Potentiels des données de télédétection multisources pour la cartographie géologique

Potentiels des données de télédétection multisources pour la cartographie géologique

Spectroscopie et Télédétection passive

La télédétection est une technique d’acquisition d’informations sur un objet ou une surface à travers l’analyse de données acquises par un capteur situé à distance de l’objet ou de la surface étudié. La télédétection est née bien avant les premiers satellites. On peut distinguer trois grandes périodes : la première commencent avec l’essor des montgolfières et de la photo au 19ème siècle, la seconde est caractérisée par le développement rapide des avions au début du 20ème, et enfin la 3ème période qui a profité, dès 1957, de la mise sur orbite de satellites. Les capteurs que nous avons utilisés enregistrent le rayonnement électromagnétique réfléchi et émis par la surface terrestre. Ce rayonnement électromagnétique est initialement émis par le soleil. Afin d’exploiter au mieux les données de télédétection, il est important de comprendre la physique du rayonnement électromagnétique, son interaction avec l’atmosphère et son interaction avec notre objet d’étude : la surface terrestre composée de sols, roches, végétaux et d’eau. Les interactions entre le rayonnement électromagnétique et la matière sont présentées dans la première partie de ce chapitre. Nous présentons également la réponse spectrale des principaux éléments naturels que nous sommes susceptibles d’étudier au cours de nos recherches. Dans une deuxième partie nous présentons les différents capteurs de télédétection, enregistrant le rayonnement électromagnétique dans le domaine du Visible et de l’Infrarouge. Dans une troisième partie nous présentons les instruments aéroportés enregistrant le rayonnement électromagnétique dans le domaine spectral des ondes Gamma. Enfin, nous exposons la série de données de télédétection utilisées par la suite dans les méthodes de cartographie géologique. 7 8

SPECTROSCOPIE ET TELEDETECTION PASSIVE

Rayonnement électromagnétique Le Rayonnement Electromagnétique (REM) est une énergie se déplaçant dans l’espace ´ sous la forme d’une onde associée à un champ magnétique et un champ électrique. Ce REM se caractérise par sa longueur d’onde λ. Il est entretenu par le mouvement de particules élémentaires immatérielles, appelées photons, transportant chacun la même quantité élémentaire d’énergie. Cette quantité d’énergie élémentaire E (exprimée en Joules) est inversement proportionnelle à la longueur d’onde considérée. Cette relation a été formulée par Max Planck (loi de Planck) comme : E = νh o`u h est la constante de Planck (h = 6.62 × 10−34 Js) et ν est la fréquence du REM. Le spectre électromagnétique est la décomposition du REM en fonction de sa longueur d’onde. Le spectre est divisé en plusieurs domaines, classés par longueur d’onde décroissante : les ondes Audio, Radio et Radar, l’Infrarouge, la lumière Visible, les Ultra Violet, et les rayons Gamma (Figure 2.1). Les ondes Radio et Radar peuvent être produites par un flux de courant alternatif dans des corps conducteurs ou des antennes. Les ondes Infrarouges sont produites par vibration et rotation des molécules. Elles sont divisées en trois domaines, le Proche Infrarouge, l’Infrarouge Moyen et l’Infrarouge Thermique (Figure 2.2a). Le domaine du Visible est relativement petit du fait de la sensibilité spectrale des yeux de l’homme qui s’étend seulement entre 0.4 et 0.7µm (Figure 2.2b). Les rayons Gamma résultent de la rupture de noyaux atomiques durant la fission nucléaire ou les réactions de fusion. 3000 km 300 km 300 m 3 m 3 cm 300 µm 3 µm 300 Å 3 Å 0.03 Å Audio Ondes Radio Hyperfréquences Bande K Bande X Bande C Bande S Bande L Bande UHF Bande P Infrarouge Thermique Moyen Proche Visible Rouge Orange Jaune Vert Bleu Violet Ultra Violet Rayon X Rayon Gamma Longueur d’onde ( λ) Domaines Spectraux Fig. 2.1 – Spectre électromagnétique. 

 RAYONNEMENT ELECTROMAGN ETIQUE

 IR Thermique 3 – 100µm IR Moyen 1.1 – 3µm IR Proche 0.7 – 1.1µm Rouge 0.6 – 0.7µm Vert 0.5 – 0.6µm Bleu 0.4 – 0.5µm a) Infrarouge (IR) b) Visible Fig. 2.2 – Détails des domaines spectraux a) de l’Infrarouge et b) du Visible. Toute matière ayant une température supérieure au zéro absolu (−273.15˚C) émet un REM. Le corps noir est un objet théorique qui absorbe et ré-émet toute l’énergie électromagnétique qu’il reçoit. L’énergie totale émise M par un corps noir est liée à sa température absolu T par la loi de Stefan-Boltzmann : M = σT4 , o`u σ est la constante de Stefan-Boltzmann (Drury, 1993). Cependant, le domaine spectral d’émission de REM par un corps noir dépend de sa température (Figure 2.3). La surface terrestre a une température proche de 300˚K. Ainsi, tout corps noir situé à la surface de la terre émet un REM dans l’Infrarouge Thermique, et le maximum d’émission de REM est situé à 9.7µm. Par contre le soleil émet un REM entre 0.1 et 100 µm de la même manière qu’un corps noir dont la température serait de 6000˚K. Son maximum d’émission de REM est situé à 0.5µm. Ainsi le soleil est la plus grande source de REM pour la télédétection. Energie Visible Courbe d’émission du soleil (à 6000°K) Courbe d’émission de la terre (à 300°K) 0.3 1 10 100 Longueur d’onde (µm) Fig. 2.3 – Courbe d’emission spectrale du REM du soleil (à 6000˚K) et de la surface de la terre (à 300˚K). 2.1.1 Interaction Onde/Matière Lorsque le rayonnement solaire incident rencontre la surface terrestre, trois types d’interaction de l’énergie avec la matière sont possibles. L’énergie incidente EI (λ) est soit réfléchie, soit absorbée, soit transmise (Figure 2.4) : – Un corps qui reçoit une quantité de REM en transmet une partie ET (λ), créant ainsi un phénomène de transmission. Un objet transparent a une transmission élevée dans les longueurs d’onde du Visible. La surface d’eau pure est un exemple de surface susceptible de transmettre une partie du REM. – Un corps qui reçoit une énergie électromagnétique en absorbe une partie EA(λ). Ce phénomène s’appelle l’absorption. L’énergie absorbée est transformée et modifie l’énergie interne du corps. – Un corps qui reçoit une énergie électromagnétique en réfléchit une partie ER(λ) (exprimée en pourcentage d’énergie réfléchie). Ce phénomène est appelé la réflexion ou radiance. Lorsqu’il s’agit d’énergie solaire réfléchie par une surface terrestre, on parle d’albédo. La réflexion peut être spéculaire (Figure 2.5a), les angles d’incidence et de réflexion sont alors égaux et situés dans un plan perpendiculaire à la surface, ou diffuse lorsqu’elle est dirigée de manière identique dans toutes les directions (Figure 2.5b). Les propriétés de réflectance des différents corps à la surface terrestre (roches, champs, bˆatiments, lacs, …) peuvent être quantifiées en mesurant la part d’énergie incidente EI qui est réfléchie ER. Cette propriété est mesurée comme une fonction de la longueur d’onde λ et est appelée réflectance spectrale ρ(λ) : ρ(λ) = ER(λ) EI (λ) (2.1.1) La représentation graphique de la réflectance spectrale en fonction de la longueur d’onde est appelée signature spectrale (Figure 2.6). EI ER ET EA t Fig. 2.4 – Interaction du REM avec la surface. La loi de conservation de l’énergie appliquée à l’interaction entre ces énergies pour une longueur d’onde donnée λ peut s’écrire comme (Lillesand and Kiefer, 2000) : EI (λ) = ER(λ) + EA(λ) + ET (λ) (2.1.2) 

. RAYONNEMENT ELECTROMAGN ETIQUE 

Angle d’incidence Angle de réflexion θI θR θI = θR Fig. 2.5 – Illustration du phénomène de réflexion a) spéculaire et b) diffuse. Indépendamment de l’énergie incidente, tout corps émet un REM dépendant de la température de son corps (cf propriété d’un corps noir §2.1). C’est le phénomène d’émission (Figure 2.4). Fig. 2.6 – Exemple de la signature spectrale d’un échantillon de sable éolien de 0.4 à 2.5µm enregistrée sur le terrain. Le REM émis par le soleil, traverse une première fois l’atmosphère avant de se réfléchir sur la surface terrestre, puis retraverse alors l’atmosphère. Les capteurs dits passifs, enregistrent cette énergie réfléchie par la surface terrestre. Le REM solaire interagit donc avec l’atmosphère et la surface terrestre avant d’être enregistré par les capteurs. 

 Interaction Onde/Atmosphère 

Au cours du trajet du soleil à la surface de la terre, le rayonnement solaire incident peut être diffusé ou absorbé par les particules et les gaz présents dans l’atmosphère : – La diffusion se produit lors de l’interaction entre le rayonnement incident et les particules ou les grosses molécules de gaz présentes dans l’atmosphère. Les particules dévient le rayonnement de sa trajectoire initiale. Le niveau de diffusion dépend de plusieurs facteurs comme la longueur d’onde, la densité de particules et de molécules, et l’épaisseur de l’atmosphère à traverser. Trois types de diffusions ont été recensés (Lillesand and Kiefer, 2000) : 

La diffusion de Rayleigh se produit lorsque la taille des particules est inférieure à la longueur d’onde du rayonnement. Celles-ci peuvent être soit des particules de poussière ou des molécules d’azote ou d’oxygène. La diffusion de Rayleigh disperse et dévie de façon plus importante les courtes longueurs d’onde que les grandes longueurs d’onde. Cette forme de diffusion est prédominante dans les couches supérieures de l’atmosphère. Ce phénomène explique pourquoi nous percevons un ciel bleu durant la journée. Comme la lumière du soleil traverse l’atmosphère, les courtes longueurs d’onde (correspondant au bleu) du spectre visible sont dispersées et déviées de façon plus importante que les grandes longueurs d’onde.

La diffusion de Mie se produit lorsque la taille des particules est de l’ordre de la longueur d’onde du rayonnement. Ce type de diffusion est souvent produit par la poussière, le pollen, la fumée et les gouttes d’eau. Ce genre de diffusion affecte les plus grandes longueurs d’onde et se produit surtout dans les couches inférieures de l’atmosphère o`u les grosses particules sont plus abondantes. 

La diffusion ” non sélective ” qui se produit lorsque les particules (les gouttes d’eau et les grosses particules de poussière) sont beaucoup plus grosses que la longueur d’onde du rayonnement. Ce type de diffusion est appelé ”non sélective”, car toutes les longueurs d’onde sont dispersées. – Le phénomène d’absorption survient lorsque les grosses molécules de l’atmosphère (principalement l’ozone, le dioxyde de carbone et la vapeur d’eau) absorbent l’énergie dans plusieurs longueurs d’onde. L’ozone absorbe les rayons Ultraviolets. Le dioxyde de carbone absorbe une grande partie du rayonnement dans la portion Infrarouge Thermique du spectre et emprisonne la chaleur dans l’atmosphère. La vapeur d’eau dans l’atmosphère absorbe une grande partie du rayonnement Infrarouge de grandes longueurs d’onde et des hyperfréquences de petites longueurs d’onde qui entrent dans l’atmosphère (entre 22mm et 1m). Les domaines spectraux dans lesquels l’atmosphère a une transmission forte sont appelés fenêtres atmosphériques. Inversement les domaines spectraux dans lesquels l’atmosphère a une absorption forte sont appelés bandes d’absorption. La Figure 2.7 illustre l’émission de REM d’un corps noir à 6000˚K, l’émission de REM solaire enregistré au sommet de l’atmosphère, et enfin l’émission de REM solaire enregistré au niveau de la mer dans le domaine spectral du Visible et Proche Infrarouge. La réponse spectrale enregistrée au niveau de la mer met en évidence les bandes d’absorption de l’atmosphère entre 0.4 et 2.5µm (Figure 2.8). Les plus importantes sont situées à 1.4µm et 1.9µm, et sont principalement dues à l’eau (Figure 2.7 et 2.8).

Table des matières

1 Introduction Générale
2 Spectroscopie et Télédétection passive
2.1 Rayonnement électromagnétique
2.1.1 Interaction Onde/Matière
2.1.2 Interaction Onde/Atmosphère
2.1.3 Signature spectrale des surfaces
2.1.4 Le rayonnement électromagnétique Gamma
2.2 Les capteurs
2.2.1 Caractéristiques techniques des capteurs
2.2.2 Les capteurs multispectraux
2.2.2.1 A bord de LANDSAT
2.2.2.2 A bord de SPOT
2.2.2.3 ASTER
2.2.2.4 A bord de Clementine
2.2.2.5 HRSC
2.2.3 Les capteurs hyperspectraux
2.2.3.1 AVIRIS
2.2.3.2 CASI
2.2.3.3 HyMap
2.2.3.4 OMEGA
2.2.3.5 HYPERION
2.2.4 Spectromètre Gamma Aéroporté
2.3 Choix des données de télédétection
3 Méthodes d’analyse d’images pour la cartographie géologique
3.1 Cartographie de la géométrie des entités lithologiques
3.1.1 Réduction des données de télédétection
3.1.1.1 Analyse en Composantes Principales
3.1.1.2 Transformée en Fraction de Bruit Maximale
3.1.1.3 Applications
3.1.2 Classification Supervisée par Maximum de Vraisemblance
3.1.2.1 Principe
3.1.2.2 Initialisation des zones d’apprentissage
3.1.2.3 Estimateurs de qualité des résultats
3.2 Identification lithologique et Réalisation de cartes d’abondance
3.2.1 Méthode N-FINDR
3.2.2 Analyse en Composantes Indépendantes
3.2.2.1 Introduction
3.2.2.2 Principe
3.2.2.3 Séparation des sources par la méthode FAST-ICA 
3.2.2.4 Séparation des sources par la méthode Contextual-ICA
3.2.2.5 Séparation des sources par la méthode de Zibulevsky
3.2.2.6 Prétraitement des données
3.2.2. Applications et Discussion
3.2.3 Identification lithologique
3.2.4 Analyse de mélanges spectraux sous contraintes
3.2.4.1 Résolution du problème d’analyse de mélanges spectraux sous contraintes
3.2.4.2 Applications et Conclusions
3.3 Fusion de données multicapteurs
3.3.1 Fusion de données après analyse individuelle
3.3.2 Fusion de données par analyse simultanée
4 Cartographie des contours géologiques de Rehoboth (Namibie)
4.1 Présentation du site de Rehoboth
4.2 Prétraitements des données multicapteurs
4.3 Réduction de la dimension de l’étude
4.4 Classification supervisée
4.4.1 Initialisation des zones d’apprentissage
4.4.2 Classifications à partir de zones d’apprentissage carrées
4.4.2.1 Potentiel des données de radioéléments
4.4.2.2 Potentiel des données ASTER
4.4.2.3 Potentiel des données HYPERION
4.4.2.4 Potentiel de la fusion des données multicapteurs et Conclusions
4.4.3 Classifications à partir de zones d’apprentissage aléatoires
4.4.3.1 Potentiel des données de radioéléments
4.4.3.2 Potentiel des données ASTER
4.4.3.3 Potentiel des données HYPERION
4.4.3.4 Potentiel de la fusion des données multicapteurs
4.4.3.5 Conclusions
4.5 Compléments d’analyse du potentiel des données ASTER 1
4.6 Valeur géologique ajoutée
4. Conclusion
5 Cartographie lithologique de Rehoboth à l’échelle du pixel
5.1 Données spectrales enregistrées par spectroradiomètre GER300
5.1.1 Librairies spectrales in situ
5.1.2 Potentiels de discrimination lithologique des bandes spectrales GER300 et HYPERION entre deux calcaires
5.2 Données spectrales enregistrées par HYPERION et rapport S/B faible
5.3 Hypothèse de l’existence de pixels purs : méthode N-FINDR
5.3.1 Choix du nombre de composantes principales MNF HYPERION
5.3.2 Librairie spectrale pour l’identification des pôles purs
5.3.3 Librairie spectrale pour la quantification des composants
5.3.4 Effet du mélange lithologique
5.3.4.1 Existence de pixels purs
5.3.4.2 Absence de pixels purs
5.3.5 Effet de la pente
5.3.6 Bilan de l’utilisation de la méthode N-FINDR sur des données HYPERION
5.4 Hypothèse de mélanges lithologiques : méthode ACI
5.4.1 Validité de l’hypothèse d’indépendance des sources
5.4.2 Tests des méthodes ACI sur des données synthétiques
5.4.2.1 Potentiel de discrimination des méthodes ACI
5.4.2.2 Sensibilité des méthodes ACI
5.4.3 Séparation de sources sur les données HYPERION de Rehoboth
5.4.3.1 Choix du nombre de spectres à séparer
5.4.3.2 Effet du mélange lithologique
5.4.3.3 Effet de la pente
5.4.4 Bilan de l’utilisation de méthodes ACI sur des données HYPERION
5.5 Conclusion
6 Conclusion Générale
Bibliographie
Annexe
A Illustration de l’ACI
Annexe
B Publications

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