Quelle est la fin principale de la république bien ordonnée ?

Quelle est la fin principale de la république bien ordonnée

République est un droit gouvernement de plusieurs mÈnages, et de ce qui leur est commun, avec puissance souveraine. Nous mettons cette dÈfinition en premier lieu, parce qu’il faut chercher en toutes choses la fin principale, et puis aprËs les moyens d’y parvenir. Or, la dÈfinition n’est autre chose que la fin du sujet qui se prÈsente†: et si elle n’est bien fondÈe, tout ce qui sera b‚ti sur [elle] se ruinera bientÙt aprËs. Et [bien que] celui qui a trouvÈ la fin de ce qui est mis en avant, ne trouve pas toujours les moyens d’y parvenir, non plus que le mauvais archer, qui voit le blanc et n’y vise pas, nÈanmoins, avec l’adresse et la peine qu’il emploiera, il y pourra frapper, ou approcher, et ne sera pas moins estimÈ, s’il ne touche au but, pourvu qu’il fasse tout ce qu’il doit pour y atteindre. Mais qui ne sait la fin et dÈfini-[p. 58] tion du sujet qui lui est proposÈ, celui-l‡ est hors d’espÈrance de trouver jamais les moyens d’y parvenir, non plus que celui qui donne en l’air sans voir la butte. DÈduisons donc par le menu les parties de la dÈfinition, que nous avons posÈe.

Nous avons dit en premier lieu, droit gouvernement, pour la diffÈrence qu’il y a entre les RÈpubliques et les troupes des voleurs et pirates, avec lesquels on ne doit avoir part, ni commerce, ni alliance, comme il a toujours ÈtÈ gardÈ en toute RÈpublique bien ordonnÈe. Quand il a ÈtÈ question de donner la foi, traiter la paix, dÈnoncer la guerre, accorder ligues offensives, ou dÈfensives, borner les frontiËres, et dÈcider les diffÈrends entre les Princes et Seigneurs souverains, on n’y a jamais compris les voleurs, ni leur suite, si peut-Ítre cela ne s’est fait par nÈcessitÈ forcÈe, qui n’est point sujette ‡ la discrÈtion des lois humaines, lesquelles ont toujours sÈparÈ les brigands et corsaires d’avec ceux que nous disons droits ennemis en fait de guerre, qui maintiennent leurs Ètats et RÈpubliques par voie de justice, de laquelle les brigands et corsaires cherchent l’Èversion et [la] ruine. C’est pourquoi ils ne doivent jouir du droit de guerre commun ‡ tous peuples, ni se prÈvaloir des lois que les vainqueurs donnent aux vaincus. Et mÍme la loi n’a pas voulu que celui qui tomberait entre leurs mains, perdÓt un seul point de sa libertÈ, ou qu’il ne p°t faire testament, et tous actes lÈgitimes, que ne pouvait celui qui Ètait captif des ennemis, comme Ètant leur esclave, qui perdait sa libertÈ et la puissance domestique sur les siens. Et si on dit que la loi veut qu’on rende au voleur le gage, le dÈpÙt, la chose empruntÈe, et qu’il soit ressaisi des choses par lui occupÈes injustement sur autrui, s’il en est dÈpouillÈ par violence, il y a double raison†; l’une, que le brigand mÈrite qu’on ait Ègard ‡ lui, quand il vient faire hommage au magistrat, et se [p. 59] rend sous l’obÈissance des lois pour demander et recevoir justice†; l’autre que cela ne se fait pas tant en faveur des brigands, qu’en haine de celui qui veut retenir le sacrÈ dÈpÙt, ou qui procËde par voie de fait ayant la justice en main. Et quant au premier, nous en avons assez d’exemples, mais il n’y en a point de plus mÈmorable que d’Auguste l’Empereur, qui fit publier ‡ son de trompe qu’il donnerait quinze mille Ècus ‡ celui qui prendrait Crocotas, chef des voleurs en Espagne. De quoi averti, Crocotas se reprÈsente lui-mÍme ‡ l’Empereur, et lui demande quinze mille Ècus. Auguste les lui fit payer, et lui donna sa gr‚ce afin qu’on ne pens‚t point qu’il ne voul°t lui Ùter la vie pour le frustrer du loyer promis, et que la foi et s°retÈ publique f°t gardÈe ‡ celui qui venait en justice, [alors] qu’il pouvait procÈder contre lui, et lui faire son procËs. Mais qui voudrait user du droit commun envers les corsaires et voleurs, comme avec les droits ennemis, il ferait une pÈrilleuse ouverture ‡ tous vagabonds de se joindre aux brigands, et assurer leurs actions et ligues capitales sous le voile de justice. Non pas qu’il soit impossible de faire un bon Prince d’un voleur, ou d’un corsaire un bon Roi. Et tel pirate y a, qui mÈrite mieux d’Ítre appelÈ Roi, que plusieurs qui ont portÈ les sceptres et diadËmes, qui n’ont excuse vÈritable, ni vraisemblable, des voleries et cruautÈs qu’ils font souffrir aux sujets, comme disait DÈmÈtrius le corsaire au Roi Alexandre le grand, qu’il n’avait appris autre mÈtier de son pËre, ni hÈritÈ pour tout bien que deux frÈgates. Mais quant ‡ lui, qui bl‚mait la piratique, il ravageait nÈanmoins, et brigandait avec deux puissantes armÈes, par mer et par terre, encore qu’il e°t de son pËre un grand et florissant Royaume, ce qui Èmut Alexandre plutÙt ‡ un remords de conscience, qu’‡ venger le juste reproche ‡ lui fait par un Ècumeur, qu’il fit alors capitaine en chef d’une lÈgion. Comme [p. 60] de notre ‚ge, Sultan Suliman appela ‡ son conseil les deux plus nobles corsaires de mÈmoire d’hommes Ariadin Barberousse et Dragut Reis, faisant l’un et l’autre Amiral et Bascha, tant pour nettoyer la mer des autres pirates, que pour assurer son Ètat, et le cours du trafic. Ce moyen d’attirer les chefs des pirates au port de vertu est et sera toujours louable, non seulement afin de ne rÈduire point tels gens au dÈsespoir d’envahir l’Ètat des Princes, [mais] aussi pour ruiner les autres, comme ennemis du genre humain. Et quoiqu’ils semblent vivre en amitiÈ et sociÈtÈ, partageant Ègalement le butin, comme on disait de Bargule et de Viriat, nÈanmoins, cela ne doit Ítre appelÈ sociÈtÈ, ni amitiÈ, ni partage en termes de droit, [mais] conjurations, voleries, et pillages†: car le principal point, auquel gÓt la vraie marque d’amitiÈ, leur [fait] dÈfaut, c’est ‡ savoir, le droit gouvernement selon les lois de nature.

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