L’évaluation de la capacité à répéter des efforts intenses sur glace

Utilité des paramètres anthropométriques dans la prédiction de performances

Les entraîneurs et préparateurs physiques ont souvent recours à l’évaluation de l’aptitude physique, dont l’objectif est d’identifier le niveau des athlètes qu’ils suivent, et d’en observer l’évolution à travers l’application d’entraînements spécifiques, mais aussi dans le but de détecter de nouveaux talents sportifs. Récemment, Pion et al. (2015) ont démontré en ce sens que chaque sport est caractérisé par des athlètes dotés de caractéristiques anthropométriques, physiologiques et biomotrices particulières favorisant la performance dans leur sport respectif. Si chacune de ces variables qui caractérisent les athlètes de différents sports est importante pour la performance, il est nécessaire de comprendre leurs contributions relatives à l’égard de la détection d’athlètes prédisposés à performer dans une discipline donnée. Pour cela, Leone et al. (2002) ont classé, dans leur étude, cent athlètes de quatre disciplines sportives différentes (tennis, n=15; nage, n=23; patinage artistique, n=46; volleyball, n=16) à partir de variables anthropométriques et biomotrices. L’étude a révélé que les variables anthropométriques contribuent davantage au modèle de prédiction que les variables biomotrices.

En effet, les auteurs ont été en mesure de prédire adéquatement la discipline de chaque athlète (88%) à l’aide des variables anthropométriques et biomotrices. Cependant, en isolant les variables anthropométriques, le modèle a permis de prédire correctement 78% des disciplines pratiquées par les athlètes, contre seulement 60% en se reposant uniquement sur les variables biomotrices. Malgré l’hétérogénéité des groupes, qui a pu faciliter les distinctions entre les différents sports, on retient de cette étude une influence non négligeable des variables anthropométriques sur la performance, d’autant plus que l’association de variables prédictives confirme la nature multifactorielle de la performance. D’ailleurs, selon Carter (1985), le profil somatotypique serait associé aux paramètres physiologiques, biomécaniques, et par conséquent, à la performance. Il a été précisé notamment que le somatotype idéal d’un athlète varie en fonction du sport et/ou de la compétition (Carter et Heath, 1990; James, 2009).

Bien que celui-ci ne soit pas le seul élément nécessaire à l’atteinte de l’excellence sportive, il peut en constituer une condition préalable importante. En effet, il a été admis que les caractéristiques anthropométriques d’un athlète peuvent servir à définir le physique adéquat pour un sport donné. On peut citer en exemple l’étude de Charles et Bejan (2009) qui affirment que depuis plusieurs années les athlètes plus grands, plus lourds et plus minces ont tendance à être plus rapides que d’autres athlètes dans les disciplines de sprint de courte durée comme le 100m en course à pied ou le 100m nage libre en natation. Un indice morphologique (basé sur le poids et la taille corporelle) a même été utilisé par les auteurs afin de prédire le succès d’un sprinteur (celui-ci expliquant 2% à 9% de la variance). Ce dernier indice a été notamment repris dans le domaine du hockey sur glace où les auteurs (Szmatlan-Gabrys et al., 2018) comparent l’influence de plusieurs indices morphologiques comme l’indice de masse corporelle « IMC » (OMS, 1995), l’indice de « Rohrer » (Rohrer, 1921), et d’autres indices dont l’indice morphologique de l’étude de Charles et Bejan (2009). Les auteurs démontrent quant à eux, chez des joueurs de l’équipe nationale polonaise (âgés de 15 à 17 ans), des corrélations significatives de ce dernier indice et la puissance maximale (r=-0,42 ; p=0,001), l’indice de fatigue (r=-0,50 ; p=0,00) et le V̇O2max (r=-0,31 ; p=0,03). Cela sous-entend par conséquent que certaines caractéristiques anthropométriques telles que la taille et la masse corporelle, ont une influence directe sur les qualités anaérobies et aérobies. Ces propos sont corroborés par l’étude de Potteiger et al. (2010) révélant une relation assez forte entre le pourcentage de graisse corporelle et la vitesse de patinage sur glace (r=0,53; p<0,05). On retrouve des résultats semblables en natation (Sammoud et al., 2018) où la vitesse des nageurs élite au 100m papillon étaient négativement associées à la masse grasse (p<0,001) et positivement associée au rapport de longueur (p<0,004) et de circonférence des segments (p=0,001 et 0,006).

Dans l’étude de Knechtle et al. (2011) pour le sprint en roues alignées, les paramètres anthropométriques tels que l’âge (r2=0,30), la masse corporelle (r2=0,42), l’indice de masse corporelle (r2=0,35), la circonférence du bras (r2=0,32), la circonférence de la cuisse (r2=0,29), la circonférence du mollet (r2=0,38), le pli de la cuisse (r2=0,22), le pli du mollet (r2=0,27), la somme des plis adipeux (r2=0,43) et le pourcentage de graisse corporelle (r2=0,45) étaient corrélés avec le temps de course. Cela indique qu’un pourcentage plus élevé de graisse corporelle, réduirait effectivement la vitesse de patinage en contribuant à la masse générale que le sportif doit déplacer sur la glace et non pas en diminuant la production de force. D’ailleurs, Gledhill et Jamnik (2007) ont rappelé que l’excès de graisse influencerait négativement la vitesse du joueur, réduirait la capacité de récupération et nuirait au contrôle de la température corporelle. D’autres chercheurs (Burr et al., 2008; Tarter et al., 2009) ont tenté également exploiter les variables anthropométriques et physiologiques hors glace pour prédire les chances de sélection dans la LNH. Malgré le fait que les résultats des tests hors glace ne traduisent pas le rang de repêchage, les variables anthropométriques ont été constamment considérées comme des variables influentes dans chacune des quatre équations proposées par les auteurs.

Il est d’autre part possible d’identifier un profil type chez le joueur de hockey en se basant sur plusieurs études longitudinales (Burr et al., 2008; Cox et al., 1995; Green et al., 1976; Houston et Green, 1976; Montgomery, 2006; Quinney et al., 2008; Triplett et al., 2018). Un joueur de hockey mesure en moyenne 185cm et pèse environ 85kg. Son pourcentage de gras se situe généralement entre 7% et 11%, sachant qu’il existe des différences de composition corporelle entre les attaquants et les défenseurs. Les attaquants ont généralement un pourcentage de graisse moins élevé comparativement aux défenseurs, qui, eux, sont majoritairement plus grands et plus lourds (Burr et al., 2008; Quinney et al., 2008; Triplett et al., 2018; Vescovi et al., 2006b). En se référant à l’étude de Quinney et al. (2008), on constate que la puissance anaérobie maximale, la masse corporelle, la taille, l’IMC, le V̇O2pic et la force de préhension ont augmenté au cours des années 1979 à 2005. Néanmoins, les auteurs précisent que la somme des plis cutanés n’a cependant que très peu évolué, suggérant que l’augmentation de poids corporelle a été le résultat d’une augmentation de la masse musculaire et non de la masse grasse, expliquant par conséquent les valeurs de puissance plus élevées. Ce qui rejoint les conclusions de Brocherie et al. (2018) démontrant une augmentation de l’intensité du jeu dans le hockey sur glace moderne.

L’importance de l’âge dans la conception d’équation de prédiction Armstrong et al. (2001) ont étudié les relations entre la production de puissance et les étapes de la croissance des enfants âgés de 12 à 17 ans provenant de 15 écoles du Royaume-Uni (n=417). Ils ont conclu que la masse corporelle (r=0,878), la taille (r=0,946) et l’âge (r=0,135) ont été des variables explicatives du pic de puissance, et que l’introduction de la somme des plis adipeux, reflétant entre autres le taux de musculature, a contribué à l’amélioration du modèle de prédiction, comme on a pu le mentionner précédemment. Armstrong et Welsman (2001) ont, quant à eux, étudié les relations à l’égard du V̇O2pic avec une population identique (n=388) et ont obtenu des conclusions équivalentes concernant les variables explicatives. La croissance des enfants a donc été étroitement associée au développement des qualités physiques compte tenu des changements de dimensions corporelles de l’enfant et des particularités physiologiques retrouvées chez ce dernier. En effet, il est à ce jour largement admis que les enfants développent moins de puissance que les adultes au cours d’efforts brefs et intenses, mais qu’ils possèdent une bonne qualité aérobie au début de la puberté, comparable à celle d’un adulte bien entraîné. Plus particulièrement, leur performance en endurance est liée au cours de la croissance, à l’augmentation des dimensions corporelles et à l’amélioration du rendement mécanique et des habiletés motrices. L’augmentation progressive de la puissance musculaire débute de manière significative au cours de la puberté en raison, notamment, de la typologie des fibres musculaires et d’une production plus importante d’hormones androgènes, favorisant notamment l’activation et la synchronisation des unités motrices. Cela confirme que l’âge, le poids, la taille et les habiletés techniques et motrices peuvent contribuer à un meilleur ajustement du modèle de prédiction de la dépense énergétique.

Il est amplement reconnu que les individus du même âge chronologique peuvent avoir une maturité biologique considérablement différente (Armstrong et Welsman, 2005; Lloyd et al., 2014). On constate que la fonction des organes et des systèmes biologiques change progressivement entre 11 et 16 ans, et que la progression de ces étapes de maturation varie selon chaque individu (Berentzen et al., 2017; De Moraes et al., 2013; Mirwald et al., 2002). On sait également qu’au cours de cette période, l’état de maturité contribue considérablement aux performances physiques, telle que la capacité aérobie, la puissance anaérobie, la puissance explosive et l’efficacité de changements de direction (Armstrong et Welsman, 2005; Baxter-Jones, 1995; Carvalho et al., 2013; Carvalho et al., 2011; Figueiredo et al., 2009; Malina et al., 2004; Malina et al., 1982; Meylan et al., 2010; Szabo et al., 1972; Vaeyens et al., 2006). La considération de l’état de maturité dans le développement athlétique est même reconnue comme potentiellement importante par les fédérations sportives depuis plusieurs années (Nolan et Howell, 2010). Sherar et al. (2007) ont, de plus, constaté que les meilleurs joueurs de hockey sur glace sont généralement plus grands, plus lourds et plus matures (p<0,05). Néanmoins, en se rapprochant de la fin de la période de croissance, les écarts de maturité des jeunes, constatés au début de l’adolescence, deviennent moins importants puisque les joueurs ayant eu un retard de maturité ont pu le rattraper (Armstrong et Welsman, 2001).

On observe également que les bénéfices d’une maturation hâtive ont fait naître une problématique dans l’identification de talent sportif, appelé « effet de l’âge relatif ». Celui-ci fait référence aux avantages qu’ont les sportifs nés en début d’année civile (plus âgés) comparativement à ceux dont la date de naissance se situe en fin d’année (plus jeunes). Dans un groupe de catégorie « Bantam » (14 et 15 ans) par exemple, il existe de grandes différences de maturité et les enfants les plus âgés ont donc plus de chance d’obtenir une avance en termes de développement physique et cognitif, c’est-à-dire une corpulence athlétique plus imposante (taille et masse musculaire), mais aussi une meilleure compréhension des systèmes de jeu. Étant considérés plus facilement comme talentueux, ces enfants sont souvent sélectionnés dans les équipes nationales plus tôt et bénéficient donc d’un suivi propice au développement de sportifs de haut niveau (entraînement par des entraîneurs nationaux, nombre d’heures d’entraînement, structures adaptées, etc.), ce qui engendre un effet d’âge relatif dans de nombreux sports (Cobley et al., 2009) et plus particulièrement dans le hockey sur glace (Barnsley et al., 1985; Nolan et Howell, 2010), où les enfants les plus âgés sont les plus nombreux dans les équipes élites. Molenaar et al. (2015) ont, par exemple, observé un nombre plus élevé de joueuses nées dans la première moitié de l’année que dans la seconde (62,4% contre 37,6%, respectivement).

Néanmoins, Gibbs et al. (2012) ont mentionné, en utilisant des données publiques de joueurs de hockey de 2000 à 2009, que l’effet de l’âge relatif a été moins prononcé pour des joueurs canadiens de première ronde de la LNH comparativement aux joueurs de la ligue de hockey junior majeur. Effectivement, l’effet de l’âge relatif s’inverse dans la LNH en raison d’un âge moyen plus élevé lors du recrutement et une maturation totalement complétée pour l’ensemble des joueurs sélectionnés lors du repêchage de la LNH. Deaner et al. (2013) ont démontré, quant à eux, que les joueurs « les plus jeunes » de la LNH ont eu une carrière plus productive et une durée moyenne de carrière plus longue. On retient finalement que l’état de maturation permet d’affiner la prescription d’exercices et de comprendre plus précisément les améliorations de performances sportives à très court et moyen termes chez les enfants, mais ne permet pas de prédire les performances à long terme des athlètes.

Table des matières

LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES ABRÉVIATIONS, DES SIGLES ET DES ACRONYMES
Liste des symboles et des unités
RÉSUMÉ
ABSTRACT
INTRODUCTION
CHAPITRE I REVUE DE LITTÉRATURE
1.1 Utilité des paramètres anthropométriques dans la prédiction de performances
1.2 L’importance de l’âge dans la conception d’équation de prédiction
1.3 L’intérêt d’évaluer le V̇O2max
1.3.1 Considération des tests aérobies hors-glace
1.3.2 L’évaluation aérobie sur glace
1.3.3 Influence des habiletés techniques de patinage
1.4 L’importance de l’évaluation anaérobie
1.4.1 L’évaluation de la puissance anaérobie alactique hors glace
1.4.2 L’évaluation de la puissance anaérobie alactique sur glace
1.4.3 L’évaluation de la capacité anaérobie lactique hors-glace
1.4.4 L’évaluation de la capacité anaérobie lactique sur glace
1.4.5 L’évaluation de la capacité à répéter des efforts intenses sur glace
1.4.6 L’évaluation de l’agilité sur glace
1.5 Orientation de l’étude
CHAPITRE II MÉTHODOLOGIE
2.1 Les participants
2.1.1 Caractéristiques
2.1.2 Éthique
2.1.3 Recrutement, directives et organisations
2.1.4 Les aboutissements pour le participant
2.1.5 Critères d’inclusion et d’exclusion
2.2 Les outils de mesure
2.2.1 Analyseur métabolique
2.2.2 Analyseur de lactate
2.2.3 Analyse vidéo et cellules photoélectriques
2.2.4 Mesure de la fréquence cardiaque
2.3 Les différents protocoles d’évaluation anthropométriques
2.3.1 La taille (BH)
2.3.2 La masse corporelle (MC)
2.3.3 Les plis adipeux sous-cutanés
2.3.4 Les circonférences de taille et de hanche
2.3.5 Mesures somatotypiques
2.4 Les tests physiques hors-glace
2.4.1 Les pompes
2.4.2 Les redressements assis
2.4.3 Le saut de lapin
2.4.4 La force musculaire
2.4.5 La puissance musculaire
2.4.6 La flexibilité du tronc (FT)
2.4.7 La flexibilité des épaules (FE)
2.4.8 Test d’endurance cardiovasculaire sur tapis roulant (MAP)
2.5 Les tests physiques sur glace
2.5.1 Test de sprint en patinage avant
2.5.2 Test de sprint en patinage arrière
2.5.3 Test de slalom avec et sans rondelle
2.5.4 Procédure d’analyse bioénergétique : tests anaérobiques
2.5.5 Indice d’efficacité du patinage (IEP) : tests anaérobiques
2.5.6 Test de sprint de longue durée : 12x18m
2.5.7 Skating Multistage Aerobic Test (SMAT)
2.5.8 Indice d’efficacité du patinage (IEP) : Test aérobie
2.6 Nos hypothèses
2.7 Les statistiques
2.7.1 Article #1
2.7.2 Article #2
2.7.3 Article #3
2.7.4 Article #4
CHAPITRE III ARTICLE I
3.1 Morphological physiological and skating performance profiles of male age group elite ice hockey players
3.1.1 Abstract
3.1.2 Introduction
3.1.3 Material and Methods
3.1.4 Statistics
3.1.5 Results
3.1.6 Discussion
3.1.7 Conclusions
3.1.8 References
CHAPITRE IV ARTICLE II
4.1 Updating the skating multistage aerobic test and correction for V̇O2max prediction using a new skating economy index in elite adolescent ice hockey players
4.1.1 Abstract
4.1.2 Introduction
4.1.3 Methods
4.1.4 Statistical Analyses
4.1.5 Results
4.1.6 Discussion
4.1.7 Practical Applications
4.1.8 References
CHAPITRE V ARTICLE III
5.1 Assessment of on-ice oxygen cost of skating performance in elite youth ice hockey players
5.1.1 Abstract
5.1.2 Introduction
5.1.3 Methods
5.1.4 Statistical analysis
5.1.5 Results
5.1.6 Discussion
5.1.7 Conclusions
5.1.8 Références
CHAPITRE VI ARTICLE IV
6.1 Prediction of on-ice oxygen cost and lactate production, during an all-out anaerobic test in elite youth ice hockey players
6.1.1 Abstract
6.1.2 Introduction
6.1.3 Methods
6.1.4 Statistical analysis
6.1.5 Results
6.1.6 Discussion
6.1.7 Conclusions
6.1.8 Références
CHAPITRE VII DISCUSSION
7.1 Profil anthropométrique et physiologique des joueurs de hockey élites
7.2 Inclusion d’un indice d’efficacité de patinage afin de prédire le V̇O2max
7.3 Évaluation du coût énergétique en O2 lors de différentes situations de patinage
7.4 Estimation de la dépense énergétique et de la production de lactate lors d’une épreuve typiquement anaérobie lactique
CONCLUSION
ANNEXE A : CONSENTEMENT ÉCLAIRÉ DES PARTICIPANTS ET DE LEURS PARENTS
ANNEXE B : APPROBATION PAR LE COMITÉ D’ÉTHIQUE
ANNEXE C : LETTRE EXPLICATIVE À L’INTENTION DES PARENTS, DE L’ADOLESCENT
RÉFÉRENCES

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