L’EXÉCUTION FORCÉE CONTRACTUELLE

L’EXÉCUTION FORCÉE CONTRACTUELLE

L’exécution forcée en nature, corollaire de la force obligatoire du contrat

La place conférée à l’exécution forcée en nature596 est fonction de la signification donnée à la force obligatoire du contrat. En droit anglo-saxon, la force obligatoire signifie simplement que le débiteur qui manque à ses obligations s’expose à une sanction juridique, peu important alors la nature de la sanction prononcée597. Pour le droit français, en revanche, l’exécution forcée en nature598 se présente comme le prolongement naturel et nécessaire de la force obligatoire599. La conception volontariste et subjectiviste du contrat conforte sa place au sommet de la hiérarchie des sanctions : dès lors que l’on a accepté de s’engager, la parole donnée doit être respectée et le contrat exécuté600 . 158. Les vicissitudes de l’exécution forcée en nature. Bien que conforme aux fondements de la force obligatoire, ce n’est qu’au prix d’une longue évolution que l’exécution en nature a su s’imposer en véritable principe601. Méconnue du droit romain et du Moyen Age602 , ce n’est qu’au cours du XXe siècle qu’elle est véritablement parvenue à conquérir notre système juridique et conférer une place de second rang à l’exécution par équivalent. Il n’en demeure pas moins que la rédaction ambiguë de l’article 1142 du Code civil laisse planer un doute quant à sa portée. Aux termes de celui-ci, « Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d’inexécution de la part du débiteur ». Selon une première interprétation, l’article 1142 du code civil fait écho à l’adage « Nemo praecise potest cogi ad factum ». En conséquence, aucune obligation de faire ou de ne pas faire n’est susceptible d’être l’objet d’une exécution forcée en nature. Le débiteur peut donc accomplir la prestation ou verser l’équivalent en argent. Interprétation la plus littérale, elle est cependant incompatible avec la force obligatoire du contrat tel que l’envisage le droit français. Selon une deuxième conception, la prohibition de l’exécution forcée en nature ne concerne que les seules « obligations de comportement » 603 présentant un caractère éminemment personnel604. Cette interprétation postule une rédaction elliptique de l’article 1142 du Code civil puisque ce dernier n’opère aucune distinction au sein de ces catégories d’obligations. Elle présente cependant l’avantage de le concilier avec l’article 1134 du même Code. Enfin, selon une dernière conception, il ne faut pas comprendre cette disposition au sens littéral comme prescrivant l’exécution forcée par équivalent, mais l’interpréter comme offrant au créancier une alternative entre l’exécution par équivalent et l’exécution en nature par un tiers aux dépens du débiteur en cas de non respect des condamnations judiciaires. C’est donc seulement si le débiteur refuse postérieurement à la condamnation judiciaire que les articles 1142, 1143 et 1144 du Code civil auraient vocation à jouer605. Cette interprétation renouvelée suppose cependant une maladresse importante de rédaction de l’article 1142 du Code civil. 

La consécration de la primauté de l’exécution en nature en droit commun

Face à cette ambiguïté rédactionnelle, la jurisprudence a choisi de consacrer la deuxième lecture et d’interpréter l’article 1142 du Code civil à l’aune de l’article 1134, alinéa 1, du Code civil. Soutenue par la doctrine majoritaire, elle a donc progressivement606 condamné la lecture stricte de l’article 1142 du Code civil et privilégié l’exécution forcée en nature. Le fait qu’elle ne soit pas avantageuse ou démesurée par rapport à l’avantage procuré est indifférent. Restreignant ainsi son champ d’application, elle révèle sa conception stricte de la force obligatoire du contrat. Pour autant, aucune exécution forcée en nature ne sera prononcée par le juge lorsque celle-ci se révèle impossible d’un point de vue moral, matériel ou juridique6. Cependant, cela ne signifie pas que le débiteur soit à l’abri de toute sanction juridique. Admettre l’inverse porterait un coup fatal à la force obligatoire du contrat. Dès lors, lorsque l’exécution forcée en nature se révèle impossible, le contractant fautif sera condamné judiciairement à verser des dommages et intérêts au créancier : c’est ce que l’on dénomme l’exécution forcée ou sanction par équivalent. 

L’application « sélective » de l’exécution en nature du contrat de société

Le contrat de société et le contrat d’apport hébergent deux catégories d’obligations : les obligations légales et les obligations conventionnelles. Le respect de la force obligatoire conduit, en principe, à recourir à l’exécution forcée en nature chaque fois que l’associé se refuse à exécuter spontanément ses obligations. Toutefois, si toutes ces obligations sont bien soumises au dogme de la force obligatoire du contrat, certaines sont affectées d’une force obligatoire atténuée. En effet, une dichotomie s’observe du point de vue de leur sanction. Alors que pour les obligations légales, législateur et jurisprudence ont, conformément au droit commun des contrats, accordé sans difficulté leur faveur à l’exécution forcée en nature (SECTION 1), en revanche, cette dernière a davantage de mal à prospérer concernant les obligations conventionnelles (SECTION 2). 

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