Modélisation biogéochimique du lagon de Nouméa

Objectifs du DEA, moyens mis en œuvre

Concrètement, ce stage de DEA a pour objectif principal d’analyser les données existantes, afin d’intégrer la boucle microbienne dans le modèle biogéochimique, et de tester l’intérêt des modifications apportées. Dans un premier temps, le travail consiste à déterminer les processus principaux à mettre en œuvre dans le modèle, et à faire des choix concernant les variables dont on veut simuler l’évolution. Les choix concernent des processus tels que la croissance des cellules, les uptakes d’éléments nutritifs, le broutage, l’exudation phytoplanctonique, la mortalité. Les variables choisies sont les biomasses phytoplanctonique et bactérienne, les éléments nutritifs et les éléments détritiques. Cette étude fut menée au sein du centre IRD de Nouméa, sur la base des connaissances rassemblées par les différentes unités de recherche sur le lagon de Nouméa. Dans un second temps, le travail a porté sur l’implémentation dans le modèle des modifications décidées. Cette implémentation a été effectuée à l’aide du langage de programmation FORTRAN. Afin d’écourter les temps de calcul très long du modèle à 3 dimensions, il a été décidé dans le cadre de ce stage de travailler sur un modèle sans dimension. Le modèle utilisé est donc uniquement biogéochimique, et représente l’évolution des différentes variables en un point donné du lagon, à une profondeur donnée en l’absence de tout forçage hydrodynamique. Les différents paramètres et conditions initiales sont déterminés à l’aide des mesures effectuées régulièrement par l’unité CAMELIA sur le lagon SW de Nouvelle Calédonie. Pour terminer, les résultats du modèle sont comparés aux valeurs mesurées dans le lagon, en deux stations. La station M33, située près de l’îlot Maître, peut être considérée comme représentative du lagon (ou chenal lagonaire). La station N12, située dans la baie de Sainte-Marie, a été choisie comme exemple d’un milieu côtier soumis à des pressions anthropiques fortes (rejet d’eaux usées).

Ajout de la boucle microbienne

Le nouveau modèle, intégrant la boucle microbienne, est représenté sur la Figure 4. Les éléments représentés en rouge constituent les nouveautés apportées au modèle. Quatre nouvelles variables d’état ont été créées : la biomasse bactérienne, exprimée en concentration de carbone et d’azote, la matière organique dissoute, exprimée en carbone et azote dissous. Les nouveaux processus associés sont alors : la production bactérienne, l’uptake de matière organique dissoute et d’ammonium, la dégradation de la matière détritique particulaire et son uptake par les bactéries, le broutage des bactéries, l’exudation de COD par le phytoplancton, l’excrétion d’ammonium, de NOD et de COD par le zooplancton. L’ensemble des paramètres du modèle est répertorié dans le Tableau 2. L’ensemble des scripts FORTAN de ce nouveau modèle est fourni en annexe de ce rapport.

Hypothèses
L’établissement des équations représentant l’évolution de la biomasse bactérienne hétérotrophe et le choix des variables d’états impliquent un certain nombre d’hypothèses, résultant de l’analyse des variables bactériennes du lagon de Nouméa et, à défaut, de la littérature. L principale hypothèse concerne la limitation par l’azote. Cette hypothèse est issue de 4 arguments :
1) Des corrélations entre chlorophylle a, production primaire, production bactérienne et taux de croissance bactérien, d’une part, et azote et phosphore minéraux dissous, d’autre part, suggèrent que l’azote minéral dissous est le facteur le plus déterminant dans l’enrichissement trophique des eaux lagonaires (Jacquet, 2001).
2) Les rapports N/P minéraux dissous sont largement inférieurs au rapport N/P de Redfield (Jacquet, 2001).
3) Les réponses des communautés à des enrichissements en N,P,C ont montré sans ambiguïté l’effet prédominant de l’azote (Figure 5).
4) Enfin, les longs temps de renouvellement du phosphate, comparés à ceux du NH4 suggèrent que le phosphate ne limite pas les communautés planctoniques (Figure 6).
Ces 4 arguments suggèrent que l’azote est bien le premier élément potentiellement limitant dans le lagon Sud-Ouest de Nouvelle-Calédonie. Intégrer le phosphore dans le modèle comme variable d’état ne s’impose donc pas dans l’immédiat. En outre, les bioessais ont également montré que le carbone n’était pas limitant.
Dans ce modèle, la croissance des bactéries ne sera donc limitée que par l’azote.
La deuxième hypothèse porte sur le contrôle de la biomasse bactérienne. Celui-ci peut s’effectuer de deux manière différentes : un contrôle ascendant (« bottom-up »), principalement par les substrats organiques et inorganiques, ou descendant (« top-down »), principalement par la prédation. Différentes études ont montré que la croissance des bactéries et les pertes par prédation dans les systèmes océaniques oligotrophes sont probablement équilibrées (Weisse, 1989 ; Landry et al, 1995 ; Goosen et al, 1997 ; Caron et al, 1999). Ce contrôle par la prédation est également confirmé par des expérimentations d’additions de substrats, au cours desquelles les biomasses bactériennes restaient à peu près constantes, malgré une forte augmentation de la production bactérienne (Kirchman, 1990 ; Kirchman et Rich, 1997). Enfin, Strom (2000) a répertorié 17 études qui ont mesurées simultanément la production bactérienne et le broutage bactérien. Dans le cas des eaux de faible production, cette compilation montre l’équilibre entre prédation et production bactérienne. Un travail précédent sur le lagon de Nouméa (Jacquet, 2001) montre que les productions bactériennes varient jusqu’à un facteur 68 en fonction des conditions trophiques (entre le fond de la baie de Sainte-Marie et le chenal lagonaire), alors que l’abondance bactérienne ne varie que d’un facteur 2,5 au maximum. Ceci suggère également un contrôle descendant étroit sur les bactéries, très probablement par la prédation. Cette analyse de la littérature et des mesures sur le lagon nous ont par conséquent conduit à équilibrer la production bactérienne avec le nombre de bactéries broutées. La biomasse bactérienne sera donc constante au cours du temps. Il convient de noter enfin que les infections virales peuvent être un facteur important de perte bactérienne. Selon Fuhrman (1999), les virus peuvent être responsable de 10 à 50% de la mortalité des bactéries dans les eaux de surface. Cependant, le manque de précision de ce facteur de mortalité, ainsi que l’absence de données sur le milieu étudié, nous ont conduit à ne pas intégrer les pertes par lyse virale dans le modèle.

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