Les universités locales, les universitaires locaux et la langue français

Les universités locales, les universitaires locaux et la langue français

Qu’est-ce qui motive des établissements universitaires à mettre en place des enseignements en langue française et des universitaires bulgares, roumains ou turcs à s’y investir ? Peut-on relever des changements, des pertes de motivation, parallèles à une dynamique qui s’épuise du côté des « investissements français » ? Comment les acteurs locaux considèrent-ils l’intervention d’universitaires français au sein des formations ?

Les motivations initiales : label institutionnel et échanges entre universitaires et chercheurs 

Au tournant de la décennie 1980-1990, la situation est très différente en Turquie, d’une part, en Bulgarie et en Roumanie, d’autre part, comme nous l’avons vu plus haut. En 1990, les bouleversements des champs universitaires, la dynamique des échanges interuniversitaires, faisaient que tout échange était dans l’ensemble assez bienvenu pour les recteurs en poste. En Roumanie, la formation de l’ASE (gestion des affaires) et celle de sciences politiques (initialement, sciences humaines) ont été portées par cette dynamique des échanges interuniversitaires entre la France et la Roumanie (on l’a vu plus haut avec l’intervention de l’AUPEL-UREF et de l’ambassade de France), quant au collège juridique, il a été porté, par des dynamiques politiques. En Bulgarie, les formations retenues ne se créent pas immédiatement au début des années 1990. La formation en gestion qui ouvre en 1995 est portée par une petite équipe d’enseignants, très isolée au sein de la faculté de sciences économiques, qui envisagent la mise en place d’enseignements en français. Le soutien de l’ambassade de France permet l’ouverture de la formation francophone, qui rencontre des résistances au sein de la faculté. Quelle est la motivation de cette petite équipe francophone ? Cela est difficile à dire, mais il est probable qu’il y ait la volonté de « prendre » une place au sein de la faculté, qui a monté les premières formations en partie en langue anglaise. Les formations francophones qui se créent en Roumanie et en Bulgarie, au début des années 1990, qu’elles soient ou non pionnières au sein de leur faculté, se retrouvent associées à d’autres formations, de la même discipline, avec des curriculums similaires, dans d’autres langues (anglais, allemand, et parfois la langue locale)1145 . En Turquie, la situation est assez rigide (loi sur l’enseignement de 1981 – le YÖK), quoiqu’elle soit en train de s’ouvrir très légèrement avec l’autorisation à la création d’universités « de fondation ». Nous avons vu l’aspect très politique des projets, avec l’impulsion forte de la Fondation de l’éducation Galatasaray. Ce qui a d’abord permis de créer le DSPA à l’université de Marmara – le « brouillon ». Cette dernière peut s’implanter à l’université de Marmara, avec le soutien du recteur de l’époque, sur une idée d’ouverture internationale. « Et donc là, Marmara c’est un pur accident, c’est-à-dire à cette époque il n’y a pas la loi sur l’enseignement supérieur, qui va paraitre quelques années après, la loi n’est pas encore prête [permettant de créer un établissement intégré]. Et donc un professeur de l’université technique du Moyen-Orient, BT, membre de la Fondation Galatasaray va, trouve un poste à l’université de Marmara. Et le recteur de l’université de Marmara, qui est un politique, trouve assez bien, trouve que c’est une assez bonne idée d’avoir un soutien de la France pour un département francophone, et il pense en ouvrir aussi un germanophone, un anglophone, enfin bon il se lance un peu dans cette trajectoire-là. » (Entretien, universitaire-expert MAE, projet DSPA, 1987-2003) 1145 En sciences politiques, à l’université de Bucarest (Roumanie) ou à la NUB (Bulgarie), les formations francophones sont « pionnières ». C’est seulement en 1995 qu’ouvre une formation en sciences politique en roumain à l’université de Bucarest et en 1997, une formation en anglais. La formation francophone de la NUB ouvre en même temps que la formation en bulgare (1999). Il faut attendre 2011 pour qu’ouvre une formation en langue anglaise. Les universités locales, les universitaires locaux et la langue française 550 Nous ne revenons pas sur les motivations qui ont animées les membres de la Fondation Galatasaray, présentées plus haut. Du côté des universitaires, en Bulgarie, en Roumanie, et en Turquie, au DSPA, les universitaires s’engagent volontiers et avec enthousiasme dans la création des formations, portées par des échanges soutenus entre universitaires. La responsable de la formation en gestion de l’ASE au moment de notre enquête, jeune enseignante au début des années 1990, avait, à ce moment la sensation de participer à une aventure. Quand c’est nouveau dans une faculté, qu’il y a tout à construire, je peux faire ce que je veux et faire appel à des gens d’autres facultés pour participer au programme. « J’avais le sentiment de pouvoir faire des choses nouvelles », c’était très « utile d’avoir des contacts permanents avec des professeurs français », des lectures en français. Les professeurs étaient vraiment très motivés pour intégrer la filière, les étudiants aussi. On avait une « sensation d’élitisme », que c’était des étudiants vraiment particuliers qui intégraient la filière. En Roumanie, dans le secondaire, les langues étrangères, en général, c’était des cours supplémentaires ou des cours particuliers. Le type de famille d’où ils étaient issus était très concerné par les études des enfants. C’était très visible au début que nous avions ce public d’élites. Maintenant… je ne suis pas sûre… Pour moi il y a des différences importantes… Avant, ils étaient beaucoup plus en relation avec la France, c’était plus intéressant. Aujourd’hui, l’université roumaine est plus diversifiée, beaucoup de facultés proposent des cours ou des cursus en langue étrangère, surtout en anglais, qui est très utile maintenant pour la profession. Il y a aussi une très bonne côte de l’allemand, car de nombreuses entreprises allemandes se sont implantées sur le marché roumain. Ceci a fait augmenter les effectifs de la filière germanophone. L’implantation des entreprises compte beaucoup pour le choix, l’orientation des étudiants. Dans la plupart des cas, nos étudiants sont francophones, mais ils maîtrisent très bien l’anglais car ils savent qu’ils ne seront pas forcément embauchés dans une entreprise française ou francophone et même, je les ai entendu dire que même dans les entreprises françaises, on parlait anglais… (Entretien, prise de notes, responsable de formation, ASE / FABIZ, depuis 2004) Les universitaires turcs que nous avons rencontrés qui ont participé à la création du DSPA témoignent tous de l’expérience enthousiasmante vécue au départ. Les rapports1146 de mission des coordinateurs français confirment cet enthousiasme des premiers temps. Elle permet aux universitaires turcs d’échapper au carcan idéologique de l’époque qui pèse sur les universités et les universitaires : d’abord grâce à des échanges avec des universitaires français ; ensuite grâce à la situation du département, très éloignée de sa faculté de rattachement, isolé, sur les bords du Bosphore, dans un ancien palais ottoman, propriété de l’ambassade de France1147 . « PI- Nous sommes indépendants vis-à-vis de l’université, heureusement [grâce au bâtiment]. C’est pour ça qu’on est restés, on est libres de penser et libres d’enseigner ce qu’on a envie d’enseigner. Avant, on appelait ça, le département, je vous ai dit déjà ?, la « République de Marmara » ! CT-La « République de Marmara » ? PI- Oui, « la République de Marmara ». C’est un peu une plaisanterie, bien sûr. Mais on était dans notre monde, qu’on gérait un peu comme on l’entendait, nous, les Français qui étaient là aussi. On n’est pas à l’abri de changements, de direction, ça va. Maintenant c’est les islamistes qui dirigent, avant c’était autre chose. » (Directeur du DSPA, 2006-2011) « La République de Marmara » : l’appellation marque bien l’esprit d’indépendance qui anime la petite équipe. Cet enthousiasme de l’équipe initiale se trouve bien résumée par exemple dans le rapport d’évaluation de 1998 : « A l’origine les enseignants ont été attirés dans le département par la perspective d’une proximité avec un milieu intellectuel français, ainsi que par la liberté intellectuelle qu’on pouvait espérer trouver, en particulier en faisant confiance à la réputation du professeur YG [directeur (turc) du département, 1988- 1146 Archives Nantes, carton 59. 1147 Voir annexe 3, la convention de coopération entre l’ambassade France et l’université de Marmara. 551 1996]. Pour eux l’attrait de Tarabya venait de la possibilité d’y retrouver les caractéristiques de la vie intellectuelle qu’ils avaient appréciée au cours de leurs études ou des séjours universitaires qu’ils avaient pu effectuer en France. Progressivement s’est constitué un groupe de personnes que rapprochent l’intérêt pour les sciences politiques et des visions du monde suffisamment proches pour autoriser la discussion. Ils se glorifient de faire de la recherche et de publier en français et en turc de façon à écrire pour une clientèle turque et non pas seulement en anglais aux Etats-Unis. Le projet est véritablement soutenu par la mobilisation de ce noyau central d’enseignants turcs francophones1148 qui sont fortement motivés en faveur de sa réussite. » (Rapport d’évaluation DSPA, CNRS / MAE, 1998) L’équipe s’est constituée en équipe de recherche effectuant des travaux originaux sur la Turquie et le monde turcophone – dans un paysage peu marqué par la recherche, d’une part, et plutôt porté, en relations internationales, sur des comparaisons avec les Etats-Unis (Compte-rendu, 1995, archives Nantes, carton 59). C’est pour faire survivre des échanges enthousiastes entre chercheurs bulgares et chercheurs français – initialement soutenus par l’ambassade France (1992-1997) – que la filière en sciences politiques de la NUB ouvre en 1999. « Mais disons que ces contacts avec l’ambassade de France, nous ont permis en 92 de lancer déjà un premier heu projet, projet qui était financé par le MAE, le MAE, en France, et donc qui nous a permis de recevoir pendant cinq ans, presque six ans, chaque année, cinq collègues de science politique, surtout du CEVIPOF, qui faisaient des cours, devant les étudiants à la NUB, et aussi des étudiants de l’université de Sofia. Donc c’était une convention tripartite, donc signée par l’université de Sofia, la NUB et le CEVIPOF. Voilà. Qui a été renouvelée, etc. et qui a été financée jusqu’en, je pense 97. Voilà, six ans. […] Puis, dans le cadre de ces échanges, de ce projet, chaque année il y avait une bourse pour deux mois pour un collègue bulgare qui allait faire ses recherches ou de préparer ses cours en France, à Paris. Donc, j’ai fait deux mois, et encore quatre de mes collègues ont fait deux mois de recherche, deux mois de recherche à Paris […] au CEVIPOF1149, à l’époque. Puis, parce que je parle aussi personnellement, donc, en 91, non, en 92, j’avais cette bourse de recherche pour deux mois, et, non pas en 92, non, qu’est-ce que je raconte, c’était en 93, c‘était le début de cette opération. Et après en 94, j’avais une autre bourse, qui était une bourse de la MSH à Paris, la Maison science de l‘homme. Mais c’était disons un autre type de bourse, mais je travaillais toujours au CEVIPOF pendant deux mois. Cela m’a permis d’accumuler pas mal d’expériences […] Et puis voilà pour vous expliquer pourquoi la filière, je vais vous expliquer pourquoi cela a été stoppé en 97. En plus, ça coïncidait avec la crise économique et politique, financière en Bulgarie, en 96-97, c’était la super inflation, donc les finances basculaient beaucoup. Et ça a été stoppé par le MAE… Disons, qu’il y a eu plusieurs raisons pour l’arrêt de ce programme. Le ministère, l’ambassade nous expliquaient que l’ambassade ne peut pas financer à l’infini un projet pareil. Donc, on lance et puis après… Puis, ça a coïncidé avec un changement de l’ambassadeur, et aussi un changement, surtout, du directeur de l’Institut qui est aussi le conseiller culturel de l’ambassade. Donc ça a beaucoup changé pour nous. Un chimiste qui ne s’intéressait vraiment pas aux sciences sociales, qui voulait faire des économies, etc., donc ça a mal marché à un certain moment. Mais, disons que de nouvelles possibilités s’ouvrent, et même si les contacts ne continuent pas à cette échelle intense… Mais quand même au cours de ce projet, ici à la NUB, on voit quand même une concentration de professeurs francophones, à la NUB. Et donc, en 99, on lance la filière avec l’adhésion de la NUB à l’AUF. » (Entretien, directeur de la formation de sciences politiques de la NUB, 1999) Les échanges entre universitaires et/ou chercheurs de part et d’autre ont permis de tisser des relations intellectuelles interpersonnelles et de motiver fortement l’implication des acteurs locaux dans le fonctionnement d’une filière francophone. Parmi cette euphorie des premiers temps, portée par des échanges fructueux, l’université Galatasaray semble faire un peu figure d’exception. C’est le cloisonnement entre universitaires français et turcs qui frappe à la lecture des rapports. C’est aussi ce cloisonnement qui nous avait frappée lors de notre séjour à Galatasaray (2000-2009). Il ne s’agit pas seulement du cloisonnement de l’équipe des enseignants de 1148 En 1998, au moment du rapport, il ne s’agit plus que d’un noyau. Les rapports des années 1988-1994 montrent qu’au départ, l’ensemble de l’équipe était très motivée. Mais certains ont été appelés à d’autres tâches (doyen de faculté, journalisme…) 1149 Centre d’études de la vie politique française, centre de recherche de la Fondation nationale de sciences politiques et du CNRS. 552 français par rapport au reste de l’université – ce qui constitue un autre cloisonnement. Mais du cloisonnement entre universitaires français et universitaires turcs présents sur le campus. A la différence du DSPA, le projet politique ne s’est pas transformé en projet d’échanges universitaires. Les échanges paraissent difficiles, comme on nous le dit, de part et d’autre (entretiens GSÜ). Certes des colloques sont organisés, il y a des tentatives de publications communes, mais cela ne se transforme pas en échanges suivis. Il est possible de trouver plusieurs raisons. D’abord le fait que cela se soit construit en faisant appel à des universitaires non francophones, à défaut d’universitaires turcs francophones disposés à intégrer l’établissement. Ce qui ne rendait pas les échanges aisés entre Français et Turcs. Il a pu se creuser ainsi, au fil des années, un chemin de non-communication. Ensuite, Galatasaray, université publique, est beaucoup plus dépendante des contraintes du YÖK, que le petit département de sciences politiques dans son palais ottoman. Cela n’est pas propre à favoriser des échanges intellectuels. Quelles ont les motivations, au moment où, dans la plupart des contextes, les soutiens se sont épuisés, où l’anglais devient la langue majoritaire ?

Fin des soutiens et motivations des acteurs locaux 

La situation et les évolutions sont différentes en Turquie par rapport aux deux autres pays. Ceux-ci sont confrontés à une pénurie des effectifs, alors qu’en Turquie, c’est plutôt l’augmentation des quotas d’étudiants par l’autorité de tutelle qui pose problème. En revanche, pratiquement dans tous les contextes, le ou les master(s) francophone(s) qui se sont créés ont été fermés. Ils ne réussissent pas à recruter suffisamment d’étudiants. A l’université Galatasaray, en 2009, la décision a été prise de ne plus faire de la langue française une condition de l’entrée en master. Beaucoup de masters ont ainsi basculé complétement au turc, avec parfois quelques cours en anglais, parfois quelques cours en français. Les évolutions récentes montrent que plusieurs facteurs affaiblissent les formations en Bulgarie et en Roumanie. Le creux démographique des années 1990, l’anglicisation des champs universitaires, les facilités d’accès aux universités européennes depuis 2007 aux étudiants bulgares et roumains (voir la partie sur les champs universitaires) contribuent à affaiblir la plupart des formations. Les formations ont de plus en plus de mal à recruter un public disposant et de compétences en français et d’un intérêt pour les disciplines concernées et de compétences « scolaires ». Elles ne peuvent plus pratiquer de sélection étant donné le faible nombre de candidats (cas de l’ASE depuis environ 2011-2012). Elles modifient leurs critères de sélection à l’entrée. Voire les supprime totalement, demandant seulement un « niveau de langue ». Elles peuvent aussi modifier leur curriculum. A la NUB, alors que 80% des cours avaient lieu en français durant les quatre années de licence, depuis 2014-2015, seules les deux dernières années offrent un enseignement en français. Les deux premières années du cursus, les enseignements disciplinaires se déroulent en bulgare, associés à des cours de langue française. En 2011, la première année de licence n’avait pas pu ouvrir, faute d’un nombre suffisant de candidats ; à l’université de Sofia, en 2010, seulement 8 étudiants ont pu intégrer la formation de licence (sur les 40 places disponibles). Pourquoi les universités maintiennent-elles des formations en langue française ? En Roumanie, comme nous l’avons déjà dit, les formations universitaires francophones permettent d’attirer un public francophone venu essentiellement, à l’ASE et à la faculté de sciences politique de l’université de Sofia, du Maghreb. Cela permet aux universités à la fois d’afficher un « bilan international » et de financer en partie leur formation grâce à un public s’acquittant de droits d’inscription assez élevés. 553 En général, le label « francophone », à côté d’autres labels, garantirait un certain prestige et fonctionnerait comme « argument de vente », selon l’un de nos interlocuteur (SCAC, Bulgarie, 2010- 2014) « PI- C’est quelque chose de plus important vous savez pour les étrangers que pour nous en fait cette histoire [de langue française], parce qu’eux, eux ils s’en font un, comment dire, ils s’en font un argument de, un argument de vente, quoi. Alors que moi, à partir du moment où ils respectent la loi avec les Français, et que les choses se passent comme ça, il n’y a pas de souci. » (Entretien, ACU SCAC Bulgarie, 2010- 2014). Mais les formations apparaissent en sursis, soumises à la direction politique. « PI- Le français. Moi j’aime bien le français, ça me plait comme langue, je suis assez francophile. Et c’est, je ne sais pas, ça donne un sentiment de différence et d’une certaine manière d’excellence qui est assez agréable. On est l’unique filière francophone en sciences humaines dans le paysage universitaire. Donc, c’est bien. On aimerait bien la garder. Mais ça dépend aussi de la volonté de l’université, le recteur actuel de l’université, il est professeur de français, donc il n’a donc pas protesté en voyant qu’il n’y ait que 20 et quelques étudiants, même si les consignes de l’université disent que si le nombre d’étudiants est moins de 30, alors on n’organise pas le programme. Donc, on lui a dit, écoutez, c’est une direction stratégique de la faculté, alors il faut… donc, il va accepter. Mais si le recteur, je ne sais pas, il était ingénieur, non, pas ingénieur parce que, mais physicien ou chimiste, peut-être qu’il ne serait pas aussi indulgent. On craint un peu pour la survie de la filière, à cause du public qui diminue, et des exigences en termes de, du nombre d’étudiants et par ordre de conséquence, de financements. Parce que 25 ou 30 étudiants ne peuvent pas financer les salaires de je ne sais combien de profs. Mais on dit, écoutez, la filière roumanophone est bien peuplée, alors on s’arrange aussi entre nous, on est assez solidaires, tous ceux qui interviennent dans la filière francophone interviennent aussi dans une autre. » (Entretien, universitaire, SP-UB) A côté de motifs institutionnels, comment les universitaires qui interviennent dans la formation, et dont la relève n’est pas toujours facile à assurer, adhèrent-ils à un curriculum en français ? L’enthousiasme initial s’épuise, même s’il existe toujours des intérêts. La citation ci-dessus en donne une idée. On peut relever parmi les motivations diverses que nous avons recueillies lors des entretiens : – un petit groupe d’étudiants, conscients de l’intérêt qu’il y a à disposer de plusieurs langues, beaucoup plus motivé, en général, que les groupes qui ont intégré des formations dans la langue locale ou en anglais ; – un ancrage intellectuel initial – notamment en sciences politiques -, qui fait la spécificité de la formation. – un attachement à une formation qu’on a contribué à construire… Il y a aussi, comme en Turquie, des motifs qui nous sont plus rarement explicitement tenus que dans le contexte turc, et qui émanent plus volontiers d’universitaires déjà bien installés. En 1994, l’Ambassade de France a lâché, alors que c’était un important bailleur de fond avec l’AUF : ils ont permis notamment la création de la bibliothèque. Ils ont tenu des « discours dégueulasses » à cause d’histoires de paperasserie. A cette époque, le gouvernement français a effectué un montage très important : le Collège juridique. En 1994, tous les fonds vont aller en faculté de droit, plus rien pour les sciences politiques. En 1994, on aurait pu mettre fin à la filière : « les Français s’en foutent ; après tous, nous aussi… » On a décidé de continuer pour nous. Ce n’était pas à cause de la langue. Notre interlocuteur nous dit qu’il n’était pas « amoureux du français », mais à cause d’une culture politique importante et parce qu’il y avait les compétences en français dans la formation. Et on ne voulait pas spécialement remplacer la formation francophone par une formation en roumain. En 1994, la filière en roumain a été imposée par le gouvernement roumain. Et en 1997, on ouvrait une formation anglophone. (Entretien, prise de notes, doyen de la faculté SP-UB, 1994-2004) La formation tient toujours, mais notre interlocuteur, précise que lui-même enseigne désormais en anglais.  

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