Santé respiratoire, situations atmosphériques à risque et impact de la pollution de l’air

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L’air à l’intérieur serait encore plus nocif qu’à l’extérieur

Si nous faisons attention à l’air que nous respirons à l’extérieur, surtout dans les grandes villes et les zones polluées, néanmoins, nous ignorons que les lieux dans lesquels nous passons 85 % de notre temps (appartement, bureau, école, voiture…) sont parfois plus pollués !
Revêtements (peinture, moquettes, rideaux, panneaux de bois agglomérés) dégagent des polluants spécifiques et toxiques (composés organiques volatils (COV), formaldéhyde, éthers de glycol…), les produits d’entretien ménagers, les aérosols, les vapeurs de cuisine, les appareils de chauffage et les fumées de tabac libèrent des émanations qui peuvent être nocives. Enfin des acariens et des moisissures qui se développent en présence d’humidité sont aussi des sources de pollution (Aubier et al., 2009).
La pollution de l’air intérieur, est suspectée de développer et d’aggraver divers problèmes respiratoires notamment l’asthme, la rhinite allergique et la bronchite chronique ainsi que des intoxications aiguës et même des cancers (Aubier et al., 2009). Reste que, le risque réel que posent les contaminants intérieurs varie selon l’importance et la durée de l’exposition, ainsi que selon la sensibilité de la personne. En effet, comme pour la pollution extérieure, les personnes les plus vulnérables à la mauvaise qualité de l’air intérieur sont les très jeunes enfants, les personnes âgées, celles dont le système immunitaire est affaibli ainsi que les personnes asthmatiques et allergiques.
Cette pollution domestique a donné lieu à de nombreuses études scientifiques. Plusieurs d’entre elles révèlent que l’air intérieur est le plus souvent plus pollué que l’air extérieur : 2 à 5 fois plus élevée selon l’Agence de Protection de l’Environnement (EPA) américaine (2013). Selon une étude de « l’observatoire de la qualité de l’air intérieur », 9% des logements français présentent des concentrations très élevées de produits chimiques (Observatoire de la qualité de l’air intérieur, 2015). Mais les pays les plus affectés se situent en Asie du Sud-est et dans le pacifique occidental (3,3 millions de décès pour la pollution intérieure contre 2,6 millions pour l’extérieure). Les régions à plus faibles revenus sont les plus touchées. Les femmes et les enfants dans ces pays paient un lourd tribut à la pollution de l’air intérieur. Ils passent plus de temps à la maison à respirer les fumées et la suie que dégagent les fourneaux à bois ou à charbon mal ventilés (OMS, 2015).

Des conséquences majeures prouvées sur la santé

Diverses études réalisées ont montré l’existence d’un lien entre les maladies respiratoires et les polluants présents dans l’air. En 2007, aux Pays-Bas, une étude épidémiologique a été effectuée sur la pollution liée aux gaz d’échappement des automobiles et ses effets néfastes sur la santé des enfants. Plus de 4000 enfants ont été suivis de la naissance à 4 ans. L’étude a mesuré, pour chacun des enfants, l’exposition à ces polluants. Ce calcul de l’exposition individuel s’est basé sur la mesure de particules fines d’oxyde nitreux (NO2). Les résultats de l’enquête sont effrayants sur l’homme : la pollution automobile favorise les infections respiratoires, les signes de l’asthme et d’allergie chez les jeunes enfants. Le risque d’avoir de l’asthme est majoré de 30 % par rapport à celui d’un enfant non exposé. Pour les autres affections, le risque est augmenté de 20 % (Alibeu, 2007). La relation causale avec le cancer broncho-pulmonaire semble aussi établie. Les particules diesel sont d’ailleurs classées par le centre international de recherche sur le cancer comme « carcinogènes probable » depuis environ une vingtaine d’années (Charpin et Palot, 2009). Néanmoins, ce classement a été effectué sur la base d’études expérimentales mettant en œuvre de très fortes doses ; des expositions à des doses inférieures à 600 µg/m3 (plus de 15 fois la valeur limite en vigueur) n’augmenteraient pas le risque de cancer chez le rat (Marano, 2004).
La relation de causalité de l’impact de la pollution atmosphérique sur la santé a été établie aussi par la démonstration de la « preuve contraire ». Une équipe suisse a pu montrer que la diminution des concentrations en polluants urbains entraîne une stabilisation des paramètres spirométriques, tandis que ces derniers continuent à se dégrader dans le cas contraire (Downs et al., 2007).
De ce fait, la pollution atmosphérique, extérieure comme intérieure, partout dans le monde, a été reconnue un facteur de risque pour la santé des populations et de la qualité de vie (Fig. 9). D’où l’émergence, dans les pays développés, d’une nouvelle forme de médecine : « la médecine environnementale », où l’environnement est au cœur des préoccupations médicales et est donc pris en compte du point de vue clinique et biologique, non seulement pour l’établissement du diagnostic mais aussi pour la mise en œuvre de nouveaux traitements.
Dans ces pays occidentaux, la population est plus exigeante en matière du confort et du bien-être. Néanmoins, les pays pauvres (quel que soit l’euphémisme utilisé pour les qualifier, émergents, en voie de développement,…) (Fleuret, 2007) dans leur très grande majorité ne disposent pas de réel système de santé et les enjeux sanitaires pour leur population sont d’un ordre bien différent des pays occidentaux.
D’autres études aussi ont permis de mesurer l’importance en santé publique, en termes sanitaires et économiques, des impacts de la pollution. Ce sont des études dites « d’intervention », qui ont été utiles également pour argumenter des décisions réglementaires visant à réduire les niveaux de pollution, que ce soit la mise en œuvre d’une loi, la modification d’un plan d’urbanisme ou de transports (Abaldi et al., 1999 ; Friedman etal., 2001) ou mesurer le coût des effets de la pollution sur la santé (Hémon et Jougla, 2003 ; Nerhagen et al., 2008 ). Ces études ont pris un caractère essentiellement technique révélant une prédominance des non-géographes dans ce domaine. La contribution des géographes et notamment des climatologues est donc d’une importance capitale.

Effets direct et indirect du changement climatique sur la santé respiratoire

Le réchauffement climatique est un défi majeur auquel la communauté internationale est confrontée. En Tunisie, les études d’évaluation de la vulnérabilité au changement climatique ont démontré que le pays subit déjà l’impact de ce phénomène planétaire, en particulier les impacts liés à l’augmentation des températures comme aggraver le stress hydrique et accentuer la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes (ALCOR-TEC, 2011). Les épisodes de chaleur intense sont, déjà, fréquents dans le climat de La Tunisie et risquent de s’accentuer avec les changements climatiques. Et ces grandes chaleurs peuvent entraîner des répercussions plus ou moins graves sur la santé, voire des décès très majoritairement d’origine respiratoire (Laaidi et al., 2009).
Les effets sanitaires indirects du changement climatique se manifestent par la dégradation de la qualité de l’air. En effet, les changements climatiques contribuent probablement à une augmentation de la pollution atmosphérique par l’augmentation de la concentration en particules fines et en ozone, des polluants très délétères sur la santé respiratoire. Le surcroit du rayonnement solaire pourra allonger la saison estivale où sévissent de forts niveaux d’ozone troposphérique ce qui peut majorer l’intensité des pics photochimiques. Quant à la pollution particulaire, elle est susceptible de diminuer faiblement en hiver, mais d’augmenter fortement en été. À cause du réchauffement climatique, une recrudescence printanière et/ou estivale des allergies respiratoires et des crises d’asthme est à craindre à la suite de la pollution atmosphérique mais à cause, aussi de l’augmentation atmosphérique en pollens (Besancenot, 2015).

Les études académiques tunisiennes antérieures

De nombreuses enquêtes épidémiologiques sont très régulièrement publiées dans la littérature scientifique internationale. En Tunisie, les recherches portant surtout sur la bioclimatologie humaine ne cessent de se développer. Elles visent à définir l’éventail des conditions climatiques dans lesquelles un individu peut éprouver une sensation du confort à partir des approches qui se contentaient de l’étude des processus physiologiques entre l’Homme et son environnement selon des indices bioclimatiques.
Dans ce sens, nous citons, la thèse de Tahar Alouane (2002) en arabe, intitulée « Les ambiances bioclimatiques dans les principales régions touristiques de la Tunisie » qui revêt une importance particulière par son approche largement synthétique. Nous citons également :
– Le mémoire de master de Mejri. W (2007) : Climat et allergies respiratoires à Tunis ;
– La thèse de Jarraya. M (2009) : Biométéorologie de la morbidité cardiovasculaire et respiratoire dans le secteur public à Sfax ;
– La thèse de Lahmar. L (2014) : Climat et maladies respiratoires et cardiovasculaires à Sousse et Kairouan.
Nous citons aussi, le mémoire de fin d’étude (PFE) de Kortli. M (2009), qui a essayé d’étudier l’effet du changement climatique sur la santé à partir de la relation des vagues de chaleur sur la mortalité en Tunisie.
Pour la relation entre le climat et la pollution atmosphérique, nous mentionnons :
– Le mémoire de DEA de Slama. M (1998) : L’influence des paramètres climatiques sur la pollution de l’air à Tunis.
– Belguith-Megdiche. I (1999) : Etude physico-chimique des aérosols atmosphériques en milieu urbain côtier : cas de la région de Sfax influence des conditions météorologiques locales et synoptiques.
– La thèse de Dahech. S (2007) : Le vent à Sfax (Tunisie), impact sur le climat et la pollution atmosphérique.
Au-delà de ces mémoires en thèses et masters, ces auteurs ont également publié des articles qui seront cités dans cette thèse dans les chapitres concernés.
D’autres études, intéressantes existent également, sur le climat et la pollution atmosphérique mais ne dépassent pas le cadre d’un article, se présentent souvent dans les revues scientifiques. Nous mentionnons essentiellement les travaux de Taoufik El Melki qui a analysé la réaction entre la pollution de l’air et le climat dans tous ses aspects. Parmi les articles, citons à titre d’exemple :
– Conditions atmosphériques ambiantes et variation spatiotemporelle de la pollution dans le Grand-Tunis (2008 A) ;
– Les situations atmosphériques stables, un type particulier d’extrêmes climatiques : cas de surconcentrations d’ozone à Tunis. (2009) ;
– Brises du littoral et variation des concentrations polluées dans le Grand-Tunis : cas des banlieues de La Manouba et d’El Ghazela (2010).
Concernant l’impact de la pollution atmosphérique sur la santé, plusieurs études se sont intéressées essentiellement aux caractéristiques physico-chimiques de la pollution et ses impacts environnementaux notamment sur les végétaux. Mais rares sont les études qui ont abordé les effets de cette pollution environnementale sur la santé de l’être humain. Parmi ces études, la thèse en médecine de Mourad Abdennadher (1994), intitulée « Effets respiratoires de la pollution atmosphérique dans deux quartiers populaires de Tunis, enquête en milieu scolaire ». Dans 76 pages, cette thèse s’est intéressée aux effets respiratoires de la pollution atmosphérique chez des élèves résidant dans la zone polluée de Mégrine et leurs homologues résidant dans la zone peu polluée (Cité Ibn Khaldoun). Les résultats ont révélé un excès de morbidité respiratoire à Mégrine en rapport avec le niveau de la pollution atmosphérique.
Les études académiques sur l’impact des deux paramètres environnementaux climat et pollution atmosphérique sur la santé humaine sont rares en Tunisie et ne concernent que le secteur médical. Nous citons essentiellement les thèses de :
– Kalboussi. H (2008) : Affections cardiovasculaires, climat et pollution atmosphérique : à propos d’une enquête épidémiologique réalisée dans la région de Sousse.
– Bouhlel. N (2009) : Relation à court terme entre le climat, la pollution atmosphérique et les affections respiratoires aiguës.
– Bettaieb. J (2010) : Impact de la chaleur et la pollution atmosphérique sur la mortalité dans la ville de Tunis (2005-2007).
Cet intérêt porté à la bioclimatologie m’a paru intéressant. Mais l’étude d’un seul irritant, qui est le climat, reste incomplète et non subjective, en l’absence des autres influents majeurs sur la santé notamment la pollution atmosphérique et le niveau socio-économique. C’est dans ce cadre de l’importance du phénomène et de la rareté des études que s’intègre notre choix du sujet de thèse : Effets du climat et de la pollution de l’air sur la santé respiratoire à Tunis.

Le Grand-Tunis : un espace d’étude typique

Notre espace d’étude est le Grand-Tunis, qui constitue, avec ses quelques deux millions et demi d’habitants, soit la plus grande concentration urbaine de la Tunisie et son premier pôle industriel. À la différence des autres régions polluées du pays, dans le Grand-Tunis, à côté de la pollution industrielle, la pollution provient aussi de l’automobile, qui représente environ 40 % du parc national (El Melki, 2008 B). La pollution automobile est à l’origine d’une forte pollution primaire de proximité du trafic. Le Grand-Tunis constitue aussi un important foyer de la pollution biologique au pollen, et cela en raison de la proximité des espaces agricoles périphériques et riches en espèces végétales qui ont un fort pouvoir allergisant (El Gharbi et al., 1976).
Rappelons dans ce cadre que le climat du Grand-Tunis est méditerranéen à nuance semi-aride, avec une forte insolation propice à la formation du polluant chimique, l’O3. Les conditions météorologiques ambiantes sont souvent stables : les situations anticycloniques persistent surtout en hiver, les situations de marais barométriques dominent en été (Hénia, 1998) et les inversions thermiques sont fréquentes en toutes saisons (El Melki, 2007). Ces facteurs sont favorables à la concentration des polluants primaires et secondaires, favorisée par des caractéristiques topographiques du site. Un site très ouvert sur la mer et encadré par un amphithéâtre de collines assez élevées l’entourant en croissant, ce qui réduit la ventilation et contribue largement à la formation des surconcentrations polluées (El Melki, 2008 B).
Notre choix du Grand-Tunis est mentionné aussi, par la multiplicité des centres de services sanitaires spécialisés dans la pneumologie, par comparaison au reste du pays. D’ailleurs, on y trouve l’unique hôpital spécialisé dans les maladies respiratoires et allergiques en Tunisie : l’hôpital Abderrahman Mami.
De ce fait, toutes les caractéristiques sont réunies dans le Grand-Tunis pour la réalisation de notre projet de thèse.

Problématique et choix de la période d’étude

Notre approche consiste, à mettre en relation les trois catégories de données, portant sur le climat, la pollution et les pathologies respiratoires dans le but de déterminer les meilleurs indicateurs environnementaux pour la santé respiratoire de la population à Tunis du 1erjanvier 2005 au 31 décembre 2011. Cette période de 7 ans est la période la plus récente au moment où nous avons commencé cette thèse et nous la jugeons suffisante pour l’étude des effets du climat et de la pollution atmosphérique sur la santé humaine notamment la santé respiratoire. Ce choix s’explique aussi par la période où les données disponibles sont plus fiables et plus complètes, notamment pour les données cliniques. Cette période est marquée par des situations climatiques remarquables. Elle englobe une année exceptionnellement froide en Tunisie, 2005, et une année très chaude à l’échelle internationale et tunisienne, 2009. Cette dernière est classée au cinquième rang des années les plus chaudes depuis environ 1850, lorsque débutèrent les relevés instrumentaux (OMM, 2010). Ce qui n’est pas sans effet sur la santé respiratoire.
L’étude de la relation entre la qualité de l’air et la santé respiratoire se heurte à de nombreux problèmes méthodologiques. Certains, généraux, concernent le milieu urbain, d’autres sont spécifiques aux polluants atmosphériques. Ainsi, dans une grande agglomération comme celle du Grand-Tunis, toute la population est exposée à la pollution de l’air et l’impact de la pollution atmosphérique sur la santé est difficile à appréhender pour plusieurs raisons :
– l’exposition à la pollution de l’air est hétérogène dans le temps et dans l’espace : elle dépend notamment des lieux fréquentés par l’individu et ses activités ;
– en outre, l’effet dose varie selon le type de polluant ;
– l’état de santé et les antécédents pathologiques, qui peuvent modifier la sensibilité vis-à-vis de la pollution atmosphérique, sont différents pour chaque individu ;
– les pathologies susceptibles d’être liées à la pollution atmosphérique sont multifactorielles, c’est-à-dire que la pollution atmosphérique n’est qu’un des facteurs qui contribuent à leur apparition.
Dans notre recherche, il nous était impossible de mettre en œuvre les approches épidémiologiques classiques comparant la fréquence des maladies ou des décès chez des groupes exposés et non exposés, ou la fréquence de l’exposition chez des malades et des témoins. Et cela faute de temps et de moyens.
Le choix aussi des polluants adéquat à étudier est très important en particulier dans un environnement regorgeant de polluants présents en concentrations suffisantes pour causer un malaise respiratoire. De ce fait, les polluants qui nous intéressent dans ce contexte sont les particules en suspension (PM) et l’ozone (O3). D’après les données de la littérature, les particules en suspension forment le polluant le plus souvent associé à différents effets sanitaires. Aux États-Unis, par exemple, les particules en suspension sont le polluant pour lequel il existe le plus de capteurs de mesure, et il est très étudié (Annesi-Maesano et Dab, 2006). L’ensemble des études épidémiologiques sur l’impact des particules fournit des résultats d’une grande cohérence. Une augmentation des teneurs en particules a été associée, à court terme (quelques jours), à un excès de surmortalité, notamment cardiorespiratoire, d’hospitalisation pour maladie respiratoire, d’aggravation de l’asthme, de symptômes respiratoires durant plus longtemps, d’une altération de la fonction pulmonaire et d’incapacité (Zeka et al., 2005).
À l’inverse, une réduction des teneurs est associée à une amélioration des indicateurs. L’O3 est l’autre polluant qui suscite actuellement beaucoup d’intérêt et d’inquiétudes, en raison de la multiplication des épisodes d’été de pollution photochimique. À court terme, chez l’homme sain, l’exposition à l’O3 durant quelques minutes à quelques heures, à partir de 100 µg/m3, provoque une diminution de la fonction pulmonaire, un accroissement de la résistance des bronches et une réaction inflammatoire (Annesi-Masano et Dab, 2006).
La relation entre la météo et la santé est largement décrite dans la littérature aussi. La majorité de ces études sont basées sur des systèmes d’alerte, fondés sur une surmortalité après une vague de froid ou de chaleur. Des systèmes conçus pour permettre d’alerter les autorités publiques avant la survenue possible d’un phénomène épidémique de grande ampleur en rapport avec une vague de chaleur ou de froid. Et cela, à partir des seuils basés essentiellement sur la température comme le cas en France où l’alerte doit être trois jours avant une vague de froid ou de chaleur (Laaidi et al., 2009). Au Canada, l’indice de refroidissement éolien (IRE) est diffusé à la population par « Environnement Canada » depuis 1970. Il est accompagné de conseils de comportement. L’objectif principal est d’éviter les gelures liées à la baisse de l’indice de refroidissement éolien (Bustinza et al., 2010 ; Martel et al., 2010). Aux États-Unis, le Centre for Disease Control diffuse sur son site internet des conseils de comportement pour lutter contre le froid à l’extérieur et à l’intérieur (chauffage), et des kits de survie pour la maison et les voitures. L’objectif est la promotion de la santé et de la sécurité des personnes. Au Royaume-Uni, les avertissements concernent les personnes pratiquant une activité en plein air, pour lesquelles il est considéré que le risque d’hypothermie est accru lorsque la température de refroidissement éolien est inférieure à -10°C (Laaidi et al., 2009).
Le but du présent travail était de recourir à des données locales afin de voir s’il était possible d’identifier des indicateurs et des seuils mieux adaptés à la réalité tunisoise. Nous savons, en effet, que la réponse des populations aux effets environnementaux et météorologiques essentiellement, varie considérablement d’un endroit à l’autre. À cause de l’acclimatation aux conditions locales propres à chaque population, on ne peut pas simplement utiliser un seuil dérivé empiriquement dans une autre ville ou région ; il n’existe pas de seuil universel reconnu au-delà duquel les impacts sanitaires comme l’excès d’hospitalisation ou de mortalité apparaissent.
La question des risques pour la santé de la pollution atmosphérique ou du climat se résume souvent à l’impact des pics de ces facteurs environnementaux. De ce fait, deux approches sont à suivre dans cette thèse. D’une part, les pics des situations avec les admissions hospitalières dans le Grand-Tunis. D’autre part, nous allons intégrer les paramètres climatiques et ressortir les types de temps récurrent en période des pics. Nous allons opter pour une approche quantitative (analyse statistique) et une approche qualitative (analyse graphique). En premier lieu, il s’agit de mettre en relation les éléments climatiques ou météorologiques d’une part, et les données de la pollution atmosphérique d’autre part. En deuxième lieu, nous allons analyser les relations entre les paramètres climatiques, les plus affectants sur la santé respiratoire, et les admissions hospitalières ainsi que les relations entre les polluants atmosphériques et les admissions hospitalières. Nous visons à identifier des indicateurs de stress climatique extrême pour prévoir des épisodes à risque pour la santé respiratoire. Nous déterminerons aussi les niveaux de pollution prédictifs d’impacts sanitaires significatifs et qui pourront être utilisés pour déclencher des interventions préventives. Nous avons également intégré d’autres facteurs explicatifs (les facteurs génétiques, contexte socio-économique…). Nous avons essayé d’approfondir cette question par la variation des sources des données cliniques et par un questionnaire qui aborde les données démographiques, le niveau socioéconomique ainsi que le niveau d’éducation du patient.

Le manuscrit est constitué de trois parties :

La première partie sera consacrée au contexte de l’étude, elle est composée de quatre chapitres. Le premier, présente le Grand-Tunis comme région d’étude, ses caractéristiques géographiques, démographiques et l’infrastructure sanitaire. Ce volet permet de comprendre les caractéristiques et l’importance du site de l’étude. Le second, porte sur les facteurs de risque associés aux maladies de l’appareil respiratoire. Les sources et la qualité des données ainsi que les méthodes d’approche seront présentées dans le troisième chapitre. Et le quatrième chapitre sera consacré aux facteurs de risque méthodologique.
La seconde partie s’intéresse à l’étude de la relation du climat et des polluants atmosphériques. Elle se compose de trois chapitres. Le premier présente la pollution atmosphérique, les polluants utilisés et les normes de la qualité de l’air en Tunisie et ceux recommandés par l’OMS. Le deuxième et le troisième chapitre analysent les dépassements des normes tunisiennes, respectivement pour l’O3 et les PM10.
La troisième et dernière partie est intitulée « Santé respiratoire, situations atmosphériques à risque et impacts de la pollution de l’air ». Elle porte sur l’analyse des admissions hospitalières en relation avec les paramètres météorologiques et la pollution atmosphérique. Elle se compose de quatre chapitres : le premier s’intéresse à la recherche des indicateurs biométéorologiques et seuils prédictifs d’un impact sanitaire respiratoire, le deuxième aux consultations externes à l’hôpital La Rabta, le suivant aux admissions hospitalières à La Rabta, le quatrième aux crises d’asthme aux urgences de Ben Arous, le cinquième et le dernier aux risques des facteurs environnementaux et la particularité des allergies respiratoires.

Cadre spatial, données et approches méthodologiques

La première partie de ce travail est une partie introductive, elle est constituée de quatre chapitres. Le premier chapitre exposera le cadre géographique dans lequel est effectué ce travail. Les connaissances bibliographiques en termes de climat, pollution atmosphérique et risque sanitaire ainsi que la présentation des pathologies respiratoires seront exposées dans le deuxième chapitre. Le troisième chapitre s’attachera à présenter les différents types de données utilisées. Dans l’exposé de la méthodologie (quatrième chapitre), la question est de savoir quels sont les paramètres météorologiques susceptibles d’accroitre la morbidité respiratoire ? Quels seuils biométéorologiques seront spécifiques pour les pathologies respiratoires pour le climat du Grand-Tunis ?
Dans ce chapitre, nous nous référons à de nombreuses sources bibliographiques pour présenter le cadre spatial de ce travail de thèse : principalement les caractéristiques topographiques, démographiques ainsi que l’infrastructure sanitaire du Grand-Tunis.

CADRE GEOGRAPHIQUE DU GRAND-TUNIS

Dans ce qui suit, nous présentons les caractéristiques de chaque gouvernorat du Grand-Tunis, notamment la localisation, la superficie, l’urbanisation et l’économie. Ensuite nous présentons le cadre topographique du Grand-Tunis.

Le Grand-Tunis, la plus grande agglomération tunisienne

L’appellation « Tunis » s’applique au Grand-Tunis qui est l’association des quatre gouvernorats : Tunis, Ariana, Ben Arous et La Manouba (Fig. 10).
Le Grand Tunis se situe au nord-est de la Tunisie entre la latitude nord de 36° 25’ et 37° 05’ et la longitude est de 9° 40’ et 10° 25’. La superficie totale du district est de 215 000 ha, soit environ 2 % seulement de la superficie du pays. Durant les trente-cinq dernières années, le Grand-Tunis a connu une forte expansion spatiale. En effet, la surface urbanisée de l’agglomération est passée d’environ 10 000 ha en 1975 à près de 25 000 en 2010 (AUGT, 2010). Cette évolution dans la consommation de l’espace a été engendrée par l’accroissement démographique et par l’évolution du taux d’urbanisation. La population s’est accrue de 950 000 habitants en 1975 pour atteindre 2 450 000 habitants en 2013 (INS, 2013). Le Grand-Tunis est l’aire urbaine la plus peuplée de la Tunisie, soit environ 23 % de la population du pays.
Atteignant un taux d’urbanisation de 100 %, le gouvernorat de Tunis s’étend sur une surface qui s’élève à environ 28 800 ha et comporte à lui seul plus de 1 004 500 habitants en 2013. Le gouvernorat de Tunis se distingue par sa fonction de centre métropolitain : capitale politique et économique. De ce fait, il est le pôle d’emplois et d’activités le plus important et le plus dense du pays.
Le gouvernorat de l’Ariana est situé à l’est du gouvernorat de La Manouba et au nord du gouvernorat de Tunis. Il est urbanisé à près de 91 %. En 2013, la population totale du gouvernorat est estimée à 540 400 habitants répartis sur une surface de 45 574 ha.
Le gouvernorat de Ben Arous est situé au sud du gouvernorat de Tunis, il est urbanisé à 90 %. Il se caractérise par ses activités industrielles. Sa surface s’étend sur quelque 67 724 ha pour une population estimée en 2013 à près de 616 000 habitants.
La Manouba est située à l’ouest du gouvernorat de l’Ariana et il est le gouvernorat le moins urbanisé du Grand Tunis. Le taux d’urbanisation qui s’élève à 74 % est l’une des traductions de l’importance de l’activité agricole dans ce gouvernorat. En 2013, sa population totale était de 379 900 habitants et sa surface est de 113 865 ha (Tab. 1 ; AUGT, 2010).

Table des matières

Partie I : Cadre spatial, données et approches méthodologiques
Chapitre I : Présentation du Grand-Tunis
Chapitre II : Facteurs de risque associés aux maladies de l’appareil respiratoire
Chapitre III : Données de base et méthodes
Chapitre IV : Facteurs de risque météorologiques
Partie II : Situation météorologique, temps et pollution de l’air dans le Grand-Tunis
Chapitre V : Pollution atmosphérique dans le Grand-Tunis : sources, réglementations et stations de mesure
Chapitre VI : Variabilité spatiale et temporelle des polluants d’ozone et des particules en suspension dans le Grand-Tunis
Chapitre VII : Épisodes photochimiques et types de temps dans le Grand-Tunis
Chapitre VIII : Épisodes de pollution aux PM10 et type de temps dans le Grand-Tunis
Partie III : Santé respiratoire, situations atmosphériques à risque et impact de la pollution de l’air
Chapitre IX : Mise en évidence d’un indicateur et de seuils prédictifs d’un impact sanitaire respiratoire
Chapitre X : Les consultations externes à la Rabta : variabilité des pathologies respiratoires et impact du climat
Chapitre XI : Les effets des conditions climatiques et des polluants atmosphériques sur les admissions hospitalières aux urgences La Rabta
Chapitre XII : Crises d’asthme : climat, type de temps et pollution de l’air
Chapitre XIII : Les facteurs de risque environnementaux pour la santé respiratoire et la particularité de l’allergie dans le Grand-Tunis
Conclusion générale
Références bibliographiques
Bases de données en ligne
Table des figures
Table des tableaux
Table des matières
Annexes

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