L’estimation des valeurs positives le réseau des valeurs

L’estimation des valeurs positives le réseau des valeurs

La définition philosophique est peut-être plus restreinte que les autres en ce qu’elle se rapporte aux motifs qui justifient l’action avant ou après que celle-ci ait eu lieu. Ils doivent donc pouvoir être rapportés. Ceci implique que ces justifications soient conscientes là où les autres définitions incluent autant les facteurs explicites et conscients que les facteurs implicites et non-conscients par l’individu. En résumé, la plupart de ces considérations convergent vers une définition simple qui reviendrait à dire que la motivation est l’ensemble des facteurs qui déterminent la mise en mouvement, c’est-à-dire les actions d’un individu. Le cerveau doit ainsi pouvoir effectuer un rapport bénéfices/coûts incluant l’ensemble de ces facteurs en vue de déterminer quand cela vaut ou non la peine d’engager des ressources en vue de l’atteinte d’un but. Le calcul de ce rapport implique une prise de décision : l’objectif vaut-il la peine de se mettre en action ? Cette prise de décision est ainsi basée sur un compromis entre d’un côté la valeur subjective associée aux coûts des actions à mettre en place pour atteindre un but donné, et de l’autre la valeur subjective associée aux bénéfices escomptés à la suite de la mise en mouvement. Les bénéfices peuvent correspondre à des récompenses à consommer ou à des punitions à éviter. Cette prise de décision constitue une des étapes clés de ce que nous considérons être le processus motivationnel. Elle est ensuite suivie, ou non, d’une autre étape : la mise en action. Enfin, les conséquences de l’action, notamment en fonction de si l’objectif a ou non été atteint et de la quantité de ressources qu’il aura fallu engager pour ce faire entraînent par la suite un mécanisme d’apprentissage qui permet d’améliorer les prises de décision futures. Au sein de cette thèse, nous allons ainsi nous intéresser aux différentes étapes de ce processus motivationnel en élucidant, au moins en partie, les mécanismes cérébraux à l’aide de l’imagerie fonctionnelle par résonance magnétique. Plus précisément, nous allons nous concentrer sur les bases cérébrales des différents aspects du rapport entre les bénéfices et les coûts dirigeant la motivation et des bases cérébrales des concepts cognitifs qui régulent ce rapport pendant la prise de décision, et après la prise de décision.

Parce que la motivation et la prise de décision sont aussi centrales à notre vie quotidienne, il est remarquable de constater combien de penseurs de domaines très divers ont pu s’y intéresser. Sans aucunement revendiquer d’être exhaustif, je tenterai de résumer d’abord avec quelques points majeurs les différentes réflexions qui ont eu lieu dans plusieurs domaines quant à la perception subjective des valeurs et l’idée que c’est ces valeurs subjectives qui nous motivent à agir. Nous verrons aussi comment ces réflexions ont évolué au cours du temps. Cela nous emmènera d’abord dans un voyage à travers les domaines aussi larges que la philosophie, la psychologie, les mathématiques ou encore l’économie. Le domaine central de cette thèse sera cependant bien évidemment les sciences cognitives, en particulier dans l’étude de la prise de décision. Nous essaierons ainsi de voir comment l’étude de la prise de décision a pu permettre de percer les bases neurales de la motivation et du compromis coûts/bénéfices qui sous-tend la prise de décision et la motivation. Par la suite, nous verrons par quels mécanismes les valeurs positives peuvent être dévaluées en nous penchant sur les cas de l’incertitude, du délai, de l’effort physique, de l’effort mental et des punitions. Nous essaierons aussi de voir dans quelles mesures ces différentes mesures dévaluant les récompenses peuvent, ou non, être englobées dans un seul mécanisme. Ensuite nous essayerons d’étudier les différents modèles qui ont été proposés pour décrire la dynamique des bases cérébrales du compromis coûts/bénéfices. Enfin, nous nous concentrerons sur deux variables que nous avons appelé des variables « méta- décisionnelles », c’est-à-dire des variables qui régulent la décision sans prendre une part active dans la décision en elle-même. Il s’agira ainsi d’étudier d’un côté la confiance subjective dans la décision et, de l’autre, le coût subjectif lié au compromis coûts/bénéfices.

L’évolution des théories de la valeur

La plupart des philosophes de l’Antiquité semblent s’accorder sur le fait que mener une vie bienheureuse est un objectif pour la majorité des hommes. Cependant, une question va les préoccuper pendant plusieurs siècles, et il s’agit de savoir quels sont les critères pour mener une vie heureuse. En effet, comme le montre Aristote dans l’extrait suivant, chacun semble associer le bonheur à différentes choses : « Mais le bonheur, qu’est-ce que c’est ? […] Pour certains, en effet, la réponse est claire et évidente : c’est quelque chose comme le plaisir, la richesse ou l’honneur, quoique la réponse varie des uns aux autres – et souvent même un individu identique change d’avis, puisque tombé malade, il dit que c’est la santé, et dans l’indigence que c’est la richesse. » (Aristote, 2004). De même, selon les écoles de pensées philosophiques, les courants de pensées vont parfois converger et parfois diverger sur la manière d’atteindre le bonheur. Beaucoup de philosophes vont écrire des sortes de manuels qui regroupent un ensemble de principes visant à mener la vie la plus heureuse qui soit. Un peu comme en cuisine, chacun va proposer ses propres recettes pour conseiller les autres hommes Ironiquement, Épicure se distingue de cette approche qui assimile le bonheur à la somme des plaisirs, bien que ce soit ce que le langage courant en ait retenu plus de 2000 ans après son existence. Il s’agit en effet d’une caricature qu’en faisaient déjà ses opposants dans l’Antiquité de son vivant. L’extrait suivant de sa Lettre à Ménecée (Laërce, 1999) permet de montrer qu’il s’est toujours opposé à cette vision caricaturale de sa pensée : « lorsque nous disons que le plaisir est la fin, nous ne voulons pas parler des « plaisirs des fêtards » ni des « plaisirs qui se trouvent dans la jouissance », comme le croient certains qui, par ignorance, sont en désaccord avec nous ou font à nos propos un mauvais accueil, mais de l’absence de douleur en son corps, et de trouble en son âme. ». Épicure précise bien que ce qu’il entend par « absence de douleur en son corps, et de trouble en son âme » c’est de ne pas être dans un état de manque (comme la faim, la soif, etc.). On peut voir cela dans ce passage : « c’est à ce moment que nous avons besoin d’un plaisir, lorsque nous souffrons par suite de l’absence du plaisir ; < mais lorsque nous ne souffrons pas, nous n’avons plus besoin du plaisir>. ». Épicure définit donc le bonheur comme l’absence de douleur au niveau physique, état qu’il appellera l’aponie, et l’absence de troubles au niveau psychologique, c’est-à-dire l’absence de désirs ou de frustrations en général et de souffrance, état qu’il nommera l’ataraxie.

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