L’entretien motivationnel dans la prise en charge du surpoids et de l’obésité chez l’enfant et l’adolescent

Surpoids et obésité

Définition et physiopathologie

Longtemps dans l’histoire de l’humanité la prise de poids, le « corps gros » étaient vus comme des marqueurs de richesse et de bonne santé. En effet, à des époques antérieures, se nourrir était bien plus compliqué et dénutrition ou pénuries alimentaires étaient légions. Cette vision positive du surpoids a au fil du temps évolué et c’est au XIXe siècle que la communauté médicale s’y intéresse plus spécifiquement et commence à suspecter des problématiques de santé secondaires à l’excès de graisse dans le corps . De nos jours, selon la Société Française d’Endocrinologie (SFE) ou Collège des Enseignants d’Endocrinologie, Diabète et Maladies Métaboliques (CEEDMM), l’obésité est définie comme une maladie évolutive d’origine multifactorielle sans tendance spontanée à la guérison, qui affecte le bien-être physique, social et psychologique d’un individu .
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) la définit de son côté comme un excès de masse grasse entraînant des conséquences néfastes pour la santé .
La SFE distingue trois types d’obésité : l’obésité génétique, rare, généralement dépistée dans l’enfance ; l’obésité secondaire, soit endocrinienne (hypercortisolisme, hypothyroidie) soit hypothalamique (tumorale, infiltrative, iatrogène) ; l’obésité commune, la plus fréquente, celle qui nous intéresse, due à de nombreux facteurs (mauvaise alimentation, sédentarité, etc).
Les deux premières ne sont pas le sujet de ce travail qui se concentre sur la prise en charge de l’obésité commune, polyfactorielle comportementale et environnementale.
Facteurs favorisant la prise de poids (CEEDMM) : Apports énergétiques excessifs (alimentation trop riche, trop dense en calories, boissons sucrées, grande taille des portions) ; Sédentarité ; Arrêt ou réduction de l’activité physique et sportive ;  Arrêt du tabac non accompagné de mesures adaptées ; Consommation d’alcool ; Prise de certains médicaments (parmi lesquels des neuroleptiques, des antidépresseurs, des régulateurs de l’humeur, des antiépileptiques, les corticoïdes) ; Facteurs génétiques et antécédents familiaux d’obésité ; Antécédents d’obésité dans l’enfance ; Grossesse ; Ménopause ; Troubles du comportement alimentaire (impulsivité alimentaire, compulsions alimentaires, hyperphagie boulimique) ; Troubles anxio-dépressifs et périodes de vulnérabilité psychologique ou sociale ; Facteurs professionnels (parmi lesquels stress au travail, travail posté) ; Diminution du temps de sommeil.

Quelques éléments de mesure et classification

La masse grasse étant difficile à quantifier en routine, un indicateur, l’indice de masse corporelle (IMC, correspondant au rapport du poids en kg sur la taille en mètre au carré), corrélé en partie à la masse grasse est utilisé.
Cet indicateur, imaginé pour la première fois en 1832 par Adolphe Quételet , devenu en 1972 le «gold standard» de la mesure d’adiposité a vu son usage imposé en 1998 par l’OMS dans un but d’uniformiser les études épidémiologiques . Les valeurs d’IMC de 25 puis de 30 ont été retenues car elles correspondaient à des points d’inflexion de la courbe du rapport entre IMC et ratio de mortalité . Cet indicateur (IMC) bien que fort utile et dont l’utilisation est désormais généralisée mondialement est imparfait, tous les hommes (et femmes) n’ayant pas le même physique. En effet une personne très musclée (exemple extrême : bodybuilder) aura un IMC élevé sans problématique d’un excès de masse grasse et ses conséquences.
L’IMC ne s’intéresse pas à la répartition du tissu adipeux or cette dernière est directement corrélée à l’augmentation du risque de maladies cardiovasculaires et métaboliques. Lorsque la répartition est à prédominance facio-tronculaire, l’obésité est dite « androïde » et est estimée par la mesure du périmètre abdominal (PA). Une augmentation de cette mesure est associée à un excès de graisse viscérale et est en lien avec la majoration de la morbi-mortalité cardiovasculaire existe également d’autres techniques du calcul de la masse grasse : la bio-impédancemétrie, l’absorptiométrie biphotonique aux rayons X (DEXA), la mesure des plis cutanés, la pléthysmographie, la pesée hydrostatique ou encore la technique de l’eau lourde. Toutefois ces techniques ne sont pas utilisées en pratique clinique de routine car trop compliquées à mettre en place.

Complications

Au niveau individuel : Bien connues maintenant, les complications secondaires au surpoids et surtout à l’obésité sont nombreuses .
Risque accru de pathologies cardiovasculaires : hypertension artérielle (HTA), accidents vasculaires cérébraux (AVC), accidents coronariens, dyslipidémies. Risque accru de pathologies endocriniennes : insulino-résistance, diabète de type 2 (DT2).
Risque accru de pathologies rhumatismales : gonarthrose, coxarthrose. Risque accru de néoplasie (en particulier hormono-dépendante et gastro-intestinales). La liste pourrait encore s’allonger de manière conséquente (pathologies hépatiques, syndromes anxio-dépressifs, etc) .
La conséquence de toutes ces complications est que d’une manière générale, l’obésité va être corrélée à un sur risque de mortalité, et ceci d’autant plus important que l’intensité de l’obésité sera grande et plus ancienne . Ceci traduit une certaine logique quand on sait que des morbidités telles que le DT2, les dyslipidémies ou l’HTA sont indépendamment déjà associées à une plus grande mortalité. Selon l’OMS, 2,8 millions de personnes meurent chaque année de maladies dont l’obésité est reconnue comme étant un facteur de risque.
Conséquences sur la collectivité (santé publique) : Selon un rapport du ministère de l’économie et des finances Français de septembre 2016, l’obésité a un coût élevé qui a été estimé par l’ESPS (enquête santé et protection sociale) en 2012 à 20,4 Milliards d’euros soit 1 % du PIB. Ce coût dépasse par exemple celui des soins associés à l’alcool. L’ESPS calcul un surcoût total de 785 € pour les personnes obèses et 330 € pour celles en surpoids. Cependant il est important de noter qu’une partie de ces dépenses ne sont pas prises en charge par l’assurance maladie.
Il est dû à plusieurs éléments : Les coûts liés aux dépenses de santé (soins de ville, soins hospitaliers, dépenses de prévention, indemnités des arrêts maladies, pensions d’invalidités) ; Les coûts liés à la perte de production due à deux facteurs principaux : absentéisme plus élevé chez les personnes obèses, exclusion d’une partie de la population obèse du marché du travail (surtout vrai chez les femmes).
L’importante prévalence de l’obésité et du surpoids explique également ce montant important. Les prévisions de l’INSEE (institut national de la statistique et des études économiques) basées sur la croissance observée entre 2002 (IRDES (Institut de recherche et documentation en économie de la santé)) et 2012 (ESPS), font une estimation d’environ 8 millions de personnes obèses et en surpoids supplémentaires à l’horizon 2030.

Particularités pédiatriques

Contrairement aux adultes où la définition du surpoids commence à un IMC de 25 et celle de l’obésité à 30 et est valable quel que soit l’âge, la classification chez les enfants et adolescents est plus complexe car nous sommes face à des individus en pleine croissance. Par conséquent nous observons que l’IMC se modifie, augmentant rapidement durant la petite enfance (0 à 1 ans), diminuant au cours de la période préscolaire (jusqu’à 6-7 ans), pour augmenter à nouveau pendant l’adolescence et au début de l’âge adulte.
C’est pourquoi chez cette population sont utilisées les courbes de croissance (celles que l’on retrouve dans tous nos carnets de santé, du Programme National Nutrition Santé (PNNS)).
Les recommandations françaises reposent sur le travail d’un groupe d’experts, convoqués par l’International Obesity Task Force (IOTF) en 2000 et qui ont placé les seuils selon les courbes de centiles. Pour le surpoids, est considéré atteint un enfant ou un adolescent si celui-ci se trouve au-dessus de la courbe de centile qui amène à un IMC de 25 ou plus à 18 ans. Pour l’obésité le principe est le même mais au seuil de la courbe de centile qui amène à un IMC de 30 ou plus à l’âge de 18 ans .

Difficulté de la prise en charge du poids en pédiatrie

La prise en charge du surpoids et de l’obésité pédiatrique implique bien souvent un cadre multidisciplinaire et un suivi long avant d’observer des effets. C’est pourquoi la difficulté majeure du management de ces pathologies est de maintenir un haut niveau de suivi et d’adhérence.
En 1999 une étude italienne retrouvait entre 90 et 93% de perdus de vue selon les sexes lors d’un suivi de deux ans .
En 2011, une revue de la littérature de Skelton et al. recherchait les facteurs liés à l’abandon des patients lors des études sur la prise en charge du poids. Il était retrouvé comme facteurs favorisant: la sévérité de la maladie, des troubles du comportement et un plus grand IMC. Les nombreuses études analysées dans cette revue avaient un fort taux de perdus de vue.
Une étude menée quant à elle sur le ressenti des praticiens retrouvait comme obstacle principal à la prise en charge de l’obésité pédiatrique le manque d’implication parentale.
Un des objectifs majeurs dans la gestion du poids en pédiatrie, avant la réduction de la masse grasse, est de trouver des méthodes pour augmenter l’adhésion aux programmes et ce de manière durable.

L’entretien motivationnel

L’entretien motivationnel (EM) est une technique de consultation collaborative interventionnelle, centrée sur le patient, en entretien dirigé, décrite pour la première fois par le psychiatre américain William R. Miller en 1983, dont il a partagé ensuite la recherche et le développement de la technique avec le psychologue anglais Stephen Rollnick.
Cet entretien est basé sur le principe d’ambivalence, qui se définit de manière simple par le fait de vouloir et ne pas vouloir quelque chose en même temps. L’entretien motivationnel va accompagner le patient à ce point d’ambivalence, considéré comme point limitant à l’entrée dans le processus de changement, pour l’aider à l’identifier et le résoudre. Ceci va permettre de stimuler la motivation intrinsèque de la personne. Ce dernier point est le point essentiel de la consultation. Les stratégies de l’entretien motivationnel sont plus persuasives que coercitives, se basant plutôt sur le soutien que sur l’argumentaire et l’objectif global est d’accroître la motivation intrinsèque du patient afin que le changement vienne de lui plutôt que de lui être imposé de « l’extérieur ». L’EM est considéré comme dirigé dans le sens où l’intervenant devra «conduire» la consultation en orientant sa direction au fur et à mesure de son avancée. Il est néanmoins tout le contraire d’une consultation directive dans le sens habituel, à savoir avec un médecin expliquant ce que le patient doit faire, et ce dernier devant le faire sans questionnement sur lui-même. Au contraire, les questionnements du patient vont l’amener à fixer ses propres objectifs. Ce principe par conséquent très individuel, repose beaucoup sur les croyances des patients et il existe autant de consultations d’EM que de patients.
Miller a constaté à son époque qu’il était en quelque sorte acquis que les alcooliques devaient être arrivés à un point avancé de détérioration de leur santé avant d’être « prêts » à se faire traiter. L’idée triviale de «toucher le fond» semblait être un prérequis nécessaire avant d’être prêt à commencer une thérapie. Une fois en thérapie les patients se voyaient donner de multiples conseils et conduites à tenir pour « guérir », dans un modèle paternaliste et directif de consultation. Un des soucis principaux de ce modèle traditionnel était que d’un côté les échecs étaient attribués aux patients (manque d’implication dans le traitement, manque de volonté, rechutes, déni, etc.) mais les succès d’un autre côté n’étaient pas attribués au patient mais aux protocoles (le protocole et l’intervenant ont soigné le patient, il ne s’est pas soigné lui-même). Ainsi le protocole n’échouant jamais (mais les patients si), les thérapeutes se trouvaient toujours dans un système confortable pour eux . Il n’y avait pas de raison de changer leur approche vis-à-vis du patient et cela menait irrémédiablement vers un type de consultation confrontant et coercitif. Au lieu d’accompagner le patient celui-ci se retrouvait en lutte.

Table des matières

I. LISTE DES ABREVIATIONS 
II. INTRODUCTION 
A. SURPOIDS ET OBESITE 
1. Généralités
a. Définition et physiopathologie
b. Quelques éléments de mesure et classification
c. Données épidémiologiques et socio-économiques
d. Complications
2. Particularités pédiatriques
a. Définition
b. Épidémiologie
c. Conséquences
d. Prise en charge actuelle
3. Difficulté de la prise en charge du poids en pédiatrie
B. L’ENTRETIEN MOTIVATIONNEL
1. Généralités
a. Définitions et genèse
b. Déroulement
c. Techniques dérivées de l’entretien motivationnel
2. Domaines d’applications et efficacité
3. Dans le cadre de la prise en charge du surpoids et de l’obésité
4. Utilisation en pédiatrie
5. Moyen d’évaluation et de contrôle de la qualité (fidélité) d’un entretien motivationnel
C. POURQUOI CE TRAVAIL
III. MATERIEL ET METHODE 
A. PRESENTATION DE L’ETUDE, PARTICULARITE DU TRAVAIL EN BINOME 
B. CHOIX DES MOTS CLES ET BASES DE DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES 
1. Bases de données bibliographiques
2. Mots-clés, termes MeSH, équation de recherche
a. Mots-clés et termes MeSH
b. Équation de recherche
C. CRITERES DE SELECTION
1. Inclusion
2. Exclusion
D. COLLECTE ET SELECTION DES ETUDES
E. EXTRACTION DES DONNEES
F. DONNÉES ADMINISTRATIVES ET LÉGALES
IV. RESULTATS
A. DIAGRAMME DE FLUX
B. TABLEAU SYNTHETIQUE DES ETUDES
C. CARACTERISTIQUES DES PROTOCOLES DES ETUDES 
1. Type d’étude
2. Durée des études
3. Pays
4. Population étudiée
a. Âge
b. Parents
c. Population particulière
5. Intervention
a. Entretien motivationnel
b. Nombre et fréquence des sessions d’entretien motivationnel
c. Intervenant
d. Formation des intervenants
e. Fidélité des entretiens
f. Lieux d’intervention
6. Critères d’évaluation retrouvés
a. Clinico-anthropométriques
b. Comportementaux
c. Psycho-sociaux
D. RESULTATS SIGNIFICATIFS SUR LES CRITERES D’ANALYSE 
V. DISCUSSION
A. ENSEIGNEMENTS NOTABLES
1. Sur les effets de l’entretien motivationnel sur les critères d’analyse
a. Une modification des comportements
b. … qui se traduit par des modifications anthropométriques ?
c. Des effets psychosociaux moins analysés mais importants
2. Sur les modalités
a. Dose
b. Lieux
c. La place des parents
d. Population
e. Contenu
f. Associé à un programme
3. A condition d’une formation préalable aux techniques d’entretien motivationnel
B. FORCES ET LIMITES
1. Forces
2. Limites
C. PERSPECTIVES
VI. CONCLUSION
VII. ANNEXES 
VIII. BIBLIOGRAPHIE 

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