Les symptômes prodromiques de la schizophrénie

Les symptômes prodromiques de la schizophrénie

INTRODUCTION

La schizophrénie touche 1% de la population générale d’après l’OMS (Organisation mondiale de santé), et demeure, en ce début du 21ème siècle, potentiellement dangereuse, porteuse de handicaps, débutant relativement tôt dans l’évolution du sujet, et l’accompagnant souvent tout au long de sa vie. Son image est longtemps restée un stéréotype un peu caricatural de la pathologie chronique, grave et invalidante, mais sa réalité a bénéficié de l’évolution concomitante de la pratique de ceux qui sont chargés de la soigner. Au début du 20ème siècle, Kraepelin a été le premier psychiatre à effectuer une description spécifique de la schizophrénie (dénommée par lui dementia praecox) en tant que psychose fonctionnelle, s’opposant à la psychose maniaco-dépressive par ses modalités évolutives plus sévères. E.Bleuler a, peu après, individualisé la schizophrénie la caractérisant par l’existence d’un syndrome dissociatif. La schizophrénie constitue l’exemple type de la pathologie psychiatrique chronique. Les avancées thérapeutiques, qu’elles soient institutionnelles, biologiques ou psychothérapeutiques, pendant plusieurs décennies, n’ont pas pu modifier cette représentation, bien qu’elles aient contribué à d’immenses améliorations en termes de réduction de la morbidité, de la létalité, des évolutions gravissimes, et en espérant un maintien en l’état d’un niveau de fonctionnement dont on savait qu’il ne pouvait évoluer que dans le sens de la dégradation. Il y a eu déplacement du regard porté sur la schizophrénie vers les phases précoces, ces périodes qui étaient désignées auparavant comme préservées par la maladie, mais qui, aujourd’hui, constituent un enjeu fondamental, que ce soit d’un point de vue épidémiologique, biologique, génétique, psychopathologique, clinique et même thérapeutique. Il semble de plus en plus solidement étayé que les processus pathogènes, dont la nature n’est pas encore connue, apparaissent dès la vie fœtale, et qu’ils conditionnent une série d’évènements pathologiques aboutissant à l’expression de symptômes à l’issue de cette chaîne. Cette hypothèse développementale offre une fenêtre de compréhension de l’apparition et aide à mieux concevoir encore le modèle de vulnérabilité multifactorielle, en fournissant le lien neuro-pathologique permettant d’envisager une intervention thérapeutique de type curatif. Il serait alors possible d’élaborer des stratégies d’intervention visant à modifier le cours du développement des troubles en anticipant leurs manifestations psychopathologiques. Cette étude a été motivée par l’engouement actuel pour les prodromes de la schizophrénie qui 4 peuvent revêtir des formes particulièrement handicapantes pour le patient comme pour sa famille et donc nécessiter un recours précoce à diverses thérapeutiques psychiatriques. 

Phases évolutives de la schizophrénie débutante 

Exception faite des caractéristiques subcliniques des troubles neuro-développementaux observés de manière très inconstante, les prodromes représentent les premières manifestations pathologiques de la schizophrénie. Même si la vulnérabilité à la schizophrénie s’exprime parfois très jeune, elle n’est pas considérée comme le début de la maladie. La période, s’étendant de la naissance au moment de l’apparition des premiers symptômes, est appelée période prémorbide. Cette phase peut être marquée par l’existence d’altérations du développement moteur, de difficultés cognitives responsables de performances scolaires pauvres avec troubles du langage et de difficultés sociales.La phase prodromique, définie par les signes précoces avant-coureurs de la maladie, précède les manifestations caractéristiques de la phase aiguë. Le début de la psychose est défini par l’apparition des premiers symptômes psychotiques francs. C’est l’entrée dans la phase psychotique. Les premiers symptômes ne sont généralement pas des symptômes typiques de la psychose, à moins d’une forme à début brutal, le « coup de tonnerre dans un ciel serein », qui n’est cependant pas la forme d’entrée la plus habituelle dans la schizophrénie. [5] En effet, même lorsqu’elle est raccourcie, il existe une période qui s’étend de l’apparition des premiers symptômes jusqu’à l’émergence du syndrome psychotique. Cette période est celle des prodromes. 

La définition des prodromes 

Yung et coll ont relaté différentes définitions des prodromes. Pour Keith et Matthews (1991), c’était un ensemble hétérogène de comportements chronologiquement liés à l’émergence de la psychose. Loebel et coll (1992) en faisaient l’intervalle de temps entre l’apparition de symptômes comportementaux inhabituels et l’apparition des symptômes psychotiques. Cela implique un changement par rapport à l’expérience et aux comportements antérieurs du patient. C’est un 5 concept rétrospectif seulement diagnostiqué une fois développés les signes et symptômes définitifs. Cette période a été l’objet d’un engouement de la part des chercheurs, du fait d’implications diagnostiques, pronostiques et thérapeutiques. Il était en effet souvent possible d’anticiper les rechutes psychotiques grâce à l’apparition de ces prodromes lorsque l’on avait déjà eu l’occasion d’établir un lien entre la survenue de symptômes prodromiques et la décompensation psychotique qui suivait ces symptômes. De nombreuses études ont recherché des éléments suffisamment prédictifs de l’apparition du premier épisode psychotique . Il a aussi été question de démontrer l’intérêt d’intervenir chez les patients pendant cette période, et surtout de définir la meilleure manière de faire, dans le but d’améliorer le devenir des patients. 

REVUE DE LA LITTERATURE DE LA CLINIQUE DE LA PHASE PRODROMIQUE

 Les travaux préliminaires des auteurs classiques 

Dès le début de leurs travaux respectifs, et ceci en dépit d’une conception différente de la maladie, Kraeplin (1911) et Bleuler (1919) avaient noté que certains patients entraient dans la maladie par une symptomatologie aiguë et bruyante, la bouffée délirante aiguë de la nosographie française, identifié par Morel et son élève Legrain. [7] Tandis que les autres développaient la maladie de manière insidieuse et progressive avec des changements comportementaux peu remarqués par l’entourage, non immédiatement identifiés comme pathologiques. Les caractéristiques des formes à début insidieux d’après ces auteurs étaient les Suivantes : -Début à l’adolescence -Symptômes thymiques -Modifications psycho-sensorielles -Tendance au repli sur soi -Symptômes névrotiques aspécifiques (anxiété, phobies, obsessions, compulsions…) En 1927, De Clérambault avait défini les symptômes inauguraux de la maladie, qu’il dénommait « phénomènes subtils » que l’on peut rencontrer dans les différentes pathologies psychiatriques et en particulier dans les psychoses. [8] Par la suite en 1938, Cameron publiera un travail sur les signes que l’on peut détecter dans la phase prodromique. Il y note l’importance de la suspicion, de la désorganisation psychique et des expériences somatiques « bizarres ». Ses constatations seront en grande partie confirmées par des travaux plus récents. 

Les travaux de Chapman 

 En 1966, James Chapman a effectué dans le cadre de sa thèse une étude rétrospective sur 40 sujets recrutés au Royal Hospital de Glasgow. Il s’agit de l’une des toutes premières études disponibles sur les caractéristiques de la phase prodromique de la schizophrénie. Les patients inclus présentent tous un diagnostic de schizophrénie depuis environ un an. Au total, 40 % des patients ont décrit des anomalies de la perception visuelle, 95% des phénomènes de blocage de la pensée, 75% des anomalies dans la production du langage parlé, 80% des anomalies dans la compréhension du langage entendu et près de 73% des problèmes moteurs. 

Le concept de phase prodromique dans le DSM-III-R 

Progressivement, l’idée d’une phase prodromique de la schizophrénie est apparue comme une réalité mais sans que de véritables études puissent la caractériser sur le plan de ces symptômes. Néanmoins, l’édition du DSM-III-R va dégager une liste de prodromes pré schizophréniques dans le cadre d’un consensus d’experts. La liste DSM-III-R des symptômes prodromiques de la schizophrénie se détaille comme suit : -Isolement ou retrait social -Détérioration du fonctionnement social -Comportement bizarre -Incurie -Affects émoussé/inapproprié -Discours digressif, vague, surélaboré ou circonstanciel -Pauvreté du discours ou de son contenu -Croyances bizarres ou pensée magique -Expériences perceptives et insolites -Manque d’initiative, d’intérêt ou d’énergie 8 A noter qu’une telle liste de symptômes prodromiques ne se retrouve pas dans les classifications internationales et que celle-ci a disparu des versions plus récentes du DSM IV et IV-TR. Néanmoins, ces symptômes sont très proches voire identiques à ceux que l’on trouve dans l’actuelle personnalité schizotypique.

Table des matières

I. Sommaire
II. INTRODUCTION
1. Phases évolutives de la schizophrénie débutante
2. La définition des prodromes
III. REVUE DE LA LITTERATURE DE LA CLINIQUE DE LA PHASE PRODROMIQUE
1. Les travaux préliminaires des auteurs classiques
2. Les travaux de Chapman
3. Le concept de phase prodromique dans le DSM-III-R
4. L’échelle IRAOS de l’équipe de Hafner
5. L’échelle SOS de l’équipe de perkins
6. L’échelle SIPS/SOPS de l’équipe de McGlashan
7. Les travaux de McGorry (« ultra high risk « approach)
IV. ETUDE CLINIQUE
1. Patients et méthodes
2. Résultats
2.1. Manifestations comportementales et impulsivité
2.2. Manifestations thymiques
2.3. Manifestations anxieuses
2.4. Symptomatologie négative
2.5. Symptomatologie (diverse) positive/discordance
2.6. Manifestations cognitives
2.7. Manifestations physiques
2.8. Tentative de suicide
2.9. Le délai de prise en charge Entre l’apparition des premiers signes prodromiques et la première
hospitalisation en milieu psychiatrique
V. DISCUSSION
1. Comparaison de notre étude avec les différentes études et classifications
2. DSM IV, CIM et durée prodromique de la schizophrénie
3. Recueil des données et biais de remémoration des informations
4. Intervention précoce, réduction du délai de prise en charge et impact du traitement de la phase
prodromique
VI. CONCLUSION
VII. BIBLIOGRAPHIE
INTRODUCTION

 

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