Le rôle de l’imitation dans le développement

Le rôle de l’imitation dans le développement

Le développement de l’imitation chez l’enfant

Il est couramment admis par les psychologues que l’imitation est l’une des modalités importantes par lesquelles l’enfant apprend de nouvelles choses de son environnement. Il est par ailleurs fréquent que l’enfant ne puisse pas reproduire immédiatement un comportement observé et le rejoue de manière différée. Ce phénomène a attiré l’attention des chercheurs car il fournit une preuve indirecte de l’existence de représentations. C’est la raison pour laquelle il a fait l’objet de nombreux protocoles expérimentaux. En effet, dans le cas de l’imitation différée, l’enfant doit garder sous forme de représentations mentales, un modèle du comportement qui puisse être réutilisé lors d’une action future. De ce point de vue, l’imitation est donc étroitement liée aux capacités à former des représentations durables, ainsi qu’aux caractéristiques de la mémoire. Cette propriété de l’imitation différée a été soulignée par Piaget34 au début des années 1960. Sa théorie constructiviste du développement fait en effet l’hypothèse d’une succession de stades discrets au cours du développement, caractérisés par l’acquisition de fonctions cognitives inter-domaines. Pour Piaget, les capacités pour l’imitation culminent entre 18 et 24 mois, précisément lorsque l’enfant se montre capable d’imitation différée (Figure 19). Dans cette perspective, l’imitation différée est la marque de l’apparition de représentations mentales qui délimitent la fin du stade sensori-moteur.a fait l’objet de nombreux protocoles expérimentaux. En effet, dans le cas de l’imitation différée, l’enfant doit garder sous forme de représentations mentales, un modèle du comportement qui puisse être réutilisé lors d’une action future. De ce point de vue, l’imitation est donc étroitement liée aux capacités à former des représentations durables, ainsi qu’aux caractéristiques de la mémoire. Cette propriété de l’imitation différée a été soulignée par Piaget34 au début des années 1960. Sa théorie constructiviste du développement fait en effet l’hypothèse d’une succession de stades discrets au cours du développement, caractérisés par l’acquisition de fonctions cognitives inter-domaines. Pour Piaget, les capacités pour l’imitation culminent entre 18 et 24 mois, précisément lorsque l’enfant se montre capable d’imitation différée (Figure 19). Dans cette perspective, l’imitation différée est la marque de l’apparition de représentations mentales qui délimitent la fin du stade sensori-moteur.2002* et Meltzoff 1998*,1999* pour des articles de fond) ont pu dresser un portrait assez précis de l’évolution de l’imitation au cours de la petite enfance. Contrairement au tableau dressé par Piaget, les travaux de Meltzoff et Moore suggèrent que le nouveau-né est doté, dès la naissance, de capacités représentationnelles rudimentaires, mesurées en termes d’imitation différée, qui se développent ensuite au cours des interactions avec son environnement. Celleci porterait initialement sur des représentations sensorimotrices dont les fameux neurones miroirs 35 pourraient être les bases neurologiques. Nous résumons ici dans leurs grandes lignes les principales observations faites chez des enfants durant les deux premières années de leur vie, en les combinant avec des résultats portant sur l’inférence d’intentions chez l’enfant, pour des raisons qui n’échapperont pas au lecteur, les résultats sont tirés d’exposés de fond qui pourront être trouvés dans Hayne 2002*, Johnson et al. 2001* et Tomasello 1999 (cette liste de micro-stades n’est pas bien sûr une liste exhaustive, et est de plus limitée aux observations effectivement réalisées): – 72h : Des nouveau-nés imitent des expressions du visage comme l’action de sortir la langue ou d’ouvrir la bouche. – Six semaines : Les nouveaux-nés imitent des expressions du visage en présence d’un modèle et également de manière différée (avec 24h de délai). – 6 mois : Les enfants sont capables d’imitation différée suggérée portant sur des actions mettant en scène des objets. – 9 mois : Les enfants s’intéressent préférentiellement aux objets qui semblent être mus par un but précis (par exemple atteindre une cible donnée, en contournant d’éventuels obstacles. La notion de but est ici minimale). Ils commencent à s’engager spontanément dans de nouveaux types de relations qui ne sont plus dyadiques (enfant-objet), mais triadiques (enfant, adulte, objet), dans des configurations d’attention partagée ou dans des actes d’imitation. – 9-12 mois : Les enfants contrôlent du regard l’attention de l’adulte lorsqu’ils sont engagés dans une activité commune. – 11-14 mois : Les enfants utilisent le regard de l’adulte pour concentrer leur attention sur un objet extérieur et commencent à agir sur ces objets de la même manière que l’adulte. – 13-15 mois : Les enfants désignent des objets à l’adulte afin que celui-ci ajuste son attention à la leur. – 14-16 mois : Les enfants se sont montrés capables d’imitation différée avec quatre mois de délai, par rapport à des actions mettant en jeu des objets. – 15-18 mois : Les enfants se montrent capables de reproduire une action ratée effectuée par un démonstrateur en reconstituant le but initial présupposé (comme par exemple mettre une boule dans un pot alors que le démonstrateur l’a jetée à côté par accident). Fait intéressant, Johnson et al. (2001*) ont montré que des enfants de 15 mois se sont révélés attribuer des intentions à un être non humain (une poupée représentant un singe, manipulée de manière invisible par un marionnettiste) du moment qu’il présentait une organisation morphologique et un comportement similaire au leur (dans ce cas : la présence d’un visage, de mains, de mouvements spontanés et d’interactions sociales avec d’autres agents). Ceci suggère que les enfants de cet âge sont capables d’attribuer des intentions à des agents, mais que leur distinction entre agents intentionnels et agents non intentionnels n’est pas nécessairement isomorphe à la distinction entre humains et non humains. – 24 mois : Les enfants passent le test de reconnaissance de soi dans un miroir dit test de Gallup36 (le protocole standard est le suivant : le sujet est marqué à son insu d’une marque de couleur en un endroit inaccessible à la vue – par exemple sur le front – puis on vérifie que le sujet prend conscience de la présence de la marque lorsqu’il se voit dans un miroir. Ceci se manifeste généralement par le fait que le sujet porte la main à l’endroit où se trouve la marque) Cette liste non exhaustive met en évidence un certain nombre de traits caractéristiques du développement cognitif chez l’enfant. La première chose à remarquer est que l’imitation différée apparaîtrait très tôt, contrairement à l’hypothèse de Piaget, et rien dans les observations actuelles ne permet d’écarter l’hypothèse que les enfants possèdent, dès la naissance, un certain type de représentations sensorimotrice (Hayne 2002*) qui dès le départ, rend possible un apprentissage social par le jeu de l’imitation. L’imitation différée porte tout d’abord sur des comportements de surface, pour s’étendre aux procédures mises en jeu pour les effectuer et à des phénomènes non directement visibles comme l’intention qui sous-tend une action, avant même l’apparition du langage.

L’imitation et l’élaboration d’un système de représentations

L’imitation, processus de re-présentation Une des théories actuelles de la psychologie du développement est particulièrement pertinente en ce qui nous concerne, car elle place l’imitation au centre du système de construction des représentations. Exposée par Zelazo and Lourenco dans Imitation and the dialectic of representation, celle-ci s’inscrit dans la lignée de l’épistémologie génétique de James Marc Baldwin, et s’inspire d’un certain nombre de travaux plus récents comme par exemple, l’herméneutique de Paul Ricœur. Baldwin (1861-1934), fut un des premiers adeptes du courant de la « nouvelle psychologie », introduite par Wilhelm Wundt, psychologue de Leibzig, qui se mettait en porte-à-faux avec la théorie nativiste de l’époque. Il fut en particulier l’un des premiers à effectuer des expériences de psychologie avec des enfants. Sa théorie du développement considérait l’imitation comme principe générateur chez le nouveau-né, du système de représentations que celui-ci est amené à développer au cours de sa vie. À ses yeux, la pratique mimétique était pour lui la source de la distinction fondamentale entre le soi et les autres. Selon Baldwin, le nouveau-né s’engage dès sa naissance dans un processus dialectique 106 Chavalarias D., Métadynamiques en Cognition Sociale d’identification par imitation, qui lui permet de construire au cours de re-présentations mimétiques des représentations. Celui-ci est initié par la présence d’une action qui est (au moins partiellement) en dehors du répertoire comportemental de l’enfant et qui est donc vue à travers son aspect projectif d’entité extérieure. En imitant cette action, le nouveau-né en vient peu à peu à saisir son aspect subjectif, comme par exemple les émotions qui l’accompagnent ou les efforts qu’elle engendre. Une fois que cela se produit, cette subjectivité est automatiquement éjectée vers le comportement initial, lui fournissant ainsi une nouvelle interprétation. L’acte d’imitation devient ainsi également un acte d’interprétation au cours duquel le sujet donne un nouveau sens aux objets de son imitation, modifiant par-là même la représentation qu’il en a. Zelazo et Lourenco (2003*) dans leur présentation de l’évolution de ce courant de pensée, proposent comme illustration la positon de Baldwin, l’exemple d’un père qui se pique le doigt avec une aiguille. Sa fille peut observer son comportement sans pour autant apprécier la portée douloureuse de son action. Cependant, si elle imite le comportement de son père, elle ressentira la douleur et en inférera immédiatement que son père l’a également ressentie. Par conséquent, elle donnera une interprétation nouvelle à la scène qu’elle a observée et verra désormais le fait de se piquer sur une aiguille d’une manière différente ; sa compréhension de ce phénomène se sera transformée d’un point de vue projectif, en un point de vue subjectif, puis éjectif. Ainsi, Baldwin développe une théorie selon laquelle les représentations sont originellement liées à des stimuli et sont dépendantes du contexte, ce qui implique que les premières représentations sont déterminées par quelque chose d’extérieur. Cependant, les enfants deviennent peu à peu capables de créer des représentations sur la base de suggestions plus subtiles, ces représentations sont de moins en moins dépendantes d’un contexte extérieur et de plus en plus déterminées de façon interne. Elles sont à l’origine, littéralement des représentations d’actions ou de situations extérieures que l’enfant reproduit par imitation et internalise durant ce processus. L’imitation est alors le phénomène qui dès la naissance permet à l’enfant d’avoir prise sur le monde. Dans la théorie de Baldwin, les enfants sont donc imitateurs dès la naissance. Il les désigne d’ailleurs comme de véritables « machines à copier ». Le caractère de cette imitation se développe à mesure que le système des représentations évolue et que les centres sensorimoteurs de l’enfant se développent. Ainsi Baldwin considère l’imitation comme étant initialement automatiquement suggérée chez l’enfant par la perception de son propre 107 Chavalarias D., Métadynamiques en Cognition Sociale comportement et celle des stimuli de son environnement, tels que les expressions faciales38. Petit à petit, l’imitation devient moins automatique et plus délibérée à mesure que l’enfant apprend à distinguer le connu du connaissant. C’est ainsi que Baldwin suggère que l’origine de la volition peut être vue dans le changement du caractère de l’imitation qui apparaît à la fin de la première année de la vie de l’enfant, lorsque la maturation des centres de coordination rend possible une comparaison consciente entre l’action qui vise à être imitée et celle qui figure au répertoire de l’enfant. Les représentations ainsi construites de manière récursive en interaction avec le monde extérieur sont susceptibles d’être utilisées en dehors de leur contexte de création à mesure qu’elles se stabilisent. Ceci a pour effet d’apporter une compréhension conceptuelle de divers aspects des représentations par un processus de distanciation. Par exemple, les enfants commencent d’abord par distinguer les représentations de leurs significations, puis peuvent appréhender les relations qu’elles établissent entre elles, etc. Zelazo suggère que ce processus de décontextualisation est guidé par une activité réflexive qui permet, à mesure que les représentations deviennent des images mentales manipulables, de les intégrer à des structures de pensées hiérarchisées. Ce processus est alors contraint par la complexité des relations que les enfants sont susceptibles d’établir, complexité qui connaîtrait des changements qualitatifs à des tranches d’âge bien déterminées, comme ceux que l’on observe entre trois et cinq ans, et qui correspondrait à un accroissement de leurs capacités réflexives. 

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