Les ondes de surface dans un cristal phononique piézoélectrique

Les ondes de surface dans un cristal phononique piézoélectrique

Le moyen le plus intuitif a priori de caractériser une structure périodique à bandes interdites est de procéder à des mesures de la transmission du cristal, comme nous l’avons déjà constaté au chapitre 2. Le principe est donc de placer deux transducteurs de part et d’autre de la structure périodique, l’un faisant oce d’émetteur et l’autre de récepteur. Dans le cas considéré ici, celui des ondes de surface sur un substrat piézoélectrique, les transducteurs à peignes interdigités sont des candidats tout désignés pour assurer cette fonction. Ils peuvent en effet être très aisément intégrés en configuration de ligne à retard au cristal phononique fabriqué, par simple structuration d’une couche métallique préalablement déposée sur la plaquette de niobate de lithium. Une caractérisation électrique peut alors être effectuée par mesure des paramètres S au moyen d’un analyseur de réseau. En plus de sa facilité de mise en ÷uvre, cette méthode de caractérisation permet de tester le cristal phononique dans une conguration de dispositif réaliste et adaptée au développement d’applications potentielles. En revanche, elle ne fournit que des informations partielles sur la propagation des ondes dans le système complet. L’emploi de techniques alternatives s’impose donc, de sorte à pouvoir procéder à une analyse plus complète des phénomènes mis en jeu. Nous nous sommes principalement consacrés au cours de ces travaux de thèse à une caractérisation purement électrique des cristaux fabriqués. Des mesures en transmission de cristaux phononiques de diérents facteurs de remplissage ont ainsi été réalisées. Si ces expériences nous permettent de dénir de façon claire les fréquences atténuées par le cristal, nous verrons qu’elles ne nous autorisent pas en revanche à déterminer les propriétés en réexion du réseau. Diérentes collaborations ont été initiées dans le but de procéder à des caractérisations par voie optique des cristaux phononiques fabriqués. Des travaux actuellement en cours avec l’université technologique d’Helsinki (Finlande) consistent en eet à mesurer par voie optique le champ de déplacement des ondes acoustiques de surface électriquement générées par l’un des transducteurs à peignes interdigités. D’autres expériences préliminaires eectuées au sein de l’université d’Hokkaido (Japon), fondées sur le principe d’excitation d’ondes de surface par impulsions lasers picosecondes sont aussi présentées ici. Nous verrons d’ailleurs que cette dernière technique de mesure permet de nous aranchir de l’utilisation d’un matériau piézoélectrique comme substrat de propagation. 5.1 Caractérisations électriques Le cristal phononique a dans un premier temps été caractérisé par mesure de la transmission d’une onde acoustique générée en amont du réseau bidimensionnel de trous par un transducteur à peignes interdigités. L’onde transmise est alors détectée en sortie du cristal par un transducteur identique. Le schéma représenté sur la gure 5.1 illustre le principe du dispositif complet. 5.1.1 Intégration du cristal phononique à un dispositif à ondes de surface La détermination de l’existence et, le cas échéant, de la position et de la largeur de la bande interdite nécessite une caractérisation en bande large du système étudié. Par exemple, pour la géométrie de cristal choisie, une gamme de fréquence s’étendant de 150 à 300 MHz au moins doit être couverte pour permettre l’observation de la bande complète. Les transducteurs à peignes interdigités « standard » ne satisfont pas ces besoins en fréquence. En eet, dans des transducteurs classiques, si la réduction du nombre de doigts constituant le transducteur permet une augmentation de la bande passante, le couplage électro-acoustique se trouve en revanche grandement réduit, ce qui affecte la réponse du dispositif en termes de dynamique de mesure même sur des matériaux très couplés comme le niobate de lithium. Différentes méthodes ont été proposées dans la littérature pour pallier ces limitations. On peut notamment citer les travaux initiaux de Camp bell et al. [141] ou encore de Yatsuda et al. [142] qui ont introduit le concept de transducteur en éventail (en anglais fan shaped IDT ou encore SFIDT  Slanted Finger IDT  gure 5.2). Dans ces structures particulières, l’intervalle entre les doigts du transducteur varie perpendiculairement à la direction de propagation des ondes. Le transducteur complet peut être décomposé en une série de transducteurs résonant chacun à une fréquence centrale différente, ce qui conduit à une large bande passante d’émission. Le nombre total de doigts, qui peut être élevé, permet alors d’assurer un couplage électro-acoustique suffisant. Nous verrons néanmoins plus avant dans ce chapitre qu’une excitation large bande de ce type peut s’accompagner de difficultés d’exploitation des résultats dans le cas où plusieurs modes de nature différente se propageraient à la surface du substrat choisi. Par ailleurs, la géométrie en éventail du réseau de peignes résulte en une perte de directivité de l’onde de surface générée, ôtant ainsi la possibilité d’imposer un vecteur d’onde unidirectionnel, ce qui représente un handicap certain si l’on cherche à caractériser le cristal suivant des directions de propagations particulières. Nous avons donc opté pour une alternative consistant plus simplement à étudier individuellement la réponse d’une série de transducteurs présentant chacun une période mécanique diérente. La bande passante qui nous intéresse est alors couverte par juxtaposition des réponses individuelles des transducteurs. L’inconvénient principal de cette méthode réside bien évidemment dans la nécessité de fabriquer un grand nombre de réseaux de trous identiques, au lieu d’un seul dans le cas d’un transducteur unique émettant en large bande. Néanmoins, cette contrainte est levée par le procédé de fabrication utilisé pour la réalisation du cristal phononique  lithographie optique suivie d’une gravure ionique réactive  qui permet d’assurer une « fabrication collective » de ces cristaux. Nous restons bien évidemment conscients que ce facteur peut se révéler limitant dans le cadre d’un usinage trou par trou du réseau par exemple. Les transducteurs ont été dimensionnés via un logiciel dont le développement a été initié par Thomas Pastureaud lors de sa thèse au LPMO [143], développement qu’il a ensuite poursuivi au sein de la société TEMEX S.A. Le logiciel en question, fondé sur la méthode de la matrice mixte [144], permet de simuler la réponse d’un transducteur à peignes interdigités sur un substrat piézoélectrique quelconque en prenant en compte l’intégralité de ses caractéristiques géométriques (nombre de doigts total, nombre de doigts par longueur d’onde, ouverture acoustique, rapport et épaisseur de métallisation, etc. ). Nous avons ainsi opté pour la conguration suivante :  huit transducteurs à peignes interdigités,  10 paires de doigts par transducteur,  ouverture acoustique : 200 mm,  longueurs d’onde d’émission : 12,2 – 13,4 – 14,6 – 16,4 – 18,2 – 20,6 – 23,0 et 26 mm respectivement,  rapport de métallisation : 0,5,  épaisseur de métallisation : 150 nm. Les peignes ont été réalisés par un procédé de lithographie optique suivi par gravure directe d’une couche d’aluminium déposée par pulvérisation cathodique. La réponse simulée des transducteurs sur un substrat en niobate de lithium en coupe Y, propagation Z, est donnée sur la gure 5.3a. Comme le montre par ailleurs la gure 5.3b, ces prédictions théoriques sont en très bon accord avec les mesures de transmission des dispositifs fabriqués. Ces derniers permettent de couvrir une bande passante s’étendant de 110 à 300 MHz variable suivant la direction de propagation considérée.

 Mesures en transmission d’un cristal phononique de rapport d/a = 0, 9

 Les réponses en réflexion comme en transmission des dispositifs permettent d’apporter des informations complémentaires sur la propagation d’ondes dans le cristal. On attend en eet une extinction complète du signal transmis entre 180 et 230 MHz, conformément aux prédictions théoriques, contre un signal identique au signal de référence en dehors de cette gamme de fréquence. On espère par ailleurs un phénomène de réflexion exaltée dans la bande interdite et une transmision totale du signal aux autres fréquences. Les spectres de transmission des ondes de surface à travers le cristal phononique sont donnés sur les gures 5.6 et 5.7 suivant les trois directions considérées. Dans les trois cas, la ligne en trait épais représente la réponse du dispositif phononique alors que la ligne en trait n représente la réponse de la ligne à retard de référence. Si l’on s’intéresse tout d’abord aux résultats observés suivant les directions ΓY et ΓM (gure 5.6), on observe un très bon recouvrement entre signal émanant du dispositif phononique et signal de référence pour des fréquences se situant a priori en amont de la fréquence d’entrée théorique de la bande interdite, c’est-à-dire en dessous de 180 MHz suivant ΓY et en dessous de 200 MHz suivant ΓM. La propagation de l’onde de Rayleigh ne semble donc en rien aectée par la présence du cristal. Au-delà de ces fréquences, on observe une forte atténuation due au réseau périodique (de l’ordre de 20 dB suivant chacune des directions, pour un cristal de 10 périodes de long). En revanche, et contrairement aux prédictions théoriques, le signal transmis à travers le cristal phononique ne recouvre pas son amplitude initiale au-delà de 230 MHz. Il semblerait donc que les modes appartenant à la partie supérieure des diagrammes de bandes représentés sur la gure 5.4 ne soient pas transmis par le cristal. L’extinction du signal est complète suivant ΓY. On observe néanmoins la présence d’un pic de transmission étroit (de largeur d’environ 5 MHz) autour de 230 MHz suivant ΓM, mais la propagation de modes de fréquence supérieure semble prohibée suivant cette direction également. Des résultats similaires ont été obtenus suivant ΓX. L’interprétation des mesures est toutefois ici quelque peu plus délicate, puisqu’additionnellement à l’onde de Rayleigh attendue, il convient de prendre en compte l’existence d’une onde de surface à pertes, également appelée pseudo-onde.

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