L’EXÉCUTION FORCÉE DE LA LETTRE DE GARANTIE

L’EXÉCUTION FORCÉE DE LA LETTRE DE GARANTIE

En réalité la problématique de l’exécution forcée de la lettre de garantie ne se posera qu’au travers des problématiques afférentes à l’action directe dont dispose les assureurs subrogés dans les droits de l’ayant droit à la marchandise, à l’encontre du P&I ayant émis la lettre de garantie. Sans lettre de garantie, l’action directe est malaisée. En effet la règle du P&I Club Pay to be paid, permettant au P&I d’exiger de son Membre qu’il indemnise la victime en première ligne, avant de se faire rembourser par le Club, fait échec à l’action directe contre le P&I Club. En présence d’une lettre de garantie, le P&I Club s’est engagé personnellement et ne pourra donc plus se prévaloir de cette règle pour écarter une possible action directe, car la lettre aura donc créé un lien contractuel direct entre l’ayant droit, dont les droits ont été transférés à ses assureurs, et le Club. Il est important de rappeler que « l’exécution de la lettre de garantie fait l’objet d’une attention particulière des P&I Clubs car il en va de leur crédibilité ».109 En effet pas la règle, de telles lettres de garantie ne pourront plus constituer des garanties suffisantes et ainsi le système des lettres de garantie deviendrait obsolète. « L’usage de garanties émises par les clubs se révèle être quotidiennement et dont les législations rendent l’exécution forcée impossible.112 C’est la raison pour laquelle l’exécution spontanée est la règle. Ainsi, en pratique, lorsque l’ayant droit à la marchandise ou son assureur subrogé répond à toutes les conditions stipulées dans la lettre de garantie, préalables à son exécution, il doit notifier au Club l’existence de cette reconnaissance de responsabilité, qui s’exécutera le plus rapidement possible. Il effectuera donc le paiement en échange du renvoi de la lettre de garantie originale, barrée de la mention « annulée et nulle ». A ce titre, la lettre de garantie peut prévoir que la notification interviendra par l’intermédiaire d’un avocat pour éviter au gestionnaire de recours de se confronter à l’impossibilité de notifier une telle reconnaissance de responsabilité, au regard de la localisation des sièges sociaux des P&I Clubs, qui se trouvent en général dans des paradis fiscaux et qui n’ont pas forcément d’activités effectives sur place.

LES RÈGLES DE FOND

L’action directe pose d’abord la question de sa reconnaissance (Section 1). En effet, les P&I Clubs sont très réticents à ce type d’action. Les Clubs tiennent à leur discrétion et évitent le plus possible les comparutions devant les tribunaux, c’est la raison pour laquelle ils essayent systématiquement de contester les actions directes dirigées contre eux, ainsi que les demandes de condamnation in solidum, portées à la fois contre le transporteur et contre le P&I Club. prévoit que « L’assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n’a pas été désintéressé, jusqu’à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entrainé la responsabilité de l’assuré. » Dans le cadre de l’action directe contre le P&I Club, l’assureur sera donc le P&I et l’assuré, son Membre. Cette action directe a été affirmée par la Chambre mixte dans un arrêt du 15 juin 1979 où la Cour affirme qu’en vertu de l’article précité, « la victime d’un dommage a un droit exclusif sur l’indemnité due par l’assureur de l’auteur responsable de ce dommage » et qu’ainsi « si la victime doit établir la responsabilité de l’assuré qui doit être mis en cause, elle n’est pas tenue, lorsque celui-ci se trouve en état de faillite ou de règlement judiciaire, de se soumettre à la procédure de vérification des créances applicable en l’espèce, sauf dans la mesure où elle prétendrait faire valoir une créance de somme.

L’action directe en France est donc ouverte à la personne ayant le droit d’agir, c’est-à-dire, selon l’article 31 du Code de procédure civile, à la personne qui a un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention sous réserve que la loi lui attribue le droit d’agir. Dans la présente étude, et compte tenu du particularisme du contentieux maritime, l’action directe sera donc ouverte à l’ayant droit à la marchandise, qui a subi un dommage consécutivement à un transport maritime pour lequel une lettre de garantie a été émise, ou à son assureur subrogé, contre le P&I Club ayant émis la lettre de garantie. Cette action directe sera donc envisagée, au regard de la tradition de l’exécution spontanée existante pour les garanties P&I Clubs, lorsque la personne ayant le droit d’agir se trouvera dans l’impossibilité d’engager la responsabilité du transporteur maritime en raison de la disparition de la structure de l’armateur après une faillite, par exemple. Dans cette hypothèse, il est intéressant de voir que les conditions posées par la lettre de garanties pourraient éventuellement être contournées et permettraient à la personne ayant le droit d’agir d’obtenir réparation de son dommage. Toutefois, cela n’empêchera pas le tribunal compétent de rechercher la responsabilité du transporteur avant de prononcer la condamnation du P&I Club, afin de donner une base légale à son jugement via la constatation de l’existence d’une créance dont le débiteur est le transporteur. En droit français, la reconnaissance d’un tel droit n’est pas problématique et se conçoit comme étant une sécurité supplémentaire pour le créancier.

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *