Reconstitution de la variabilité climatique

Reconstitution de la variabilité climatique

Dans ce chapitre, j’ai reconstruit les changements climatiques qui ont affecté la marge sudchilienne depuis la dernière période glaciaire en combinant la minéralogie des cortèges argileux, la géochimie élémentaire et la granulométrie afin de restituer la dynamique des glaciers, les changements dans le régime des précipitations et des vents d’ouest. Les premières études sur les reconstructions paléo-climatiques en Patagonie se sont basées sur l’établissement d’une chronologie des avancées des glaciers andins (Caldénius, 1932) et sur les changements de végétations à partir de données polliniques (Auer, 1933). La reconstruction de la variabilité des calottes patagoniennes par l’identification des phases d’extension et de retraite des glaciers constitue une approche solide en climatologie car elles forment les plus larges réservoirs d’eau en dehors des régions polaires et sont extrêmement sensibles aux changements de température et aux alternances du régime de précipitations (Casassa et al., 2000). Dans le contexte particulier qu’occupe la Patagonie, le climat est essentiellement contrôlé par l’intensité et la position de la cellule des vents dominants puisque l’Amérique du Sud est la seule masse continentale qui intercepte l’intégralité de la ceinture des Westerlies (SWW). Les nombreuses études qui se sont développées dès lors se sont axées sur la variabilité dans la position et l’intensité de la SWW par l’utilisation d’indicateurs des précipitations et par les changements dans les températures des eaux de surface, en lien direct avec le courant circumpolaire Antarctique (Gilli et al., 2005 ; Sepúlveda et al., 2009 ; Tonello et al., 2009 ; Waldmann et al., 2009 ; Lamy et al., 2010 ; Moreno et al., 2010 ; Fletcher et Moreno, 2011). Cependant, en raison des forts gradients de précipitations nord-sud et ouest-est qui contrôlent la distribution de l’humidité sur le continent sudaméricain, les signaux sont très souvent locaux car les indicateurs utilisés sont difficilement corrélables entre eux. La multiplication des travaux sur les reconstructions paléo-environementales et paléo-climatiques se sont principalement focalisées sur les latitudes au nord de 41°S (Lamy et al., 1998 ; 1999 ; 2001 ; Stuut et al., 2007 ; Saukel et al., 2011) et au sud de 51°S (Moy et al., 2011 ; Schimpf et al., 2011), laissant une large zone géographique (41 à 51°S) dépourvue d’archives climatiques. De plus, les enregistrements collectés à ces latitudes sont souvent affectés par i) des contraintes temporelles imprécises et ii) des résolutions trop faibles pour observer une variabilité centennale à décennale. Ce chapitre est donc divisé en deux parties rédigées sous la forme d’articles en préparation qui seront soumis après ma soutenance de thèse. Ces articles s’inscrivent dans la continuité d’une étude portant sur la variabilité de la minéralogie du cortège argileux et de sa signification paléoclimatique depuis la dernière période glaciaire dans la région d’Aisèn. Cette étude a été réalisée à plus faible résolution temporelle (Siani et al., 2010 ; Annexe 3) et a montré que la minéralogie des argiles exprimée par le rapport Smectite/(Illite + Chlorite) et la géochimie élémentaire exprimée par le rapport Ti/K constituaient de bons indicateurs paléoclimatiques puisqu’ils permettent de retracer la variabilité des apports terrigènes. Les résultats ont montré que la dernière période glaciaire (22 à 18 ka BP), caractérisée par des taux de sédimentation forts, est dominée par une érosion physique prononcée des roches ignées de la Chaîne côtière sous l’action intense des glaciers de la calotte nord patagonienne, en accord avec des conditions climatiques froides et arides au cours de cet intervalle. Néanmoins, cette période est également caractérisée par des variations à court terme illustrant des phases rapides d’avancées et de retraites des glaciers andins en réponse à la migration latitudinale à court terme de la cellule des vents dominants. Pendant la transition glaciaire/interglaciaire (18 à 11,5 ka BP), les données montrent un changement de contributeur dans la source des apports terrigènes avec une contribution croissante de l’altération des roches volcaniques de la Cordillère andéenne, excepté pendant l’intervalle de l’Antarctic Cold Reversal (14,4 à 12,2 ka BP). Enfin, l’Holocène est caractérisé par une dominance de la Cordillère andéenne probablement drainée par un système fluviatile plus développé et plus intense via les fjords, sauf pour quelques évènements sporadiques où la dynamique des glaciers va primer. La publication en préparation intitulée : « Highly detailed Holocene terrigenous sediment record and climatic variability along the Southern chilean margin : new insight on the northern Patagonian icefield fluctuations » et qui sera prochainement soumise à The Holocene, a pour objectif la reconstruction de la variabilité climatique Holocène à partir des fluctuations de la fraction terrigène (minéralogie des argiles et granulométrie) le long de la marge sud-chilienne. Ces traceurs vont permettre d’expliquer les variations latitudinales de la cellule des vents d’ouest sur le continent et de leur éventuelle relation avec la dynamique des glaciers patagoniens (influence des précipitations sur le régime d’altération et/ou d’érosion des sources continentales et alimentation des glaciers). Un point fort de cette étude réside dans la robustesse du modèle d’âge employé pour dater l’enregistrement marin de la carotte MD07-3088 et par une résolution temporelle décennale à séculière de ces événements facilitant les corrélations avec les évènements climatiques historiques. Au début de l’Holocène, entre 11 et 9,7 ka , la récurrence d’événements marqués par la présence de grains grossiers (> 100 microns) dans la carotte MD07-3088 a été attribuée à une avancée de la calotte nord patagonienne. Ces résultats sont en accord avec ceux obtenus dans la région des fjords d’Aisèn par Harrison et al. (2012) traduisant une avancée des glaciers de la calotte nord patagonienne et à plus large échelle géographique par Putnam et al. (2012) qui a également montré une avancée des glaciers des Alpes Néo-zélandaises pendant le même intervalle de temps. La période de la Néoglaciation (7 à  3 ka) est aussi marquée par une considérable proportion de grains grossiers dans la carotte MD07- 3088 témoignant d’une forte dynamique d’avancée des glaciers pendant cet intervalle de temps. Enfin, à partir de ces résultats nous avons pu en déduire que les événements d’avancée des glaciers patagoniens au début de l’Holocène ne semblent pas être clairement liées à un forçage climatique régional exprimé en termes de variations de température et/ou de précipitations. En revanche, depuis l’Holocène moyen pendant la phase de Néoglaciation et jusqu’à l’actuel, les fortes précipitations traduiraient un lien direct avec l’avancée des glaciers patagoniens.  

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