Mal être perte d’identité et déconstruction

Mal être perte d’identité et déconstruction

Les personnages féminins cherchent à s’affranchir de leur construction première pour pouvoir se déterminer à travers une nouvelle identité. Cette tentative de libération peut être permise par la fuite du rôle attribué et par le rejet d’une construction sociale aliénante et pré- déterminée. Ce rôle se voit finalement dénoncé et refusé. Chez Virginie Despentes, le changement identitaire est provoqué pour le personnage de Claudine par le mal-être, le dégoût de soi et la solitude. Cependant, celui- ci échoue comme il ne parvient pas à renoncer à ses attributions. En ce qui concerne le personnage de Pauline, il doit devenir l’autre pour parvenir à se déconstruire, en s’appropriant le rôle de sa jumelle. Dans le roman de Lucía Etxebarria, les trois narratrices se confrontent à leur solitude et à leur mal-être. En refusant ces deux sentiments, elles rejettent leur identité première et tentent de fuir leur propre personnage. Les personnages féminins de Maïssa Bey connaissent deux procédés différents mais comportant la même visée. La narratrice Malika réécrit perpétuellement son histoire, quant à la narratrice Amina, elle échappe à son rôle par la perte de mémoire. Les deux personnages doivent s’affranchir de leur passé, et donc abandonner leur personnage premier, pour espérer aboutir à un renouvellement d’identité. Les trois auteurs étudiés réfèrent, dans leur discours littéraire, aux discours sociaux, politiques et culturels d’aujourd’hui. Ils offrent une représentation particulière de l’image de la femme et de sa place dans la société. Ces données sont le résultat d’une éducation, d’une politique et d’une vision propre à une société, à une époque précise. Le personnage féminin est cantonné dans un rôle déterminé socialement et culturellement. Le rapport qu’il entretient avec son corps et sa sexualité est marqué par le modèle dominant/dominé éprouvé par les relations homme/femme. Aussi, les romans révèlent-ils des personnages qui s’inscrivent dans la révolte, la colère, le rejet, l’autodestruction, le mal- être, le vide, dépression. Malika et Amina expriment leur révolte et leur colère contre la société en racontant les violences éprouvées. Celles-ci se fondent sur les mensonges de leur passé ainsi que sur la critique et le jugement de la société face à laquelle les personnages ne peuvent qu’être soumis et condamnables. Révéler ces sentiments permet d’effacer le souvenir des mauvais traitements et du rejet subi, également par la famille. Pour Malika, la révolte permet de libérer un cri de rage et de haine. Le personnage de Cristina de Lucía Etxebarria développe les mêmes sentiments et se caractérise comme un personnage rebelle. Elle est aussi déterminée par la domination masculine.

Elle se manifeste par son refus « d’appartenir » à un homme, qui l’entraîne à multiplier des relations éphémères sans jamais s’engager. Ce personnage veut ici affirmer sa liberté comme un droit de femme, indépendant d’une volonté masculine. L’emménagement chez Iain est perçu comme une domination puisqu’il s’agit de vivre sur son territoire à lui : « J’avais cédé, je lui avais accordé l’avantage et nous jouions dans son camp. » (« Yo había cedido, le había concedido ventaja y jugábamos en su campo. » p.167) Le discours de Lucía Etxebarria rejoint ici celui des personnages féminins de Virginie Despentes. En effet, Claudine et Pauline ont besoin des personnages masculins pour pouvoir réussir. Faire usage de son corps comme une marchandise dans le but de s’attirer les services de l’homme révèle le pouvoir masculin et entretient toute la révolte des jumelles. Le récit se fait, ici encore, porteur du discours social et notamment du discours féministe, qui révèle l’exploitation commerciale du corps féminin, transformé en objet de marketing. Le corps de la femme doit être entretenu pour « plaire » à l’homme : « Une part croissante de la publicité recourt volontiers au thème de la femme « libérée », cherchant à séduire et à plaire, occupée à maintenir son corps en forme et capable de susciter le désir masculin. »217. Face à Sébastien, Pauline montre la position dominante de l’homme en se bridant : « En sa présence, elle s’efface, à son côté, une manière de se mettre en retrait. » (p.192) Claudine, qui considère les hommes comme ses ennemis, révèle sa colère contre cette domination. Quant à Pauline, elle dénonce la violence propre à l’homme et à laquelle elle ne peut prétendre. En ce qui concerne le rejet et le mal-être, ce sont des sentiments communs aux personnages féminins des quatre romans étudiés.

 

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