Les phases non-moléculaires : l’ammoniac ionique et superionique

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Éruption sur Encelade. Cré-dit photo : NASA/JPL/Space Science Institute.

Pourquoi étudier l’eau et l’ammoniac sous des conditions extrêmes de pressions et de températures ?
Le 15 septembre 2017, dans un “Grand Finale” 1 l’or-biteur Cassini disparaissait dans l’atmosphère de Saturne. Ce jour marqua la fin d’une odyssée de presque vingt ans depuis son départ de la Terre. Cette mission a révolutionné nos connaissances sur le système saturnien comme l’ont fait auparavant les sondes Pioneer 11, Voyager 1 et 2. Cassini a permis de détecter la présence d’ammoniac (NH3) et d’eau (H2O) dans le panache des éruptions d’Encelade (voir fi-gure ci-contre), un des satellites de Saturne. Ces composés sont probablement issus d’un océan sous la surface (Porco et al. (2006); Waite Jr et al. (2009)), le mécanisme de déga-zage est encore mal identifié et dépend du modèle employé pour décrire la structure interne du satellite. La présence de glaces et d’océans composés de H2O et NH3 sont aussi prédits dans la structure interne de Titan (Grasset et al. (2000)). Ces composés sont abondants dans l’espace et dans de nom-breux corps célestes, comme le confirme les récentes détections sur Ganymède, Charon ou encore la comète Tchouri, mais également sur des astres plus conséquent comme Neptune et Uranus. Les conditions thermodynamiques à l’intérieur de ces géantes glacées sont supposées extrêmes (20-600 GPa ; 2000-5000 K), rendant ainsi l’étude de H2O et NH3 à pressions et Nom donnée par la NASA pour cette ultime phase de la mission Cassini-Huygens.

INTRODUCTION GÉNÉRALE

températures variables indispensable pour une modélisation de l’intérieur de ces planètes. L’étude des propriétés de H2O et NH3, dans des conditions extrêmes, peut permettre d’ap-porter un éclairage sur les observations astrophysiques, comme la particularité des champs magnétiques de Uranus et Neptune.
Un autre intérêt de l’étude de H2O et NH3, à hautes pressions et températures, est l’approfondissement des comportements des liaisons chimiques au sein des structures de ces composés simples. En effet, les glaces d’eau et d’ammoniac ainsi que leurs phases liquides à pression ambiante sont composées de deux types d’interaction : la liaison covalente (liaison intramoléculaire forte, ∼ eV) et la liaison hydrogène (liaison intermoléculaire faible, ∼ 1/10 eV). Sous conditions thermodynamiques (P,T) extrêmes, la compétition entre ces deux types d’interaction est intéressante à étudier dans des conditions thermodynamiques extrêmes. Dans le cas de l’eau, l’augmentation de la densité induit une diminution en énergie de la liaison covalente, et un renforcement de la liaison H entraîne la symétrisation de la glace d’eau (∼ 60 GPa), lui faisant ainsi perdre son caractère moléculaire. Un autre comportement exotique prédit et vérifié expérimentalement est la phase superionique de l’eau (∼ 60 GPa et ∼ 750 K) et de l’ammoniac (∼ 60 GPa et ∼ 1200 K). Dans ces phases, les liaisons hydrogènes et covalentes ne sont plus définies du fait de la délocalisation du proton au sein d’un réseau d’atomes d’oxygène ou d’azote fixes. De surcroît, ces systèmes simples sont considérés comme des benchmarks pour le développement des méthodes de calculs ab initio. Les résultats ex-périmentaux peuvent ainsi servir à affiner des potentiels empiriques.
Les développements des performances techniques des cellules à enclumes de diamant per-mettent d’atteindre ces pressions extrêmes (∼ 400 GPa) et des températures allant jusqu’à 4000 K. Couplé avec des techniques expérimentales (diffraction de rayons X, spectroscopie Raman, IR, Brillouin, etc.), l’accès aux propriétés structurales et vibrationnelles sous ces conditions P,T extrêmes devient désormais possible. De plus, les outils théoriques (Théorie de la Fonctionnelle de la Densité) et les moyens numériques (supercalculateurs) permettent d’apporter des informations complémentaires non-accessibles et ont un pouvoir de prédiction fiable généralement.
Dans cette thèse, nous avons effectué un travail principalement expérimental mais aussi théorique. Au début de nos travaux, le comportement de l’ammoniac liquide était inconnu et les courbes de fusion de H2O et NH3 étaient sujettes à controverse comme nous le montrerons dans l’état de l’art présenté dans les deux premiers chapitres de ce manuscrit. Les dispositifs pour générer des hautes pressions et hautes températures, les techniques d’analyse et le traitement de données utilisées au cours de ce travail seront présentés dans les chapitres 3, 4 et 5, respectivement. Le chapitre 6 est consacré à l’étude de la structure de l’ammoniac liquide jusqu’à 6,3 GPa et 800 K, obtenue par diffraction des rayons X à l’ESRF. Le chapitre 7 présente notre étude de la courbe de fusion de NH3 jusqu’à 2500 K et 40 GPa et la stabilité de l’ammoniac à hautes températures. Le chapitre 8 est réservé aux résultats obtenus sur la courbe de fusion de l’eau jusqu’à 45 GPa et sur la détection d’une nouvelle phase à hautes températures dont la structure et les propriétés seront discutées. Enfin, une conclusion résumera les principaux résultats obtenus au cours de ce travail et ouvrira sur de nouvelles perspectives.

Table des matières

Table des figures
Liste des tableaux
Introduction générale
L’ammoniac sous conditions extrêmes : état de l’art
1 L’ammoniac sous conditions extrêmes : état de l’art
1.1 Introduction
1.2 La molécule d’ammoniac
1.3 Les phases denses de l’ammoniac
1.3.1 Le diagramme de phase
1.3.2 Les phases moléculaires
1.3.2.1 Les phases ordonnées : l’ammoniac I, IV et V
1.3.2.2 Les phases plastiques : l’ammoniac II et III
1.3.3 Les phases non-moléculaires : l’ammoniac ionique et superionique
1.4 La courbe de fusion de l’ammoniac
1.4.1 La courbe de fusion à basse pression
1.4.2 La courbe de fusion à haute pression
L’eau sous conditions extrêmes : état de l’art
2 L’eau sous conditions extrêmes : état de l’art
2.1 Introduction
2.2 La molécule d’eau
2.3 Les phases denses de l’eau
2.3.1 Le diagramme de phase
2.3.2 Les phases denses : les glaces VII et X
2.3.2.1 Glace VII
2.3.2.2 Glace X
2.3.3 Études théoriques des phases de l’eau
2.3.3.1 Les phases plastiques
2.3.3.2 Les phases superioniques
2.4 La courbe de fusion
2.4.1 Revue des déterminations expérimentales
2.4.2 Des critères de fusion variés
Les techniques expérimentales et d’analyses
3 Les techniques expérimentales
3.1 Introduction
3.2 Les dispositifs hautes pressions
3.2.1 Présentation des cellules à enclumes de diamant (CED)
3.2.1.1 Les diamants
3.2.2 Les cellules à membrane
3.2.3 Les jauges de pression
3.2.3.1 Les jauges de luminescence
3.2.3.2 Les jauges de Raman
3.2.3.3 Les jauges de rayons X
3.3 Les dispositifs hautes températures
3.3.1 Le chauffage résistif
3.3.2 Le chauffage laser CO2
3.4 Les dispositifs de chargement
3.4.1 Préparation et chargement des échantillons NH3
3.4.1.1 Préparation de la cellule
3.4.1.2 Chargement de l’échantillon
3.4.2 Préparation et chargement des échantillons H2O
3.4.2.1 Préparation de la cellule
3.4.2.2 Chargement de l’échantillon
4 Les techniques d’analyses
4.1 Introduction
4.2 Spectroscopie Raman
4.2.1 Théorie Raman
4.2.2 Banc Raman à haute pression et haute température
4.3 Diffraction des rayons X
4.3.1 Théorie de la diffraction d’un crystal
4.3.2 Ligne de lumière ID27
4.4 Dynamique moléculaire ab initio
4.4.1 Dynamique moléculaire classique
4.4.2 Dynamique moléculaire Born-Oppenheimer
5 Traitement des données de diffraction
5.1 Introduction
5.2 Composition du signal total diffusé
5.3 Traitement du signal cohérent
5.3.1 Cas monoatomique
5.3.2 Cas polyatomique
5.4 Procédure de normalisation du signal cohérent
5.4.1 Méthode de Krogh-Moe et Norman
5.4.2 Procédure itérative de normalisation
5.5 Sources d’erreur
Résultats et Discussion
6 Structure of liquid ammonia at high pressures and temperatures
7 Melting curve and chemical stability of ammonia at high pressure : a combined
x-ray diffraction and Raman study
8 La courbe de fusion de l’eau
8.1 Introduction
8.2 Mesure de la courbe de fusion
8.2.1 Protocole expérimental
8.2.2 Résultats et comparaison avec la littérature
8.3 Glace VII à hautes températures : preuve d’une nouvelle phase de H2O
simple effet thermique ?
8.3.1 Détection d’une transition solide-solide
8.3.2 Les gradients thermiques
8.4 Discussion
8.5 Conclusion
Conclusion

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