations dans l’hypolimnion pendant l’anaérobiose. Cette disponibilité de nutriments semble, cependant, d’intérêt mineur pour la biomasse car les concentrations en surface ne montrent aucun changement induit par l’accrois­ sement de l’ammonium au fond. La barrière provoquée par la stratification empêche, dans une large mesure, le transport vertical des nutriments.

 

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