Les ambivalences de la co-construction d’un ”territoire mental”

Les ambivalences de la co-construction d’un ”territoire
mental”

La patrimonialisation du territoire : cadre théorique pour la création d’un « territoire mental ». À partir des acteurs en présence et selon les approches du processus entamé pour cette patrimonialisation, les rapports patrimoinenterritoirencommunautés semblent plus au moins conflictuels afin de trouver un accord au niveau du territoire. Penser à la patrimonialisation du territoire comme un projet de territoire nous mène à chercher des points d’articulation. L’approche de la conconstruction donne des pistes pertinentes des possibilités d’articulation entre la patrimonialisation par «désignation» et/ou par «appropriation», que nous pouvons mettre en exergue à partir de l’expérience des écomusées. Ces structures, qui ont souvent été issus d’idées de et d’initiatives portées par quelques personnes et/ou experts issus des communautés locales, ont été par la suite créées avec et par les communautés locales de Varine 1985, 2017) comme une sorte de « territoire mental » Mayrand 2004). Il s’agit d’initiatives qui permettent de repenser les rapports aux territoires et dont l’objectif principal est le développement local, ce qui passe par la mise en récit de leurs patrimoines. Mais la construction de ce récit du « territoire mental », qu’expose l’écomusée, dépend de deux logiques antinomiques développement/appropriation du patrimoine) défendues par des acteurs locaux responsables des prises de décision. Comment les décisions relatives au choix de l’une de ces logiques antinomiques, ou à leur articulation, peut elle s’effectuer avec et parles communautés locales ? Cela questionne indirectement le dialogue entre les scientifiques, ou experts, et les communautés locales dans le processus de patrimonialisation, et donc de création d’un « territoire mental », depuis la prise de conscience patrimoniale jusqu’à l’exposition et mise en récit du territoire. Nous proposons, dans les lignes qui suivent, le cadre théorique que nous avons retenu pour analyser les enjeux de la patrimonialisation des territoires à partir des apports d’auteurs du champ de la géographie et du champ de l’écomuséologie. Ce faisant nous posons progressivement les jalons pour l’analyse ultérieure de la con construction du récit d’un « territoire mental » à partir du cas des géoparcs espagnols. 30 I. La patrimonialisation du territoire et ses diverses approches Dans cette premièrepartie nous nous intéressons,pour notre cas d’étude, aux enjeux de la patrimonialisation des territoires afin d’identifier des pistes d’analyse en termes d’études existantes et de terminologies utilisées. 1. La patrimonialisation du territoire comme processus de construction Parler de patrimonialisation, c’est faire référence à des processus de « construction sociale » Berger et Luckmann 1968, 232) à partir de différentes versions de la réalité, « dont certaines peuvent être contradictoires, et qui sont toutes des effets de la communication, non le reflet de vérités objectives et éternelles » Watzlawick 1978, 7). Dans ce sens, le processus de patrimonialisation peut être considéré comme l’expression d’« une affectation collective sociale donc) de sens ; laquelle découle d’un principe de convention. Ce dernier traduit un accord social implicite souvent territorialisé et institutionnalisé) sur des valeurs collectivement admises ; témoignage tacite d’une indéniable identité partagée » Di Méo 2008a, 2n3). Ainsi, la patrimonialisation répondrait à des choix de société, portés par certains acteurs, dont le « […] devenir des objets – et non un objet définit – implique un phénomène relationnel entre des individus, des groupes et des objets, au cours duquel les uns et les autres se construisent comme acteurs et comme patrimoines » Tardy 2003, 109). Alors, le regard par les acteurs de la fabrique du patrimoine nous renvoie aux représentations sociales29 dont la prise de conscience de ses différences et/ou convergences est nécessaire pour comprendre la communication, qui, comme nous dit Dacheux, « n’est pas une solution, c’est un problème de construction du sens qui) dépend fortement du contexte dans lequel il s’effectue. Ce contexte constitue un cadre interprétatif qui participe à la construction du sens » 2011, 21). Il s’agit donc « d’un type de rapport au passé dans un jeu de continuités et de ruptures » Davallon 2006, 97), selon les acteurs et les contextes. Il s’agit aussi de «se focaliser sur les intentions et sur le sens d’un tel acte plutôt que sur l’objet considéré» Le Hégarat 2015, 10).Un processus qui s’inscrit dans un « principe narratif » Di Méo 2008a, 13), partant du choix des sites à leur mise en valeur et/ou valorisation pour une mise en récit d’un territoire. Le territoire, est un concept polysémique dont les usages varient d’une discipline à l’autre, non seulement au sein des approches de la géographie culturelle mais aussi de la géographie sociale. Comme l’indique Bonnemaison, l’un des auteurs fondateurs de la définition de territoire pour la géographie, « le territoire en effet ne répond pas seulement à des besoins d’identité et de sécurité, il est aussi le lieu d’une altérité consentie » 1981, 261). Cette altérité qui touche les liens entre territoire et savoirs se complexifie d’autant plus que «le territoire, premier de tous les patrimoines, suscite une attention toute particulière car il est un trait d’union entre le passé et le présent, et il est aussi le support incontournable du développement, qui ne saurait se passer d’une assise spatiale » Guillaud et Galipaud 2014, 17). Cela place la question de l’appropriation territoriale dans une double finalité « celle de la 29 « L’ensemble organisé des informations, des croyances, des attitudes et des opinions qu’un individu ou un groupe) élabore à propos d’un objet donné. La représentation est le produit et le processus d’une activité mentale par laquelle un individu ou un groupe) reconstitue le réel auquel il est confronté et lui attribue une signification spécifique» Abric 2003, 13). 31 définition de l’identité des territoires et celle de l’exploitation des ressources territoriales » Girault et Barthes 2016, 4). Ces notions, ellesnaussi, polysémiques sont continuellement en transformation et se retrouvent au sein de « l’espace territorial, luiEmême incertain et contesté, qui) devient l’arène d’un intense effet de déconstruction et de reconstruction permanente » Di Méo 2006, 2). Même si la question de l’appartenance nous paraît cruciale dans la construction d’un territoire, car « intimement liée et carrément indissociable de l’action sociale » Moine 2006, 119), et qu’elle porte une force qui selon Crambrezy « suffit parfois à forger un puissant sentiment national sans qu’une communauté de langue soit nécessaire » in Bonnemaison et al. 1999, 11), c’est bien la prise en compte des communautés locales dans cette construction qui nous semble indispensable. C’est pourquoi nous parlons de conconstruction du territoire pour qu’il devienne « dès lors un « géosymbole » c’estEàEdire un lieu, un itinéraire, un espace, qui prend aux yeux des peuples et des groupes ethniques, une dimension symbolique et culturelle, où s’enracinent leurs valeurs et se conforte leur identité » Bonnemaison 1981, 249), ceci en même temps que les décisions sur l’exploitation des ressources se consolident communautairement. Tout ceci nécessite une vision endogène qui « implique que le territoire n’est plus seulement celui de l’observateur ou de l’aménageur, ni encore celui de certains décideurs, mais avant tout celui des populations locales, basé sur leurs propres représentations et pratiques » Guillaud 2014, 25). Suivant cesidées, et soulignant qu’il n’existe pas un unique processus de patrimonialisation, nous prenons comme référence les étapes décrites par Di Méo. Celuinci, dans le cadre de la patrimonialisation liée aux territoires, souligne l’agencement des étapes, non seulement dans une suite successive, mais surtout « dans un principe itératif d’interactions » Di Méo 2008a, 13). Ce principe, nous l’entendons comme une boucle de rétroaction constante, dans laquelle chaque étape, conditionnée par les contextes et les acteurs en jeu, modifie, se modifie et s’agence dans le processus de construction sociale. Ainsi, les étapes des processus de patrimonialisation sont: « 1) La prise de conscience patrimoniale. 2) Jeux d’acteurs et contextes. 3) La sélection et la justification patrimoniales. 4) La conservation, l’exposition, la valorisation des patrimoines » Di Méo 2008a, 10n14). Si, pour Di Méo, les jeux d’acteurs et contextes sont l’étape «transversale» du processus, il s’agit bien plus pour nous de la structure même de tout le processus de patrimonialisation. Nous allons dans les lignes qui suivent préciser le dérouler et les enjeux de ces diverses étapes ayant comme axe structurant lesjeux d’acteurs. Di Méo propose, comme première étape de la patrimonialisation, la « prise de conscience » d’une valeur d’un site, ou d’un objet, au moins de la part d’une personne car, sans cellenci, il ne pourrait y avoir d’initiative de patrimonialisation. À partir des préceptes de Di Méo, la patrimonialisation du territoire sert à « justifier une cause, à rappeler une mémoire, à valoriser une séquence temps révolu) passée de la vie sociale » 2008a, 13). Ainsi, la patrimonialisation du territoire en tant que processus, pourrait se comprendre comme « une manière pour la société de changer en posant une continuité et de regarder son histoire de l’extérieur » Lenclud, 1994,42 in 32 Davallon 2006, 9798). Par contre, cela ne veut pas dire qu’il y a une prise de conscience généralisée et une identification de la part de tous les acteurs d’un territoire et qu’ils sont en accord sur la valeur du site et donc sur l’avenir de celuinci, de son usage, de sa conservation et/ou du changement de rapport à celuinci. Comme nous l’explique Di Méo, pour que l’initiative patrimoniale puisse prendre forme il faut « un minimum d’idéologie ambiante, favorable à l’intervention patrimoniale » 2008, 12) et même « si le contexte social et culturel est favorable au processus de patrimonialisation, celuiEci ne va jamais de soi et suscite des contradictions fortes quant à l’usage des espaces concernés» Veschambre 2007, 2). Comme par exemple dans le cas de la patrimonialisation de la nature, où « ce qui est vécu comme patrimoine pour les uns est souvent posé par les autres comme frein au développement » CormiernSalem, JuhénBeaulaton et Boutrais 2005, 518). Alors, il est nécessaire d’avoir un contexte qui favorise la prise de conscience patrimoniale par un plus large public ou au minimum par des publics ayant un certain pouvoir d’influence. Il est ainsi desnaturalistes, commeJohn Muir, pour qui le fait de changer les rapports à la nature est perçu comme un rapprochement de Dieu : « l’élixir spirituel de la nature » Johnson 2009, 159), a joué un rôle central dans le développement des politiques de protection de la nature aux EtatsnUnis cf. Philippon 2005 ; Van Dyke 2008), grâce entre autres à ses écrits sur le Yosemite et à son influence sur le président Théodore Roosevelt30 . Il peut aussi s’agir d’artistes comme ceux de l’école de Barbizon en France qui ont induit une rupture avec la tradition artistique pour laquelle la nature était jugée sans intérêt jusqu’au début du 19ème siècle, donnant lieu au mouvement artistique dans lequel la nature s’expose par ellenmême et pour lequel l’inspiration vient d’une communion avec la nature en plein air, qui devient par ellenmême une œuvre d’art. Les peintres de l’école de Barbizon avec des gens de lettres, tels que Rousseau, Millet, Diaz et Victor Hugo, se sont réunis pour défendre la forêt de Fontainebleau et ils réussirent ainsi à obtenir sa protection par la déclaration de ce que certains considèrent être la première aire protégée au monde : « la réserve artistique de Fontainebleau » cf. Kalaora 1981 ; Guéant et Lindeckert 2003; Sabatier, Merveilleux du Vignaux et Jaffeux 2010 ; Girault et Alpe 2011). Cependant, cette « conscience patrimoniale » peut évoluer dans le temps selon les acteurs en jeu et leurs intérêts, ainsi, même dans l’actualité, les rapports au patrimoine se transforment et des zones de protectionse superposent selon le discours porté sur ces sites. Par exemple, au sein du Parc National du Yosemite, la nature protégée dans son « état sauvage », comme le souhaitait son promoteur, Muir, s’est vue atteinte par les intérêts d’usage de la ressource en eau pour les Hommes, promus par un forestier, Gifford Pinchot.Dans ce contexte la construction du barrage du HetchnHetchy dans la vallée de Yosemite, a mis en évidence les conflits entre les positions de ces deux acteurs ayant une certaine influence dans la prise de décisions politique cf. Muir 1912 ; House Committee on the Public Lands 1913 ; Williams et Miller 2005). 30 « John Muir: An Appreciation » by Theodore Roosevelt, Outlook, vol. 109, pp. 27n28, January 16, 1915 in http://vault.sierraclub.org/john_muir_exhibit/life/appreciation_by_roosevelt.aspxConsulté le 21 octobre 2015. 33 Il en est de même de, « la forêt de Fontainebleau qui) est, en effet, un lieu archétypal de l’imaginaire collectif national, sinon international, où se sont construits et où se construisent toujours toute une série de représentations et de discours sur la nature, la culture, leur protection et leur patrimonialisation » Davasse 2009, 16), passant par exemple par une politique des réserves artistiques en 1861 pour apprécier la nature comme objet culturel, à une politique de réserves biologiques en 1953 visant à « laisser s’exprimer la nature » 31 . C’est ainsi que 552 hectares de réserve biologique ont été ajoutés aux 1.070 hectares de réserves artistiques32, qui se substitueront définitivement à cellesnci après leur disparition en 1967, par l’intervention de « l’association des amis de la forêt de Fontainebleau AAFF) » 33 . Actuellement, l’AAFF tente d’obtenir la reconnaissance de patrimoine mondial pour la forêt comme une continuité de celle du château de Fontainebleau34. Il ne faut pas oublier que la forêt est gérée par un autre organisme, l’office national des forêts ONF) 35 dont les intérêts ne sont pas forcément les mêmes que ceux de l’AAFF. Quel est finalement le rapport que l’on veut créer avec ces sites: celui de l’appréciation esthétique et/ou spirituelle ; de la protection du milieu et des espèces ; d’un parc de loisirs ; d’un lieu pour l’exploitation des ressources 

Diverses approches des processus de patrimonialisation d’un territoire selon le rôle des « fabric> acteurs »

Il semble pertinent d’analyser les corrélations existantes, ou non, entre les catégories d’acteurs de la patrimonialisation et la nature des patrimoines construits. Pour initier le processus de patrimonialisation, il peut être pertinent qu’un acteur ou qu’un collectif d’acteurs se référent à la première étape de Di Méo 2008), soit la prise de conscience d’une valeur patrimoniale. Il est donc nécessaire de connaître quels sont les moteurs de l’initiative patrimoniale, en termes axiologiques et ontologiquesque les porteurs du projet veulent porter avec cette initiative. Bien souvent deux approches antinomiques prennent la place des discussions sur les processus de patrimonialisation, il s’agit des approches « top down » et « bottom up » mais, dans la pratique, il s’agit souvent d’une combinaison de ces approches. Nous proposons cindessous une typologie basée sur 5 approches différents de la patrimonialisation. 38 Gary Everhardt Director of National Park Service in 1976 in the Foreword to the Third Edition of interpreting our heritage. p.xi 40 Elles peuvent alors parfois être : a) L’approche de la patrimonialisation imposée « top down ») : la décision est alors prise par une autorité public, scientifique, etc.), souvent en dépit des communautés locales. Elle est donc alors mal perçue par les communautés, car leurs intérêts ne sont pas pris en compte et se retrouvent par la suite limités aux usages des ressources du territoire, au maintien de leurs traditions, voire parfois à leur expropriation ou expulsion de leur propre territoire. Il en est ainsi du premier Parc National des États Unis, le Yellowstone, qui « reflète un certain idéal, posant une frontière claire entre nature sauvage et civilisation» Théberge et al. 2012, XI),au nom duquel « un groupe d’environ 400 Tukadika, résidait de façon permanente dans le périmètre du parc et en fut déporté manu militari dix ans après sa création vers la réserve de Wind River » P. Nabokov et L. Loendorf in Descola 2008, 2). Ce modèle est devenu une référence mondiale, voir un courant de la conservation de la nature: «the Yellowstone children » Everhart, 1972 in Phillips 2003, 10). Ainsi la création de la majorité des parcs nationaux dans le monde veilleà sauvegarder l’intégrité d’un lieu «sans humains», par l’esthétisme et les caractéristiques intrinsèques de sa nature, et interdit toute occupation ou vente, à travers leur législation nationale. En outre la création d’une aire protégée altère également les droits d’usages dans le territoire CormiernSalem, JuhénBeaulaton et Boutrais 2005 ; Babou 2009, 2013). Alors que certaines « instances augmentent le contrôle des élites sur les ressources » West, Igoe et Brockington 2006, 257) d’autres criminalisent « les pratiques et usages de la terre par les population natives » Freedman 2002,Geisler et al. 1997 in West, Igoe et Brockington 2006, 257). Cette privation des droits fonciers principe d’accaparement des terres ) et d’usage des populations locales légitimées par la protection de l’environnement ou financées par des mécanismes liés à l’atténuation du changement climatique a été décrite par certains auteurs sous le terme de « Green Grabbing « pour critiquer les processus d’appropriation des terres à grande échelle Greenough 2003, Horowitz 1998, Igoe 2003, Mahanty 2003, Negi & Nautiyal 2003, Santana 1991 in West, Igoe et Brockington 2006, 252). Suite à ces très nombreux conflits la déclaration d’aires protégées a donné progressivement lieu à des « alliances entre organisations internationales et les populations locales, fondées sur le discours des droits de l’Homme et le développement durable » West, Igoe et Brockington 2006, 252). Il en est ainsi de l’existence du Parc National d’Isiboro en Bolivie39 , qui a pu servir d’excuse aux communautés locales pour bâtir un discours de défense de leur territoire, de sa conservation, et in fine, de l’affirmation de leur cosmovision de la Terre Mère40 .A l’opposé de ces approches « top down » se sont progressivement développées des approches plus participatives 39 Tribunal internacional de derechos de la naturaleza audiencia Bolivia caso: territorio indígena parque nacional isiboro sécure TIPNIS) frente al proyecto carretero Villa Tunari –San Ignacio de Moxos. https://tipnisboliviaorg.files.wordpress.com/2018/11/legncauncdtn00515n2018.pdf 40 Cf. FAO 2008), « Pueblos Indígenasy Áreas Protegidasen América Latina », Programa FAO/OAPN Fortalecimiento del Manejo Sostenible de losRecursos Naturales en las Áreas Protegidasde América Latina, https://www.miteco.gob.es/es/parquesnnacionalesnoapn/proyectosnden cooperacion/2pueblosnindigenas_tcm30n287856.pdf. 41 b) L’approche de la patrimonialisation réappropriée : Il s’agit d’une initiative qui a été à l’origine imposée mais qui, au cours du temps, a réintégré les communautés locales dans La gestion en tant que partie intégrante de la dynamique patrimoniale. Tel est le cas du Parc National d’Uluru en Australie qui s’inscrit dans une politique de « conmanagement » avec, par exemple, son plan d’interprétation élaboré conjointement avec les communautés locales et les représentants du parc national comme « un véhicule d’apprentissage interculturel et de changement social » Hueneke et Baker 2009, 489) vis à vis du comportement des touristes. Ainsi, « les gestionnaires du parc doivent inscrire les valeurs culturelles autochtones dans la construction du paysage du parc » Hueneke et Baker 2009, 478). Dans ce sens, les investissements relatifs aux infrastructures d’interprétation sont réalisés dans l’intérêt partagé de protection du site et d’une gestion partagée vis à vis des finalités touristiques et de conservation. Comment une telle initiative d’imposition patrimoniale peutnelle accéder à une réappropriation du territoire, à une réintégration des habitants dans la dynamique patrimoniale du territoire? Quand et à quel niveau peut prendre corps la participation, voire l’intégration des communautés locales dans la dynamique patrimoniale du territoire ? Paradoxalement, cette approche pose des problèmes quand certaines franges de la population locale peuvent se servir de cette reconnaissance comme un instrument pour exiger des avantages particuliers « un nouveau pouvoir de négociation et une reconnaissance», passant parfois la«pris en otage»des sites Dumoulin Kervran 2005, 82). Cette situation est encore plus complexe quand il existe la superposition d’aires protégées ou de politiques de propriété, comme par exemple celles qui donnent certains droits à des peuples indigènes sur un territoire qui se trouve à l’intersection d’autres communautés locales campesinos et autres ethnies minoritaires comme les afrondescendants), car elles ne possèdent pas la même reconnaissance vis à vis de la conservation et de la propriété de la terre. Ainsi, la prise en compte, parfois exclusive, des peuples indigènes, ou la difficulté de définir les communautés ou populations locales au nom d’une « autochtonie » cf. Babou 2013), tant dans les documents internationaux que nationaux, pose aussi des problèmes dans la définition des politiques de conservation. Mais alors estnil possible de privilégier une approche de la patrimonialisation endogène ? c) L’approche de la patrimonialisation endogène « bottom up »): signifie que les communautés locales sont à l’initiative et/ou partie intégrante de la démarche de construction patrimoniale, pour favoriser d’avantage l’appropriation des patrimoines dans le territoire. Il s’agit d’une initiative qui émerge alors du territoire pour la mise en valeur d’un ou plusieurs aspects du territoire et/ou le territoire en luinmême. Différents niveaux sont à identifier selon les acteurs initiateurs, voire porteurs, du projet de la patrimonialisation cf. la ou les autorités locales, des entreprises locales, des associations ou groupes locaux, des habitants, d’une ou de plusieurs communautés locales, d’un ou de plusieurs villages, quartiers, ou d’un consortium ou partenariat entre 42 plusieurs d’entre eux). Ainsi, par exemple, le festival « de Gaitas de San Jacinto y la Cultura Gaitera » 41 en Colombie, obtint la reconnaissance municipale en tant que patrimoine immatériel, grâce à l’impulsion de l’association FestiGaitas dont l’intérêt est d’arriver à «gravir» les échelons jusqu’à arriver à une reconnaissance nationale et internationale en tant que Patrimoine Immatériel de l’UNESCO. Cependant, cette approche peut aussi s’inscrire dans des dynamiques d’instrumentalisation des patrimoines pour les intérêts de certains groupes de la communauté locale. Dans ce sens, nous pouvons nous questionner sur la représentativité des acteurs de la communauté locale dans ces processus de patrimonialisation et jusqu’où nous considérons qu’il s’agit d’une approche «bottom up» ? Ainsi, l’association FestiGaitas, par exemple estnelle représentative de la communauté locale, de ses rapports à ce cette valeur immatérielle du festival? Plus globalement, une initiative de patrimonialisation effectuée dans une zone rurale, par le maire ou l’autorité locale et donc non nationale), peutnelle être considérée comme étant « bottomnup » ou « top down » car s’agissant ici d’une initiative de la prise en compte parle pouvoir local ? La conscience patrimoniale sur la valeur d’un aspect ou d’un site comme pouvant être source d’une initiative de reconnaissance locale, nationale ou internationale, peut également venir d’une influence externe, par le regard de l’autre de scientifiques, des ONG, de visiteurs, des journalistes…). A titre d’exemple, suite à des recherches participatives, des scientifiques ont intégré les communautés locales dans la mise en œuvre de leur recherche. Tel est le cas du vétérinaire Franz Flore42 qui dans le cadre de ses recherches concernant le Tapirus terrestris colombianu la Danta), a intégré dans son équipe des membres de la communauté amérindienne Kogui et leurs cosmovisions et traditions dans la mise en œuvre de la recherche. Aujourd’hui, la protection de cet animal est assurée en partie par les Koguis, qui sont devenus aussi les portenparoles de la défense de la Danta, qui leur permet en même temps de transmettre leur cosmovision. Alors, grâce à un regard extérieur sur la valeur, un aspect du territoire peut devenir source d’affirmation de l’identité, de la mémoire, de la vie d’un territoire quand la patrimonialisation s’effectue avec et par les communautés locales. Cependant, le risque est que « le regard de l’autre ne se limite pas à conférer de la valeur, il peut aussi travestir et détourner, donner un autre sens à un objet » GravarinBarbas 2005, 318). Cet auteur fait référence aux possibles conséquences de ces modifications du rapport au site ou à un objet, par exemple l’abandon de cette valeur de la part des communautés locales au bénéfice de l’appropriation par des touristes ou émigrés. Cela peut aussi modifier les traditions et usages de tel site ou objet, comme le cas des anciennes carrières ou mines qui, après l’arrêt de l’exploitation, font l’objet d’une mise en tourisme valorisant les traditions et les savoirnfaire.

Table des matières

Remerciements / Agradecimientos
Résumé
Introduction générale
D’un voyage culturel d’apprentissages à un voyage intellectuel de partage.
PARTIE I > Cadre théorique et méthodologique.
Traiter les ambivalences de la coEconstruction d’un récit de territoire : entre les apports de la
géographie et l’écomuséologie
Introduction de la première partie
Chapitre 1. La patrimonialisation du territoire : cadre théorique pour la création d’un « territoire mental »
I. La patrimonialisation du territoire et ses diverses approches
II. L’expérience des écomusées comme référence des conflits pour la conconstruction d’un projet de territoire
III. La création d’un « territoire mental », le récit du territoire comme révélateur du projet de territoire
Chapitre 2. Méthodologie
I. Constitution et structuration du corpus
II. Méthodologie d’analyse du corpus
Conclusion de la première partie
PARTIE II > Cadre contextuel
La coEconstruction d’un récit de territoire : les tensions entre le label UNESCO et l’invention des géoparcs
Introduction de la deuxième partie
Chapitre 3. Ambivalences des politiques de patrimonialisation de l’UNESCO
I. Mise en perspective historique du rôle de l’UNESCO pour une paix mondiale entre conservation et patrimonialisation
II. La protection du patrimoine mondial au cœur de la légitimation du rôle de l’UNESCO
III. Les réserves de biosphère pour conserver la nature, entre des intérêts scientifiques et de développement durable
Chapitre 4. L’institutionnalisation des géoparcs par l’UNESCO : un long processus de négociation
I. Mis en perspective historique, entre les apports bibliographiques et les entretiens avec les fondateurs de l’EGN
II. Analyse des tensionsnévolutions pour la création des UGG
III. La polysémie du « géo » au sein des géoparcs entre sens géologique et étymologique Terre)
Chapitre 5. Contexte d’institutionnalisation des géoparcs en Espagne
I. Entre la superposition administrative et des rapports contradictoires à la géologie
II. Conséquence de l’institutionnalisation des UGG dans le contexte des géoparcs en Espagne : La superposition des deux comités nationaux pour les géoparcs espagnols au cœur les tensions
Conclusion de la deuxième partie
PARTIE III > La co>construction du récit des géoparcs espagnols De la définition du « territoire mental » à sa mise en récit
Introduction de la troisième partie
Chapitre 6. Le stade patrimonial du « territoire mental » : les conflits de la prise de conscience à la sélection
et justification patrimoniale
I. Une logique disciplinaire : La mise en valeur culturelle du patrimoine géologique entre protection et divulgation
II. Une logique territoriale : La valorisation économique de la géologie pour le développement des territoires.
III. La jonction des logiques disciplinaires et territoriales pour la création de géoparcs espagnols récents
Chapitre 7. Le stade de la création du « territoire mental » : de la gestion au partage du projet territorial
défini par le récit du géoparc
I. Analyses de la typologie de gestion des géoparcs espagnol
II. Analyse de la typologie du géo) tourisme au sein des géoparcs espagnols pour la définition du projet de territoire
III. L’analyse des intentions dans la mise en récit du « territoire mental » à partir de l’interprétation du patrimoine géologique
Conclusion de la troisième partie
Conclusion générale
Bibliographie
Documents officiels lettre)
Glossaire des acronymes
Tables des iconographies
Liste de figures
Liste de tableaux
Annexes

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