Modèles de Saveurs

Modèles de Saveurs

 Introduction, problématique et plan

L’étude du domaine des saveurs est vaste et complexe 1 . Le modèle standard décrit très bien la suppression des changements de saveur dans les courants neutres (notés FCNCs pour Flavor Changing Neutral Currents) et les processus violant CP. Cependant, ces explications reposent sur les matrices de masses obtenues expérimentalement. Pour les extensions du modèle standard telles que la supersymétrie, on ne peut pas (encore) reposer sur l’expérience. Lorsqu’on écrit des modèles pour prédire les masses des sparticules, il faut donc s’assurer qu’ils n’entrainent pas d’effets de saveur en contradiction avec les données expérimentales actuelles. On cherche donc à expliquer l’origine des couplages de Yukawa et l’explication au problème de hiérarchie, tout en expliquant l’absence de FCNCs observés ou de violation de CP.

Deux approches différentes pour la saveur

Nous nous limiterons ici à la comparaison de deux types de modèles différents, aux prédictions proches. Le premier considère une ou des symétries agissant sur les trois familles du modèle standard. On parle de symétries “horizontales”. Lorsque celles-ci sont brisées, elles génèrent une hiérarchie pour les couplages de Yukawas engendrés. Le modèle de Froggatt-Nielsen (FN), dans lequel la symetrie U(1) de saveur est jaugée, est une illustration classique de ce genre d’idées. Ces symétries peuvent être non-abéliennes. Ces scénarios peuvent être compatibles avec les limites des FCNCs et de la violation de CP sous réserve de : – avoir une masse des fermions assez lourde, causant des problèmes de petite hiérarchie – se placer dans une région restreinte parmi les paramètres supersymétriques disponibles, ou faire des hypothèses supplémentaires, comme l’alignement ou la violation de saveur minale dite MFV par exemple [87, 88, 89] (voir [90] pour une discussion récente). En général, les contraintes sont difficiles à satisfaire et les FCNCs sont prédits proches des limites actuelles. Dans le second type de modèles, les hiérarchies proviennent d’une forte renormalisation des fonctions d’onde (modèles noté WFR, pour wave fonction renormalisation). Celles-ci peuvent provenir – de l’évolution du groupe de renormalisation vers une échelle M située quelques ordres de grandeur en dessous de l’échelle fondamentale M0. Dans notre exemple, on aura M0 = MP et M = ΛGUT . On peut très bien aussi avoir M0 = Mp ou ΛGUT et M = MSUSY . On peut coupler le MSSM à un secteur conforme afin de générer de larges dimensions anomales pour les champs de matière  – d’une dimension supplémentaire dans laquelle sont répartis les champs de matières. Cette idée a été largement considérée pour régler la question de la saveur dans le cadre de modèles non supersymétriques de type Randall-Sundrum, avec des dimensions supplémentaires fortement courbées [94]. On sait que ces deux cas sont souvent duaux. Ainsi, un modèle type comme celui de Nelson-Strassler  permet de générer des fonctions d’ondes hiérarchiques, avec des Yukawas corrects et en supprimant les FCNCs. 

Des prédictions proches

Ces deux types de modèles cherchent à résoudre la question de la hiérarchie de masse chez les fermions, ainsi qu’à comprendre pourquoi les FCNCs sont supprimés en supersymétrie . Comme cela a été déjà dit dans le papier initial de Nelson et Strassler, les prédictions d’un modèle utilisant un mécanisme de WFR supersymétrique ressemblent à des modèles de saveur reposant sur le mécanisme de FN, avec des symétries horizontales abéliennes, des fermions du MS portant des charges du même signe et avec un seul champ familon. Effectivement, les prédictions des deux approches pour les matrices de Yukawa sont identiques, une fois faite l’identification entre les différents paramètres. Cela permet de construire des modèles de WFR viables. En effet, il y a un nombre limité de modèles supersymétriques de type FN avec – des symétries horizontales abéliennes – un seul champ familon – tous les fermions ayant des charges du même signe – sans anomalie de jauge – qui arrivent à rendre compte correctement des masses et mélanges des quarks et leptons. Chaque choix de charges horizontales peut être mise en relation avec des valeurs d’un modèle de WFR, les deux modèles donnant les même prédictions pour les matrices de Yukawa On peut donc se baser sur le travail déjà accompli sur les modèles de FN qui marchent pour identifier ceux de WFR qui vont le faire. Au delà de masses de fermions identiques, nous nous proposons de pousser la comparaison entre ces deux types de modèles aux masses des scalaires. Les deux modèles prédisent des matrices de masses similaires pour les fermions. Cependant, les changements de saveur dans les courants neutres sont mieux supprimés dans le cas des modèles de type Nelson-Strassler. Nous verrons également que les deux modèles satisfont une même contrainte pour deux raisons apparemment très différentes : – Dans le cas des symétries de jauge dans un modèle à 4D, il faut veiller à l’annulation des anomalies de jauge. – Dans les cas des modèles de type Nelson-Strassler, on impose l’unification des couplages de jauge. Le fait que les modèles de type WFR subissent des contraintes similaires à celles de FN laisse à penser que l’ensemble des Yukawas générés par les deux approches pourrait être le même.

Des différences au niveau de la saveur

Pour appréhender les différences entre les deux modèles, nous aborderons la construction d’un un modèle simple avec une dimension en plus dans lequel les fonctions d’ondes sont hiérarchiques. Dans celui-ci, les courants neutres leptoniques seront supprimés grˆace à un couplage fort (CFT) générant la masse de l’électron. On connaˆıt le lagrangien effectif du modèle standard obtenu après intégration des degrés de libertés supersymétriques [99]. L’importance des FCNCs et de la violation CP à l’échelle électrofaible est déterminée par les coefficients de ses opérateurs de dimension 6. Nous verrons que les facteurs de suppression de certains opérateurs de dimension 6 seront assez différents dans les deux types de modèles. Si les masses générées semblent être les mêmes dans les modèles de type FN et NS, il est intéressant de les comparer en détails, en particulier au niveau de la suppression des FCNCs et la violation de CP.

 Comparaison des deux modèles

Généralités

On peut comparer les prédictions des deux modèles quant aux couplages de Yukawa, pour peu qu’on identifie `a haute énergie les paramètres des modèles supersymétriques WFR (qi) aux charges des modèles de FN. On voit que la classe des modèles FN qui se rapproche vraiment des modèles WFR est celle pour laquelle il n’y a qu’un seul U(1)X, des charges positives et avec un seul champ de charge négative, le familon. Celui-ci brise la symétrie de saveur, et tous les Yukawas sont générés par couplage holomorphe au familon. Comme la renormalisation de la fonction d’onde ne fait pas de distinction entre les particules et antiparticules, la suppression des masses des sfermions est beaucoup plus forte dans le cas WFR : il suffit de comparer le facteur 4 qi+qj de l’équation (5.3) et 4 |qi−qj | de l’équation 5.1 pour s’en convaincre. Cette remarque est générale et a déj`a été faite dans le cas non supersymétrique [101]. Pour toute comparaison avec les données expérimentales, nous avons besoin d’être dans la base o`u les matrices de masse sont diagonales. Comme les principales contraintes expérimentales proviennent du secteur quark down, on choisit de rester dans une base électrofaible qui diagonalise la matrice de Yukawa du quark down. Pour cela, les termes du Lagrangien liés aux champs scalaires vont  subir les rotations gauches et droite. Ces rotations ne vont pas changer les facteurs de suppression dominants, mais vont rajouter des contributions sur les termes off diagonaux des matrices de masses. Pour les modèles de FN, les éléments diagonaux sont les coefficients d’ordre un Cii )= Cjj qui peuvent dépendre de la saveur. Ils sont présents de manière générique dans les D-termes liés `a U(1) et dépendent de la saveur. Ces contributions supplémentaires aux termes off-diagonaux dans les masses sont de l’ordre de grandeur des angles de rotations permettant de diagonaliser la matrice de Yukawa du quark down (en gros de l’ordre de grandeur des angles CKM) et sont genants. Ils fournissent une borne supérieure (un peu trop forte) sur la suppression des termes off diagonaux. Dans ces modèles, si tous les fermions portent des charges horizontales de même signe, les facteurs de suppression des termes off diagonaux originaux sont les mêmes que la suppression des termes venant du diagonal splitting, donc le problème de compatibilité avec les données est aussi difficile pour les deux types de modèles. Il y a des modèles avec une symétrie U(1) et des charges de signes différents ou/et plusieurs symétries U(1) qui n’ont pas d’équivalent WFR mais qui arrivent `a décrire le secteur de Yukawa et `a donner une suppression assez forte des termes off-diagonaux de saveur dans les termes des masses de sfermions. Cependant, ils doivent traiter le problème mentionné ci-dessus concernant la contribution des D termes dépendant de la saveur aux masses diagonales. Ils doivent aussi prendre en compte le diagonal splitting possible venant des coefficients quelconques d’ordre 1 liés `a la symétrie U(1). Après rotations, la suppression des termes off-diagonaux dans la base des masses propres pour les quarks est similaire que dans les modèles avec les charges de même signe. Il en résulte certaines tensions dans l’espace des paramètres sur les termes softs de brisure de supersymétrie. [90]. On peut se demander ce qui se passe dans le cas de modèles de FN qui rendent compte du secteur de Yukawa et qui n’ont pas d’équivalent en WFR. On peut ainsi considérer des modèles avec plusieurs symétries U(1). Cependant, ces modèles ont encore des problèmes : une fois pris en compte les effets du splitting sur la diagonale et des contributions des D-termes aux masses des sfermions, ces modèles donnent des prédictions pour les FCNCs assez proches que dans le cas o`u les champs de matière ont des charges du même signe. Nous les écartons donc de notre étude. L’approche WFR évite ces problèmes. Il n’ya pas de symétrie U(1), pas de Dtermes et les termes de la diagonale qui dépendent de la saveur sont supprimés par des puissances de 4. Il n’y a donc pas de problème lié `a des paramètres incontrolés d’ordre un. En plus de travailler dans une base électrofaible dans laquelle les quarks downs sont diagonaux, pour pouvoir comparer nos modèles avec les données expérimentales, nous devons inclure tous les effets de renormalisation liés au MSSM pour le running de l’échelle M jusqu’`a l’échelle électrofaible. Au final, l’analyse standarde des données sur les FCNCs et la violation de CP est faite par rapport aux coefficients des opérateurs effectifs de dimension  obtenus dans le lagrangien du modèle standard après avoir intégré les degrés de liberté liés `a la supersymétrie [99]. Les coefficients de ces opérateurs peuvent être calculés en fonction des paramètres de brisure douce de supersymétrie et les facteurs de suppression discutés précédemment ont un lien direct avec les facteurs de suppression des opérateurs de dimension supérieure. Comparons la facon dont les symétries de saveur et les modèles WFR rendent compte des hiérarchies dans les masses de fermions. On a vu précédemment qu’on pouvait s’appuyer sur le travail fait sur les modèles de FN. Si un tel modèle a des fermions portant des charges de même signe et rend compte de la hiérarchie, il peut être transcrit en modèle de type WFR 2 . Du point de vue des opérateurs générant la désintégration du proton, les deux approches donnent le même type de suppression. La symétrie U(1)X d’un modèle de FN peut supprimer la désintégration du proton avec des charges comme li = ni + 1/3, ei = mi −1/3, ni , mi entier (les charges des autres champs du MSSM étant entières). Dans ce cas, il y a une symétrie effective discrète Z3 leptonique qui empèche le proton de se désintégrer. Plus généralement, les modèles de type FN et WFR génèrent tous deux des suppressions pour les premières générations, qui ont des charges élevées.

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