Les recouvrements multicouches de type CEBC

Drainage minier acide (DMA)

Comme il a été mentionné précédemment, le drainage minier acide constitue le principal problème environnemental relié aux activités minières. Il peut être défini comme étant le résultat de la circulation des eaux tant de surface que souterraines à travers les composantes d’un site minier (rejets du concentrateur, haldes de roches stériles, etc.). Le drainage minier acide se produit naturellement lorsque les minéraux sulfureux réactifs, tels la pyrite et la pyrrhotite, sont exposés à l’eau et à l’air. L’oxydation naturelle qui survient (d’origine chimique, électrochimique ou biologique) libère alors des ions H+ qui acidifient l’eau. Ce phénomène favorise la mise en solution de divers éléments qui deviennent plus solubles à bas pH. Cette acidité, combinée à la présence de contaminants potentiellement toxiques comme divers métaux lourds (par exemple Fe, Al, Mn, Zn, Cu, Cd, Hg, Pb, Co, Ni, Ta, As), peut affecter sérieusement les écosystèmes qui reçoivent les effluents contaminés (Aubertin et al., 2002). Les réactions simplifiées conduisant à l’acidification des effluents miniers sont relativement bien connues et amplement décrites dans la littérature (Aubertin et al., 2002; Rit ce y, 1989; SRK, 1991; Perkins et al., 1995; Morin et Hutt, 1997). Le minerai sulfureux le plus abondant dans les rejets miniers est sans contredit la pyrite (FeS2). Les mécanismes conduisant à l’oxydation de la pyrite servent souvent à illustrer le mode de production d’acide. Ce sont ces mécanismes qui sont présentés dans les prochains paragraphes. L’oxydation de la pyrite peut être directe ou indirecte. L’oxydation directe se produit lors d’une réaction chimique (équation 2.1) entre la pyrite à l’état solide avec l’oxygène de l’air et l’eau : L’oxydation indirecte de la pyrite se produit par une réaction qui met en jeu un oxydant comme le fer ferrique (Fe3+). Lorsqu’il y a dissociation de la pyrite (équation 2.1 ), le fer ferreux (Fe2+) produit peut s’oxyder : Le fer ferrique peut précipiter sous forme d’hydroxyde, comme la ferrihydrite, si le pH est suffisamment élevé : Lorsque le milieu est plus acide (pH :S: 3 environ), le Fe3 + peut alors oxyder la pyrite:

La notion de génération de drainage minier acide devient explicite lorsqu’on combine les réactions précédentes (équations 2.1 à 2.3) pour obtenir la réaction globale (équation 2.5) qui produit de l’acide sulfurique et un hydroxyde de fer: La vitesse à laquelle se produit l’oxydation est fonction de différents facteurs, incluant la quantité d’oxygène disponible, la température, le pH, la surface spécifique disponible du minéral, sa structure cristalline ainsi que la présence d’une activité bactérienne (Perkins et al., 1995; Bussière et al., 2003). Concernant ce dernier facteur, selon certains auteurs (Singer et Stumm, 1970; SRK, 1991 ), le processus d’oxydation directe peut être catalysé de 10 à 100 000 fois par diverses bactéries (e.g. thiobacil/us ferrooxidans) lorsqu’elles sont directement en contact avec les sulfures. Notons toutefois que l’action de telles bactéries est plus marquée lorsque le pH est relativement bas, soit à un pH :S: 3,5 environ. Les bactéries ne réagissent pas simplement à une source d’énergie comme les sulfures, mais elles ajustent leur activité en fonction de la grosseur de la population bactérienne, de la disponibilité d’éléments nutritifs inorganiques (K, Ca, P, Mg, etc.) dans leur environnement et de plusieurs autres facteurs comme la température, l’humidité, le degré d’aération et l’acidité de l’environnement de croissance (Leduc, 1997; Morin et Hutt, 1997).

Il y aurait plus d’une douzaine d’espèces de bactéries pouvant évoluer dans tout le spectre de pH observé dans le drainage minier et qui jouent probablement un rô le dans les interactions eau-minéraux (Zagury, 2002). Ajoutons que certains minéraux possèdent un potentiel de neutralisation intrinsèque grâce à leur capacité de réagir avec l’acide sulfurique et à le neutraliser. Parmi les minéraux ayant le plus grand potentiel de neutralisation, on retrouve les minéraux carbonatés, plus particulièrement la calcite et la dolomie (Aubertin et al., 2002). La capacité d’un minéral à neutraliser l’acide est fonction de différents facteurs comme la température, le pH, la pression C02 ainsi que la surface spécifique disponible du minéral et sa structure cristalline. Lorsque l’acidité créée par le phénomène de drainage minier acide est combinée à la présence en concentration élevée de métaux, elle peut affecter sérieusement les écosystèmes voisins du site qui le génère. Il est donc essentiel, lorsque des rejets sont identifiés comme potentiellement générateurs de DMA par les méthodes de prédiction de prendre des mesures qui limiteront les impacts environnementaux de ceux-ci.

Les recouvrements aqueux

Cette technique consiste à limiter l’infiltration d’oxygène, un des éléments essentiels à l’oxydation des sulfures (voir équation 2.1 ), en plaçant un recouvrement d’eau pardessus les résidus miniers. Elle se fonde sur le fait que le coefficient de diffusion D~ de l’oxygène dans l’eau est environ 10 000 fois plus faible que ce même coefficient dans l’air (à pression atmosphérique et à 0°C, le coefficient de diffusion de l’oxygène dans l’air D~ est 2, 13×1 o-s m2/s et celui dans l’eau D~ est 2,50×1 o-9 m2/s ). Le flux d’oxygène disponible (en régime permanent) pour la réaction d’oxydation des minéraux sulfureux est proportionnel à ce coefficient, selon la première loi de Fick (équation 2.6): ( 2.6) ac F=-D 0~ w az où Fest le flux diffusif de l’oxygène dans l’eau (flux par unité de·surface), D~ est le coefficient de diffusion de l’oxygène dans l’eau, C02 est la concentration d’oxygène et z, l’élévation (Nicholson et al., 1989 ; Cussler, 1996). En plaçant les résidus sous l’eau, on réduit ainsi l’apport en oxygène, ce qui permet de réduire presque à zéro la production de DMA. Par contre, l’efficacité d’un recouvrement en eau ne dépend pas uniquement de sa capacité à limiter la diffusion moléculaire de l’oxygène. En effet, il y a différents processus qui influencent l’efficacité du recouvrement de même que la qualité de l’eau composant le recouvrement (figure 2.1 ).

Comme on peut le constater, un recouvrement en eau est un système complexe et dynamique. La plupart des processus en cause sont interdépendants. Parmi les facteurs d’influence, on reconnaît le mouvement de l’eau, les processus de transport de l’oxygène, la remise en suspension des particules et le relargage des métaux dissous. Pour bien comprendre et prédire l’efficacité des recouvrements en eau, on doit intégrer l’effet de tous ces processus (Li et al., 1997). Certains facteurs rendent l’application de cette technique plutôt difficile. Mentionnons entre autre le fait qu’il faille faire l’aménagement de digues étanches et d’ouvrages de dérivation pouvant résister aux événements extrêmes (précipitations, séismes) et en faire le suivi et l’entretien à long terme, c’est-à-dire pendant plusieurs centaines d’années (Aubertin et al. , 1997). Cette technique a été utilisée avec succès entre autres au parc à rejets miniers Solbec situé en Estrie (Amyot et Vézina, 1997) ainsi qu’au site NTA près de Sudbury (Hall, 1999). Le site minier Louvicourt utilisera également cette méthode lors de ses travaux de fermeture, prévus pour l’année 2005 (Julien et al., 2004). Dans ce dernier cas, les pratiques environnementales durant l’opération de la mine ont tenu compte de l’utilisation d’un recouvrement aqueux à la fin des activités minières, ce qui a facilité grandement les travaux de remise en état du site.

Fonctionnement des CEBC

Dans un climat humide comme celui du Québec et de l’Ontario, le principal objectif d’une couverture avec effets de barrière capillaire utilisée pour le contrôle du DMA est de limiter l’infiltration de l’oxygène jusqu’aux résidus réactifs et de réduire ainsi l’oxydation des minéraux sulfureux. Afin de rendre le flux d’oxygène minimal, on doit favoriser le maintien d’un haut degré de saturation dans une des couches du recouvrement. La diffusion de l’oxygène à travers un sol saturé est très faible puisqu’elle s’avère nulle à travers les grains solides et grandement réduite à travers l’eau. Puisque le flux d’oxygène disponible pour l’oxydation des sulfures est une fonction du coefficient de diffusion effective De et du gradient de concentration (on pose que le principal processus de transport de l’oxygène est la diffusion moléculaire, selon l’équation 2.6 (Nicholson et al., 1989)), l’efficacité d’un recouvrement est proportionnelle à la valeur de De qui diminue lorsque le degré de saturation Sr augmente. La figure 2.2 propose un exemple de relation entre le coefficient de diffusion effectif et le degré de saturation. Le degré de saturation (Sr= vwlvv) correspond au rapport entre le volume des vides remplis d’eau (vw) et le volume des vides total (vv).

On peut remarquer que, pour que le matériau ait un coefficient de diffusion effectif similaire à celui de l’eau stagnante (le coefficient de diffusion dans l’eau stagnante à 25°C est d’environ 2X10-9 m2/s), il doit avoir un degré de saturation d’environ 90%. Mentionnons toutefois que l’hypothèse de l’eau stagnante amène à surestimer l’efficacité du recouvrement en eau; voilà pourquoi on considère habituellement qu’un degré de saturation d’environ 85% dans un sol équivaut à peu près à la performance d’un recouvrement en eau. L’efficacité d’une CEBC est donc liée à sa capacité de maintenir dans une de ses couches un degré de saturation élevé, ce qui limite la migration de l’oxygène. Pour maintenir un degré de saturation élevé dans une des couches de la CEBC, on utilise les effets de barrière capillaire. Ces effets apparaissent en présence d’un écoulement non saturé dans un matériau fin situé par-dessus un matériau grossier.

En raison du contraste de granulométrie des matériaux et, par conséquent, du contraste dans les caractéristiques de rétention d’eau, seulement une partie du débit d’eau qui atteint l’interface percale dans le matériau grossier sous-jacent (Nicholson et al., 1989, 1991; Collin et Rasmuson, 1990; Aachib et al., 1993; Morei-Seytoux, 1993; Aubertin et al., 1995, 1996a, 1996b ). On peut expliquer le phénomène d’effets de barrière capillaire à l’aide des fonctions hydriques des matériaux, soit les relations teneur en eau volumique-succion (6-lV) et conductivité hydraulique-succion (k-4J) (figure 2.3). On observe qu’à partir d’un succion 4-‘a. le sol commence à se drainer (6 < 65 ) (figure 2.3a). Plus un sol est grossier, plus la valeur pour débuter le drainage est faible (lVa petit). Sur la figure 2.3b, on peut constater que la valeur de k diminue progressivement à mesure que la pression d’eau baisse (succion plus marquée) ou que la teneur en eau volumique est réduite. Lorsque l’on compare des matériaux de granulométrie différente, on constate que le sol fin est moins perméable que le sol grossier à l’état saturé (4J=O).

Table des matières

TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES SYMBOLES
RÉSUMÉ
1. INTRODUCTION
1.1 GÉNÉRALITÉS
1.2 PROBLÉMATIQUE
1.3 OBJECTIFS DU PROJET
2. REMISE EN ÉTAT DE SITES MINIERS
2.1 DRAINAGE MINIER ACIDE (DMA)
2.2 REMISE EN ÉTAT DE SITES MINIERS GÉNÉRATEURS DE DMA
2.2.1 Les recouvrements aqueux
2.2.2 Les recouvrements multicouches de type CEBC
2.2.3 Autres méthodes pour la remise en état des sites miniers
2.3 MISE EN VÉGÉTATION DE PARCS À REJETS
2.4 INTÉGRATION DE LA VÉGÉTATION SUR UNE CEBC
3. INTÉGRATION DE NOTIONS D’ÉCOLOGIE AUX SYSTÈMES D’INGÉNIERIE
3.1 IMPLANTATION DE LA VÉGÉTATION SUR UNE CEBC
3.2 SYSTÈME RACINAl RE D’UNE PLANTE
3. 2. 1 Description générale
3.2.2 Interaction entre le sol et les racines
3.3 TYPES DE BARRIÈRES AUX INTRUSIONS DE RACINES
3.3.1 Barrière chimique
3.3.2 Barrière physique
3.4 PHÉNOMÈNE DE SUCCESSION VÉGÉTALE
3.4. 1 Définition de la succession végétale
3.4.2 Impacts de la succession végétale
3.5 ALLÉLOPATHIE
3. 5. 1 Définition
3.5.2 Exemples d’allélopathie
3.5.3 Utilisation de l’allélopathie comme barrière écologique
4. MATÉRIEL ET MÉTHODES
4.1 CARACTÉRISATION DE LA VÉGÉTATION SUR UNE CEBC
4. 1. 1 Objectifs
4.1.2 Description et localisation de l’aire d’étude
4.1.3 Relevé de la végétation
4.1.4 Observations des racines
4.2 ESSAIS EN LABORATOIRE D’UNE BARRIÈRE PHYSIQUE AUX INTRUSIONS DE RACINES
4.2.1 Objectifs
4.2.2 Dispositifs expérimentaux
4.2.3 Mise en place et caractéristiques des matériaux
4.2.4 Conditions environnantes des essais
4.2.5 Procédure expérimentale de démantèlement des pots
4.3 ANALYSES STATISTIQUES
5. RÉSULTATS
5.1 CARACTÉRISATION DE LA VÉGÉTATION SUR LA CEBC LTA
5. 1. 1 Relevés de végétation
5.1.2 Excavation de racines
5.2 ESSAIS EN LABORATOIRE D’UNE BARRIÈRE PHYSIQUE AUX INTRUSIONS DE RACINES
6. DISCUSSION
6.1 IMPACTS DE LA VÉGÉTATION SUR LA CEBC
6.2 EFFET DE LA SERPENTINE SUR LA CROISSANCE DES RACINES
6.3 PERTINENCE D’UNE BARRIÈRE ÉCOLOGIQUE
7. CONCLUSION ET RECOMMANDATION
7.1 CONCLUSION DU PROJET
7.2 PERSPECTIVES
8. RÉFÉRENCES
ANNEXEA
ANNEXE 8
ANNEXEC
ANNEXE D

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