L’éducation des femmes en Espagne entre 1454 et la fin des années 1520

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Les fondements textuels de l’éducation des femmes

Au cours des premiers siècles du christianisme, les communautés cherchent à s’organiser, et l’unité doctrinale de l’Église naissante est encore très relative. On cherche donc, non seulement à mieux définir la nouvelle religion, mais aussi les hommes – et les femmes – qui vont la pratiquer, comme l’indiquent les différents traités ou épîtres qui nous sont parvenus. Ces textes fondateurs constitueront ensuite des références pour les auteurs de notre corpus.

Un texte de base : les Épîtres de Paul

Alors que les Évangiles ne fournissent guère de textes prescriptifs visant à réguler le comportement des femmes, les Épîtres de Paul sont, elles, riches en conseils adressés à la gent féminine : elles ont, de ce fait, constitué un répertoire dans lequel les auteurs des œuvres qui composent notre corpus (entre autres) ont puisé pour justifier leurs propres propositions. À ce titre, il nous semble donc indispensable de revenir brièvement sur ces textes, afin de pouvoir prendre pleinement la mesure de la façon dont on les a utilisés et adaptés. Il faut cependant d’emblée préciser que les préceptes pauliniens sont souvent réduits à des maximes, à des phrases sorties de leur contexte et citées comme preuve de ce qui vient d’être dit, le simple nom de l’Apôtre permettant, par l’autorité dont il est porteur, de s’abstenir de toute justification1.
Cependant, au-delà de ces maximes, le discours paulinien sur les femmes imprègne en profondeur l’écriture des éducateurs chrétiens, notamment dans les textes que nous nous proposons d’étudier. Ce discours se déploie dans sept des quatorze épîtres de l’Apôtre conservées dans le Nouveau Testament : c’est dire toute l’importance qu’il accordait à la régulation des mœurs féminines pour la construction et la pérennité des nouvelles communautés chrétiennes. Sa réflexion s’organise autour de quelques thèmes récurrents, dont, entre autres, l’institution matrimoniale et la vie conjugale, les droits et devoirs des veuves, et le comportement des femmes durant la liturgie. Concernant le premier point, Paul conseille la continence (I Cor, 7 : 1 et 8), mais accepte le mariage pour éviter toute impudicité (I Cor, 7 : 9 : « Mais s’ils ne peuvent se contenir, qu’ils se marient : mieux vaut se marier que de brûler »)2. Dans le cadre matrimonial, les époux se doivent l’un à l’autre (I Cor, 7 : 3-4), et ne peuvent, à moins d’un commun accord, renoncer au devoir conjugal, car ils seraient alors conduits au péché (I Cor, 7 : 5)3. Cependant, la fin des Temps approchant, il serait bon que ceux qui ont une femme se conduisent comme s’ils n’en avaient pas (I Cor, 7 : 29), c’est-à-dire qu’ils renoncent aux plaisirs de la chair. Si Paul semble sans cesse hésiter entre la reconnaissance du mariage et de la nécessité du devoir conjugal et la promotion de la continence, voire de la virginité, c’est que le mariage a des avantages (l’époux chrétien pouvant sanctifier son partenaire païen, selon I Cor, 7 : 14), mais aussi beaucoup d’inconvénients, dont celui de détourner les croyants du service exclusif de Dieu (I Cor 7 : 32-34). La relation de couple est, par ailleurs, définie comme une relation hiérarchique, alors même que le baptême a fondé l’égalité de tous les chrétiens, indépendamment de leur sexe et de leur origine sociale ou ethnique (Gal 3 : 28-29). En effet, Paul invite les femmes à être soumises à leurs maris, tandis que ceux-ci doivent aimer leurs femmes comme le Christ a aimé l’Église, se livrant pour elle afin de la sanctifier (Eph 5 : 25). Cette dichotomie entre soumission d’une part et amour bienveillant et édifiant de l’autre sera reprise de nombreuses fois par les auteurs des textes de notre corpus et fonde l’idée que l’amour conjugal est de nature différente en fonction des sexes. Enfin, l’Apôtre affirme également que, si c’est la femme qui a été séduite et a entraîné l’homme à la transgression, elle peut être sauvée par la maternité, pourvu qu’elle persévère dans la foi et la sainteté, ce qui implique un comportement exemplaire. La chrétienne doit ainsi renoncer aux coiffures sophistiquées, aux bijoux et aux vêtements coûteux au profit des bonnes œuvres (I Tim 2 : 9), elle doit être honorable et s’abstenir de toute médisance (I Tim 3 : 11). Paul établit également une différence entre les femmes âgées, à qui il demande notamment de ne pas s’enivrer et de prodiguer de sages conseils aux plus jeunes, et les jeunes femmes qui doivent aimer leurs maris et leurs enfants et être occupées aux travaux domestiques (Tite, 2 : 2-5).
On retrouve cette même division des âges dans le cas des veuves. S’il est clair que le mariage ne dure que tant que les deux époux sont en vie et que la mort rompt le lien qui unissait la femme à son mari (Rom 7 : 1-3 et I Cor 7 : 38-40), le destin de la veuve reste à la discrétion de celle-ci, même s’il est, bien entendu, préférable de ne pas se remarier (I Cor 7 : 8-11 et I Cor 7 : 40). Une nouvelle union est donc un pis-aller et, même si la veuve est libre de la conclure, elle ne doit être considérée que comme un moyen de contrôler une concupiscence effrénée. Ainsi, la hiérarchie des âges va de pair avec une hiérarchie des vertus : la veuve exemplaire est âgée, elle n’a été mariée qu’une fois, a bien élevé ses enfants et a pratiqué toutes sortes d’actions vertueuses (I Tim 5 : 9-10). Au contraire la jeune veuve se laisse emporter par le désir sensuel et profite de son statut pour s’adonner à l’oisiveté et au bavardage : pour celle-ci, donc, le mariage et la maternité sont la seule solution afin qu’elle ne mette pas en danger sa réputation et ne tombe pas dans le péché (I Tim 5 : 11-15).
Enfin, saint Paul s’attache également à définir le comportement des femmes dans les assemblées et au cours des cérémonies. En ce qui concerne la première question, l’un des points fondamentaux de la doctrine paulinienne est que les femmes doivent se taire dans les assemblées, car il ne leur appartient pas de prendre alors la parole (I Cor 14 : 34-35). Dès lors, le mari devient un intermédiaire incontournable : si elles ont une question à poser, qu’elles s’adressent à lui une fois rentrées chez elles (I Cor 14 : 35). Ce point est développé dans l’Épître à Timothée, où l’Apôtre insiste sur l’interdiction pour les femmes d’enseigner (I Tim 2 : 12)4, et sur l’obligation pour elles de recevoir l’enseignement dans le silence (I Tim 2 : 11-12). À ce silence dans les assemblées et au moment de recevoir l’instruction s’ajoute un signe de soumission lors des actes religieux : le voile (I Cor 11 : 5). Il s’agit là d’une coutume instaurée par Paul, et qui n’apparaît pas dans les textes de l’Ancien Testament5. Cependant, cette idée, et surtout l’image de la femme qui la sous-tend (l’homme ne doit pas se couvrir la tête, étant l’image et la gloire de Dieu, alors que la femme est la gloire de l’homme) seront souvent reprises par les auteurs soucieux d’éduquer les femmes, et notamment par ceux dont les œuvres constituent notre corpus.
Cette idée est reprise dans l’Instructión de la muger christiana, sans qu’apparaisse une référence explicite à saint Paul : « Quando digo que la muger no debe mostrar ni alabarse de que sabe mucho, más la diré que no debe enseñar ni tener escuela para enseñar hijos agenos » (Juan JUSTINIANO, Instructión de la muger christiana, [1528], Madrid : impr. de don Benito Cano, 1793, p. 27). Le texte original, l’Institutione foeminae christianae, fut écrit en latin en 1524 par Juan Luis Vives. Juan Justiniano a introduit de nombreuses modifications dans le texte dont il a, notamment, supprimé des passages. Dans la mesure où c’est dans sa version castillane que le texte a circulé parmi le public espagnol de l’époque, je citerai de préférence la traduction.
Pauline BEBE, Isha. Dictionnaire des femmes et du Judaïsme, Paris : Calmann-Lévy, 2001, p. 83. Dans l’article qu’elle consacre au « couvre-chef », elle affirme : « La tradition juive a pendant longtemps considéré qu’une femme devait se couvrir les cheveux en signe de modestie devant les hommes. Dans la Bible [hébraïque], cependant, on ne trouve aucune trace de cette coutume ». Elle explique ensuite que, selon la tradition, le voile s’imposait surtout aux femmes mariées, et qu’une femme qui n’attachait pas ses cheveux et ne les couvrait pas était considérée comme vierge. Cependant, toutes les femmes, célibataires ou mariées, devaient se couvrir les cheveux à la synagogue : on retrouve, dans cette dernière coutume, la prescription paulinienne.

L’œuvre inaugurale de Tertullien

Si Paul n’a pas écrit de véritable traité d’éducation pour les femmes, ses idées ont en revanche été amplement utilisées par l’un des Pères de l’Église les plus prolixes sur cette question, Tertullien qui, d’abord fidèle à l’orthodoxie, devient ensuite l’un des défenseurs de la doctrine du Paraclet6. Pour les auteurs postérieurs, et notamment les auteurs médiévaux, son œuvre est donc légèrement teintée d’hérésie et ne saurait être recommandée sans précautions à un public que l’on sait facilement influençable. S’il est donc nettement moins souvent cité que saint Paul ou saint Jérôme, et ce, malgré l’importance de son œuvre, ses idées imprègnent de nombreux discours, dans la mesure où, avec saint Paul dans ses épîtres, il contribue à poser les fondements de la vision chrétienne de la femme et à définir le comportement que l’on attend d’elle. Selon Eva Achulz-Flügel et Paul Mattei, dans leur introduction au De virginibus velandis, Tertullien serait même le premier auteur chrétien à écrire spécifiquement pour le public féminin (dont il considère donc qu’il est apte à être éduqué), dans la mesure où, s’il refuse aux femmes le droit au sacerdoce et celui d’administrer les sacrements, il les considère comme des individus responsables et capables d’avoir une relation personnelle à Dieu7.
Le premier traité qu’il écrit pour le public féminin est aussi le plus célèbre et ne porte pas sur une question proprement chrétienne : il s’agit du De cultu feminarum (La toilette des femmes), composé à Carthage vers 202. Tertullien s’y livre à une véhémente critique de la coquetterie féminine, comme l’avaient fait avant lui de nombreux auteurs romains, de Pline à Sénèque. La question traitée n’est donc pas nouvelle, mais il l’aborde selon une optique inenvisageable chez les auteurs païens, dans la mesure où la thèse qui constitue le fondement de son argumentation est que les femmes, en se maquillant ou en cherchant à modifier leur apparence par diverses pièces de vêtement transforment l’œuvre de leur Créateur, ce qui s’apparente à un sacrilège (De cultu feminarum, 5.2). Il est ainsi interdit à une chrétienne de chercher à augmenter sa taille (7.2), détail qui n’est pas sans rappeler les remontrances adressées par les auteurs castillans de la fin du Moyen Âge à celles qui faisaient usage de socques.
Le livre s’organise en deux parties : « De habitu muliebri » et « De cultu feminarum », la première visant à définir l’origine diabolique des parures et des fards, tandis que la deuxième pose de nombreux principes qui seront ensuite répétés et développés à l’envi dans les textes didactiques destinés aux femmes. Tertullien commence par rappeler à ces dernières leur ascendance et leur responsabilité, à travers Ève, dans le Péché Originel (1.1). Cette parenté est d’ailleurs inoubliable, compte tenu des peines qui pèsent sur les femmes, à savoir, selon l’auteur, l’obligation d’accoucher dans la douleur et la soumission l’époux dans le cadre du mariage. Mais surtout, le rôle d’Ève dans
l’accomplissement du Péché permet de qualifier la femme de « diaboli ianua »8. Porte du diable, elle l’est aussi quand elle se pare de vêtements et de fards, dans la mesure où, selon Tertullien, toutes les techniques néfastes proviennent des anges déchus : ce sont eux qui ont appris aux hommes à creuser des mines pour en extraire des pierres précieuses, qui leur ont fait connaître les propriétés des plantes, qui ont révélé la puissance des incantations et des savoirs occultes et qui ont enfin fourni aux femmes tous leurs artifices, des bijoux aux teintures textiles et capillaires en passant par le maquillage (2.1). Il est ainsi intéressant de constater que les imprécations de l’auteur établissent déjà un lien entre des pratiques qui, tout au long du Moyen Âge, seront associées dans les faits et étroitement liées au monde féminin, comme le suggère la lecture des quelques réceptaires qui nous sont parvenus. La provenance démoniaque de toutes les techniques destinées à accroître la beauté féminine permet à l’auteur de leur nier toute valeur : d’origine vile, ces techniques ne peuvent qu’être viles, et transmises par des maîtres pervers, elles ne peuvent qu’enseigner la perversion (2.2). À cette beauté artificielle diabolisée s’oppose la beauté naturelle, c’est à dire celle que Dieu nous a donnée, et c’est bien cette opposition entre nature et artifice qui guide l’argumentation de Tertullien, par exemple dans la critique des teintures textiles : si Dieu a donné des brebis blanches, c’est qu’Il n’a pas voulu qu’elles fussent rouges ou bleues. Or, ce qu’Il n’a pas donné, Il ne l’a pas voulu, et ce qu’Il n’a pas voulu, il n’est pas permis de le fabriquer (8.3). Enfin, l’usage des parures vestimentaires et des fards est associé à deux péchés capitaux : l’orgueil dans le premier cas, la luxure dans le second, selon un diptyque que l’on rencontrera ensuite de façon récurrente9.
Mais c’est dans la seconde partie du texte, qui porte d’ailleurs plus particulièrement le titre de De cultu feminarum, que l’on peut mesurer toute l’influence que les idées défendues par Tertullien quant à l’apparence des femmes ont pu avoir sur les textes de ceux qui, après lui, ont écrit sur le sujet. L’auteur fait ainsi de la chasteté la condition première et indispensable du salut pour les chrétiens comme pour les chrétiennes, chasteté qui n’est pas seulement liée à l’intégrité du corps, mais qui doit aussi être visible de l’extérieur10 (1.2). Pour lui, cette chasteté extérieure passe par le renoncement aux parures et aux fards, qui sont au contraire l’apanage des païennes : l’opposition fondamentale sur laquelle se construit son texte n’est donc pas tant celle qui existe entre la femme vertueuse et celle qui ne l’est pas, si caractéristique des textes de notre corpus, mais celle, équivalente, qui existe entre les chrétiennes et les femmes païennes. Ainsi, quand une chrétienne rend visite à une amie qui ne l’est pas, elle doit marquer la différence qui existe entre elles par son aspect extérieur, afin que la païenne s’en trouve édifiée (11.1). De même, aux chrétiennes qui font usage de postiches pour agrémenter leur coiffure, Tertullien recommande de prendre garde que ces cheveux ne proviennent pas d’une tête païenne condamnée pour ses péchés : il fustige donc celles qui utilisent de semblables ornements, mais aussi celles qui se teignent les cheveux avec des produits qui peuvent nuire, non seulement à leur chevelure, mais aussi à leur cerveau (6.1). Nous trouvons donc déjà dans le De cultu feminarum le mélange d’arguments religieux et pseudo-médicaux qui caractérisera la critique des fards dans beaucoup des traités de notre corpus. Mais les chrétiennes ne doivent pas seulement renoncer à augmenter leur beauté : elles doivent également dissimuler leur charme naturel, dans la mesure où il pourrait pousser autrui au péché (2.5). Faut-il pour autant faire preuve d’une vertueuse malpropreté ? Tertullien ne saurait aller jusqu’à recommander la négligence, et conseille donc simplement de se montrer mesuré dans les soins à donner au corps. C’est, d’ailleurs, ce même conseil que l’on retrouve dans les Castigos y doctrinas que un sabio daba a sus hijas : No por eso, hijas, loo las que con nigligençia o pereza dexan de curar de sí, en manera que mas parezca floxedat que no virtud. Mas los afeytes de que nuestro Señor se paga, es que andedes limpias y vos lauedes con buenas aguas, porque no desagays su ymagen11.
Enfin, Tertullien termine son texte par une sorte de sublimation des fards et atours, dans la mesure où la chrétienne doit peindre ses yeux de retenue et sa bouche de simplicité, porter la Parole de Dieu à l’oreille et, au cou, le joug du Christ, et enfin se vêtir d’honnêteté, de pureté et de pudeur12. Or, c’est ce même procédé que l’on retrouve dans le Libro de las Historias de Nuestra Señora de Juan López de Salamanca : les yeux de la Vierge sont parés d’un khôl de chasteté et de miséricorde, sa gorge ignore la céruse et le soliman mais porte les vertus en guise de colliers13, etc. Si ce dernier texte, dans lequel la critique de la coquetterie féminine n’est qu’incidente, a sans doute davantage été écrit en réaction aux portraits féminins dressés par la littérature profane de l’époque que pour imiter le dernier paragraphe du De cultu feminarum (nous y reviendrons), il est en revanche intéressant de constater que, dans les deux cas, l’incitation à abandonner les fards est en quelque sorte adoucie par la substitution de fards spirituels et vertueux aux fards matériels et peccamineux. Il ne s’agit donc pas tant d’abandonner les fards que d’en changer.
Si le De cultu feminarum est peut-être le traité le plus connu de Tertullien en ce qui concerne l’éducation des femmes, l’auteur n’a pas manqué de s’intéresser à d’autres sujets qui se révèlent incontournables dès lors que l’on cherche à réguler les comportements féminins. Les questions du mariage, de la chasteté conjugale et des secondes noces en cas de veuvage sont en effet centrales dans sa réflexion, et constituent le cœur de son second traité spécifiquement destiné à une femme : Ad uxorem (À son épouse), composé entre 193 et 206. Contrairement à ce que le titre pourrait faire croire, il ne s’agit pas d’un manuel destiné à régenter le comportement de la femme mariée, mais d’un texte destiné à orienter les choix de l’épouse une fois que son mari sera décédé : dans les deux livres qui le composent, Tertullien demande à la fois à son épouse de ne pas se remarier après son décès et, si elle en décide autrement, de ne le faire qu’avec un chrétien. Cependant, à travers la question des secondes noces, c’est toute une vision du mariage qui se construit, en se basant notamment sur des sentences pauliniennes. Ainsi, s’il vaut mieux se marier que brûler14, Tertullien en déduit que le mariage est un piètre bien, puisqu’il n’est considéré comme tel que par rapport à un mal (3.3). Cette vision négative du mariage ne fera que se confirmer au fil des traités suivants, notamment dans le De exhortatione castitatis (Exhortation à la chasteté)15. Dans l’Ad uxorem, l’auteur se préoccupe moins d’inciter à la chasteté conjugale que de combattre les raisons que l’on pourrait invoquer pour justifier un second mariage : la concupiscence de la chair, notamment pour les jeunes veuves, la concupiscence du siècle, qui fait désirer à la pauvre veuve un protecteur riche, et l’envie d’enfants (4.2). Pour contrer ce dernier argument, l’auteur invoque la charge que représente une descendance, le danger qu’elle constitue pour la foi et le salut de l’âme.
Enfin, le troisième traité dans lequel Tertullien s’adresse au public féminin n’est autre que le De virginibus velandis (Le voile des vierges), qui concerne celles qui ne sont pas encore mariées ou ne souhaitent pas l’être. Le but du traité est de démontrer que les jeunes filles vierges doivent se voiler dès qu’elles ont atteint la puberté, c’est à dire dès qu’elles sont susceptibles de susciter le désir des hommes (11.4) : Tertullien s’emploie ainsi à prouver que l’injonction paulinienne concernant le port du voile par les femmes s’applique aussi aux vierges, puisque celles-ci sont, comme toutes les autres, dans l’obligation de porter un signe de sujétion, au contraire des hommes, dont le seul chef est le Christ. Instrument de soumission, signe de respect envers Dieu, le voile est aussi le moyen pour la vierge d’échapper aux regards. Si, à la fin du Moyen Âge, rares sont les auteurs de notre corpus qui conseillent encore d’avoir recours à cette pièce de vêtement pour dérober la jeune fille aux regards16, ils ne cessent en revanche d’insister sur l’obéissance, la modestie et la timidité dont elle doit faire preuve, et sur la nécessité de limiter au maximum ses sorties.
Dans les textes de notre corpus, la jeune fille vierge doit être la plus parfaite incarnation de toutes les vertus, au premier rang desquelles la chasteté et la pudeur, deux vertus importantes pour Tertullien au point qu’il a consacré un traité à chacune d’elles. Il est cependant intéressant de constater que, dans ces textes, il n’est pas seulement question des jeunes filles ou des vierges dans leur ensemble, ni même des femmes en général, mais de tous les chrétiens, et avant tout de ceux qui sont mariés. À la première de ces qualités, Tertullien consacre en effet le De exhortatione castitatis (Exhortation à la chasteté) qui, en réalité, s’adresse à un « frère » veuf qui songe à se remarier. Ce traité concerne donc de nouveau la question des secondes noces, que Tertullien examine cette fois plus particulièrement à la lumière de la doctrine du Paraclet, c’est à dire selon une interprétation des plus rigoristes. Se basant sur les observations de saint Paul sur le mariage, il affirme que c’est seulement par indulgence que Dieu autorise l’homme à se marier (3.5), mais ce mariage est destiné à être unique, puisqu’il symbolise l’union du Christ et de l’Église : vouloir renoncer au second degré de chasteté que constitue le veuvage en cherchant à se remarier serait faire montre d’un goût immodéré pour la débauche (9.1). De même, c’est en l’appliquant au mariage que Tertullien développe la question de la pudeur, qu’il considère comme la plus grande vertu et le fondement de la sainteté pour les deux sexes. Le De pudicitia (De la pudicité) 17 se veut une défense de cette vertu, tombée en désuétude sous les coups de la dégradation des mœurs et du relâchement de la rigueur ecclésiastique : un édit papal venait en effet de proclamer que le souverain pontife pardonnerait désormais les péchés d’adultère et de fornication s’ils avaient fait l’objet d’une pénitence (1.6). Tertullien s’emploie donc à lutter contre cette idée en insistant sur le caractère impardonnable de l’adultère et de la fornication, considérés comme des péchés dont il n’est plus possible d’obtenir la rémission après le baptême. Le De pudicitia s’adresse donc à tous les chrétiens, et sans stigmatiser particulièrement le comportement de l’un ou l’autre sexe. Il en va de même, enfin, du De monogamia (De la monogamie), dans lequel l’auteur synthétise sa réflexion sur la question du mariage et l’opportunité des secondes noces. Il insiste en effet sur la nécessité de la continence, qui ne prend pas la forme d’une absence totale de relations sexuelles, mais implique simplement la monogamie. Tertullien condamne donc aussi bien les bigames que ceux qui se remarient après la mort de leur conjoint : les deux sont coupables d’adultère (9.4). En outre, si dans l’Ad uxorem il autorisait le remariage avec un chrétien, dans ce dernier traité il l’interdit, dans la mesure où une veuve chrétienne qui se remarie avec un chrétien se remarie avec son frère (7.5). La veuve doit donc rester célibataire, prier pour son mari et faire dire des messes au jour anniversaire de sa mort, faute de quoi on considérera qu’elle l’a répudié. Ces questions sont encore débattues dans certains des textes de notre corpus, et si les réponses à ces interrogations et la façon de traiter ces thématiques pourront évoluer, on trouve déjà, en ce début de IIIe siècle, des points de vue qui seront repris à la fin du XVe et même au début du XVIe siècle.

L’apport fondamental de saint Jérôme (ca. 347-420)

la différence de Tertullien, qui n’est que rarement cité nommément, bien que ses idées aient eu une certaine influence, saint Jérôme est, sans doute, l’un des Pères les plus cités dès qu’il s’agit de l’éducation des femmes, pour sa doctrine, bien sûr, mais aussi parce qu’il incarne, par sa vie et son action envers plusieurs dames de la haute aristocratie romaine, une sorte de modèle pour certains auteurs de notre corpus, notamment ceux issus des rangs ecclésiastiques. Cette démarche peut en effet sembler exemplaire et digne d’imitation : alors que Jérôme est à Rome, invité par le pape Damase18, il entre en contact avec un groupe de femmes et de jeunes filles de la haute aristocratie qui s’enthousiasment pour la vie d’étude et d’ascétisme. Son œuvre éducative commence par des conférences dans le palais de Marcella, où il rencontre celles qui seront ses futures correspondantes ou dont le nom apparaîtra dans ses lettres : Marcella, la veuve Paula et ses filles Blésilla et Eustochium, Léa, Asella, Furia, etc. De même, ces femmes étaient loin d’être ignorantes, dans la mesure où elles connaissaient le grec et où certaines apprirent même l’hébreu. Sous l’influence du saint, certaines adoptèrent des coutumes monastiques, donnant leurs biens aux pauvres, chantant des psaumes jour et nuit, voire, comme dans le cas de Paula et Eustochium, partant pour la Terre sainte à sa suite. Ces dernières contribuèrent d’ailleurs à la fondation d’un monastère féminin lié au monastère masculin fondé par le saint, en y consacrant leurs efforts et leur fortune. On comprend mieux, dès lors, que la lecture des œuvres de saint Jérôme, et notamment des épîtres qu’il envoya à ses correspondantes féminines soit chaudement recommandée : si les auteurs de la fin du Moyen Âge et du début des Temps Modernes ne cherchaient sans doute pas à inciter leurs lectrices à partir pour la Terre sainte, la fondation de monastères, l’abandon d’une vie fastueuse et la pratique de l’aumône envers les pauvres étaient considérés comme les manifestations d’une vie vertueuse. Certaines de ces lettres sont particulièrement intéressantes, comme la lettre XXII (« Ad Eustochium »), qui est sans doute l’une des plus souvent citées, ou la lettre CVII (« Ad Laetam, de institutione filiae »), dans laquelle il construit un véritable programme pédagogique pour l’instruction de la petite Paule, qui n’est autre que la petite fille de celle qui l’avait accompagné à Bethléem.
Ces lettres ont été plusieurs fois copiées au Moyen Âge, et plusieurs manuscrits attribuent à la première un sous titre : « De virginitate servanda »19. Elle est en effet adressée à Eustochium (ou Eustochie), jeune fille de la haute aristocratie romaine, qui, retirée dans un des appartements du palais romain de sa mère, a choisi la voie de la virginité perpétuelle. Cette voie est, bien entendu, la meilleure – et saint Jérôme tente de renforcer la conviction de sa correspondante en lui décrivant les mille tracas du mariage – mais elle est très dangereuse, et risque de conduire à l’orgueil20. On retrouve dans les mots de saint Jérôme la distinction entre les vierges sages et les vierges folles21, et la condamnation sans appel de celle qui faute et perd sa virginité : comparée à une prostituée, il aurait alors mieux valu pour elle se marier que de déchoir ainsi22. Dès lors, il s’agit pour l’auteur de donner à sa pupille des solutions pour préserver sa virginité, et les premières concernent le régime alimentaire, défini selon des principes que nous allons sans cesse retrouver dans les textes de notre corpus. Il faut, tout d’abord, éviter le vin à tout prix. Si celui-ci peut être un remède, il est particulièrement dangereux pour la jeune fille, dans la mesure où les feux de la jeunesse seraient attisés par les feux de l’alcool23. Puisque le corps de la jeune fille est plus chaud que celui des personnes plus âgées, son régime alimentaire devra exclure tout ce qui est susceptible de provoquer un accroissement de cette chaleur, à savoir la viande et les plats chauds. Plus généralement, c’est la gourmandise qui est condamnée, dans la mesure où c’est par le ventre que l’homme a chuté24, et on ne saurait pratiquer la virginité sans jeûner. C’est d’ailleurs à leur visage marqué par le jeûne que la vierge doit reconnaître ses compagnes potentielles, tandis qu’elle doit rejeter toutes ses anciennes fréquentations, et éviter notamment les réunions de matrones et les demeures nobiliaires25. Ces réunions peuvent en effet être l’occasion d’entendre des conversations dommageables ou des plaisanteries, et de rencontrer des jeunes filles étrangères, toutes choses qui sont à éviter26. Enfin, le vêtement de la jeune vierge doit lui permettre de passer totalement inaperçue : dépourvu de toute originalité, il ne doit pas signaler son état au passant, ne doit être ni trop sale, ni trop net27, et, bien entendu, ne doit pas être trop raffiné, l’auteur n’hésitant pas à critiquer les coquettes romaines dont les armoires sont remplies de vêtements28.

Table des matières

Introduction
Première partie L’éducation des femmes en Espagne entre 1454 et la fin des années 1520 : héritages et évolutions
Chapitre premier : Les textes didactiques destinés aux femmes dans la continuité d’une tradition (Ier – XIVe siècle)
A. Éduquer les femmes par l’écrit : une pratique déjà ancienne
1. Les fondements textuels de l’éducation des femmes
a. Un texte de base : les Épîtres de Paul
b. L’oeuvre inaugurale de Tertullien
c. L’apport fondamental de saint Jérôme (ca. 347-420)
d. Vivre la virginité, le mariage et le veuvage en chrétienne au IVe siècle : saint Ambroise de Milan et saint Jean Chrysostome
2. Quelques textes pour l’éducation des femmes en Europe au Moyen Âge
a. Francesco da Barberino : la volonté de parler à toutes les femmes
b. Former à la vie conjugale au XIVe siècle : conseils aux futures Griselidis
c. Christine de Pizan : une éducation au féminin ?
3. L’éducation des femmes dans les textes avant le XVe siècle en Espagne : des reflets fragmentaires
a. L’opuscule de Léandre de Séville pour sa soeur : un texte longtemps resté sans suite
b. L’éducation des femmes et l’exercice du pouvoir
c. Éducation des femmes et femmes éduquées dans la littérature espagnole des XIIIe et XIVe siècles
B. Des pratiques difficiles à cerner
1. Le foyer : un espace d’apprentissage essentiel pour la gent féminine
a. Des enseignements essentiels : être vertueuse et savoir tenir un ménage
b. Enseignements honnêtes et déshonnêtes
2. L’éducation dans les établissements religieux
3. Un exemple d’éducation dans la plus haute société : celle d’Isabelle de Castille
C. La réapparition des traités d’éducation destinés aux femmes au XVe siècle : éléments d’explication d’un retour en grâce
1. L’élan initial donné par la littérature catalane
a. Une porte d’entrée de la « Querelle des femmes »
b. Écrire pour la formation des femmes
2. Échos de la « Querelle des femmes » à la cour de Castille
a. Des femmes sur le devant de la scène politique (première moitié du XVe siècle)
b. Une revalorisation du savoir féminin ?
3. Conclusions du premier chapitre
Chapitre II : Écrire pour l’éducation des femmes de 1454 à la fin des années 1520 : naissance et maturation d’un mouvement
A. De la polémique à l’enseignement : le règne d’Henri IV
1. Des écrits polémiques aux écrits didactiques
2. Éduquer les femmes : un nouvel enjeu
B. 1474-1504 : l’apogée de la littérature didactique destinée aux femmes sous le règne d’Isabelle la Catholique ?
1. La reine et la production didactique spécifiquement destinée aux femmes : Isabelle au centre d’un réseau
2. Les femmes de l’entourage de la reine : les destinataires privilégiées des textes didactiques
C. 1504 – 1530 : les déportements de la littérature didactique espagnole
1. L’entourage de Catherine d’Aragon : le nouveau pôle de production de la littérature didactique destinée aux femmes
2. En Espagne : la littérature didactique comme témoin de l’évolution des mentalités ?
3. Conclusions du deuxième chapitre
Chapitre III : Fortunes d’un genre : les livres écrits pour l’éducation des femmes espagnoles entre la fin des années 1520 et le Concile de Trente
A. De l’éducation des femmes à l’éducation du couple : la « literatura de matrimonio »
1. L’émergence des guides du mariage : un aboutissement de la revalorisation de la vie spirituelle des laïcs
a. De l’éducation des femmes à la formation des époux
b. Définir le « bon mariage » et les « bons époux »
2. Éduquer les femmes ou guider les époux : un simple changement de perspective ?
a. Le « Sermón en loor del matrimonio » de Juan de Molina : le bon mariage comme fondement de la République
b. La « Letra para Mosén Puche » : former des jeunes mariés à la vie de couple
c. Les Coloquios matrimoniales, de Pedro de Luján : promouvoir le mariage et en guérir les maux
B. Évolution ou perpétuel retour ?
1. Des années 1530 aux années 1560 : vers une restriction des lectures spirituelles féminines
2. À la fin du XVIe siècle : de nouveaux textes pour éduquer les femmes
C. La réélaboration du Libre de les dones dans le Carro de las donas : faire évoluer un héritage
1. Le prologue : un espace d’expression pour le traducteur
2 Persistance des modèles éducatifs et adaptations aux évolutions de la société
3. Conclusions du troisième chapitre
D. Conclusions de la première partie
Deuxième partie Contenus et méthodes d’enseignement : une littérature plurielle et polymorphe
Chapitre premier : Apprendre les règles de la vie de cour : les miroirs de princesses
A. Nouveaux miroirs pour une situation inédite : le pouvoir au féminin
1. Le Jardín de nobles doncellas : du bien-fondé du gouvernement féminin
a. Un manifeste politique
b. Quelle formation pour la reine ?
c. Comment éduquer ?
2. Le Dechado de fray Íñigo de Mendoza : guider les premiers pas d’une reine
a. Fray Íñigo de Mendoza (ca. 1424-ca. 1508) : franciscain et homme de cour
b. Le Dechado : tisser la trame du nouveau pouvoir
c. Du rythme poétique à l’exemple : de multiples procédés didactiques
3. Du Jardín au Dechado : de la doncella à la virago ?
B. Éduquer les dames
1. La Relaçión de la doctrina que dieron a Sarra : une première ébauche de miroir
a. Fernán Pérez de Guzmán : entre prose historique et vers didactiques
b. La Relaçión de la dotrina que dieron a Sarra : un miroir à destination des dames mariées
c. La Relaçión : un exemple de poésie didactique
2. L’Avisación de Hernando de Talavera : un miroir pour la cour féminine d’Isabelle
a. Hernando de Talavera et la réforme des moeurs à l’époque d’Isabelle la Catholique
b. L’Avisación : un emploi du temps, mais pas seulement
c. L’Avisación : prêcher et convaincre
C. Les Castigos y doctrinas que un sabio daba a sus hijas : un miroir des dames à marier
1. Quelques points énigmatiques
a. Miroir pour dames, literatura de matrimonio, littérature épistolaire ou traité ?
b. L’auteur et son public
2. Des épouses vertueuses pour des hommes avisés
a. Obéissance, chasteté et honnêteté : les clés d’un mariage réussi
b. Vers une morale du juste milieu
3. Exemples et autorités : les fondements d’une doctrine
a. Les exemples : quand la narration fait irruption dans la doctrine
b. Les autorités : l’Écriture sainte, mais pas uniquement
c. Organisation et stratégies discursives
D. La Crianza y virtuosa doctrina de Pedro de Gracia Dei : un traité de savoir-vivre à la fin du XVe siècle en Espagne
1. L’auteur et sa destinataire dans l’entourage des Rois Catholiques
a. Pedro de Gracia Dei : un auteur énigmatique
b. Isabelle, infante de Castille
2. La Crianza y virtuosa doctrina : un manuel des pratiques courtoises derrière le rideau de l’allégorie ?
a. Une peregrinatio vitae pour une démonstration d’érudition
b. La dotrina del servicio
c. Fête de cour et morale religieuse
3. Les miroirs au féminin : une éducation univoque ?
Chapitre II : Écrire pour éduquer chaque femme : des sommes consacrées à l’éducation féminine
A. Le Libro de las donas : une encyclopédie de la nature féminine
1. L’original, la traduction et la réélaboration
2. Le Libro de las donas : les femmes dans tous leurs états
a. De l’impossibilité de parler des femmes sans parler aux hommes et sans parler des hommes
b. Naître femme et le devenir
c. Éduquer l’épouse, éduquer l’époux, former le couple
d. Être veuve : un statut intermédiaire entre l’épouse et la religieuse
3. Le Libro de las donas : une encyclopédie méthodique
a. La recherche de la clarté
b. Auctoritates et exempla : illustrer et légitimer le propos
B. Le Livre des Trois vertus : un autre regard sur la diversité féminine
1. La cour portugaise : une porte d’entrée de l’oeuvre de Christine de Pizan dans la péninsule Ibérique
a. Le Livro das três vertudes a insinança das damas : une première traduction portugaise du Livre des trois vertus
b. L’imprimé de 1518 : un outil pour la diffusion d’un enseignement à l’autorité reconnue
2. Le Livre des trois vertus : un enseignement différencié en fonction de l’appartenance sociale ?
a. Les « princepces et haultes dames » : des modèles à imiter
b. Une noblesse féminine aux multiples facettes
c. Le Livre des Trois Vertus et l’éducation des femmes du peuple
3. Comme un roman : le Livre des Trois Vertus et ses stratégies didactiques
a. Récit cadre et autres mises en scènes du discours didactique
b. Autorités et exemples : entre reprise d’éléments canoniques et affirmation auctoriale
C. L’Instrucción de la muger christiana : l’oeuvre pédagogique de Vives mise à la portée des femmes espagnoles
1. Juan Luis Vives et l’éducation des femmes
a. L’itinéraire d’un « humaniste engagé »
b. Catherine d’Aragon et la rédaction de l’Institutione foeminae christianae
c. 1528-1529 : l’élaboration de l’Instrucción de la muger christiana
2. L’Instrucción de la muger christiana : à chaque âge ses exigences
a. Un regard novateur sur l’enfance et la jeunesse féminine ?
b. L’épouse et l’harmonie du couple chrétien idéal
c. Le veuvage ou l’inconcevable autonomie féminine
3. De l’Institutione à l’Instructión : évolutions et permanences des procédés pédagogiques
a. L’empreinte vivesienne
b. La pédagogie de l’Instructión : quelques innovations
c. Les sommes éducatives destinées aux femmes entre la fin du XIVe et le début du XVIe siècle : quelles évolutions ?
Chapitre III : Canaliser la foi des laïques : quelques traités de formation religieuse
A. Spiritualité et vie religieuse en Espagne à la fin du Moyen Âge : à la recherche d’une piété rénovée
1. Le soutien de la noblesse aux tentatives de réforme des ordres monastiques, témoin d’une recherche spirituelle
a. Les Hiéronymites : un ordre proche des classes dirigeantes
b. Une tentative de réforme péninsulaire : fray Martín Vargas et l’ordre de Cîteaux
c. La réforme franciscaine : les fondements d’une nouvelle spiritualité
2. La spiritualité franciscaine et la devotio moderna : deux influences essentielles pour la vie spirituelle féminine
a. L’influence de la spiritualité franciscaine dans le monde laïc
b. La Devotio moderna et les nouvelles modalités de la contemplation
c. Une demande religieuse de plus en plus forte et plurielle
d. Illuminisme et érasmisme : deux expressions de l’inquiétude spirituelle en Espagne à l’aube des Temps Modernes
3. Entre la fin du XVe siècle et le début du XVIe siècle : l’élaboration d’une piété livresque
a. Des femmes et des livres
b. Un climat politique favorable à la multiplication des livres de spiritualité
B. Éducation et mariologie : le Libro de las Historias de Nuestra Señora de Juan López de Salamanca, et le Título Virginal de Nuestra Señora, d’Alfonso de Fuentidueña
1. Le Libro de las Historias de Nuestra Señora : piété, pédagogie et représentation
a. Le Libro dans son contexte d’écriture
b. Le Libro de las Historias de Nuestra Señora : quand la Vierge parlait à l’oreille de Leonor par la bouche de son confesseur
c. Un dialogue pédagogique aux multiples rouages
2. Le Título virginal de Nuestra Señora : une initiation à la contemplation
a. L’énigmatique franciscain et sa mystérieuse destinataire
b. La foi, la piété, les oeuvres
c. Gravir l’échelle de la contemplation
C. Le Fasciculus Myrrhe : une éducation à la contemplation
1. Le prologue au Fasciculus, ou comment utiliser avec profit le « petit bouquet »
a. Sous l’impulsion de la réforme franciscaine : Ana de Cabrera et le Fasciculus Myrrhe
b. Des vertus de la contemplation
2. Revivre la Passion avec le Fasciculus Myrrhe : une purgation par la douleur et les larmes
a. « No demando sino tormentos y dolores » : pathos et dévotion dans le Fasciculus
b. La Passion à hauteur d’homme et de femme
c. L’opuscule d’un Franciscain observant
3. Faire naître les images, susciter la réflexion
a. L’iconographie et le texte : stimuler l’imagination du lecteur dans le Fasciculus
b. L’auteur et l’âme du contemplatif : un dialogue constant
D. Consoler et transmettre une morale de renoncement au monde
1. Le Vencimiento del mundo : la pénitence comme fondement de la vie religieuse
a. Le texte, son auteur et sa dédicataire : des données parcellaires et ambiguës
b. Un manuel d’ascétisme
c. Établir la véracité d’un discours : les stratégies à l’oeuvre dans le Vencimiento
2. La Summa de Pasciencia : tirer les enseignements d’un deuil
a. Un convers aragonais au chevet de l’infante
b. Sortir vainqueur de la bataille mondaine : la Summa de pasciencia comme manuel du miles christi
d. Construire et améniser son discours : quelques aspects des techniques pédagogiques à l’oeuvre dans la Summa de pasciencia E. Les manuels de formation religieuse entre la fin des années 1460 et le début du XVIe siècle : des témoins de l’évolution des pratiques féminines ?
Chapitre IV : Éduquer et instruire
A. L’Historia de Inglaterra, de Rodrigo de Cuero : écrire l’histoire pour une future reine
1. Catherine d’Aragon, reine d’Angleterre
2. Le vade-mecum de la nouvelle souveraine
a. La chronique d’Angleterre comme prétexte à une histoire universelle
b. Enseignements lingusitiques, géographiques et ethnographiques : connaître le peuple et son territoire
c. Cueillir « el fruto de los tiempos » : les leçons de l’Historia de Inglaterra
3. L’historien à l’oeuvre
a. Écrire l’histoire
b. Construire la chronique
B. Transmettre un savoir pratique : médecine domestique, pharmacologie et cosmétique
1. Les femmes et les soins du corps : entre la norme et la marge
a. La médecine domestique : une nécessité
b. Des pratiques parfois sujettes à caution
2. Les réceptaires : transmettre des savoirs pratiques au sein de l’aristocratie
a. Le Manual de mugeres : des solutions aux problèmes du quotidien
b. Une pédagogie dépouillée
3. Normes morales ou esthétiques : les corollaires indispensables de toute instruction
C. Conclusions de la deuxième partie
Troisième partie Essai de praxéologie des textes appartenant à la littérature didactique destinée aux femmes
Chapitre premier : Les textes didactiques destinés aux femmes ; les grands absents des bibliothèques féminines ?
A. Les textes didactiques dans les bibliothèques féminines : une présence très discrète
1. Des lectrices peu friandes de textes didactiques
2. Les livres de piété : des lectures prisées
B. Les textes dans les bibliothèques de leurs dédicataires : un bilan contrasté
1. La bibliothèque de Leonor de Pimentel et les oeuvres de Juan López de Salamanca
2. Les oeuvres didactiques parmi les livres d’Isabelle la Catholique et de ses filles
C. La diffusion des textes didactiques : des données très contrastées
1. Des manuscrits à la diffusion réduite
2. L’impression : un facteur décisif dans la diffusion d’un texte ?
3. Le cas des sommes éducatives : une diffusion aux multiples étapes
D. Conclusions du premier chapitre
Chapitre II : Quels usages pour quels textes ?
A. Manuels didactiques et manuels de didactique : des oeuvres destinées à ceux qui sont chargés d’éduquer les femmes
1. Époux et précepteurs : des lecteurs des textes didactiques destinés aux femmes
a. La figure de l’enseignant dans le Libro de las donas
b. Juan Luis Vives : un pédagogue qui forme un précepteur
2. La place du magistère féminin
a. Une place difficile à trouver
b. Former les gouvernantes : un enjeu pour la littérature didactique destinée aux femmes ?
B. Entendre un texte pour le lire : la lecture orale
1. Un mode d’apprentissage légitime
2. La Crianza y virtuosa doctrina : hypothèses sur son mode de lecture
3. Le Libro de las Historias de Nuestra Señora : un dialogue mis en scène ?
C. Une lecture en réseaux ?
1. Les notions de « textual community » et « reading community »
2. Des lectures partagées au sein de cercles féminins
D. Apprendre seule et en silence
1. Les manuels de piété : une lecture solitaire et recueillie
2. La lecture réitérée : un moyen de mémorisation et d’apprentissage
E. De multiples façons d’apprendre en lisant
Chapitre III : Politique et pédagogie dans la littérature didactique destinée aux femmes
A. La littérature didactique et les institutions éducatives
1. L’éducation à la cour
a. L’éducation à la cour d’Henri IV : une dénégation des principes diffusés par la littérature didactique destinée aux femmes ?
b. L’éducation à la cour des Rois Catholiques : une application à la lettre des principes développés par la littérature didactique destinée aux femmes ?
c. Femmes savantes et femmes éduquées à la cour d’Isabelle la Catholique
2. L’éducation dans les établissements consacrés à la formation des jeunes filles
a. Les colegios de doncellas : des établissements consacrés à l’éducation des femmes
b. La « Casa de la Criança » de soeur Isabel Cifré : un colegio de doncellas à Majorque
B. L’imprimerie : un levier des politiques éducatives ?
1. L’imprimerie : un outil au service du pouvoir royal
2. L’imprimerie au service du clergé : un outil pour la réforme des moeurs
3. Les imprimeurs et le marché du livre : le corpus des incunables comme témoignage des goûts du public ?
C. Relations de pouvoir et enjeux politiques dans la littérature didactique destinée aux femmes à l’aube des Temps Moderne
1. Des élèves dociles ? Autorité pédagogique et pouvoir socioéconomique
a. Gagner la bienveillance de la dédicataire : un enjeu fondamental
b. L’Avisación de Talavera, ou l’affirmation de l’autorité du clerc sur son élève
2. Les textes didactiques dans les dernières années du règne d’Henri
IV : une arme politique au service des adversaires du roi
a. Le Libro de las Historias, ou quand les intérêts politiques d’un auteur rencontrent ceux de sa dédicataire
b. Le Jardín de nobles doncellas : un plaidoyer en faveur d’Isabelle
3. Les textes didactiques sous le règne des Rois Catholiques : une façon
d’affirmer son adhésion à l’idéologie dominante
a. L’Avisación a María Pacheco comme témoignage de ralliement aux nouveaux souverains
b. La Summa de pasciencia : un signe d’allégeance religieuse
4. Les textes didactiques dédiés à Catherine d’Aragon au service des relations de l’infante espagnole avec l’Angleterre
a. L’Historia de Inglaterra de Cuero : un outil diplomatique ?
b. Le prologue de l’Institutione foeminae christianae : un plaidoyer en faveur de Catherine
5. L’enseignement ne serait-il qu’un enjeu secondaire de la littérature didactique ?
D. Conclusions de la troisième partie
Conclusion générale
Bibliographie

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