Prendre en compte les spécificités de représentation dans l’aménagement du territoire

Prendre en compte les spécificités de représentation dans l’aménagement du territoire

L’importance de ce sujet reposait sur la mise en avant de spécificités dans la représentation que les personnes en situation de handicap moteur se faisaient de la ville, afin de pouvoir les prendre en compte dans l’aménagement du territoire. Nous avons pu souligner le fait que les personnes en fauteuil roulant que nous avons interrogées se représentaient la ville à travers les espaces qui étaient plus ou moins accessibles, et que cela était dû en grande partie aux difficultés entrainées par les gênes dans le déplacement induites par l’« outil » fauteuil. Cependant à notre échelle et avec notre formation, nous ne pouvons pas proposer des améliorations sur les fauteuils en eux-mêmes. Il nous faut donc réfléchir à des leviers d’actions directement liés à l’aménagement du territoire, afin d’utiliser cette discipline comme compensation du handicap et dépasser l’outil de compensation qu’est le fauteuil. 

La compensation par le respect des lois

Un des points phares du discours des personnes interrogées et en lien avec l’aménagement était le respect, ou non-respect, des lois sur l’accessibilité, et leur application. Tous expliquent qu’aux endroits où les normes sont respectées, il n’y a pas de soucis de déplacements et d’accès aux établissements. Jeanne explique : « Ce qui m’agace le plus c’est le non-respect des lois j’ai envie de dire. La législation est très bien, mais le problème c’est qu’elle est pas forcément respectée. Y a des trottoirs qui sont mal faits alors qu’ils ont été fait après les lois, ceux qui les ont fait ils ont juste pas réfléchi deux minutes ». Il est souvent difficile de rendre les endroits déjà construits accessibles, car cela représente un coup important. Cependant, comme elle le dit très bien, les lieux réalisés après les lois se devraient d’être accessibles, d’autant plus que la mise en accessibilité est obligatoire et qu’il est couteux d’effectuer des travaux post-projet. Le problème des coûts élevés est largement répandu en aménagement du territoire, et comme le dit Cristel Helbert, ergothérapeute, « *Il+ y a un problème politique de financement. C’est-à-dire que tu peux faire des lois, si tu donnes pas les moyens pour les mettre en place c’est irréalisable. L’accessibilité ça a un coût voilà ». L’application des lois avant l’exécution du projet, avec la consultation de professionnels du handicap ou de personnes directement concernées lors de la phase de conception, semble une préconisation simple à poser, mais qui pourtant n’est pas encore spontanée dans la mise en place de projets. 

Un manque de sensibilisation

Comme cela a souvent été mis en avant dans les entretiens, les mentalités sur le handicap se sont beaucoup améliorées dans les dernières décennies, et les regards ont beaucoup changé, comme le remarque Henri : « le regard a évolué. Vous-même vous n’avez pas du tout le même regard sur les personnes avec une déficience que les gens de votre âge avaient à mon époque ». Cependant, il reste du chemin à parcourir, et l’incivilité est un point marquant relevé dans nos entretiens. Il semblerait que malgré les progrès, les personnes valides ne se rendent pas compte des gênes qu’elles peuvent occasionner avec des mauvaises habitudes du quotidien, comme se garer sur un trottoir ou oublier de rentrer se poubelle. Henri ajoute : « C’est toujours très long de faire changer les mentalités. Et  je pense que… oui les gens sont de bonne foi ils ne pensaient pas que ça allait pouvoir gêner quelqu’un… mais je pense que c’est aussi une question de bon sens ». Il repense alors aux solutions radicales qui ont été mises en place il y a quelques années concernant les places de parking réservées : « des PV comme à une époque pour les places de parking handicapé par exemple, elles étaient pas respectées, elles l’ont été quand l’amende est passée à 135 € ». Il s’agit dans ce cas d’une sensibilisation « active », « punitive », mais l’APF milite aujourd’hui afin de pouvoir sensibiliser de manière douce la population aux problèmes liés au handicap, comme en parle Patrice : « Je pense qu’une chose qui est intéressante c’est qu’il y a l’APF qui fait des journées de mobilisation, en mettant des fauteuils à disposition pour se rendre compte des obstacles ou même en situation avec des lunettes pour les malvoyants. Ça permet de voir l’accessibilité un petit peu autrement aussi ». Ces situations, si elles touchent peu de personnes par rapport à la population globale, permettent l’éducation de valides qui ainsi peuvent se sentir plus affectés par le handicap et l’accessibilité. Ce type de mise en situation est également réalisé par Mobile en ville, l’association dont font partie Nicolas et Jeanne. Elle permet la sensibilisation dans les entreprises, les écoles, les mairies… et provoque ces publics à se rendre compte de ce qu’entraine le fauteuil. Pour les entreprises et les mairies, c’est également un moyen de les mettre face à l’accessibilité et à l’intégrer dans les projets. Pour conclure, les mentalités ont déjà beaucoup évolué mais la population, même si elle comprend les difficultés liées au handicap, ne va pas toujours penser aux problèmes liés à des mauvais comportements, comme stationner sur un trottoir. Les mises en situation proposées notamment par Mobile en Ville et l’APF sont des bons moyens de sensibiliser la population et les professionnels au handicap et à l’accessibilité, et de compenser le handicap. Cependant la sensibilisation en général ne pourra pas être considérée comme assez développée et efficace tant que le manque de civisme de la population sera un frein à la pratique de la ville des personnes en situation de handicap.

L’accessibilité, facilitatrice de la vie quotidienne de tous

Dans la sous-partie précédente, Henri a évoqué le fait que le civisme, en lien avec l’accessibilité des trottoirs notamment, ne devait pas uniquement être pensé pour les personnes handicapées : « on pense aux personnes handicapées mais on pourrait penser que la mère de famille avec sa poussette qui va se mettre en danger en traversant la route au mauvais endroit parce qu’une voiture se sera garée sur le passage clouté ». Cette citation reflète l’idée que l’accessibilité n’est pas uniquement une notion liée aux personnes handicapées, mais qu’elle peut être facilitatrice également pour les valides. La problématique est posée pour les personnes handicapées mais peut servir aux valides. Ce point est également abordé par Nicolas, qui rappelle le cas des bus parisiens : « on s’est battu et mobile en ville en particulier pour la mise en accessibilité des bus parisiens, donc les bus il y avait des marches, mais maintenant tous les bus ont un plancher plat *…+ Essayez maintenant de remettre des bus d’il y a 15 ans, de remettre des marches, les parisiens ça serait une colère monstrueuse, ça manifesterait dans tous les sens ». Il a aussi rapporté que dans les statistiques de la RATP se remarquait une baisse des accidents des voyageurs après l’abaissement du plancher des bus, grâce à la diminution du risque lié aux marches, notamment par temps de pluie. Il conclut en disant : « finalement on a servi d’excuse, on a servi de tête de turc, c’est pour eux qu’on va faire ça, qu’on va dépenser des sous, mais finalement tout le monde maintenant en profite ».  Ainsi, penser la ville en fonction des personnes en situation de handicap serait peut-être une solution intéressante pour la rendre agréable et facile à vivre pour tous, mais également y augmenter la sécurité et la qualité de vie. Voir l’accessibilité comme bénéfique à la Ville et non aux personnes en situation de handicap pourrait peut-être également apporter aux décideurs un « intérêt personnel », et ainsi faciliter les décisions et la mise en place de financement.

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