Prise en charge de l’asthme

Prise en charge de l’asthme

Presque tous les patients reçus pour une crise d’asthme avaient bénéficié, en urgence, d’une administration de β2-mimétiques d’action rapide dilué dans du sérum physiologique en nébulisation. Soixante-sept asthmatiques (93%) avaient regagné leur domicile avec une prescription. Les β2 agonistes inhalés par aérosol doseur étaient fréquemment prescrits (95,4%). La corticothérapie orale était instaurée chez tous les patients qui étaient reçus pour une crise d’asthme. Seuls 5 (6,9%) d’entre eux avaient bénéficié d’une surveillance pendant quelques heures et un seul était transféré vers une structure de réanimation. Tous les patients qui présentaient un asthme persistant (48,9%) repartaient avec un traitement de fond. Ce dernier était fait d’une association fixe de CSI et de β2+LP inhalés ou de CSI seul en suivant les recommandations de la GINA. La corticothérapie orale était instaurée chez les patients qui présentaient un asthme persistant sévère. L’antibiothérapie, les IPP et la corticothérapie en pulvérisation nasale étaient prescrits selon les indications. Certains malades non coopérants aux présentations sous forme de spray avaient bénéficié de la prescription de β2-mimétiques LP per os ou de théophylline per os. 64 L’évolution immédiate chez ces patients était marquée en général par une rémission de la crise d’asthme et ne nécessitait pas une hospitalisation.

DISCUSSION 

L’asthme est une maladie inflammatoire chronique des bronches qui se manifeste, dans sa forme clinique typique, par des épisodes récurrents de dyspnée sifflante, qui traduisent un trouble ventilatoire obstructif, variable dans le temps, et réversible (tout au moins partiellement) soit spontanément, soit sous traitement bronchodilatateur. L’étiologie de l’asthme reste à ce jour non clairement élucidée. L’asthme résulte d’interactions complexes entre des facteurs génétiques et des facteurs environnementaux. [2] Nous avons recruté, de Janvier à Mars 2013, les asthmatiques connus, suivis ou diagnostiqués dans le service de pneumologie du CHNU FANN. L’étude avait inclus 116 patients sur environ 1280 consultations soit une fréquence de 9,1%. En 1998, Bâ [11] avait noté, dans le même service, un taux d’asthmatiques moins élevé de 8,2% sur une année. Cette différence pourrait s’expliquer par la période au cours de laquelle notre étude a été faite (variations climatiques). Un autre travail fait dans la même structure sanitaire, pendant une durée identique serait intéressante pour juger de l’évolution du taux de prévalence. Ce, d’autant qu’entre 1998 et 2013, l’exposition aux allergènes et à la pollution s’est accentuée. Dans les séries africaines [23, 42], les taux étaient de 2,9 % à Abidjan et 8,2% au Mali. Au Mali, dans une étude réalisée par KAYANTAO et coll. [40], la prévalence de l’asthme était de 14,9% à l’Hôpital du Point-G de Bamako sur une année. Au Burkina Faso, MININGOU et coll. [52] avaient retrouvé une prévalence de l’asthme de 9,6% en 1998. Toutes ces études avaient duré plus longtemps que la nôtre. Aux Etats-Unis, depuis 1960, on note une augmentation d’environ 50% tous les dix ans (2,6 à 12%) [37]. Notre travail comme ceux de Djankiné au Mali [40] et de Koffi à Abidjan [42] notait une prédominance féminine (respectivement 63,7%, 55,7% et 59%), alors que Diallo au Mali [23] (sex-ratio=1,2) retrouvait une prédominance masculine. A l’âge adulte, la prédominance féminine est la règle [43]. 67 L’âge moyen de notre population d’étude était de 36 ans (extrêmes : 15 – 75) supérieur aux 27ans de Koffi à Abidjan [42], aux 31 ans de Diallo [23] et Djankiné au Mali [40] et aux 31.2 ans de SAAD en Tunisie [74]. Les sujets de 15-30 ans représentaient 45,7% des patients. Nos résultats corroboraient ceux des autres séries africaines notamment au Mali pour Diallo [23] (16-30 ans : 37,4%) et Kayentao [40] (19-28 ans : 42,8%) ; Koffi à Abidjan [42] (<30 ans : 51,2%). Par contre, pour N’gom [58] toujours à Abidjan c’est la tranche d’âge 20-49 ans qui prédominait (45,4%). Cette prédominance de l’asthme à ces âges, notée dans les séries africaines prouve qu’elle est une maladie du sujet jeune. Par ailleurs, on notait 7,76% d’asthmatiques âgés de plus de 61 ans. Ce constat témoigne de la réalité de « l’asthme de novo » et/ou d’un retard de consultation et/ou de diagnostic lié en partie à la difficulté d’accès aux structures spécialisées. La majorité des asthmatiques habitait Dakar et sa banlieue soit 67,2%, avec 32,7%) venant des régions hors de Dakar. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que Dakar abrite 22,4% de la totalité de la population sénégalaise avec une densité de population de 4251 habitants au Km2 en 2004, contre une moyenne nationale de 53habitants au km2. Elle est ainsi la région la plus peuplée du Sénégal [53]. De plus les allergènes ainsi que les autres facteurs étiologiques de l’asthme sont ubiquitaires. La majorité de notre échantillon était scolarisée et près de la moitié (41,4%) s’arrêtaient au cycle secondaire. Seul 12,9% n’étaient pas instruits. La plupart des patients évoluait dans le secteur informel (44,8%) et n’avait pas de revenus mensuels, supérieurs au SMIG au Sénégal (SMIG= 40000 FCFA= 61€). Nous avons noté 3,4% d’asthmatiques sans profession, proches des 4,7% de Koffi à Abidjan [42]. Ce jeune âge, le bas niveau d’instruction, le statut matrimonial, le statut professionnel peu formel témoignent d’un bas niveau socio-économique et 68 présagent des difficultés dans la réalisation des explorations de la maladie et dans la prise en charge globale. Sept patients (3,4%) étaient fumeurs permanents et 2,6% des ex-fumeurs. Ce taux était nettement inférieur à ceux notés dans la littérature notamment, au Sénégal avec NDIAYE [56] qui retrouvait 20 (25%), au Mali avec Diallo [23] qui en retrouvait 17 (13%), au canada avec LEMIERE et AL qui retrouvait 20 à 30% [45] et Kayentao [40] qui en rapportait 10 (16,4%). Près du tiers des patients (27,6%) était exposé à un tabagisme passif et ceci pendant au moins 15 ans. L’enfumeur était familial et/ou professionnel dans 100% des cas. En effet, la fumée de tabac provoque une inflammation des voies aériennes avec une hypersécrétion de mucus, une paralysie du tapis muco-ciliaire et un recrutement des cellules inflammatoires, le tout entrainant une hyperréactivité bronchique non spécifique. L’exposition à la fumée de la cigarette serait un facteur de risque de la sensibilisation et d’accélération du développement de l’asthme. L’exposition même à court terme pourrait abaisser le seuil de sensibilisation aux allergènes [85]. L’association asthme et HTA retrouvée dans 12 cas soit (10,3%) était également notée, en Tunisie avec Aouadi (15%) et [10] et Saad [74] (4,1%). Cette association avait une incidence dans le diagnostic et la prise en charge de l’asthme. Ce qui justifierait la nécessité de la spirométrie dans le diagnostic de l’asthme et l’intérêt des thérapeutiques inhalés. Une notion d’atopie familiale était retrouvée chez 61 malades (52,6%). Plus de la moitié de la population d’étude (52,5%) signalaient un tableau d’allergie qui était alimentaire dans 33,6% des cas et concernait surtout les fruits de mer et/ou l’arachide. L’asthme et l’allergie alimentaire, affections de plus en plus fréquentes, sont étroitement imbriqués [26]. Aussi l’identification d’un trophallergène pour une éventuelle éviction est essentielle dans la prise en charge de l’asthme. La majeure partie des patients (76,7% : 89 cas) présentait au moins un cas d’asthme dans leur famille dont 67,4% apparenté au premier degré. Diallo [23] 69 et Kayentao au Mali [40], Amon Tanoh Dick à Abidjan [8] rapportaient des résultats similaires dans des proportions respectives de 46,6%, 65,6% et 42%. Ces résultats confirment que les antécédents familiaux d’asthme exposent à cette affection. Ce phénomène corrobore les travaux de Burrows en 1995. Il notait que 30% des enfants dont un des parents était asthmatique et 50% des enfants dont les deux parents étaient asthmatiques devenaient asthmatiques [15, 37]. Près de la moitié des malades (n=51 soit 44%) étaient régulièrement suivie par un pneumologue et la majorité était même sous traitement de fond. La durée moyenne de suivi était de 15 ans. La prise en charge de l’asthmatique impose un suivi régulier. En effet, l’évaluation du traitement de fond et la vérification des techniques de prise des médicaments au cours du suivi constituent des étapes essentielles de la construction d’une relation thérapeutique favorisant l’observance [20]. Dans les six mois précédents, les trois quart des patients (75,8%) avaient consulté pour une crise d’asthme au moins une fois, dont huit (6,9%) avaient été reçus aux urgences au moins dix (10). Les asthmatiques étaient reçus dans un tableau d’exacerbation aiguë dans 62,1% des cas. Dans notre étude comme dans celle de Park en Corée [61], les symptômes étaient surtout dominés par la gêne respiratoire (respectivement 66,4%, 87%) et la toux (64,7%, 82,4%). Dans les séries de Saad en Tunisie [74] et Ronmark en Suisse [72], la gêne respiratoire constituait le maître symptôme de la maladie asthmatique (respectivement 93,8%, 99%). La toux était rapportée par Saad en Tunisie [74] dans 26,3%. Ainsi, chez un patient nonfumeur, ne prenant pas d’inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, avec une radiographie thoracique normale et sans arguments d’une toux post virale, il est licite d’évoquer en priorité un asthme [16]. L’examen physique objectivait des râles sibilants et/ou des ronchi dans respectivement 54,3% et 37% des cas. La rhinite était notée chez trente-trois 70 patients (28,4%). En effet, dans notre contexte, nous constatons que les asthmatiques consultaient surtout quand ils présentaient une crise aigüe. Plus de la moitié des asthmatiques (63 soit 54,3%) avait bénéficié d’une radiographie du thorax de face qui montrait des anomalies sur 12 clichés (19%), à type de distension thoracique (75%) et de syndrome alvéolaire (15%). Saad [74] en Tunisie corroborait nos résultats avec 34% de cas de distension thoracique. Pendant que Kayentao [40], au Mali, ne retrouvait aucune anomalie radiologique. En effet, la radiographie thoracique a peu d’impact sur les décisions thérapeutiques immédiates. Elle est surtout utile lorsqu’on suspecte une complication (surinfection ou pneumothorax). La spirométrie était réalisée pour 54,3% des patients (n=63) et montrait pour la majorité un TVO réversible après inhalation de Bètha2 mimétique alors qu’elle était faite dans 40 % des cas (n=51 patients) dans la série de koffi à Abidjan [42]. Une étude en Seine Maritime [12] (France), montre que 34,7 % des asthmatiques n’avaient jamais bénéficié d’une spirométrie. De même qu’à l’Île de la Réunion (France) [60], seuls 31 % des asthmatiques avaient bénéficié d’une spirométrie. Pour certains auteurs [67, 77, 79], il y a fréquemment une dissociation entre la perception de la dyspnée par l’asthmatique, l’évaluation clinique des symptômes par le médecin et la réalité des troubles ventilatoires obstructifs diagnostiqués par le spiromètre. D’autres auteurs [7, 68,70] soutiennent que les examens spirométriques sont nécessaires pour le diagnostic de l’asthme, en particulier dans ses formes présumées mineures ou atypiques, pour l’évaluation de sa sévérité et pour la surveillance de son évolution. Nos résultats montrent que les EFR ne sont pas toujours réalisées malgré leur prescription. Dans tous les cas, il faudrait les rendre accessibles parce  qu’elles constituent une des clés du diagnostic et sont d’un grand apport dans la classification et le suivi de l’asthme. Aucun de nos patients n’avait bénéficié d’une gazométrie artérielle même en cas de crise d’asthme aiguë. Les TCA étaient positifs chez six de nos patients, nettement inférieurs aux 21 cas (16, 5%) de Koffi à Abidjan [42]. Ces chiffres témoignent de la sousutilisation des TCA alors qu’ils peuvent donner une orientation étiologique. En effet, l’asthme sévère est allergique. Les études épidémiologiques retrouvent au cours de l’asthme sévère une prévalence de la positivité des tests cutanés souvent supérieure à 80 % [47]. Par conséquent, devant tout asthme persistant sévère, le bilan allergollogique doit être de mise mais orienté par un interrogatoire minutieux qui permettra de choisir de bonnes batteries d’allergènes. Quel que soit l’importance de l’examen complémentaire, il ne doit pas être effectué lors de l’évaluation initiale de l’asthme et ne doit donc pas retarder la prise en charge. Cinq des patients reçus pour une crise d’asthme aiguë (4,3%) présentaient des signes cliniques de gravité mettant en jeu le pronostic vital. Le plus souvent, la gravité d’une crise est très mal appréciée par le malade qui va consulter tard ou par le médecin qui instaure des mesures thérapeutiques inadaptées. Ce qui explique le taux élevé de décès par AAG survenant le plus souvent en dehors de l’hôpital. Ces observations soulignent l’intérêt d’une reconnaissance précoce par le patient et/ou son entourage des terrains à risque d’AAG, qui, associée à une évaluation soigneuse de la gravité de la crise, devraient aboutir à une prise en charge précoce et adaptée avant l’installation des signes de gravité. Les polluants domestiques étaient fréquemment cités parmi les facteurs déclenchant la crise d’asthme notamment l’encens (69%), la poussière de maison et de stockage (75,%), les variation climatiques notamment au cours de la saison froide (54,3%), l’humidité (55,1%) et le tabagisme passif familial (66,3%). Les facteurs digestifs (RGO, UGD) étaient évoqués dans 6,9% des cas, 72 l’IRA dans 4,3% des cas et la non observance au traitement de fond dans 19% des cas. Nos résultats étaient superposables à ceux de Koffi [42] à Abidjan et kayentao [40] au Mali qui évoquaient surtout la poussière dans respectivement 15,4% et 100% des cas ; seule ou associée à d’autres facteurs tels que l’humidité, la fumée, et l’effort physique. Alors que dans l’étude de Sanfiorenzo en France [75], les exacerbations étaient surtout déclenchées par les médicaments, essentiellement les AINS et les bêtabloquants. La prévention des exacerbations devrait passer par une bonne prise en charge du RGO et des infections respiratoires aigues notamment ORL, un traitement du milieu pour l’éradication des nids d’acariens et des autres polluants domestiques, l’éviction des médicaments réactogènes (AINS,βbloquant), une lutte antitabac sans oublier la prescription de médicaments accessibles financièrement. Il faudrait également éduquer les patients à une auto-surveillance de la variabilité du DEP et former tout le personnel soignant de la pyramide sanitaire.

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