Le programme DIVA de la conf rontation à l’action collective

Le programme DIVA de la confrontation à l’action collective

Le programme peut-il être davantage qu’un simple dispositif de financement de la recherche ?

Les différentes recherches menées au sein de DIVA, sous forme de dix projets, s’intéressent à la problématique « Agriculture, Biodiversité et Action publique ». Dans le chapitre II, j’ai décrit l’ensemble des acteurs impliqués dans le programme116, leur organisation formelle en comités et les problèmes posés en termes d’interface entre agriculture et écologie, et entre science et politique. L’importance des questions d’interface autour de ce programme a été mise en lien avec le fonctionnement centripète du programme et la manière dont je me suis retrouvée, avec Aline Cattan, centrale dans la réflexion collective de DIVA à propos du lien à l’action publique. Quels efforts de confrontation et de coordination permet l’animation transversale ? Quelles sont les modalités d’échange et d’organisation d’un tel programme et leurs effets sur les dynamiques organisationnelles ? Ce chapitre découpe ces dynamiques de manière processuelle : dans un premier temps, j’expose les modalités de l’échange autour des multiples choix d’approches, puis ce sont les efforts de mutualisation et l’ « échec » de la mise en place d’une action qui sont analysés. 

Echanger sur la complexité des choix 

Les chercheurs de DIVA participent à ce que Granjou, Mauz et Cosson (2011) nomment le « foisonnement expérimental » à propos de la mobilisation de savoirs autour de l’action publique environnementale. Aussi, le débat d’idées autour de thématiques particulièrement hétérogènes est un enjeu auquel le programme tente de répondre par différentes méthodes : animations transversales, séminaires scientifiques, sorties de terrain ou discussions collectives sur les orientations du programme. Si les échanges sont organisés par différents dispositifs, ils se déroulent également dans tous les interstices des séminaires qui, s’étalant sur trois jours dans des espaces plus ou moins ruraux, laissent aux participants de nombreux repas pour faire connaissance et échanger. Quels sont les objets d’accord et de désaccord dans ces différentes situations et comment le programme met-il en forme ces échanges ? Le programme DIVA fait-il preuve d’initiatives originales aux yeux des participants ? 

Confrontation interne aux équipes

La singularité de l’appréhension du lien à l’action publique nous a frappée à plusieurs reprises. C’est à travers la notion de posture de recherche que nous avons d’abord essayé de comprendre le rapport des chercheurs à un ensemble hétérogène de choix : celui d’un objet, d’une théorie, d’un terrain, de partenaires, etc. Les difficultés éprouvées nous ont amené à abandonner cette ambition tellement l’attachement auquel elle renvoyait ne semblait pas saisissable par les seules réunions menées. Je vais néanmoins rendre compte de quelques tensions entre des postures singulières exprimées lors des réunions de l’animation transversale afin d’illustrer la manière dont se partagent des points de vues complexes. Cette question de posture a été traitée par N. Elias (1993) dans Engagement et distanciation comme un point sur un continuum entre deux pôles inséparables. Pour D. Fassin (1999) reprenant les réflexions d’Elias, il faut distinguer deux axes à ce continuum : l’axe de l’analyse (adhésion/critique) et l’axe de l’action (fondamentale/appliquée). Le chercheur peut accepter les prémisses des politiques environnementales et/ou agricoles, ou au contraire, en être critique, tout en s’engageant dans une recherche fondamentale ou appliquée. Ainsi, cet auteur décrit trois idéaux-types que sont la position appliquée (adhésion aux objectifs et recherche appliquée), la position impliquée (critique des objectifs et recherche appliquée) et la position critique (critique des objectifs et recherche fondamentale). Nous avons vainement tenté de lire les travaux des équipes à travers ces critères dont les termes étaient parfois utilisés par les chercheurs eux-mêmes. Cependant, les recherches du programme DIVA sont pour une grande partie d’entre elles à l’interface entre ces dimensions et montrent les limites d’une telle typologie. L’hétérogénéité des projets et des équipes est telle que certains projets sont vraiment dans les trois registres. Frédéric, chargé de recherche en écologie, fait un panorama qualifiant la pluralité des postures au sein de l’équipe dont le choix est contextuel :« Si j’en reviens sur les différentes postures, on a tout le gradient au sein de l’équipe : comme il y a une sociologie critique il y a ceux, à la limite, qui pourraient s’inscrire dans une écologie critique au regard de ce qui est appliqué et de ce qui fonde les applications, donc ils font plutôt de l’écologie théorique tout en ayant quand même un regard sur ce qui est mis en œuvre concrètement. Il y a ceux qui s’inscrivent plutôt dans de l’écologie appliquée, et puis il y a ceux qui peuvent l’un ou l’autre mais qui sont aussi très mobilisés dans le champ de l’expertise, dans les différentes commissions, les réserves naturelles, dans les différents milieux associatifs ou les différentes institutions, soit les services déconcentrés de l’Etat soit les services des Régions. Et puis il y a aussi l’aspect recherche impliquée où là on essaye carrément de s’impliquer autour d’un objet environnemental ou d’une problématique environnementale et où on souhaite aller de l’avant où là il y a un engagement personnel qui peut dépasser l’aspect recherche au sens strict. Et donc on a tout ce panel-là, et ce n’est pas exclusif l’un de l’autre, ça peut être des navigations continuelles. » 

Biodiversité et théorie d’action dans les séminaires

Les séminaires du programme visent à exposer et discuter les différents choix et résultats des équipes. Pour cela chacune d’elles fait une présentation orale de vingt minutes avec un diaporama à l’appui. Les moments de discussion des séminaires peuvent être l’occasion d’interroger les choix des équipes et de rendre plus ou moins discutables les valeurs qui les sous-tendent. Rémy, doctorant en sociologie, affirme son intérêt pour une telle mise en perspective lors du séminaire de Lyon (celui où ont été exposé les premiers résultats de l’animation transversale) tout en proposant de développer un tel débat d’idée et de travailler sur les hypothèses de chacun : « Ce qui m’a paru très intéressant au sein des discussions des différents séminaires DIVA, c’était… Ce serait très intéressant de discuter ensemble des idées de nos propres recherches. Par exemple les débats qu’il y a eu sur les corridors par exemple, ou le débat qu’il y avait eu au séminaire d’avant sur les outardes. Qu’est-ce que notre manière de faire de la recherche sous-tend en termes d’idées ? Qu’est-ce que ça sous-tend le fait de dire de faire des recherches sur les corridors, qu’est-ce que ça veut dire  finalement ? Ça peut être des questions, la linéarité est-ce que c’est vraiment important ou pas. On a vu qu’il y avait des débats internes, entre nous, qui iraient interroger finalement les hypothèses, les implicites, les présupposés implicites de chacune de nos recherches. » Cet échange d’idée est cadré : l’ordre des présentations, l’angle de présentation des recherches et de discussion ainsi que la thématique sur laquelle insister, sont proposés par le coordinateur. Le regroupement par catégorie thématique lors de chaque séminaire rend compte de la tentative de faire dialoguer les membres du programme. En réponse à l’appel à proposition de recherche, l’entrée territoriale sur la question de la biodiversité est très présente dans les projets ; ainsi les représentations iconiques sont pour une bonne part des cartes, des photos de paysage (utilisées comme illustration ou comme image de fond sur laquelle s’ajoute du texte) ou des images représentant des situations au sein d’un agro-écosystème (production de fromage, gestion de carcasse de mouton). L’intégration des enjeux par la dimension territoriale va être discutée selon des termes assez génériques, et, dans un premier temps, assez proches de la dénomination des axes de recherche de l’appel à proposition. 

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