Les expériences traumatisantes dans l’enfance ou dans l’adolescence

Modèles d’explications de la violence conjugale

Pour expliquer la violence conjugale, il est possible de distinguer historiquement trois grands courants, soit les approches structurelles ou politiques reliées surtout au courant féministe, les approches sociologiques soulignant l’influence environnementale de la personne et les approches pathologiques qui elles, sont centrées davantage sur les facteurs personnels de l’ individu (Rinfret-Raynor & Cantin, 1994). À cela, s’ajoutent les théories interpersonnelles, avec la typologie de Johnson (1995). ü ‘Leary et Woodin (2009) y regroupent aussi l’apprentissage social, la théorie de l’attachement et celle de la discorde relationnelle. Approches structurelles ou politiques. L’approche féministe se situe dans les approches structurelles ou politiques, avec son modèle d’explication de la violence par le système patriarcal. Selon la vision de cette approche, le problème de violence conjugale s’ expliquerait principalement par le processus de soumission exercé par la domination de l’homme sur la femme, lorsqu ‘ il cherche à exercer un pouvoir sur elle et à la contrôler, processus appris de génération en génération par l’éducation aux femmes et par le pouvoir accordé historiquement aux hommes.

Plus spécifiquement, la domination patriarcale serait la cause du problème de violence conjugale. L’ inégalité sociale historique entre les sexes favoriserait la position de pouvoir des hommes et la soumission des femmes. L’éducation familiale et religieuse aurait aussi contribué grandement au problème, apprenant aux femmes à se maintenir dans un rôle passif de soumission, en leur transmèttant les valeurs féminines de bonté, de beauté et de tolérance. La socialisation apprenant à un enfant comment s’adapter à la vie de groupe, les valeurs véhiculées par la société occuperaient une place très importante dans l’ apprentissage de la violence chez les hommes, tout comme l’ apprentissage de la dépendance et de la soumission chez les’ femmes. Selon l’approche féministe, les conditions sociales, les stéréotypes sexuels et les rôles limitatifs auxquels les femmes sont confinées expliquent la violence faite aux femmes depuis des siècles (Lapointe, 2005). L’approche féministe décrit la violence conjugale selon un cycle de quatre phases qui se répètent pour former un cycle d’ intensité variable. Si une ,relation ne comprenait que des agressions violentes, la victime aurait davantage tendance à y mettre fin rapidement (Carbonneau, 2005). Ainsi, la violence suit un cycle stratégique qui permet à l’ agresseur de rétablir l’équilibre du couple et d’en garder le contrôle.

Le cycle de la violence fut d’abord identifié par Walker (1979, 1984) et sa valeur est actuellement reconnue par les spécialistes dans le domaine (Celani, 1999; Prud’homme, 2006; Swanson, 1984; Trimpey, 1989). Le cycle comporte une période appelée « lune de miel », pour représenter le bonheur amoureux et la réconciliation. Cette période est habituellement de plus en plus courte au fur et à mesure que le cycle de violence se répète. Cette phase est suivie d’ une escalade de la tension, où l’ agresseur fait vivre de l’ anxiété à la victime, qui essaie d’ apaiser le climat tendu dans le couple. Puis la violence éclate dans une phase d’ agression qui fait vivre un état de choc à la victime, de même que divers sentiments ~omme la colère, la honte et la tristesse. Il s ‘ ensuit une phase de justification, qui est une période d ‘accalmie où l’homme violent minimise et explique ses comportements, en rendant la femme responsable de ceux-ci.

Celle-ci essaie de comprendre, doute de ses perceptions et en vient souvent à se culpabiliser. L’ agresseur demande ensuite pardon, fait des promesses (d ‘ aller en thérapie, par exemple), ce qui alimente l’ espoir de la femme face à la relation. Le partenaire violent peut se montrer gentil et attentionné lors de la période de lune de miel. Mais le cycle se répète, tel un cercle vicieux: escalade de la tension, épisode de violence, justification, lune de miel et ainsi de suite (Carbonneau, 2005). La phase de violence prendrait ainsi de plus en plus de place dans la relation, au fur et à mesure que le cycle se répète. Selon l’approche féministe, ce cycle démontre bien le processus de domination exercé par l’homme violent dans une dynamique de contrôle et de pouvoir sur sa conjointe. Ce cycle est un élément théorique central utilisé aujourd ‘ hui dans l’aide thérapeutique apporté aux femmes, dans l’ensemble des maisons d ‘hébergement pour femmes victimes de violence conjugale au Québec (Prud ‘homme, 2006).

Attachement et violence conjugale

Modèle de soi négatif (dépendance élevée, anxiété d’abandon forte) Préoccupé Craintif Un lien entre les styles d’attachement et la violence conjugale a été observé à plusieurs reprises dans la documentation (Dutton, 1998; Holtzworth-Munroe & Stuart, 1994; Shechory, 2013). Les personnes ayant un style d ‘attachement empreint d ‘ insécurité peuvent se montrer contrôlantes ou violentes envers leur partenaire notamment en réaction à une perception de rejet ou d’abandon, tel que mentionné par Dutton (1998, 2010). Ceuxci éprouveraient des difficultés à réguler leurs émotions et à s’apaiser dur~nt les situations qui déclenchent les peurs d’abandon (Mikulincer, 1998). Dans une étude réalisée auprès de 213 étudiants et 199 étudiantes de niveau collégial, Follingstad, Bradley, Helff et Laughlin (2002) ont démontré qu’un attachement anxieux et un tempérament colérique peuvent influencer le besoin de contrôler l’ autre partenaire et prédire l’utilisation de la force. Une autre recherche effectuée auprès de 149 couples hétérosexuels par Kesner et McKenry (1998) a démontré que le facteur de l’attachement est un prédicteur de violence de l’homme envers la femme dans une relation intime. Ces chercheurs ont aussi démontré que les femmes qui ont un partenaire violent sont plus susceptibles d’ avoir un style d’attachement insécurisant.

De plus, une étude longitudinale se déroulant sur trois ans auprès de 234 adolescents et jeunes adultes a démontré que l’augmentation de l’ insécurité dans l’ attachement est liée à l’augmentation de la violence conjugale (Godbout et al., 2017). Dans une recherche de nature qualitative, les entrevues réalisées auprès de 91 hommes ont aussi démontré que les comportements d’attachement sont des variables qui prédisent la violence des hommes dans leurs relations intimes (Kesner et al., 1997). Ces auteurs expliquent que la violence des hommes peut être utilisée comme une stratégie dysfonctionnelle en réaction à une perception de besoins d’attachement non comblés ou de rejet par le partenaire conjugal. Karakurt et al. (2016) soulignent aussi, dans leur étude réalisée auprès de 87 couples hétérosexuels, que les femmes présentant un attachement insécurisant sont plus susceptibles que celles ayant un attachement sécurisant d’ être victimes de comportements d’agression ou de perpétrer ce genre de comportements. Selon les résultats de l’ étude de McKeown (2014) réalisée auprès de 92 femmes, l’attachement empreint d’ insécurité serait un prédicteur de la victimisation, mais pas de la perpétration des g~stes de violence dans les récentes relations conjugales.

La notion de répétition traumatique

La notion de répétition réfère au fait de se placer activement dans des situations pénibles (ou agréables), répétant ainsi, inconsciemment ou non, des expériences anciennes. Les traumatismes non résolus sont soumis à la contrainte de répétition. Ils demeurent traumatogènes, les séquelles étant présentes à chaque fois que ceux-ci sont réactivés (Charbonnier, 2007). Les expériences traumatisantes dans l’ enfance contribuent aussi à la vulnérabilité à être victimes de violence par de multiples pa~enaires à l’ âge adulte. Le fait d’avoir été victime d’abus physique, d’abus sexuel ou de négligence durant l’enfance est associé à un plus grand risque de revictimisation à l’âge adulte (Widom, Czaja, & Dutton, 2008). La notion de répétition traumatique est un concept intéressant en psychanalyse pouvant expliquer davantage cette vulnérabilité accrue. À ce sujet, Florence Bécar (2009), dans « Le divan familial » (Revue de thérapie familiale psychanalytique), mentionne: « On choisit son partenaire en résonance identificatoire (M. Charazac, 2003), en souhaitant inconsciemment que le lien soit lieu d’élaboration et de dépassement des traumatismes et souffrances infantiles. » … « Par résonance identificatoire, on se trouve attiré par un partenaire ayant subi des traumatismes identiques, comparables à la voix se heurtant à la paroi qui la renvoie en écho.

La découverte de l’identique donne un sentiment de reconnaissance à défaut d’un sens » … « C’est comme si je t’avais toujours connu », se disent les amoureux. « C’est le cas de la relation passionnelle masquant une souffrance commune se traduisant par une violence révélatrice de noyaux négatifs enfermés en chacun » (p. Il). Une expérience traumatisante vécue dans l’enfance « en attente de symbolisation, est revécue dans le couple formé aujourd ‘hui afin d’être trad~ite, traitée, dépassée. » (p. 30) Cette analyse expliquerait donc le pattern des femmes qui se retrouvent dans des relations de couple malsaines à répétition, comme celles où il y a de la violence. Ce serait un désir inconscient de revivre certains traumatismes infantiles vécus, afin de les « régler », de guérir des blessures du passé. Une recherche de solution aux traumatismes, en quelque sorte. Cette répétition représenterait une quête d’objet pour les transformer (Charbonnier, 2007). La maltraitance dans l’enfance serait associée à la psychopatbologie et à la revictimisation à l’âge adulte (Lang et al., 2004). Une étude auprès d’un échantillon de 41 femmes vivant de l’exclusion sociale a démontré aussi que le fait d’avoir vécu un nombre élevé d’expériences de victimisation durant sa vie est associé à une plus haute prévalence d’ expériences de victimisation à l’âge adulte (Matos, Conde, & Santos, 2014). De plus, les femmes abusées sexuellement dans l’enfance ont plus de risques de vivre une dépression et un ÉSPT à l’âge adulte que celles qui n’en ont pas été victimes. Ces problèmes de santé mentale sont retrouvés avec des taux élevés chez les personnes qui ont été abusées sexuellement dans l’enfance, de même que chez les femmes qui ont été agressées physiquement à l’âge adulte (Koss et al., 2003). Par ailleurs, 42 % des femmes hébergées pour violence conjugale ont vécu des expériences de violence aussi durant l’enfance, selon l’ étude de Shechory (2013).

Table des matières

Sommaire
Liste des tableaux
Remerciements
Introduction
Contexte théorique
Violence conjugale
Définition de la violence conjugale
Prévalence du phénomène de la violence conjugale
Formes et fonctions de la violence
Conséquences de la violence conjugale
Modèles d’explications de la violence conjugale
Approches structurelles ou politiques
Approches sociologiques
Approches pathologiques
L’ attachement
Théorie de l’attachement
Styles d’attachement
Attachement et violence conjugale
Les expériences traumatisantes dans l’enfance ou dans l’adolescence
Notion de trauma
La notion de répétition traumatique
Recherches sur les expériences traumatisantes dans l’enfance, li violence conjugale et l’ attachement
La dépendance émotionnelle
Notion de dépendance affective
Dépendance affective, violence conjugale et attachement
Hypothèses de recherche
Méthode
Participantes
Déroulement
Instruments de mesure
Questionnaire sociodémographique et questionnaire sur les abus sexuels et
événements de violence survenus pendant l’enfance ou l’adolescence
Le questionnaire sur la résolution des conflits conjugaux
Le questionnaire sur les expériences amoureuses
Le questionnaire sur la dépendance émotionnelle
Résultats 3
Caractéristiques des femmes vi~times de violence conjugale Histoire de violence conjugale
Expériences d’agressions sexuelles et de violence dans l’enfance ou l ‘adolescence
Comportements de violence conjugale
Styles d’attachement
Dépendance émotionnelle
Vérification des hypothèses de recherche
Discussion
Retour sur les analyses descriptives
Résultats relatifs aux hypothèses de recherche
Forces et limites de l’étude
Recommandations futures
Conclusion
Références
Appendice. Instruments de mesure

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