L’instrumentation multimodale cutanée ex vivo, un enjeu d’analyse sensorielle

L’instrumentation multimodale cutanée ex vivo, un enjeu d’analyse sensorielle

Les milieux complexes sont des matériaux constitués d’éléments organiques et inorganiques interpénétrés ou immergés dans des fluides. D’abord issus de milieux naturels, ces matériaux complexes aussi synthétisables constituent un enjeu majeur pour l’innovation, la recherche et le développement, tant leurs fonctionnalités et leurs structures internes peuvent être contrôlées à différentes échelles [1]– [5]. Sous un aspect macroscopique apparemment stable, ils ont la particularité de mettre en jeu à l’échelle microscopique des interactions faibles d’ordre électrostatique, électrique et stérique (liaisons H, interactions de Van der Waals, encombrement stérique, etc.) qui sont facilement modifiées par les perturbations extérieures [6], [7]. La caractérisation non destructive et non intrusive des propriétés physico-chimiques de ces matériaux et la compréhension des mécanismes qui altèrent ces dernières permettent de contrôler la qualité des matériaux réalisés, de les optimiser mais aussi de vérifier leur innocuité pour les êtres vivants. Outre leurs fonctionnalités, et dans une gamme d’échelles d’investigation plus vaste, la perception que l’utilisateur a de ces milieux est due à ces propriétés mais aussi aux interactions entre la matière et le système sensoriel. Le domaine de la santé et du bien-être est particulièrement concerné, notamment vis-à-vis des produits dermo-cosmétiques [8]. D’une part, les consommateurs sont en demande de produits plus performants en matière de bio-activité et dans la sensation de bien-être procurée. D’autre part, ceux-ci réclament plus de transparence et d’éthique sur les matières premières et sur les allégations. Plusieurs textes de loi encadrent le développement des formulations en cosmétiques [9]–[13] et les tests in vivo associés [14]–[17]. Ces textes sont contraignants au nom d’un principe de précaution accru mais limitent de fait l’innovation et le progrès d’un point de vue sociétal. L’enjeu des instruments de mesure multi-échelle et multimodale est alors scientifique mais également socio-économique car ils doivent permettre d’objectiver plus finement l’impact global d’un nouveau produit avant sa mise sur le marché. Pour y parvenir, il est nécessaire de comprendre et de suivre les interactions concernées dans toutes les dimensions spatio-temporelles. Hors, les nombreux systèmes de mesure et d’imagerie existants sont certes complémentaires aux différentes échelles mais très rarement corrélés aux dimensions cognitives [18]-[30]. Si des travaux d’objectivation concernant l’efficacité [31], l’innocuité [32] et la véracité des allégations [33] ont été entrepris pour leur optimisation en amont de la production, le contrôle de la sensorialité des produits cosmétiques reste une barrière à surmonter. Pourtant, la sensorialité est fondamentale pour le bien-être, la qualité de vie [34] et, par extension, la santé des individus comme le montre une étude selon laquelle une corrélation positive L’instrumentation multimodale cutanée ex vivo, un enjeu d’analyse sensorielle 2 existe entre bien-être et stimulation du système immunitaire [35]. De manière indirecte, elle joue un rôle sur l’efficacité des produits, y compris par le respect de la posologie : une texture désagréable de crème solaire peut être un frein au point de rebuter l’utilisateur de se protéger régulièrement (des U. V., par exemple). Cette thèse présente la mise en œuvre d’une nouvelle technique de mesure pour l’instrumentation sensorielle et en décrit une analyse multiparamétrique préliminaire validant la preuve du concept proposé. Outre l’apport scientifique, l’utilisation de tels systèmes de mesure multidimensionnels cherche aussi à améliorer les caractéristiques sensorielles des produits. À ce jour, la caractérisation des propriétés organoleptiques ne peut se faire qu’une fois l’innocuité des produits prouvés, car elle recourt à l’usage de panels volontaires. Ceci pose plusieurs problèmes. Tout d’abord, former et maintenir un ensemble d’experts à la qualification et à la quantification des propriétés sensorielles d’un produit fini représente un investissement financier non négligeable. Cette étape nécessite de réunir le panel régulièrement pour l’entrainer. Par ailleurs, ce test en fin de chaine de développement alourdit la phase d’optimisation du produit, ce qui peut engendrer un surcoût de conception. L’enjeu traité dans cette thèse est précisément de réussir à prédire les sensations générées par l’application des produits cosmétiques à partir de mesures physico-chimiques objectives multidimensionnelles réalisées au plus tôt de la conception. Des études d’analyse sensorielle instrumentée, cherchant à lier mesures instrumentales et mesures sensorielles, ont déjà été menées, et ce, dans divers domaines : sensation de rugosité et état de surface du carton pour le secteur de l’emballage [36] ; texture en bouche et propriétés rhéologiques de simili-fromages pour l’agroalimentaire [37] ou de beurres corporels pour le domaine cosmétique [38]. Hormis les travaux en lien avec la dimension gustative, la plupart des techniques de caractérisation utilisées sont macroscopiques, faisant intervenir la rhéologie ou l’analyse de texture pour l’objectivation du toucher, ou des techniques optiques pour l’aspect visuel. Même si l’instrumentation sensorielle n’en est qu’à ses débuts en cosmétique, la fiabilisation ces dernières années d’une méthodologie concernant la corrélation entre mesures instrumentales et sensorielles, mais aussi la prédiction de quelques descripteurs de la sensation de texture, a donné des résultats très encourageants [39].

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