L’INFLUENCE ORIENTALE DANS LA VIE JOURNALIÈRE

L’INFLUENCE ORIENTALE DANS LA VIE JOURNALIÈRE

Trois costumes régionaux

A partir du XVIIème siècle, avec les mouvements du galion de Manille à Acapulco, une influence orientale commença à se faire jour dans le vêtement local; et au XVIIIème siècle, avec l’arrivée de la mode française à la Nouvelle Espagne, el color, la fantasía y la imaginación1024 firent irruption dans la mode du vice-royaume, donnant naissance aux costumes régionaux. Le XIXème siècle fixa son regard sur la china poblana et la tehuana, leurs attitudes désinvoltes, leur beauté et l’originalité de leurs vêtements furent rapidement mises en exergue par les écrivains mexicains et les voyageurs étrangers. Après la Révolution mexicaine, on pensa nécessaire de créer une identité, en cherchant de nouveaux symboles nationaux dans la splendeur de Mexico, qui par ailleurs servirent à louer le pays par rapport à l’image méconnue et vilipendée qu’il avait à l’étranger. Le cinéma mexicain à sa grande époque grandit ces deux figures, et alors que la china poblana, en représentant les trois branches les plus importantes du métissage et en portant sur son costume les trois couleurs du drapeau mexicain1025 et l’aigle national brodé en paillettes se transformait pour devenir l’emblème du pays, la tehuana fut l’inspiration des peintres comme Diego Rivera, Roberto Montenegro, Angel Zamarripa, Olga Costa etc. Mais il décora aussi les billets de dix pesos. Le costume d’Acateca suivit une tendance assez similaire cependant locale. Notre propos est de montrer comment dans ces trois costumes de différentes régions la même influence d’Extrême-Orient se rencontre en augmentant de l’un à l’autre, nous arrêtant en particulier sur le vêtement d’acateca qu’il faut considérer aujourd’hui comme le plus représentatif de l’Etat de Guerrero. Chaque région et chaque ethnie du Mexique ont leur costume typique qui les représente. En général, ces vêtements suivent un modèle commun ; tous comportent une jupe, une blouse et un rebozo. Il est probable qu’il faille voir à la fois une origine préhispanique, puisque les femmes s’habillaient d’un huipil1026 et d’un enredo1027, et une influence espagnole, parce qu’en 1537, dans le but de supprimer les antagonismes manifestés par le vêtement, Vasco de Quiroga dicta quelques ordonnances par lesquelles il mettait les indigènes au même niveau, disposant que les femmes utilisent : … falda plegada, larga hasta el tobillo, blusa o hiconengo y tocas blancas, llevando la cabeza siempre cubierta las casadas y descubierta, las que no lo eran1028 .

La china poblana

Nous pourrions croire que le nom du costume de china poblana attribue une prédominance majeure à l’influence asiatique. En réalité, il y a peu d’éléments qui le connectent effectivement avec l’Extrême-Orient: les paillettes qui décorent la jupe et qui devinrent à la mode à partir du XVIIIème siècle1029, les fils de soie utilisés pour les broderies de la chemise,le rebozo de soie et la légende sur laquelle nous nous arrêterons car elle traite du XVIIème siècle. En 1898, dans son Historia de la ciudad de Puebla, le colonel Antonio Carreón eut l’idée de lier le costume de la china poblana à la région de Puebla de los Ángeles. Utilisant un fait divers réel du XVIIème siècle qui s’était déroulé à Puebla de los Ángeles, il créa l’ensemble d’une légende exotique à partir de la vie d’une enfant esclave de douze ans qui arriva par le galion de Manille à Acapulco en 1621. Mirrah, séquestrée avec son frère par les Portugais, baptisée à Cochin par les jésuites en tant que Catarina de San Juan, voyagea habillée en garçon pour être vendue en condiciones favorables1030 à la foire du port. Elle fut achetée à Acapulco par le très pieux capitaine Miguel de Sosa qui l’emmena à Puebla où il résidait avec son épouse. A sa mort, il octroya la liberté à Catarina de San Juan, pourvu qu’elle s’occupe de sa femme, mais celle-ci entra au couvent et le père Pedro Suarez l’engagea comme servante. A sa mort, Catarina de San Juan fut déclarée vénérable même si l’Eglise ne lui concéda pas le titre, et elle fut reconnue comme sainte à Puebla de los Ángeles au XVIIème siècle. Ainsi, avec cette histoire, le colonel amalgamait le nom de «china» à un pays lointain et admirable, et associait «poblana» à sa région natale : Puebla de los Ángeles. Quant à l’autre élément du costume féminin, le rebozo, on l’utilisait depuis 1572 à la Nouvelle Espagne selon frère Diego de Durán. L’influence espagnole des voiles et des mantilles1031 qu’utilisaient les dames de l’élite fit que les femmes, profitant de la largeur de travail du telar de cintura préhispanique1032 et utilisant le coton, la laine et la soie, conçurent le rebozo.A partir du XVIIème siècle, avec l’arrivée du galion de Manille, le rebozo subit des transformations inspirées des tissus originaires d’Inde. Puis au XVIIIème siècle, les rebozos, influencés par les broderies chinoises joliment finies et à grande combinaison de couleurs, furent brodés de dragons, faisans et galions. Aujourd’hui, le rebozo connu sous le nom de de bolita utilise encore la technique asiatique de l’ikat, qui consiste à faire des noués dans la toile avant de la teindre pour laisser les points blancs qui distinguent cette étoffe1033 . Une prédominance arabe et espagnole peut se trouver dans la décoration des pointes du rebozo qui sont joliment prolongées d’un tissu de fils entrelacés avec des nœuds sur le rapacejo1034 appelé macramé. Si le rebozo était le vêtement des femmes du peuple, le mantón de Manila, brodé de papillons, de chrysanthèmes, de paons et d’oiseaux exotiques, était celui des dames de la haute société du XIXème siècle. Malgré son nom, ses broderies venaient de Canton ou de la province de Fu-Kien et non de Manille.

La tehuana et la acateca

deux vêtements à influence orientale. Sans aucun doute, une des conséquences du transit terrestre des marchandises rapportées par le galion de Manille fut l’enrichissement des coutumes locales. Ainsi, à Tehuantepec, passage obligé du voyage entre Acapulco et Veracruz via le fleuve Coatzacoalcos, naquit le joli costume des tehuanas qui, comme s’accordent à le dire Teresa Castelló et Miguel Ángel Fernández, est inspiré dans les broderies de ses fleurs par le style des mantones de Manila. Les délicats motifs floraux similaires à un filigrane peuvent être brodés à la main comme sur les huipiles ou les jupons à volants. La coutume veut que le motif de la jupe brodée concorde avec celui du huipil. Il est réalisé au point de chainette, à l’aiguille ou au crochet, mais malheureusement ce dessin se porte peu. Les jours de fête, les tehuanas ont l’habitude de se couvrir la tête avec ce qui s’appelle le huipil grande, une espèce de blouse de dentelle, avec des fausses manches à deux bordures qui entourent le décolleté et le bord inférieur. Cependant si on regarde cette espèce de coiffure, elle ressemble plus à un vêtement d’enfant ; on raconte que la mode commença avec une femme qui se mit sur la tête la robe de son enfant mort. Ce beau vêtement, le plus attrayant de tout le Mexique, est complété de la calabaza ou xicalpestle dont nous parlerons un peu plus bas. Fig. 72: Huipil de Tehuana. De même, nous pouvons supposer que l’influence orientale modifia aussi le costume d’acateca qui aujourd’hui, bien qu’il existe d’autres costumes dans le Guerrero, est le plus représentatif de l’Etat, ce qui montre la force de l’impact initial.Le costume d’acateca tire son nom du village d’origine nahuatl d’Acatlán où il est fabriqué. Jusqu’à ce jour, les femmes du village de Zitlala continuent à utiliser ce traje de flores1035 , bien que la coutume de le porter durant les fêtes patriotiques ou en d’autres occasions existe aussi encore à Chilapa et à Zitlala. Il présente une blouse, ou huipil, réalisée auparavant en soie blanche. De forme carrée, large et ouvert sur les côtés, ses manches et son col rond présentent une profusion de broderies au fil de soie de couleur. La jupe ou enredo, en coton, teinte en bleu, était faite au telar de cintura1036. Elle présente un dessin de franges bleu foncé, alternant avec trois bandes horizontales bleu plus clair qui sont aussi brodées en couleurs vives. L’enredo est très ample, et à la différence de la jupe de type européen, il ne comporte pas de ceinture. On l’arrange en le pliant autour de la ceinture et en laissant sur l’arrière plus de plis que devant, et il tient à l’aide du huipil qui s’attache par-dessus la jupe. Auparavant, on portait sur la tête une jícara laquée de rouge comportant des motifs floraux, qui servait aussi de récipient pour l’eau, l’atole ou autre nourriture.

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