Profil bactériologique et fréquence de résistance aux antibiotiques de l’infection du pied diabétique

Le pied diabétique regroupe l’ensemble des manifestations pathologiques atteignant le membre inférieur chez le sujet diabétique [1]. Il constitue un véritable carrefour des principales complications neurologiques, vasculaires et infectieuses consécutives au diabète. Il représente un enjeu de santé publique par son poids économique et son retentissement grave sur la qualité de vie des patients. Les statistiques annoncent que 50% à 70% des amputations non traumatiques des membres inférieurs sont réalisées chez les patients diabétiques et que près de 70% de ces sujets décèdent dans les cinq ans qui suivent l’amputation. Par ailleurs, l’impact psychologique et socio-économique du pied diabétique est considérable. Il représente une part importante des dépenses consacrées au diabète [2].

L’infection du pied diabétique est une complication fréquente et redoutable. Elle constitue un facteur de risque majeur d’amputation et reste parmi les principales causes d’hospitalisation des diabétiques [3]. Une étude a démontré que le risque d’hospitalisation et d’amputation du membre inférieur était respectivement 56 et 155 fois plus important pour les patients diabétiques présentant une infection du pied que pour ceux qui en étaient exempts [4].

L’infection du pied diabétique est aussi une cause non négligeable d’antibiothérapie non justifiée et participe à ce titre à l’aggravation de la résistance bactérienne et à son extension au travers des soins. Il est donc primordial de connaitre l’écologie bactérienne des infections du pied diabétique dans les institutions de santé pour permettre une prise en charge adéquate et un usage optimale des antibiotiques, avec l’espoir de réduire le risque d’amputation et d’émergence de bactéries multi résistantes.

Analyse microbiologique

Isolement et identification des bactéries

L’examen direct après coloration de Gram a renseigné sur la morphologie des bactéries, leur groupement et sur leur affinité tinctoriale. En cas d’infection anaérobie, il a montré une flore bactérienne abondante et polymorphe. La mise en culture a été faite sur une gélose au mannitol (Chapman), une gélose columbia à 5% de sang de mouton et sur une gélose au sang de cheval cuit additionné d’un mélange vitaminique. Chacun de ces milieux a été ensemencé en cadrant puis incubé à 37°C en atmosphère aérobie à 5% pendant 24h à 48h à l’étuve. L’identification des souches bactériennes a été basée sur l’étude des caractères de la famille bactérienne, leurs caractères morphologiques, culturaux et biochimiques. L’identification précise des bactéries (genre et espèce) a été réalisée par méthode automatisée sur Phoenix 100 de Becton Dickinson (Figure1). La détection des phénotypes de résistance a été complétée par la méthode conventionnelle de diffusion des disques en milieu gélosé. Les critères de lecture et d’interprétation sont ceux du comité de l’antibiogramme de l’association française de microbiologie (CASFM/EUCAST 2015) [5].

Étude de la sensibilité aux antibiotiques

Pour chaque souche, la sensibilité a été déterminée par un antibiogramme automatisé (Phoenix 100) en milieu liquide, ou par antibiogramme standard par écouvillonnage selon la méthode de diffusion en milieu gélosé Mueller-Hinton.

Méthode automatique :
Le Phoenix 100 est l’automate d’analyse utilisé en routine au laboratoire de l’HMA. C’est un système d’identification automatisé qui permet en plus de l’identification précise des souches bactériennes, la détermination de leur sensibilité à une large gamme d’antibiotiques par la méthode des concentrations minimales inhibitrices (CMI).

Antibiogramme standard: Méthode de la diffusion en milieu gélosé.
Une ou plusieurs boite(s) selon les cas, contenant le milieu Mueller-Hinton spécifiquement destiné à cette méthode, sont inoculées par inondation à l’aide de la suspension bactérienne préalablement calibrée. Les disques imprégnés d’antibiotiques sont alors disposés à la surface de la gélose et l’antibiotique diffuse très rapidement de manière concentrique autour de chaque disque. Les boites peuvent alors être mises en incubation à 37°C dans les conditions requises (atmosphère ambiante, sous tension réduite en O2, en anaérobiose…).

La lecture consiste à mesurer les diamètres d’inhibition de la culture autour de chaque disque manuellement (double décimètre ou pied à coulisse).

Détection des bactéries multirésistantes

Dans notre étude, la recherche des bactéries multirésistantes (BMR) a concerné :
– Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM).
– SARM résistant aux glycopeptides.
– Enterococcus faecium résistant aux glycopeptides.
– Les entérobactéries résistantes aux céphalosporines de troisième génération (C3G) par production de bêtalactamase à spectre élargi (BLSE) ou de céphalosporinase.
– Les entérobactéries résistantes aux carbapénèmes.
– Pseudomonas aeruginosa résistant à la ceftazidime et/ou aux carbapénèmes.
– Acinetobacter baumannii multirésistant aux bétalactamines.

Détection du caractère BLSE

Test de synergie
Le test de synergie repose sur l’inhibition partielle de la BLSE par les inhibiteurs des pénicillinases comme l’acide clavulanique. La recherche du phénotype BLSE est réalisée sur l’antibiogramme en plaçant les disques de Céfotaxime (30μg) et de ceftazidime (30 μg) à une distance de 20-30 mm (de centre à centre) d’un disque d’amoxicilline / acide clavulanique (20/10 μg). Ceci permet de mettre en évidence (après incubation de 24 h à 37°C) une augmentation très nette du diamètre d’inhibition des disques contenant les C3G en regard du disque contenant l’acide clavulanique / amoxicilline, prenant ainsi la forme d’un «bouchon de champagne » pour les souches productrices de BLSE.

Méthode des disques combinés
Cette méthode consiste à placer sur une gélose Mueller-Hinton préalablement inoculée avec une suspension bactérienne ajustée à 0,5 Mac Farland, 2 couples d’antibiotiques ; un disque de céfotaxime en regard d’un disque de céfotaxime / acide clavulanique à une distance de 25 mm (de centre à centre), et un disque de ceftazidime en regard d’un disque de ceftazidime / Acide clavulanique (même distance). Une augmentation ≥ à 5 mm du diamètre d’inhibition des disques contenant l’acide clavulanique par rapport à ceux qui n’en contiennent pas, est en faveur de la présence d’une BLSE.

Test à la Cloxacilline
Principe
Sur un milieu Mueller-Hinton pour antibiogramme, l’ajout de la cloxacilline inhibe très fortement les céphalosporines de la classe A d’Ambler. Ce test permet alors d’identifier une BLSE associée à une céphalosporinase déréprimée. La comparaison des boites de Pétri contenant la cloxacilline sur le milieu Mueller-Hinton note la restauration de l’activité des bêtalactamases et l’apparition de l’image de synergie en bouchon de champagne, confirmant la présence d’un tel mécanisme de résistance.

Technique
La cloxacilline, inhibiteur de céphalosporinases, est incorporée dans la gélose MuellerHinton. Un disque contenant la ticarcilline / acide clavulanique est placé au centre et à 20 mm de celui-ci sont placés les disques de céfotaxime et de ceftazidime. Les souches productrices de BLSE présentent une synergie entre les disques de ceftazidime et /ou céfotaxime et le disque ticarcilline / acide clavulanique.

Détection de la méticillinorésistance
Pour détecter la méticillinorésistance, la méthode effectuée consiste à déposer un disque céfoxitine (30μg), sur une gélose Mueller-Hinton ensemencée avec un inoculum lourd (107UFC\ml) et incubée à 37°C. La lecture est effectuée après 48 heures d’incubation. Les Staphylococcus aureus caractérisés par des CMI de la céfoxitine >4 mg/L sont résistants à la méticilline.

Résistance aux carbapénèmes
Toute souche d’entérobactérie possédant une diminution de sensibilité à l’ertapénème (CMI ≥0,5 mg/L ou un diamètre d’inhibition < 25 mm; disques de 10 µg) par test de diffusion en gélose a été considérée comme suspecte d’entérobactérie productrice de carbapénémase (CASFM/EUCAST 2015). Pour améliorer la sensibilité de détection de la production de carbapénèmase, 2 carbapénèmes différents : imipénème et ertapénème ont été testés.

Table des matières

INTRODUCTION
MATÉRIELS ET MÉTHODES
I. Type et cadre d’étude
II. Méthodologie
1. Modalités de recueil des données
2. Prélèvements bactériologiques
3. Analyse microbiologique
4. Analyse statistique
RÉSULTATS
I. Données épidémiologiques
1. Age
2. Sexe
3. Type de diabète
4. Ancienneté du diabète
5. Présence d’amputation antérieure
II. Données microbiologiques
1. Types de prélèvement
2. Examen direct
3. Culture microbienne
4. Profil microbiologique
5. Résistance bactérienne
6. Bactéries multirésistantes
DISCUSSION
I. Rappels
1. Définition
2. Physiopathologie
3. Évaluation clinique et classifications
4. Analyse Microbiologique
5. Apport des autres examens paracliniques
6. Prise en charge thérapeutique
II. Discussion des résultats
1. Données démographiques des patients
2. Modalités de prélèvements
3. Profil bactériologique
4. Résistance bactérienne
CONCLUSION

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