Nature et origine de la flore microbienne des viandes

GENERALITES SUR ESCHERICHIA COLI

Escherichia coli, également appelée colibacille (E. coli), a été découvert par Theodor Escherich qui en observant la fréquence des diarrhées néonatales, avait déjà posé la question de son implication dans les entérites.
Dans les années 1950, de nombreuses souches de E. coli pathogènes ont été décrits en tant qu’agents étiologiques de diarrhées infantiles (Nataro et Kaper 1998).
Taxonomie et caractères morphologiques : E. coli est une bactérie de la famille des Enterobacteriaceae. C’est un bacille à Gram négatif, mobile le plus souvent. Sa taille varie en fonction des conditions de croissance. Les bactéries à croissance rapide étant plus allongées et donc plus grandes que les bactéries quiescentes.
Caractères antigéniques : Le sérotypage est une technique immunologique consistant à mettre en évidence les antigènes structuraux des bactéries ou des virus. Elle est basée sur le fait que les souches de la même espèce peuvent différer par leurs déterminants antigéniques exprimés sur leur surface cellulaire, tels que les polysaccharides somatiques, capsulaires, les flagelles et les fimbriae Le schéma traditionnel de Kauffman est basé sur le sérotypage des profils d’antigènes de surface O (somatique), H (flagellaire), et K (capsulaires) (Kaper et al., 2004).
Le sérotypage de E. coli est l’approche prédominante par laquelle les souches pathogènes sont différenciées, mais leur classification se fait plus communément par l’identification des facteurs de virulence (Kaper et al., 2004).
Plus de 700 types antigéniques (sérotypes) de E. coli sont reconnus sur la base des antigènes O, H, et K. Différents antigènes O définissant chacun un sérogroupe sont actuellement reconnus, alors qu’une combinaison spécifique d’antigènes O et H définit le « sérotype » d’un isolat.

Plasticité génomique

Escherichia coli est une espèce bactérienne présentant une très forte plasticité génomique. Elle s’adapte entre son habitat primaire, l’intestin des vertébrés ou elle vit comme commensale et son habitat secondaire, l’eau et les sédiments.
En 2001, le génome d’une souche de E. coli entérohémorragique (provoquant la maladie du hamburger) a été séquencé. Il comprend 5,5 millions de paires de bases codant 5 400 protéines. L’année suivante, le génome d’une souche de E. coli provoquant des infections urinaires (cystite, pyélonéphrite) et des méningites néonatales, a été séquencé. Il comprend 5,2 millions de paires de bases codant 5 300 protéines.
Le séquençage de plusieurs souches de Escherichia coli a montré que l’espèce avait un core genome d’approximativement 2200 gènes et un pan genome de près de 13000 gènes. Ceci est intriguant en plus du fait que la plupart des souches codent pour plus de 5000 gènes et que seule la moitié constitue le core genome. Ceci montre la diversité et la plasticité génétique importante qu’il existe entre les différentes souches de E. coli (López-Campos et al., 2012).
Les souches pathogènes se distinguent des non pathogènes du point de vue génétique par le fait qu’elles possèdent de larges clusters de gènes de virulence aussi appelés ilots de pathogénicité qui peuvent être trouvés au niveau des plasmides ou bien insérés dans les chromosomes. Ces ilots sont généralement flanqués par des éléments génétiques mobiles : bactériophages, séquences d’insertion ou transposons. Ils sont aussi souvent insérés près des ARN de transfert (ARNt) qui permettent leur transfert entre souches différentes .
Le gain ou la perte d’éléments génétiques mobiles joue ainsi un rôle central dans le façonnement du génome des bactéries pathogènes. Le transfert horizontal de gènes étant le mécanisme par lequel certains organismes destinataires peuvent acquérir de nouveaux traits.
Cette acquisition est très importante pour la promotion de l’adaptation et de la survie d’un pathogène en coévolution avec son hôte (Croxen et Finlay 2010). Ce phénomène est notamment à l’origine d’espèces dites « émergentes » comme c’est le cas du sérotype EcEH O104 :H4 responsable de la grande épidémie d’origine alimentaire centrée en Allemagne. Elle a touché plus de 4000 personnes dans 17 pays, avec 908 cas de syndrome hémolytique et urémique (SHU) et 50 décès (WHO 2011, CDC 2013).

Escherichia coli entérotoxinogènes (EcET)

EcET sont une cause majeure de diarrhée aqueuse aigüe avec déshydrations chez les enfants de bas âge (moins de 3 ans) dans les pays en voie de développement, et sont aussi responsables de la « Diarrhée du voyageur » ou « Turista ». Des souches de EcET sont également en cause dans des diarrhées néonatales souvent fatales chez des animaux d’élevage (veau, mouton, porcelet). Des enquêtes épidémiologiques ont montré que la contamination provient le plus souvent de fèces humains à travers la manipulation d’aliments et les eaux contaminés qui sont les vecteurs les plus habituels dans les cas d’infection à EcET (Nataro et Kaper 1998).
Les EcET sont définis comme étant des souches de E. coli contenant au moins un des 2 groupes d’entérotoxines : Thermostable (ST) ou Thermolabile (LT). Elles sont codées par les gènes correspondants st et lt.
L’adhésion des EcET aux cellules épithéliales est établie grâce à des facteurs de colonisation (SCF) qui peuvent être fimbriaires (le plus souvent) ou non, hélicoïdale ou fibrillaire.
Les fimbriae sont des appendices filamenteux, rigides, formés de sous-unités protéiques, et de diamètre inférieur à celles des flagelles. Ces structures souvent appelées adhésines sont également présentes chez les EcEP. Les gènes codant pour ces adhésines sont plasmidiques et sont organisés en opérons.
Après la colonisation de l’intestin grêle, ces entérotoxines sont produites et leur diffusion stimule la sécrétion de chlorure à partir des cellules de la crypte intestinale et une inhibition de l’absorption de chlorure de sodium, entraînant la diffusion osmotique d’eau vers la lumière intestinale et les caractéristiques d’une diarrhée hydrique.

Escherichia coli entéroadhérents ou aggrégants (EcEA)

Répandus dans les pays en voie de développement, les EcEA sont responsables de diarrhées persistantes (plus de deux semaines chez les enfants et les adultes) et sont considérés comme des entéropathogènes émergeants. Elles produisent des adhésines (Aggregative Adhérence Fimbrae (AAF), codées par le gène AggR présent sur un plasmide de virulence.
Phénotypiquement le type d’adhérence aux cellules épithéliales Hep-2 est le meilleur moyen d’identification des EcEA (forme « empilé en briques ») mais également pour les souches de Escherichia coli à adhésion diffuse EcAD qui ont cette caractéristique en commun .
En raison du rôle important que joue le gène AggR dans la régulation d’une gamme de facteurs de virulence, les souches possédant ce gène sont considérées comme des EcEA typiques. Elles ne sont pas productrices de toxines LT ou ST, de shigatoxines mais sont capables d’induire des dommages au niveau de la muqueuse à travers la sécrétion d’une combinaison d’entérotoxines spécifiques (le plasmide codant pour la toxine autotransportrice Pet, la toxine entéroaggrégative thermostable EAST1 et l’entérotoxine ShET1.

Généralités sur les viandes bovines et ovines

Les viandes bovine et ovine appartiennent au groupe des « viandes rouges ». Au Sénégal, la production de ces 2 types de viande est en baisse principalement à cause de la sous filière bovine dont le système extensif qui en constitue la composante majeure, a subi les contrecoups des conditions climatiques. Ces changements ont été défavorables, avec une baisse drastique de la pluviométrie qui a eu comme conséquence un asséchement des points d’eau temporaires et une forte diminution de la disponibilité du fourrage (DIREL 2014).
Malgré cela, les deux espèces représentent un peu plus de la moitié de la production nationale de viande et d’abats.
La viande et les produits carnés ont été incriminés à maintes reprises dans des foyers de toxi infections alimentaires collectives (TIAC) à travers le monde. Aux États-Unis par exemple, le centre de contrôle des maladies (CDC) estime que 3,6 à 7,1 millions d’américains ont été victimes d’une maladie d’origine alimentaire. Parmi ces cas, 2,1 à 5 millions d’incidents sont attribués à la consommation de viandes et de volailles (JG 1996).
En Afrique, près d.e 91 millions de personnes sont touchés par des maladies d’origine alimentaires, entrainant 137.000 décès, ce qui représente 1/3 de la mortalité mondiale due à ces maladies.

Dangers liés à la consommation de viande bovine, ovine et de poulet

Les maladies d’origine alimentaire, en particulier les maladies diarrhéiques, sont une cause importante de morbidité et de mortalité et sont un problème de santé publique dans le monde entier. Un bon nombre de pays ont réalisé des travaux pour répertorier le nombre de maladies d’origine alimentaire. Des enquêtes de surveillance ont permis aux autorités d’étudier les tendances au fil des années ainsi que d’avoir de précieuses informations sur l’épidémiologie de ces agents pathogènes pour en identifier les voies de transmission, les vecteurs, et les mécanismes de contamination (OMS 2015).
Chaque année, presque 1 personne sur 10 à travers le monde tombe malade à cause des maladies d’origine alimentaire pour près de 420000 décès dont le tiers des cas est enregistré en Afrique. Les enfants de moins de 5 ans sont particulièrement exposés et près de 125000 en décèdent chaque année. Les maladies diarrhéiques sont responsables de 70% de la charge des maladies d’origine alimentaires. En plus des E. coli, Salmonella et Campylobacter constituent les principaux agents incriminés (OMS 2015).

Gastro-entérites à Campylobacter

La bactérie Campylobacter est une des causes majeures de maladies diarrhéiques. Elle est responsable de la campylobactériose qui est une zoonose, c’est-à-dire transmise à l’homme par les animaux ou les produits qui en dérivent.
Elle est responsable de gastro-entérites avec une diarrhée accompagnée de fièvre et de douleurs abdominales après une période d’incubation de deux à cinq jours. Plus rarement des complications post infectieuses peuvent se produire : arthrite réactionnelle, syndrome de Guillain-Barré, etc…. Parmi ces sources, la principale source de contamination est l’ingestion d’aliments contaminés et en particulier la viande crue ou insuffisamment cuite.
La contamination et la colonisation subséquente des troupeaux de poulets de chair au niveau de la ferme conduisent souvent à la transmission de Campylobacter le long de la chaîne de production de la volaille et la contamination de la viande de volaille au détail. Une étude en Europe montre que la prévalence de Campylobacter dans la volaille, ainsi que le niveau de contamination des produits avicoles, varient considérablement entre les différents pays (Skarp et al., 2015).
Au Sénégal, parmi les 25 espèces décrites, C jejuni et C. coli représentent la presque totalité des espèces de Campylobacter isolées sur les aliments .

Gastro-entérites à Salmonella

Les salmonelles (Salmonella) forment un genre de protéobactéries appartenant à la famille des entérobactéries. Elles mesurent 0,7 à 1,5 μm de diamètre, pour 2 à 5 μm de longueur avec un flagelle. Le genre Salmonella est composé de deux espèces à savoir Salmonella enterica et Salmonella bongori. L’espèce Salmonella enterica est subdivisée en six sous especes telles que S. enterica subsp. enterica, S. enterica subsp. salamae, S. enterica subsp. arizonae, S. enterica subsp. diarizonae, S. enterica subsp. houtenae et S. enterica subsp. Indica.
Le nombre de sérotypes est estimé à plus de 2500 selon les antigènes somatiques (Ag O, lipopolysaccharides) ou les antigènes flagellaires (Ag H, protéines).
Les infections à Salmonella constituent un problème majeur de santé publique dans le monde. On distingue sur le plan clinique deux types d’infections : les infections à Salmonella typhiques et les non typhiques :
Salmonella typhi, S. paratyphi A, B, C et Salmonella sendai sont des Salmonella typhiques et sont responsables respectivement de la fièvre typhoïde et paratyphoïde. Les Salmonelles non typhiques sont quant à elles responsables de gastro-entérites (Salmonelloses). La salmonellose est une des principales causes de toxi-infections alimentaire collective (TIAC).
L’Homme se contamine en consommant des aliments contaminés par des sérotypes de Salmonella. Plusieurs aliments tels que les viandes, les fruits et légumes, les aliments crus sont incriminés dans les infections à Salmonella (OMS 2013).
Ces maladies font encore des ravages dans les pays en voie de développement où l’hygiène alimentaire est peu ou pas respectée.

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE 
CHAPITRE 1 : GENERALITES SUR Escherichia coli
I. Taxonomie et caractères morphologiques
II. Caractères biochimiques et antigéniques
I.1. Caractères biochimiques
I.2. Caractères antigéniques
a) Antigènes somatiques O
b) Antigène flagellaire H
c) Antigène de surface K
III. Plasticité génomique
IV. Pathogénicité
CHAPITRE 2 : Escherichia coli PATHOGENES
I. Escherichia coli entérotoxinogènes (EcET)
II. Escherichia coli entéroinvasifs (EcEI)
III. Escherichia coli entéropathogènes (EcEP)
IV. Escherichia coli entérohémoragiques (EcEH)
V. Escherichia coli entéroadhérents ou aggrégants (EcEA)
CHAPITRE 3 : GENERALITES SUR LES VIANDES
I. Nature et origine de la flore microbienne des viandes
II. Origine de la contamination des viandes
III. Les viandes bovines et ovines
III.1.Généralités sur les viandes bovines et ovines
III.2. Niveau de présence des gènes de virulence des pathovars de E.coli ovines et bovines dans le monde
IV. Le poulet
IV.1. Généralité sur le poulet
IV.2. Impact des E. coli en aviculture
IV.3. Niveau de présence des gènes de virulence des pathovars de E.coli aviaires dans le monde
V. Dangers liés à la consommation de viande bovine, ovine et de poulet
V.1. Gastro-entérites à Campylobacter
V.2. Gastro-entérites à Salmonella
DEUXIEME PARTIE : ETUDE EXPERIMENTALE
CHAPITRE I : CADRE DE L’ETUDE
CHAPITRE II : MATERIELS ET METHODES
I. Matériel
I.1. Matériels biologiques
I.2. Matériel d’étude de laboratoire
II. Méthodes
II.1. Cadre, type et durée de l’étude
II.2. Critères d’inclusion et d’exclusion
II.3. Extraction de l’ADN génomique total
II.5. Définition des témoins et des amorces utilisées
II.6. Préparation du mélange réactionnel
II.7. Paramétrage du thermocycleur
II.8. Electrophorèse d’ADN sur gel d’Agarose
II.9. Visualisation des produits PCR
CHAPIRE III : RESULTATS ET DISCUSSIONS
I. Résultats
II. Discussion
II.1. Méthodes
II.2. Résultats
CHAPITRE IV : CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

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