Plus qu’un instrument d’observation ou de communication, l’indicateur doit devenir enfin un véritable levier de modernisation de l’Etat

Plus qu’un instrument d’observation ou de communication, l’indicateur doit devenir enfin un véritable levier de modernisation de l’Etat

L’indicateur utile doit révéler des insuffisances ou des dysfonctionnements

Nous n’aborderons pas ici les problèmes techniques qui conditionnent la fiabilité d’un indicateur pour nous concentrer sur ce qui lui donne un sens L’indicateur n’a de réelle valeur que s’il est le révélateur de la nécessité d’agir aux yeux des agents, des responsables politiques et de l’opinion publique. Il doit être créateur de consensus pour agir. Comme l’appelle de ses vœux le ministre en charge de la réforme de l’Etat, « pour que les objectifs et les indicateurs soient utiles – car, admettons-le, ils ne le sont pas toujours – (…) il faut qu’ils aient une pertinence : qu’ils soient proportionnés aux enjeux financiers, qu’ils soient compréhensibles pour le citoyen, pour les journalistes, pour le contribuable ou l’usager des services publics. »12 Sans cette exigence, l’indicateur ne peut pas être un levier de modernisation ainsi que le souligne la Cour des comptes : « l’objectif principal, pour les indicateurs des Programmes de qualité et d’efficience des PLFSS comme pour ceux de la LOLF, ne se limite pas à améliorer l’information, mais est bien de contribuer à accroître la performance des politiques publiques. Leur apport réel dépend cependant d’une démarche d’ensemble : analyse stratégique préalable et définition d’objectifs suffisamment précis et opérationnels, choix d’indicateurs pertinents, enfin équilibre entre les actions visant l’efficacité et celles visant l’efficience. »13 Ceci suppose la reconnaissance par chacun que l’Etat, pour être perfectible, est avant tout faillible. Faire apparaître ses points de faiblesse, sans culpabiliser qui que ce soit, sans mettre en cause tel ou tel service, est assurément l’un des défis de la réforme de l’Etat. L’indicateur ne se veut pas accusateur mais rassembleur autour d’un objectif commun d’amélioration. Car un indicateur qui porte sur une défaillance d’un service public, est porteur de mauvaises nouvelles dans un premier temps et n’enregistre des améliorations que dans un second temps, délai peu compatible avec celui des médias voire des élections. C’est pourquoi la pression de la communication transforme l’indicateur en emblème médiatique de la réforme alors que ce sont les mesures qu’il pousse à adopter qui devraient l’être. Pour empêcher que l’excès d’enregistrement de plaintes ou d’infractions révélées par l’activité des services soit injustement interprété comme une hausse de la délinquance, les services de police peuvent développer des comportements d’évitement voire d’inaction (main courante, non intervention, …). L’INVU (indicateur national des violences urbaines) a tendance à augmenter si on traite les violences et à rester bas si on les ignore.

C’est la conscience de la nécessité d’agir qui donne toute la valeur à l’indicateur

La conscience de la nécessité d’agir peut modifier la valeur intrinsèque de l’indicateur. Il en va ainsi des évaluations nationales des acquis des élèves en classe de CM2. Instaurées depuis 2009, ces évaluations pourraient être une source précieuse et incontestable d’informations pour dessiner la carte des difficultés scolaires, pour définir et légitimer les zones d’éducation prioritaire, les moyens pédagogiques qui y sont alloués et les pédagogies mises en œuvre. Or, au cours des auditions menées, ces évaluations ont été présentées comme un simple outil à la disposition de l’enseignant pour apprécier le niveau de ses élèves et établir un dialogue avec les parents et les enseignants des collèges. Le sentiment d’informations essentielles insuffisamment exploitées est en l’espèce très fort. De même, il est peu compréhensible de ne pas généraliser aux collèges et aux lycées ce type d’évaluation. Des indicateurs de délais, simples outils d’amélioration des procédures administratives, deviennent en outre des enjeux politiques lorsqu’ils révèlent des ruptures de droit jugées inacceptables. C’est toute la différence entre réduire le délai d’obtention d’un passeport de quelques jours et faire en sorte qu’un allocataire n’ait pas de rupture dans le versement de son allocation en raison de retard administratif. Mention spéciale doit être faite pour la justice dont certains délais excessifs de procédures juridictionnelles ont amené la France à être condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme On ne peut donc comparer un délai de traitement à un autre. Son importance dépend des conséquences sociales, juridiques économiques ou financières que tout retard engendre. Il est étonnant que certains services échappent toujours à des indicateurs de temps alors que la qualité de leur activité en dépend fortement. Ainsi, aucun indicateur n’a été développé pour mesurer les délais d’intervention des forces de police ou de gendarmerie, contrairement aux services d’incendie et de secours. Par contre, il convient de ne pas céder à la tentation du « tout rapide » : au même titre qu’il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, rapidité de traitement n’est pas systématiquement synonyme de qualité de service. « Les objectifs de qualité de service retenus dans la Convention d’objectifs et de gestion Etat / CNAF 2005-2008 reposaient sur une approche quantitative. Si cette approche était nécessaire pour faire converger les CAF vers un socle minimal de service, elle présentait l’inconvénient d’inciter les CAF à privilégier la rapidité de l’accueil et du traitement des dossiers au détriment de la qualité de la réponse apportée aux usagers. » 15 Un délai moyen cache des situations extrêmes intolérables : au sein des agences de Pôleemploi, il a été constaté qu’à dossier complet, le traitement de l’indemnisation chômage avant versement fluctue selon les agences entre quelques jours et plusieurs mois, disparité inacceptable que le délai moyen national s’évertue à camoufler. Comme le souligne le médiateur de la république, « on peut mesurer le délai de réponse moyen 15 Rapport sur la Sécurité Sociale, Cour des Comptes, septembre 2009 20 d’une institution. Mais est-il possible de mesurer la douleur afférente à ces temps de latence et d’incertitude ? ».

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