Les compétences essentielles requises des gestionnaires de projets de construction

Équipe de travail versus groupe de travail 

La réalisation d’un projet de construction fait appel à plusieurs intervenants, dépendants les uns des autres, reliés les uns aux autres, mais aux motivations divergentes. Ensemble, ils forment l’équipe de projet. Il nous apparaît important, pour la suite des travaux, de qualifier l’équipe de projet que nous retrouvons dans un projet de construction réalisé en mode traditionnel (conception – soumission – construction), mode de réalisation le plus utilisé au Québec, dans le secteur public, et retenu comme critère de sélection des participants à notre recherche. En effet, notre étude vise le gestionnaire de projet, lequel a à gérer une équipe de projet.

L’équipe de projet que l’on retrouve dans l’industrie de la construction est-elle une équipe de travail ou un groupe de travail? Ces deux concepts, souvent confondus, ont pourtant des spécificités qui font appel à des habiletés différentes de la part d’un gestionnaire de projet et qui lui demandent de jouer des rôles différents au sein de l’équipe de projet. Définir la nature de l’équipe de projet nous aidera à identifier les compétences particulières requises du gestionnaire de projets de construction pour gérer les membres qui la composent, et ce, dans un contexte de collaboration très différent de ce que l’on retrouve habituellement dans d’autres sphères d’activité.

Voyons comment certains auteurs définissent la notion d’équipe de travail. Caroline Aubé (2005, p. 4) propose la définition suivante : « tout ensemble formel d’au moins trois individus interdépendants et collectivement responsables en regard de la production d’un bien ou d’un service et dont la durée de vie est indéterminée ». Cette définition ne nous permet pas de conclure que les équipes de projet que nous retrouvons dans l’industrie de la construction, dans le cadre de la réalisation d’un projet de construction, soient réellement des équipes de travail. La notion de durée de vie indéterminée de l’équipe va à l’encontre de la définition d’un projet qui se veut être temporaire, impliquant un commencement et une fin déterminée (PMI, 2014) et qui, par conséquent, implique une fin déterminée de l’équipe de projet, lorsqu’il s’agit d’un projet de construction.

La notion d’équipe de travail nous amène vers celle de travail d’équipe que Muchielli (1978) définit comme étant « un groupe de professionnels de catégories diverses, obligés pour réaliser l’objectif, de se compléter, de s’articuler et de dépendre des autres ». Cette définition du travail d’équipe s’apparente beaucoup au fonctionnement des équipes de projet du domaine de la construction. Elle exprime bien la réalité d’un projet de construction réalisé en mode traditionnel: un groupe de professionnels de formations diverses : architectes, ingénieurs, entrepreneurs généraux et spécialisés, donneurs d’ouvrage et fournisseurs; obligés pour réaliser l’objectif, soit celui de réaliser un projet de construction dans le respect des coûts, de l’échéancier et de la qualité; de se compléter en réalisant des tâches précises en fonction de leur spécialité respective; de s’articuler en s’arrimant entre eux; et de dépendre des autres en travaillant ensemble pour atteindre des buts et objectifs communs. Une équipe de projet dans l’industrie de la construction serait, si l’on s’en tient aux précédentes définitions, un groupe de travail réalisant un travail d’équipe.

West et Lyubovnikova (2012) aborde la question différemment. Plutôt que de parler d’équipe de travail et de groupe de travail, ils distinguent deux types d’équipe : l’équipe réelle et la pseudo équipe. Ils définissent l’équipe réelle comme étant le regroupement d’un certain nombre de personnes travaillant ensemble dans une organisation; qui est reconnue officiellement comme tel par cette dernière; et dont les membres se sont engagés à atteindre les objectifs de l’équipe, objectifs avec lesquels ils sont tous en accord; qui doivent travailler en étroite collaboration et de manière indépendante afin d’atteindre les objectifs d’équipe établis; qui connaissent leurs rôles spécifiques au sein de l’équipe; qui ont l’autonomie nécessaire pour décider de la façon d’effectuer les tâches de l’équipe; et enfin, qui communiquent régulièrement, en équipe, afin de réguler les processus de celle-ci. À première vue, nous pourrions conclure que les équipes de projet sont de réelles équipes. Toutefois, la définition que donnent les auteurs de la pseudo équipe rejoint davantage le mode de fonctionnement des équipes de projet que l’on retrouve actuellement dans l’industrie de la construction. Ils la définissent comme étant un groupe de personnes travaillant dans une organisation; qui se disent ou sont appelées par d’autres une équipe; dont les membres ontdes motivations différentes par rapport aux objectifs de l’équipe; dont les tâches typiques exigent des membres de travailler seuls ou à deux et visent des objectifs disparates; dont les limites de l’équipe sont très perméables et présentent des incertitudes à savoir qui est membre ou non de l’équipe; dont les membres se rencontrent pour échanger des informations sans nécessairement chercher à mettre en commun des efforts pour innover. Afin de distinguer l’équipe réelle de la pseudo équipe, les auteurs utilisent quatre dimensions ou critères : l’interdépendance ; des objectifs partagés ; la réflexivité (introspection et intercession) ; les limites de l’équipe.

L’intelligence émotionnelle 

L’importance de l’intelligence émotionnelle chez les gestionnaires de projet est désormais reconnue. Barry (2007) démontra, en appliquant le concept d’intelligence émotionnelle au gestionnaire de projet, que la capacité de gérer les ressources humaines est au cœur des succès obtenus dans la gestion des projets. Elle conclut même qu’il s’agit d’une habileté cruciale pour les gestionnaires de projet du 21e siècle et la profitabilité des projets.

Eraut (2002); Pinto et Slevin (1988); et Fisher (2011) se sont également penchés sur les habiletés humaines et les comportements associés à ces dernières, nécessaires pour être un gestionnaire de projet efficace. Dans tous les cas, l’intelligence émotionnelle apparaît comme un incontournable notamment en ce qui concerne la connaissance de soi, l’écoute active et la communication ouverte, la gestion des conflits, la capacité à influencer et celle à développer les compétences des membres de son équipe. Müller et Turner (2007b, 2010b) abondent dans le même sens en affirmant qu’il existe un lien direct entre le succès d’un projet et l’intelligence émotionnelle du gestionnaire de projet. La personnalité du gestionnaire de projet, qu’ils définissent comme étant une combinaison particulière de leadership et d’attitudes, aurait également un impact sur le succès d’un projet. D’où l’importance, selon eux, de choisir les gestionnaires de projet ayant le profil psychologique adéquat pour répondre favorablement aux besoins du projet.

Clarke (2010a) a, lui aussi, établi une relation entre l’intelligence émotionnelle du gestionnaire de projet, les compétences de ce dernier et le succès des projets. Cette relation se manifeste particulièrement au niveau du travail d’équipe et de la gestion des conflits. Il a aussi démontré qu’il y avait une relation entre l’intelligence émotionnelle et le leadership.

L’intelligence collective 

Le concept d’intelligence émotionnelle nous amène tout naturellement à celui de l’intelligence collective. Lévy (1997) définit l’intelligence collective comme étant une « intelligence partout distribuée, sans cesse valorisée, coordonnée en temps réel, qui aboutit à une mobilisation effective des compétences ». Une intelligence issue de la coopération/collaboration et de la compétition de plusieurs personnes. Le groupe Intelligence Collective, un groupe de travail de la Fondation Internet Nouvelle Génération (FING), sur la base notamment des travaux de Lévy, la définit comme « la capacité humaine de coopérer sur le plan intellectuel pour créer, innover, inventer». Glaser (1994) définit pour sa part l’intelligence collective comme étant la compétence à travailler de façon productive et en collaboration dans les équipes.

Pour Wooley, Malone et Chabris (2015) l’intelligence collective est l’habileté générale d’un groupe à performer dans une large variété de tâches. Les travaux réalisés sur le sujet par ces derniers ont en outre démontré que la qualité d’une équipe ne repose pas tant sur l’intelligence de chacun de ses membres que sur sa capacité à faire équipe et ce, bien entendu, dans la mesure où la collaboration est nécessaire pour réaliser une tâche. Sans permettre d’établir une forte corrélation entre l’intelligence collective du groupe et l’intelligence individuelle moyenne ou maximum des membres de l’équipe, les études qu’ils ont réalisées leur ont toutefois permis d’établir une corrélation entre l’intelligence collective du groupe et la conscience sociale moyenne des membres de l’équipe, l’équité de parole dans le groupe et enfin le nombre defemmes dans l’équipe. Deux de ces constats s’avèrent intéressants pour  notre étude, car ils soutiennent la pertinence de l’intelligence émotionnelle notamment en ce qui a trait à l’empathie et à la capacité de communiquer efficacement et à écouter activement. Ces deux éléments jouent, selon les auteurs, un rôle plus important qu’on ne le croit dans une équipe. Ils contribueraient grandement à former des équipes plus « intelligentes » émotionnellement et donc, plus performantes.

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE DE LA LITTÉRATURE
1.1 Problématique
1.2 Question et objectifs de recherche
1.3 Le cadre conceptuel
1.3.1 Équipe de travail versus groupe de travail
1.3.2 L’intelligence émotionnelle
1.3.3 L’intelligence collective
1.3.4 La coopération / collaboration
1.3.5 Définition de compétence
1.3.6 Types de compétence
1.3.7 Les compétences essentielles
1.4 Cadre théorique de la recherche
1.4.1 Compétences conceptuelles
1.4.2 Compétences politiques
1.4.3 Compétences humaines
1.4.4 Compétences techniques
1.5 Les rôles en équipe
1.6 Les préférences cérébrales
CHAPITRE 2 MÉTHODOLOGIE
2.1 Approche méthodologique de recherche
2.2 Technique d’enquête et méthodes de sondage
2.2.1 Échantillonnage
2.2.2 Intervalle de confiance
2.2.3 Difficultés de l’échantillonnage
2.3 Profil des participants
2.4 Description du contexte et de la préparation de l’enquête
2.4.1 Contexte
2.4.2 Préparation de l’enquête
2.5 Collecte des données
2.5.1 Collecte des données – Employeurs
2.5.2 Collecte des données – Gestionnaires de projet
2.6 Description des instruments de collecte des données
2.6.1 Questionnaire Collecte d’incidents critiques
2.6.2 Questionnaire Bulletin des exigences du poste
2.6.3 Questionnaire Bulletin d’évaluation du poste
2.6.4 Questionnaires Compétences conceptuelles et Compétences politiques
2.6.5 Questionnaires Compétences humaines et Compétences techniques
2.6.6 Questionnaire HBDI
2.6.7 Questionnaire Caractéristiques du métier
2.6.8 Questionnaire Audit d’auto-perception
2.6.9 Questionnaire Occupational Personality Questionnaire (OPQ 32)
2.7 Méthode d’analyse des données
2.8 Considérations éthiques
2.9 Limites de la recherche
CHAPITRE 3 RÉSULTATS
3.1 Questionnaires Compétences conceptuelles, politiques, humaines et techniques
3.1.1 Préanalyse des données
3.1.2 Tri et comparaison des données
3.1.3 Interprétation des données
3.2 Questionnaire Collecte d’incidents critiques
3.2.1 Préanalyse des données
3.2.2 Décompte
3.2.3 Interprétation des données
3.3 Questionnaire Bulletin des exigences du poste
3.3.1 Préanalyse des donnée
3.3.2 Tri et comparaison des données
3.3.3 Interprétation des données
3.4 Questionnaire Bulletin d’évaluation du poste
3.4.1 Préanalyse des données
3.4.2 Tri et comparaison des données
3.4.3 Interprétation des données
3.4.4 Préanalyse des données
3.4.5 Tri et comparaison des données
3.4.6 Interprétation des données
3.5 Questionnaire Les préférences cérébrales de Herrmann (HBDI)
3.6 Questionnaire Caractéristiques du métier de Herrmann
3.6.1 Préanalyse des données
3.6.2 Compilation et tri des données
3.6.3 Interprétation des données
3.7 Questionnaire Audit d’auto-évaluation
3.8 Questionnaire Occupational Personality Questionnaire 32 (OPQ32)
3.8.1 Préanalyse des données
3.8.2 Tri et comparaison des données
3.8.3 Interprétation
CHAPITRE 4 INTERPRÉTATION ET DISCUSSION
4.1 Les compétences essentielles selon les employeurs
4.1.1 Compétences conceptuelles
4.1.2 Compétences politiques
4.1.3 Compétences humaines
4.1.4 Compétences techniques
4.2 Les caractéristiques personnelles selon les employeurs
4.3 Le profil actuel des gestionnaires de projets de construction
CONCLUSION

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