Micro-organismes de la flore intestinale possédant des fonctions immunomodulatrices chez l’hôte

Micro-organismes de la flore intestinale possédant des fonctions immunomodulatrices chez l’hôte

Le microbiote intestinal 

Description et techniques d’identification 

Le microbiote intestinal représente l’ensemble des micro-organismes (bactéries, levures, virus, champignons) vivant dans l’intestin. Il est constitué de 1014 micro-organismes. Il représente 2 à 10 fois le nombre de cellules du corps humain et présente une très grande diversité. Pendant plusieurs années, les chercheurs ont voulu caractériser la composition du microbiote en utilisant des approches dépendantes de la culture. Mais comme dans tout écosystème bactérien, ces approches ne permettent pas d’accéder à l’ensemble de la diversité bactérienne. Dans le tube digestif il existe des bactéries aérobies, anaérobies facultatives et anaérobies strictes, dans les années 80 l’identification des bactéries se faisaient principalement par culture bactérienne et l’anaérobie strict posait un problème. De plus les milieux de cultures ne reproduisent pas le milieu « naturel » intestinal. Des milieux spécifiques possédant les nutriments manquant sont été développés et ont été utilisés en condition anaérobie mais il a été montré que seulement 30% des micro-organismes intestinaux dénombrables en microscopie peuvent être cultivés in vitro (Suau et al. 1999). Avec le développement de la biologie moléculaire, de nouvelles approches ont été utilisées. Le gène codant l’ARN16S ribosomal contient des régions conservées et des régions variables et hypervariables selon les espèces de bactéries. En le séquençant il est donc possible d’identifier 90% des bactéries intestinales indépendamment de la culture (Seksik et al. 2003). Le microbiote intestinal est composé de 4 phyla majeurs : Firmicutes, Bacteroidetes, Proteobacteria et Actinobacteria. Ce sont les Firmicutes et les Bacteroidetes qui représentent à eux seuls 90 à 99% des bactéries de l’écosystème intestinal (Turnbaugh, Hamady, et al. 2009). La population microbienne est très variable selon les individus et peut être influencée par un grand nombre de facteurs. Le projet MétaHit a permis de séquencer un grand nombre de microbiotes d’individus. Tous d’abords ils ont analysés le métagénome de 39 individus répartis sur 3 continents (français, danois, italiens, espagnols, américains et japonais) ce qui a permis de les classer en 3 groupes nommés entérotypes indépendamment de l’âge, du sexe, du continent etc. Ensuite ils ont étendu l’analyse à 85 échantillons issus de la population danoise 5 et 157 issu de la population américaine afin de déterminer si la classification était valable, les résultats indiquent que tous ces individus peuvent être classés en 3 groupes distincts. Ceux-ci sont déterminés par l’abondance de trois types de bactéries prédominantes qui sont : Bacteroides, Prevotella ou Ruminococcus. Ce qui est remarquable c’est que les entérotypes ne dépendent pas de l’origine géographique, ni du sexe, ni de l’état de santé de l’individu. On peut ainsi, grâce à ce programme, réaliser des études comparatives afin de mieux décrire les altérations du microbiote liées à certaines maladies (Arumugam et al. 2011). Bien qu’il existe des profils communs dans la population, le microbiote intestinal est tout de même propre à chaque individu. Il est accepté pour le moment que la première colonisation du microbiote intestinal se fait au moment de l’accouchement. En effet, in utéro, le tube digestif du fœtus est stérile. Lors de la naissance par voie basse, il est colonisé par le microbiote fécal et vaginal de la mère. Il a été montré que le développement du système immunitaire était affecté par la composition initiale du microbiote et que lors d’un accouchement par césarienne la population de Bifidobacteria et Bacteroides était diminuée (Biasucci et al. 2010). Il y a d’autres études qui suggèrent qu’il y aurait une première colonisation intra utérine par le liquide amniotique (Rautava et al. 2012). Ensuite le microbiote évolue différemment selon le mode d’alimentation du nourrisson (allaitement ou lait maternisé), ce qui entraîne ou non une augmentation des Bifidobactéries pendant les premières années de la vie, mais également selon l’origine ethnique qui impactera le mode alimentaire de la mère et de l’enfant (Martín et al. 2009 ; Stearns et al. 2017). L’établissement d’un microbiote à priori stable se fait durant les trois premières années de la vie (Yatsunenko et al. 2012). Le microbiote peut être perturbé au cours de la vie mais possède de façon générale une très bonne capacité de résilience, ce qui consiste en le fait de pouvoir récupérer un fonctionnement ou un développement normal suite à une perturbation. 

Facteurs influençant le microbiote 

Chez l’adulte en situation stable et sans variation des facteurs environnementaux, le microbiote dominant subit peu de variations bien qu’il soit difficile d’établir un microbiote type à cause de la diversité interindividuelle induite par les facteurs génétiques ainsi que l’alimentation (Yatsunenko et al. 2012). 6 a) Facteurs génétiques Afin de démontrer l’impact des facteurs génétiques, Zoetendal et son équipe ont comparés le microbiote intestinal de jumeaux monozygotes (impact de la génétique), de couples maritaux (impact du mode de vie) et de personnes n’ayant aucun lien. Leurs résultats montrent une similarité plus importante chez les jumeaux que chez les couples. Ils ont comparé différents degrés de parenté et concluent que le génotype a un effet plus important que le mode de vie sur le microbiote dominant. Pour eux, cela appuie le fait que la première colonisation du microbiote lors de l’accouchement est importante pour l’établissement du microbiote dominant (Erwin G. Zoetendal 2001). Plus précisément ce serait les molécules du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) qui joueraient un rôle dans l’établissement d’une composition donnée du microbiote selon une étude faite sur des souris (Toivanen, et al. 2001). b) Facteurs alimentaires L’impact de l’alimentation est principalement lié à la capacité de certaines bactéries à dégrader et ainsi profiter de certains composés. Afin d’observer l’impact de l’alimentation sur le microbiote intestinal, Tap et al.ont montrés qu’en comparant des régimes végétariens et omnivores, on retrouve seulement 5% de variabilité (Tap et al. 2009). On observe un impact de l’alimentation par le fait que certaines bactéries vont avoir plus ou moins la capacité de dégrader des composés issus de ces aliments. D’un autre côté, De Filippo et al. ont comparé le microbiote intestinal d’enfants européens qui possèdent une alimentation riche en protéines animales et en graisses versus celui d’enfants du Burkina Faso dont l’alimentation inclus beaucoup de glucides et est pauvre en protéines animales. Chez les enfants européens le microbiote est dominé par les Bacteroides car ils ont la capacité de dégrader les protéines alors que chez les enfants africains c’est Prevotella qui domine à cause du régime plus riche en fibre. Ce qui démontre une modification du microbiote par le régime alimentaire, bien qu’il faille garder à l’esprit que le mode de vie est différent lui aussi. Ils ont aussi montrés que seulement les régimes à long terme vont avoir un impact réel sur le microbiote, les régimes à court terme vont montrer 7 une légère modification du microbiote mais celle-ci sera plus proche de la composition du microbiote avant régime que de celle d’un individu ayant le type d’alimentation du régime donné (De Filippo et al. 2010). De plus le type d’alimentation va être responsable de la production de produits terminaux par l’intermédiaire de la présence de certaines bactéries. Par exemple, la dégradation des protéines par Bacteroides issues d’une forte consommation de viande rouge va donner divers produits tel que l’ammoniac, du phénol et indole, des composés nitreux et sulfuré. Ces produits de dégradations peuvent être impliqués dans le cancer colorectal. La présence des composés nitreux sulfurés est associée à une augmentation d’une population bactérienne réductrice de sulfate notamment Desulfovibrio qui va produire du H2S qui est responsable d’une augmentation de l’apoptose et d’une hyper prolifération de la muqueuse intestinale, tout ceci sera directement lié à des processus pathologique (Hughes, Magee, et Bingham 2000). c) Facteurs médicamenteux Il est actuellement connu que les antibiotiques altèrent le microbiote intestinal. En 2009 nous pouvons lire dans une publication de Antonopoulos et al. qui fait l’expérience d’administrer un cocktail d’amoxicilline, de métronidazole, et de bismuth a des souris sur une période de 10 jours suivie d’une période de recouvrement puis de séquencer le gène codant l’ARNr 16S afin d’identifier le microbiote intestinal présent. Nous pouvons voire une très forte perturbation du microbiote intestinal pendant la prise d’antibiotique (Figure 1) et l’on remarque que même après le rétablissement de la flore, celle-ci garde une population de Proteobacteria plus importante que les contrôles au détriment des Firmicutes. Les antibiotiques ont donc un impact sur le microbiote intestinal surtout à court terme. D’autre part ils peuvent aussi permettre le développement de bactéries pathogènes tel que Clostridium difficile après traitement à la cefoxitine (Mulligan et al. 1984). Différents facteurs agissent sur la modulation du microbiote, celui-ci étant à son tour capable de moduler un grand nombre de choses à commencer par le métabolisme des aliments. 

Métabolisme du microbiote

 Le microbiote possède une action de métabolisation de certains nutriments du bol alimentaire. Bien qu’il varie d’un individu à un autre, ses propriétés métaboliques restent généralement les mêmes ce qui s’explique par la redondance des activités métaboliques bactériennes comme la synthèse des acides gras à chaîne courte, des acides aminés essentiels et des vitamines (Dusko Ehrlich et MetaHIT consortium 2010). Dans l’intestin la plus grande masse du microbiote se trouve dans le colon, il va pouvoir métaboliser que ce qui n’est pas digéré dans la partie supérieure du tractus digestif. La fonction métabolique du microbiote est donc corrélée avec ce qu’il y a de disponible dans le colon pour la fermentation. Lors de la fermentation, la majorité des espèces bactériennes utilisent la glycolyse pour transformer le glucose des glucides en pyruvate qui est 9 lui-même utilisé dans différentes voies ce qui conduit à la production d’une variété de composés tels que les acides gras à chaînes courtes (AGCC) (butyrate, acétate, propionate), les gaz (hydrogène, dioxyde de carbone, voir du méthane) et de l’ammoniaque. La conversion de macromolécules en métabolites secondaires implique différents groupes bactériens, par exemple l’acétate est produit par la plupart des espèces dominantes (Bacteroides, Clostridium, Bifidobacterium, Ruminococcus, Eubacterium, etc.) alors que le butyrate est majoritairement produit par quelques espèces de Firmicutes (Faecalibacterium prausnitzii, Roseburia spp et Eubacterium rectale) (Bernalier-Donadille 2010; Pryde et al. 2002). Les acides gras à chaînes courtes sont rapidement absorbés au niveau de l’épithélium intestinal et sont métabolisés dans différents organes (Figure 2).

Table des matières

Partie I – Etat de l’art 3
Chapitre 1 : Le microbiote intestinal
1.1) Description et techniques d’identification
1.2) Facteurs influençant le microbiote
1.3) Métabolisme du microbiote
1.4) Fonction du microbiote
1.5) Effet du microbiote sur l’hôte
1.6) La barrière intestinale
Chapitre 2 : Interaction microbiote-système immunitaire
2.1) Organisation du système immunitaire intestinal
2.2) Régulation du système immunitaire par le microbiote
2.3) Régulation du microbiote intestinal par le système immunitaire
Chapitre 3 : Les perturbations du microbiote et leurs implications en physiopathologie
3.1) Qu’est-ce que la dysbiose ?
3.2) Les maladies liées à la dysbiose : exemple des MICI
Partie II – Objectif de l’étude
Partie III – Matériels et Méthodes
1.1) Présentation de la collection des bactéries intestinales étudiées
1.2) Stimulation bactérienne et culture cellulaire
1.3) Analyse de la réponse à la stimulation
Partie IV – Résultats
Chapitre 1 : Etude des composants bactériens sur la production cytokinique des PBMC
1.1) Optimisation de la stimulation des PBMC par les culots et surnageants bactériens
1.2) Réponse à la stimulation
Chapitre 2 : Etude approfondie de la production de cytokines par Luminex
2.1) Etude de la production des cytokines induite par les culots bactériens
2.2) Sélection des bactéries à étudier
Chapitre 3 : Etude des populations cellulaires stimulées par cytométrie en flux
3.1) Population monocytaire
3.2) Production de cytokines par les monocytes.
Partie V – Discussion et perspectives
Chapitre 1 : Les surnageants induisent peu la production de cytokines.
Chapitre 2 : Les culots bactériens étudiés possèdent des profils variés
2.1) Les Bacteroidetes
2.2) Les Firmicutes
Chapitre 3 : Questions et perspectives
3.1) Nouvelles pistes d’analyse
3.2) Perspectives de nos résultats
Partie VI – Bibliographie

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