Propagation des ondes sismiques dans les milieux biphasiques

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Propagation des ondes sismiques dans les milieux bipha-siques

Elastodynamique

Classiquement, la propagation des ondes dans les milieux naturels (terrestres) est etudiée en considérant l’approximation de l’élastodynamique linéaire (Lamb, 1904). Tout d’abord, à partir du principe fondamental de la dynamique (deuxième loi de Newton) qui définit la conser-vation de la quantité de mouvement et grˆace à l’hypothèse de linéarit´ entre déplacement et déformation (valable en faisant l’hypothèse de petits déplacements propres à la propagation des ondes), on établit une relation entre l’accélération et la masse d’un elément de volume et les forces de volume et de surface s’appliquant sur ce volume elémentaire. La rhéologie du milieu considér´ est décrite par la loi de Hooke qui relie contraintes et déformations. De nombreux auteurs reprennent en détail l’établissement des lois de l’élastodynamique, notamment Aki & Richards (1980) ou Chapman (2004). Ici, on fait l’approximation de la propagation en deux dimensions en considérant une direction d’invariance et on étudie uniquement les modes de vibration o`u les ondes sont polarisées dans le plan de propagation : c’est le mode P-SV. Le système de l’élastodynamique.

Poroélastodynamique : théorie de Biot-Gassmann

A partir des équations des ondes élastiques, Gassmann (1951) et Biot (1956) ont détermin´ les équations dynamiques en milieux poreux au moyen de cinq hypothèses complémentaires à celles faites dans le cas de l’élastodynamique :
(1) Longueur d’onde grande devant les dimensions du volume elémentaire représentatif,
(2) Petits déplacements pour les phases fluide et solide,
(3) Phase liquide continue (la porosité occluse appartient à la matrice solide), la porosité est donc isotrope et le milieu saturé,
(4) Matrice solide élastique et isotrope,
(5) Absence de tout couplage (thermomécanique, electrocinétique…).
Burridge & Keller (1981) ont justifié théoriquement les équations de Biot (1956) en com-binant les équations de l’élasticit´ linéaire avec les équations de Navier-Stockes pour le fluide saturant le milieu. En utilisant la formulation de Pride et al. (1992) qui suppose une dépendance temporelle en e−iωt, on obtient les équations d’onde suivantes dans le domaine fréquentiel

Caratéristiques des ondes

La résolution des équations d’ondes en milieu poreux (système 1.7), réalisée par Biot (1962) en tout premier lieu, conduit à considérer trois ondes de volume se propageant dans ce type de milieu : une onde transversale et deux ondes longitudinales. Ces ondes prédites théoriquement ont ensuite eté identifiées expérimentalement par Plona (1980). On retrouve les deux ondes classiques de l’élastodynamique définies dans le paragraphe précédent, l’onde de cisaillement S et l’onde de compression P (également notée Pf pour la poro-élastodynamique) mais également une deuxième onde de compression, appelée onde de Biot et notée Biot ou Ps (“s” comme slow en opposition au “f” de fast). Il faut noter que certaines théories récentes considèrent également une onde de cisaillement lente (Sahay, 2008).
Dans la théorie de Biot, le seul terme complexe est le terme de résistance à l’écoulement ρ˜(ω) et c’est donc ce seul terme (qui décrit la diffusion de pression interstitielle) qui est respon-sable de l’atténuation intrinsèque des ondes. En effet, à travers la viscosité du fluide, les forces de frottements entre les phases fluide et solide, engendrées par le mouvement des particules lors du passage de l’onde sismique, créent des pertes d’énergie et donc une diminution de l’ampli-tude de l’onde. Plus ces déperditions d’énergie sont fortes, plus l’atténuation est importante. L’atténuation est proportionnelle à l’inverse du facteur de qualité : plus Q est faible, plus l’at-ténuation est forte. Ce facteur de qualité est un moyen de considérer l’atténuation intrinsèque en approximation élastique ; on considère alors des mécanismes de relaxation viscoélastique de type Zener.
Les ondes de volume P et S ont des caractéristiques semblables aux ondes de compres-sion et de cisaillement de l’élastodynamique classique (voir le paragraphe 1.1.1). En revanche, l’onde de Biot a un comportement particulier fortement dépendant de la fréquence. En effet, pour des fréquences inférieures à la fréquence de coupure fc = ωc/(2π) (ωc est une pulsation caractéristique définie par l’équation 1.20), l’onde de Biot correspond à une onde de diffusion de la pression interstitielle. A haute fréquence, au dessus de fc, elle devient propagative. Dans les cas classiques o`u l’onde de Biot est diffusive, elle est très dispersive et très fortement atté-nuée contrairement à l’onde de compression classique P . Pour l’onde P rapide, le déplacement d’ensemble (matrice solide + fluide) et le déplacement du fluide sont en phase alors que, dans le cas de l’onde de Biot, les déplacements sont en opposition de phase.

Dépendance fréquentielle des vitesses et des atténuations : étude de la dispersion.

Les vitesses et les facteurs de qualité des ondes P , S et Biot dépendent de la fréquence et les figures 1.2 et 1.3 illustrent ce comportement dispersif des ondes dans les milieux poreux pour trois régimes différents de l’onde de Biot. Les paramètres associés à ces trois cas (régimes diffusif, intermédiaire et propagatif) sont donnés dans le tableau 1.1. L’homogénéisation des phases fluides et solides qui permet de calculer les vitesses et atténuations à partir des pa-ramètres descriptifs du tableau 1.1 est décrite dans les paragraphes suivants. On calcule les vitesses et les facteurs de qualité sur une bande de fréquence allant de 1 Hz jusqu’`a 100 M Hz. Cependant, les fréquences des ondes qui se propagent dans les milieux naturels sont plutˆot de l’ordre du Hz en sismologie, de l’ordre de la dizaine de Hz pour la sismique profonde, de la centaine de Hz pour les applications de proche surface et jusqu’au M Hz pour les exp´-riences acoustiques en laboratoire. On définit donc trois milieux en fonction du comportement de l’onde de Biot dans ce milieu à basse fréquence. Dans le premier cas (première colonne du tableau 1.1), la fréquence de coupure fc est elevée et l’onde de Biot correspond à une onde de diffusion, très atténuée dès que l’on s’éloigne de quelques longueurs d’onde de sa zone de création (sources, interfaces). Dans le deuxième cas, on est dans un milieu o`u l’onde de Biot a un comportement intermédiaire diffusif/propagatif dans la gamme de fréquence utilisée en sismique classique (1 − 500 Hz). Dans le troisième cas, le milieu choisi permet d’avoir une onde de Biot totalement propagative (fc très faible) qui a alors un comportement propagatif similaire aux ondes de volumes “élastiques”.
Les ondes P et S sont très peu dispersives (variations de quelques m/s à 50 m/s pour l’onde P , variations de 20 à 100 m/s pour l’onde S sur toute la bande de fréquence) avec un premier palier à basse fréquence jusqu’`a la fréquence de coupure environ, puis une augmentation de la vitesse jusqu’`a atteindre un autre palier à haute fréquence (graphiques des deux premières lignes de la figure 1.2). L’onde de Biot (troisième ligne de la figure 1.2) est en revanche beaucoup plus dispersive, avec le mˆeme comportement que pour les ondes P et S, c’est-à-dire une forte variation de la vitesse autour de la fréquence de coupure et de plus faibles variations à basse et haute fréquences. La variation de vitesse dépend fortement du cas considér´ : variations de 10 à 1200 m/s pour le cas diffusif et de 100 à 1400 m/s pour le cas intermédiaire alors qu’il y a “seulement” des variations de 1100 à 1400 m/s pour le cas propagatif. Cela semble logique que l’onde de Biot entièrement propagative ait une plus faible dispersion (comme les ondes P et S) que l’onde de Biot intermédiaire au comportement physique très variable suivant la fréquence.
Les facteurs de qualité varient beaucoup en fonction de la fréquence. Pour les ondes P et S (graphiques des deux premières lignes de la figure 1.3), il y a peu d’atténuation à basse et haute fréquences avec une augmentation de l’atténuation (diminution du facteur de qualité) autour de la fréquence de coupure. Ce comportement est visible quel que soit le cas considér´. Rappellons que, pour le cas propagatif, la fréquence de coupure est proche de zéro. L’onde de Biot est très atténuée à basse fréquence et cette atténuation diminue quand on augmente la fréquence, plus ou moins rapidement suivant le cas considéré.
On voit donc sur ces exemples théoriques et généraux que les observables classiques en sismique (temps d’arrivées = vitesses de propagation et amplitudes des ondes = atténuations) sont très dépendantes de la fréquence dans le cas de la propagation en milieux poreux qui constituent la plupart des milieux réels. De plus, l’approximation viscoélastique qui vise à retrouver ces attributs en considérant uniquement un milieu élastique avec des mécanismes de relaxation pour prendre en compte l’atténuation, ne considère pas de variation fréquentielle de l’atténuation. En effet, en règle général, les facteurs de qualité utilisés dans les modélisations viscoélastiques sont choisis constants et non dépendants de la fréquence, alors que les exemples de milieux poreux réalistes (voir figures 1.3) montrent clairement une forte dépendance de l’atténuation à la fréquence. On justifie ainsi l’approche poroélastique utilisée pour décrire plus précisément les milieux réels. Dans la suite du chapitre, on va donc voir quelles sont les théories physiques qui permettent de décrire ces milieux biphasiques par homogénéisation des phases.

Paramètres macroscopiques et homogénéisation

Les paramètres physiques macroscopiques utilisés dans les équations de la poroélastody-namique (système 1.7) sont :
quatre paramètres mécaniques : les modules liés à l’élasticité du solide, le module d’in-compressibilit´ du milieu non drainé KU et le module de cisaillement de la matrice solide G, le module lié à l’intéraction entre les phases fluides et solides appel´ module de Biot C et le coefficient de rétention fluide M  trois termes de densit´ : la masse volumique du fluide ρf , la masse volumique moyenne du milieu ρ et le terme complexe et fréquentiellement dépendant de résistance à l’écoulement ρ˜.
La définition de ces paramètres résulte d’un processus d’homogénéisation des phases fluides et solides pour construire un milieu équivalent, défini par ces sept paramètres uniquement. Ce processus d’homogénéisation est résum´ dans un cas simple par la figure 1.4. D’un cˆoté, on combine les grains du ou des minéraux constitutifs pour former une matrice solide ou milieu drainé. De l’autre cˆoté, on considère une phase fluide définie par trois paramètres. Enfin, par association de la phase fluide équivalente avec le squelette solide, on construit le milieu poreux non drainé. C’est pour ce milieu équivalent, biphasique, qu’est calculé la propagation des ondes mécaniques définie par le système 1.7. La suite de ce chapitre a pour but de décrire les différentes techniques d’homogénéisation de ces milieux complexes multiphasiques.

Phase solide = grains (Ks, Gs et ρs)

Les paramètres relatifs à la phase solide, que ce soient ceux des grains ou ceux du squelette, sont pour la plupart mesurables en laboratoire (essais triaxiaux drainés ou non pour les modules d’incompressibilité, essais de cisaillement pour les modules de cisaillement, essais œdométriques pour les paramètres de consolidation du squelette…). Les grains qui composent la première échelle de la phase solide (voir figure 1.4) sont définis physiquement par trois paramètres : une masse volumique ρs, un module d’incompressibilit´ Ks et un module de cisaillement Gs. Pour les minéraux classiques, on donne les valeurs de ces trois paramètres dans le tableau 1.3.
Les paramètres mécaniques d’une roche polycristalline sont définis en calculant des valeurs moyennes pondérées par le pourcentage vi de chaque constituant minéral : c’est une première phase d’homogénéisation à l’échelle microscopique. On utilise une moyenne arithmétique (loi de Voigt) pour le calcul de la masse volumique moyenne (due à la linéarité de la masse volumique vis-à-vis de la proportion de chaque minéral) et une moyenne harmonique (loi de Reuss)

Milieu drainé = matrice solide

L’association des grains en un squelette est la deuxième phase d’homogénéisation (voir figure 1.3), qui permet de passer d’un milieu décrit `a l’échelle microscopique `a une matrice mésoscopique. Le squelette solide ainsi construit correspond `a un milieu drainé (pas de fluide) qui a pour caractéristiques des paramètres associés `a l’arrangement des grains, leur géométrie et leur état de cimenta-tion : la porosité φ, la perméabilit´ intrinsèque k0 (qui est également reliée `a l’écoulement des fluides) et le paramètre de cimentation des grains cs des modules mécaniques équivalents : le module d’incompressibilité du milieu drainé KD et le module de cisaillement du squelette GD.

Table des matières

Introduction générale 
1 Milieux biphasiques : description physique
1.1 Propagation des ondes sismiques dans les milieux biphasiques
1.1.1 Elastodynamique
1.1.2 Poroélastodynamique : théorie de Biot-Gassmann
1.2 Phase fluide (Kf , ρf et η)
1.3 Phase solide = grains (Ks, Gs et ρs)
1.4 Milieu drainé = matrice solide
1.4.1 Porosité (φ)
1.4.2 Perméabilités (k0 et k(ω))
1.4.3 Modules mécaniques (KD et GD)
1.4.3.1 Matériaux non consolidés
1.4.3.2 Matériaux consolidés
1.5 Milieu poreux = milieu drainé + phase fluide
1.5.1 Termes inertiels (ρf , ρ et ˜ρ(ω))
1.5.2 Modules mécaniques du milieu poreux (KU, G, C et M)
1.5.3 Relations de Gassmann (1951)
1.5.4 Autres théories d’homogénéisation en approximation basse fréquence
2 Modélisation numérique de la propagation 
2.1 Méthode Galerkin discontinue en fréquence
2.1.1 Résumé
2.1.2 Introduction
2.1.3 Equations de la poroélasticité
2.1.3.1 Homogénéisation des milieux poreux
2.1.3.2 Théorie de Biot
2.1.3.3 Lenteurs des ondes
2.1.3.4 Homogénéisation des paramètres
2.1.4 Méthode Galerkin discontinue dans le domaine fréquence-espace
2.1.4.1 Approche fréquence-espace
2.1.4.2 Formulation Galerkin discontinue
2.1.5 Aspects numériques
2.1.5.1 Stratégie de maillage
2.1.5.2 Conditions de bord absorbantes : PML
2.1.5.3 Estimation du coˆut numérique
2.1.5.4 Implémentation de la source
2.1.6 Validation des trois régimes de l’onde de Biot : cas d’une interface plane entre deux milieux
2.1.7 Milieu variable latéralement
2.1.8 Conclusion
2.1.9 Remerciements
2.1.10 Annexe A : matrices de projection
2.2 Surface libre et ondes de surface
2.2.1 Implémentation numérique
2.2.2 Validation et exemples de simulations d’ondes de surface
2.2.2.1 Validation de l’implémentation de la surface libre
2.2.2.2 Influence de l’onde de Biot sur les ondes de surface
3 Milieux complexes : attributs et formes d’ondes 
3.1 Atténuations mésoscopiques
3.2 Formalisme général de l’homogénéisation des milieux complexes
3.3 Milieux `a fluides multiphasiques
3.3.1 Modèles de saturation partielle : ”patchy saturation”
3.3.2 Homogénéisation des phases fluides par moyennes
3.3.3 Influence de la saturation partielle sur les vitesses et atténuations des ondes
3.3.4 Influence de la saturation partielle sur les formes d’ondes
3.4 Milieux double porosité
3.4.1 Modèles double porosité
3.4.2 Homogénéisation par moyennes
3.4.3 Influence de la double porosité sur les vitesses et atténuations des ondes
3.4.4 Influence de la double porosité sur les formes d’ondes
3.5 Milieux visco-poroélastiques
3.5.1 Analogies visco-élastiques
3.5.2 Influence des modèles visco-poroélastiques sur les vitesses et atténuations des ondes
3.5.3 Influence des modèles visco-poroélastiques sur les formes d’ondes
3.5.3.1 Fréquences sismiques
3.5.3.2 Hautes fréquences
4 Inversion des paramètres poroélastiques par optimisation globale 
4.1 Inversion des paramètres poroélastiques par “downscaling”
4.2 Méthodes d’optimisation globale
4.3 Sensibilité des paramètres poroélastiques
4.3.1 Inversion de tous les paramètres en milieux saturés
4.3.2 Inversion des paramètres du squelette en milieux saturés
4.3.3 Inversion du type de fluide saturant (milieux saturés)
4.3.4 Inversion de la saturation et des paramètres du squelette (milieux non saturés)
4.3.5 Conclusion sur la sensibilité des paramètres poroélastiques
4.4 Applications synthétiques
4.4.1 Monitoring de réservoir
4.4.1.1 Description du modèle
4.4.1.2 Inversions acoustiques et downscaling pour le modèle de base
4.4.1.3 Inversions élastiques et downscaling pour le modèle de base
4.4.1.4 Inversions acoustiques et downscaling pour le modèle après injection
4.4.1.5 Conclusion sur le modèle de réservoir
4.4.2 Application hydrogéophysique de subsurface
4.4.2.1 Description du modèle
4.4.2.2 Tomographie des temps de premières arrivées et downscaling
4.4.2.3 Apport des données de vitesses et des ondes S et des atténuations sur le downscaling
4.4.2.4 Interprétation des données réelles
Conclusions et perspectives 
A Développement des interpolations d’ordre Pk
A.1 Rappel des équations de la poroélastodynamique : système 2D P-SV en fréquence
A.2 Discrétisation spatiale par éléments finis discontinus
A.2.1 Flux centrés
A.2.2 Vecteurs de base et matrices de masse locales
A.2.3 Système tensoriel
A.2.4 Système générique
A.2.5 Système matriciel linéaire
A.2.6 Détail des termes du système linéaire, ordre P0
A.2.7 Développement des matrices de forme, ordre P1
B Publication complémentaire
B.1 Using a poroelastic theory to reconstruct subsurface properties : numerical investigation

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