Relations entre alliés, configuration de l’alliance et organisation des tâches

Relations entre alliés, configuration de l’alliance et organisation des tâches

Les variables utilisées dans cette recherche ont été choisies en fonction d’hypothèses concernant leur pouvoir explicatif sur les problèmes de management et la dynamique des alliances. On peut regrouper les concepts utilisés en trois grands thèmes, correspondant chacun à une série de variables : les relations entre alliés, la configuration de l’alliance et l’organisation des tâches. a) Les relations entre alliés Les analyses sur la rivalité entre concurrents au sein d’une alliance, que nous avons développées au chapitre 1, montrent que le rapport de force préexistant entre les entreprises est un facteur de nature à influencer notablement l’évolution ultérieure de l’alliance. Si on peut faire l’hypothèse que cette influence existe, il est toutefois difficile d’en définir a priori le sens. L’alliance peut en effet soit permettre à un partenaire d’améliorer sa position au contact de l’autre, soit creuser 207 l’écart en maintenant l’allié le plus faible en situation de dépendance. Ainsi, les nombreux programmesen coopération auxquels a participé MBB aux côtés de l’Aérospatiale semblent avoir permis à l’entreprise allemande de combler une partie de son retard, technologique notamment, bien qu’une telle évolution n’ait pas été désirée du côté français. En revanche, la coopération de la SNECMAavec General Electric sur le moteur d’avion CFM 56, n’a pas permis au partenaire français le plus faible au départ, de se renforcer significativement vis à vis de son allié dominant. Nous avons opérationalisé ce critère du rapport de force de départ en considérant la position concurrentielle relative des alliés au moment de l’alliance. Cette position concurrentielle a été repérée par le rapport entre les chiffres d’affaires des alliés sur le segment d’activité concerné par l’alliance, ce segment. étant celui sur lequel les alliés peuvent être considérés comme concurrents. L’utilisation d’un tel critère exige une segmentation de chaque industrie, présentée plus loin. Une alliance a été considérée comme déséquilibrée lorsqu’un des partenaires réalise sur l’activité concernée un chiffre d’affaires supérieur ou égal au double de celui du second allié par ordre de taille. Cette catégorisation, un peu fruste mais facilitant le recueil des données, est identique à celle utilisée par Franko (1971) pour classer les firmes en deux catégories de taille. Le montage juridique et financier de l’alliance complète cette information sur les relations entre alliés. Il permet en outre une première approche de la manière dont le partenariat est géré. A un premier degré d’analyse, un des enseignements les plus 208 simples de la théorie des coûts de transaction est que la mise en place d’une entité juridique (joint-venture, GIE, etc..) est à distinguer de la signature de simples contrats. L’hypothèse est que l’existence d’une entité tierce permet à l’alliance d’acquérir une certaine autonomie par rapport à ses créateurs, soit pour tenter de définir une stratégie propre, soit pour devenir une instance d’arbitrage, comme c’est de plus en plus le cas pour Airbus-Industrie. Les études cliniques sur les joint-ventures renforcent cette hypothèse car elles montrent que même si l’autonomisation de la filiale n’est pas désirée par les maisons-mères, celles-ci l’encouragent de facto lorsque leurs objectifs se mettent à diverger. Cette évolution vient du fait que les joint-ventures, du moins quand elles ont des actifs industriels et des effectifs importants, sont plus coûteuses à dissoudre qu’à laisser vivre, même lorsque leur utilité décline. Ainsi en est-il par exemple des sociétés communes à Peugeot et Renault (Française de Mécanique, Société des Transmissions Automatiques) qui survivent encore malgré la rupture en 1974 du partenariat noué en 1966 par les deux constructeurs automobiles français (Loubet, 1988). A un second niveau d’analyse, il est significatif de considérer les parts de capital dans l’éventuelle société commune. Ces parts correspondent à une valorisation des apports faits par les différents alliés. Elles déterminent en outre la répartition du pouvoir de décision sur le management de la joint-venture. Si l’influence de ce critère est largement mise en exergue, nous avons vu au chapitre 1 que les avis divergent sur le sens de cette influence, c’est-à-dire sur l’efficacité relative des joint-ventures dominés et des joint-ventures à parts égales. Enfin, dans le cadre des alliances stratégiques ou parallèlement 209 à elles, on observe très souvent entre alliés des prises de participation pour des parts très minoritaires de capital. Ces participations peuvent éventuellement être croisées mais sont la plupart du temps unilatérales. Ainsi, Renault a possédé de 5 à 15 0;0 du capital de Volvo, parallèlement à l’accord de 1980 sur la distribution des petites Renault en Suède ; Daimler-Benz possède 5 % du capital de Matra alors que Matra et AEG sont alliés dans le domaine des semi-conducteurs. Ces participations minoritaires peuvent être un élément particulier d’un dispositif de protection du capital, mais on peut également leur donner des interprétations plus intéressantes du point de vue de la problématique des alliances. Ces interprétations peuvent reposer sur des hypothèses issues soit de l’économie des coûts de transaction, soit de la conduite stratégique plus classique. Tant qu’elles restent très faibles, les prises de participation minoritaires peuvent être interprétées, à la manière de Williamson, comme un moyen de limiter l’opportunisme. En effet, on peut y voir un gage de stabilité du partenariat, donné par une entreprise à son alliée, celle-ci pouvant toujours craindre un éventuel retournement d’alliance. Toujours du point de vue de la réduction des coûts de transaction, ces prises de participation peuvent être vues comme un moyen d’améliorer l’accès à une information plus complète, du moins dans un sens, car elles permettent à un partenaire de siéger au Conseil d’Administration de son allié, ce qui constitue un poste d’observation privilégié. Ce genre d’explication convient très bien à des cas comme celui d’Aérospatiale et MSS : le premier groupe a un siège au Conseil d’Administration de l’autre et la relation entre les deux firmes, déclinée sur de nombreuses alliances, est caractérisée par une remarquable stabilité. Toutefois, lorsque ces prises de participation s’accroissent, une interprétation plus classique en termes de conduite stratégique 210 s’impose souvent. -Les prises de participatiC?npeuvent en effet traduire – une stratégie de domination d’un concurrent allié par l’autre. La participation au capital, même minoritaire, peut aller jusqu’à la mainmise. Ainsi, ATT avait pris 25 % du capital d’Olivetti au début de leur alliance et devenait de ce fait un des plus gros actionnaires du groupe italien. La part devait même atteindre 40 % ultérieurement, ce qui accentuait clairement la dissymétrie de la relation. Depuis la rupture de l’alliance, un désengagementfinancier a été mis en oeuvre. De façon plus inattendue, au moins pour ceux qui se sont fiés aux déclarations antérieures des firmes impliquées, Honda a fini par acquérir environ un quart du capital de Rover en 1989, dans le cadre d’une situation typique d’alliance dominée par l’un des partenaires.

La configuration de l’alliance

Le concept de configuration de l’alliance repose sur des éléments dérivés de la théorie des coûts de transaction, en particulier la distinction « scale/link », et sur la notion d’actif complémentaire. Cette variable s’inspire également de l’idée de « stratégie relationnelle » car au-delà des contributions des partenaires en termes d’actifs, elle repère  le mode et le degré d’altération de la concurrence résultant de l’alliance. La taxonomie des configurations suit une règle présentée dans la figure IV-2. Figure IV-2 Les configurations d’alliances stratégiques Les alliés apportent des actifs ou compétences …. …. de même nature Pour mettre sur le marché…. … de nature différente …. un même produit commun Alliance additive … des produits propres à chaque allié Intégration conjointe Alliance de complémentarité La première distinction entre les différentes configurations d’alliance repose sur la nature des immobilisations (actifs physiques) apportées par les alliés. Soit ces actifs sont de nature différente (par exemple un allié dispose d’une usine de production et l’autre d’un réseau 212 de commercialisation), soit ils sont de nature identique (par exemple des usines destinées à des productions similaires). 1 – Dans le premier cas de figure, nous parlerons de configuration complémentaire car la motivation d’au moins un des alliés est la recherche d’un actif complémentaire à son activité. On peut illustrer cette configuration par le cas des accords entre constructeurs automobiles américains et japonais (Chrysler-Mitsubishi, Ford-Mazda…) ou par celui de l’alliance ATT-Olivetti grâce à laquelle des micro-ordinateurs Olivetti sont distribués aux USA. 2 – Le deuxième cas de figure est de nature très différente. En effet, les alliés ont des motivations a priori symétriques : ils cherchent tous à résoudre un problème de taille. Cette catégorie se subdivise en deux: 2.1 – Premièrement, l’alliance peut ne concerner qu’un stade amont ou aval de l’activité des alliés, stade pour lequel la taille critique est supérieure à celle de chaque entreprise prise isolément. On parlera alors d’intégration conjointe: chaque firme conserve un produit différent aux yeux du marché, mais ces produits comportent des composants communs ou bien ont fait l’objet de co-développements, ou enfin sont commercialisés dans un réseau commun. Le cas du moteur V6 commun à Peugeot, Renault et Volvo correspond à un composant commun. Pour un exemple de production et de commercialisation co-gérée, on peut citer Autolatina, joint venture Ford/VW coiffant toutes 213 les usines latino-américaines des deux groupes ainsi que les réseaux de concessionnaires correspondants, alors que les deux constructeurs conservent leurs propres modèles de voitures. Pour un exemple limité à la commercialisation, citons le cas de Védial, joint venture Lesieur/Saint-Hubert, qui distribue Lesieur Tartine et Saint-Hubert 41, des pâtes à tartiner utilisées comme ersatz du beurre. Toutes les alliances limitées à la R&D entrent aussi dans cette catégorie de configuration. 2.2 – Deuxièmement, l’alliance peut s’étendre à l’ensemble d’une activité des firmes partenaires et aboutir à la mise sur le marché d’un produit commun. Il s’agit alors d’une configuration additive. C’est évidemment le cas de l’Airbus, mais aussi celui de l’alliance PSA/FIAT sur les véhicules utilitaires, dans la mesure où le Peugeot J5, le Citroën C35 et le Fiat Ducato sont un seul et même modèle, développé et fabriqué dans une société commune italienne. Comme le produit est identique, chaque allié s’abstient de le commercialiser sur les marchés dominés par l’autre. Ce type de configuration est clairement une alternative à la concentration classique

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