Le parler des jeunes : un danger pour le wolof

Le parler des jeunes : un danger pour le wolof

Fréquence du français-wolof Dans la question 

Utilisez-vous cette langue mélangée, les enquêtés ont le choix de réponses entre Toujours, Souvent, Rarement ou Jamais. Réponses Sexe « Toujours » « Souvent » « Rarement » « Jamais » E=Enquêtés, M=Masculin, F=Féminin A travers ce tableau, nous pouvons constater que pour les réponses des étudiants et des étudiantes, il se dégage une similitude d’un côté et une disparité de l’autre : 16 sur 18 (soit 80% des) étudiants utilisent « souvent » le français-wolof, et pour les étudiantes, 23 nous avons 10 sur 11 (soit 90%). La disparité réside dans le taux selon lequel 2 sur 8 (soit 25% des) étudiants déclarent « rarement » l’utiliser et 4 sur 18 également (soit 25%) disent l’employer« rarement », pour les étudiantes 5 sur 11 disent l’utiliser « rarement »Cependant ils déclarent ne jamais ne pas utiliser ce mélange. En ce qui concerne les employés, l’image semble plus diversifiée : 6 sur 12(soit 50%) des hommes s’en servent « souvent » contre seulement 4 sur 10 (soit 40% des) femmes. En revanche, 2 sur 12 (soit 20% des) employées déclarent « toujours » l’utiliser, alors que cette alternative de réponse ne paraît pas chez les 22 employés. En outre, 5 sur ces 12 (soit 33% des) hommes affirment l’employer « rarement » et 1 sur 10 (soit 10% des) femmes ont répondu autant. Nous pouvons ici déduire que le français- wolof occupe une place considérable dans la manière de parler de notre population cible. En fait, en réponse à la question n 9, ils déclarent qu’ils n’ont pas recours au françaiswolof. Cependant, ils affirment l’employer « rarement ». Nous pouvons interpréter cette contradiction en termes de fiabilité des données. En effet, selon Blanchet et Gotman (2001 : 76 in Brodal, 2009 :42), « lorsque le thème de l’entretien n’est pas familier à l’interviewé, il parle en novice et tend à augmenter sa dépendance thématique et relationnelle vis-à-vis de l’interviewer ; les représentations et raisonnements qu’il communique sont labiles, parfois contradictoires ». Ce qui rend intéressant cette observation, qui à première vue semble paradoxale, c’est le fait que ces enquêtés aient pu répondre d’une manière inconsciente. Leurs représentations exprimées changent au cours du questionnaire. En réalité, cette remarque indique des représentations linguistiques réelles. Cette contradiction peut également s’expliquer par la différence entre discours et pratiques, où il y a distorsion entre ce qu’on dit d’une chose et ce qu’on fait réellement. Dumont et Maurer (1995 : 133 in Razafindratsimba, 2006 :132) distinguent quatre possibilités d’écart entre la réalité et les pratiques déclarées : « Interrogés sur ce qu’ils font, les gens vous répondent sur ce qu’ils se voient faire, ce qu’ils ont envie de dire qu’ils font, ce qu’ils arrivent à exprimer, ou encore ce qu’ils pensent que vous voulez entendre ». Apparemment, ces six employés semblent ne pas aimer l’idée du mélange des deux langues, mais pour une raison ou pour une autre, ils le pratiquent quand même. De plus, lors de notre pré-enquête, lorsque les informateurs avaient fini de remplir leur questionnaire, nous avons un peu discuté avec eux. La plupart utilisaient le françaiswolof alors que dans leur questionnaire, certains affirmaient ne pas le faire. Aussi, leurs 24 discours ne correspondent pas à leur pratique. Il ne serait donc pas judicieux d’ignorer ce fait dans la mesure où nous avons également 12 sur 51 de nos enquêtés qui présentent le même cas. En conclusion de ce deuxième sous-chapitre, nous pouvons dire que les étudiants et les employés enquêtés pratiquent également le français-wolof. Nous avons mentionné plus haut que les étudiants et les employés auraient peut-être une pratique langagière différente de celle des élèves. Notre explication réside dans le fait que les étudiants ont acquis un certain vécu langagier de par leurs expériences personnelles. Pour les employés, il s’agit de leur cadre professionnel qui offre de nouveaux savoirs, un nouvel environnement, et requiert un nouveau système institutionnel (ibid.). Or, cette analyse quantitative nous montre que tous ces paramètres n’ont pas d’influence sur leurs pratiques linguistiques. Au contraire, le français-wolof occupe une place importante dans leur façon de parler, vu que la majorité des étudiants enquêtés s’en servent « souvent », ainsi que 11 employés sur 22. Ces diverses étapes étant acquises, il est désormais possible de s’interroger sur les fonctionnements de ce phénomène dans les conversations. Nous allons donc nous pencher à présent sur l’analyse fonctionnelle du français-wolof qui nous fournira par la même occasion des réponses à notre première problématique qui, rappelons-le, est la suivante : Pourquoi pratique-t-on ce « mélange » , plus spécifiquement le wolof et le français? Chaque tentative d’analyse des fonctionnements va nous renvoyer à cette question. 

Facteurs et fonctionnements du français- wolof 

Bien que le français-wolof semble imprévisible, nous allons tenter de formaliser ses motivations en nous basant sur les multiples fonctions que nous avons annoncées dans le cadre théorique et les confronter avec les informations recueillies à l’aide du questionnaire. Pour cela, nous allons nous servir de la question nr.12 : Si vous utilisez ce mélange, quand l’utilisez-vous? Comme c’est une question ouverte qui laisse place à une liberté de réponses de la part des enquêtés, nous allons essayer de regrouper les réponses obtenues auprès des étudiants d’une part et des employés d’autre part. Indiquons que chaque sujet peut donner plusieurs réponses. S’il est nécessaire, nous allons faire intervenir les observations faites auprès des étudiants de L’UCAD ce stade, nous allons procéder à une étude qualitative, aussi les nombres seront mentionnés juste pour donner un aperçu. 25 Tout d’abord, nous tenons à mentionner que nous avons rencontré des difficultés au niveau de l’interprétation des explications de certains enquêtés. En fait, parfois nous avons du mal à savoir si l’apparition du français-wolof résulte d’une méconnaissance de la langue wolof ou du fait qu’ils ne trouvent pas le bon mot dans l’immédiat. Avant de comprendre les fonctionnements de ce phénomène particulier, nous allons en premier lieu commencer par mettre en avant les facteurs qui pourraient déclencher ce phénomène langagier. 1-8-5 Facteurs déclencheurs du français- wolof Nous avons mentionné dans notre cadre théorique que le choix de langue semble être déterminé par l’agencement de plusieurs facteurs de nature différente. Dans cette analyse, nous avons choisi de tenir compte des facteurs mentionnés par Grosjean (1982 in Bencherif, 2009 : 173) qui en a mis en valeur quatre, soit la situation, les participants, les thèmes abordés et le but de l’interaction : -En ce qui concerne « la situation », 8 étudiants sur 19 mentionnent qu’ils emploient le français-wolof en famille et avec les amis. 1 autre a répondu qu’il l’utilise dans toutes les situations sauf à l’église. Pour les employés, 5 sur 61 affirment qu’ils l’emploient au quotidien, et 2 disent que le recours à ce type de discours dépend des circonstances. 5salariés ont précisé qu’ils l’utilisent lorsqu’ils sont en familles et avec leurs amis, et 5 autres s’en servent dans le domaine du travail. Notons que nous considérons les familles et les amis comme un facteur « situation » et non « participant ». 2 salariés déclarent qu’ils le pratiquent dans des situations informelles, et 2 l’utilisent à l’oral. Il est à signaler que Gardner-Chloros (in Razafindratiana, 1995 : 66) considère ce paramètre comme une fonction du mélange de langues et non un facteur. Par contre, nous n’avons pas trouvé d’exemples qui correspondent au facteur « thèmes abordés » dans notre corpus. Nous considérons plutôt les facteurs « but de l’interaction » et« participants » comme des éléments fonctionnels. -A part cela, notre corpus nous révèle d’autres facteurs comme l’habitude et la paresse intellectuelle : 1 étudiant et 1 employé précisent que ce type de discours est devenu une habitude. Voici ce que dit un employé : « fils kaay ñu tek cayin bi », (thé.) (Q44) (Des mots qu’on a l’habitude d’entendre et de dire en français et on commence à tout le temps les utiliser (…)). Nous avons 1 salarié qui souligne que ce mélange relève de la « paresse intellectuelle » En revanche, il convient de noter que notre liste sur les facteurs est loin d’être exhaustive même si celle-ci couvre plus ou moins ceux de notre corpus. Aussi il serait 26 intéressant de connaître les autres types de facteurs, mais cela impliquerait une étude plus approfondie, que nous ne pouvons envisager dans le cadre de ce mémoire. Maintenant que nous avons fini de présenter les facteurs susceptibles de déclencher le français-wolof, nous allons tenter d’analyser les fonctions que ce mélange remplit. 

Fonctions du français-wolof 

Nous allons établir notre analyse à partir de la combinaison de certaines fonctions dressées par Poplack (1988 in Bencherif, 2009) et Gardner-Chloros (in Razafindratiana, 1995 : 66) , que nous avons adaptées et classifiées par rapport aux résultats de notre corpus. Pour la clarté et la simplification de la lecture, nous allons exposer les explications des étudiants (s’il y en a) d’un côté, et celles des employés de l’autre, pour chaque fonction. Il est à signaler que nous n’avons usé que des fonctions qui correspondent aux réponses de nos enquêtés Fonction expressive du français-wolof Dans ce mémoire, nous appelons fonction expressive toutes les fonctions du françaiswolof de nos enquêtés qui contribuent à la fluidification, la facilité de la communication. -les étudiants affirment que le passage d’une langue à l’autre leur permet de s’exprimer plus facilement. Voici un exemple qui illustre parfaitement ce cas : « Parfois on ne peut pas exprimer des choses qu’on veut dire dans notre langue habituel alors on est obligé de mélanger ces langues pour pouvoir exprimer ce qu’on veut dire ». En outre, les étudiants déclarent le pratiquer dans les explications, et les étudiants l’utilisent lorsqu’ils discutent. Ensuite, les étudiants l’appliquent pour envoyer des SMS et pour chatter sur internet. En effet, Gumperz (1989 :59 in Asselah, 2004 :10) souligne que « les participants plongés dans l’interaction elle-même sont souvent tout à fait inconscients du code utilisé à tel ou tel moment. Ce qui les intéresse avant tout, c’est l’effet obtenu lorsqu’ils communiquent ce qu’ils ont à dire ». Cette stratégie d’échange peut donc avoir des visées communicatives, voire pratiques. -En ce qui concerne les employés, 5 déclarent faire usage du français-wolof lorsqu’il est difficile de trouver les mots justes en wolof, ce sont les termes français qui donnent l’expression la plus adéquate pour exprimer leur idée. 4 l’utilisent pour assurer la fluidification de la conversation. En effet, c’est une stratégie de communication qui vise à assurer une bonne coordination de la conversation et éviter des pauses inutiles ou un blocage non souhaité. Pottier (1973 :47 in Razafindratiana, 1994-1995 : 155) 27 appelle cela le défaut d’immédiateté linguistique, c’est-à-dire que le locuteur n’est pas capable de trouver spontanément le mot qui convient. C’est une solution qui vise à préserver le bon fonctionnement de la communication. Voici la réponse d’un informateur qui illustre cette stratégie : « Chef bi moma wara féy sama salaire bi » (Quand on n’arrive pas à trouver le bon mot pour dire une chose, c’est en français qu’on arrive à le dire plus rapidement). Enfin, 4 employés disent l’utiliser lorsqu’ils ont besoin d’expliquer, et 2 dans des discussions. 2 salariés déclarent le pratiquer lorsqu’ils font figure de traducteur pour des personnes qui parlent français et des personnes qui parlent wolof ; en d’autres termes le français-wolof a dans ce cas une fonction de traduction. 

 THEORIES DE BASES ET CONCEPTS CLES 

Vu l’orientation prise par notre sujet, on ne peut s’empêcher de parler de la linguistique et de la sociolinguistique qui sou tendent les bases de nos recherches. C’est pour cela que nous avons jugé nécessaire d’aborder ces domaines avant d’en venir aux concepts clés. La linguistique est définie comme l’étude scientifique du langage humain. Ferdinand de Saussure lui, considère par plusieurs comme le <>de la linguistique, a grandement contribué à l’établissement de la linguistique comme champ d’étude scientifique. Avec ses travaux du début du 20e siècle, il a défini ce champ d’étude comme <> (tiré du Robert 1991). Cette définition a amené un certain nombre de commentaires :  Tout d’abord la langue est considérée comme objet d’analyse scientifique en elle-même, hors de tout contexte qui apporte souvent des jugements de valeur, comme le montre les citations suivante de André Martinet : << une étude est dite scientifique lors qu’elle se fonde sur l’observation des faits et s’abstient de proposer un choix parmi ces faits au nom de certains principes esthétiques ou moraux >>  La linguistique se veut donc comme un outil de descriptions neutre qui ne tient pas compte des valeurs personnelles associe à la perception d’une langue ou d’une population. En accord avec cette visée un certain nombre de question sont soulevées ou traités par la linguistique : 28  Comment sont structurées les langues ?  Comment est-ce que les locuteurs produisent et perçoivent le langage et la langue ? La linguistique comprend différentes branches telles que la phonétique, la phonologie, la morphologie, la sémantique, la pragmatique, la sémiologie, ou sémiotique et la sociolinguistique quelle prend en charge la langue et la société. La sociolinguistique est définie comme l’étude des relations entre les phénomènes linguistiques et sociaux. William Labov est considéré comme le fondateur de la sociolinguistique moderne par la tradition anglo-saxonne. IL publia en 1966 <> Toutefois il était de pair avec Saussure qui a définitivement change le monde de sociolinguistique. En 1878, il a publié ses idées dans son mémoire sur le système primitif des voyelles dans les langues indo européennes. Pour lui, le langage <> (Dortier) Noam Chomsky est un linguiste Américain qui a donné beaucoup plus de sens au monde sociolinguistique. Il a développé le concept d’une approche pour la langue synchronique. Ainsi, les idées de Chomsky ont beaucoup influencé le travail de Labov. Contre les idées de Saussure, Labov a consolidé l’étrangeté de la langue et la parole en développant la discipline de la sociolinguistique. Bien que la sociolinguistique soit une discipline très vaste, il existe quelques concepts fondamentaux sur les quels sont basés la plupart des études : langue parlée / langue écrite, synchronie / diachronie, descriptif / normatif, langue / parole –compétence / performance, expression ou forme / contenu ; signifiant / signifié…

Table des matières

 Table des matières
REMERCIEMENTS
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
1.1. PROBLEMATIQUE
1.2. CONTEXTE ET JUSTIFICATION
1.2.1. SUR LE PLAN SOCIAL
1.2.2.SUR LE PLAN LINGUISTIQUE
1.3.QUESTION DE RECHERCHE
1.4.OBJECTIF DE LA RECHERCHE
1.5.HYPOTHESE DE RECHERCHE
1.6 REVUE LITTERAIRE
1.7.METHODOLOGIE
1.8.CORPUS
1-8-1 Les étudiants et les employés
1.8.2. Pratiquent-ils le mélange français-wolof ?
1-8-3 Fréquence du français-wolof
1.8.4 Facteurs et fonctionnements du français- wolof
1-8-5 Facteurs déclencheurs du français- wolof
1.8.6 Fonctions du français-wolof
1.9 THEORIES DE BASES ET CONCEPTS CLES
CHAPITRE 2 : SITUATION DU WOLOF AU SENEGAL
2-1 : LE WOLOF
2- 2: L’INFLUENCE DES MEDIAS SUR LA LANGUE WOLOF
2-3 L’INFLUENCE DU « PARLER JEUNES » SUR LE WOLOF
CHAPITRE 3 : LES LANGUES AUTRES QUE LE WOLOF PARLEES PAR LES JEUNES
3-1- L’EXEMPLE DU FRANÇAIS
3-1-1 Caractéristiques générales du langage des jeunes et analyse de quelques stratégies
récurrentes en français
1- La création lexicale
2- Le mode d’adresse
3-2- L’EXEMPLE DE L’ESPAGNOL
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

 

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