Techniques de mesure de la constante de dissociation KD à partir de l’électrophorèse capillaire

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L’électrophorèse capillaire et le SELEX (CE-SELEX) :

Depuis plusieurs années, de nombreuses stratégies de méthodes de sélection par la voie SELEX ont été décrites, notamment la cytométrie de flux (88), la centrifugation ou la filtration sur nitrocellulose (40). D’autres méthodes impliquant l’électrophorèse capillaire ont été décrites par Mendonsa en 2004 (89) ou l’électrophorèse sur gel (EMSA-SELEX) (90). L’électrophorèse capillaire permet de réduire considérablement le nombre de cycles (91) (92). Elle a été publiée pour la première fois en 2004 par Mendosa et son équipe (89). Ils ont pu réduire le nombre de cycles SELEX à 4 tout en maintenant l’affinité de la cible pour l’aptamère. Elle joue un rôle important dans la détermination des paramètres cinétiques et permet notamment la mesure des constantes d’affinités des aptamères générés. C’est l’une des variantes de la méthode SELEX, la plus utilisée. C’est une méthode de séparation efficace employée couramment pour les analyses d’ADN en raison du temps d’analyse rapide et du faible volume d’échantillon utilisé. Plusieurs modes d’électrophorèse capillaire ont été développées en fonction de l’application visée : la NECEEM (nonequilibrium capillary electrophoresis of equilibrium mixtures), la SweepCE (sweeping capillary electrophoresis) et l’ECEEM (equilibrium capillary electrophoresis of equilibrium mixtures). L’ensemble de ces méthodes a été regroupé sous le nom de KCE (kinetic capillary electrophoresis). Le principe du CE-SELEX est illustré dans la figure suivante (Figure 2-7) : Figure 2-7 : Schéma du principe de l’électrophorèse capillaire (CE)-SELEX pour isoler des aptamères ADN. Issu de (89).
Premièrement, un mélange d’une cible avec une banque d’ADN contenant généralement entre 1013 et 1014 molécules est préparé puis quelques nanolitres de ce mélange sont injectés en électrophorèse capillaire. La migration et la séparation des espèces se fait par application d’un champ électrique, et les molécules d’ADN non liées à la cible vont avoir la même mobilité électrophorétique. Elles vont donc migrer à la même vitesse tandis que les molécules d’ADN liées à la cible vont avoir un rapport charge sur taille qui va changer en raison de la liaison avec la cible ce qui va augmenter la taille et modifier la charge du complexe et donc aboutir à une mobilité électrophorétique différente. Ainsi, les deux fractions peuvent être séparées et les molécules d’ADN liées à la cible peuvent être collectées en se basant sur les temps de migration. Bien que l’on augmente par CE la sélectivité des molécules d’ADN collectées, il est nécessaire ensuite d’effectuer une étape d’amplification par PCR afin d’amplifier la quantité de molécules collectées et ensuite de régénérer l’ADN simple brin par une étape de purification, afin qu’un nouveau cycle de sélection soit effectué.
D’autres applications issues de la KCE ont pu être créées, dont l’analyse quantitative de l’affinité de protéines, ADN ou ARN, la mesure de la température à l’intérieur du capillaire, et la sélection de ligands à partir d’une banque aléatoire.

Principe général de l’électrophorèse capillaire :

L’électrophorèse capillaire est une technique analytique permettant la séparation d’espèces chargées sous l’effet d’un champ électrique dans un capillaire de faible diamètre (10 à 100μm) (Figure 2-8 ). Les molécules se déplacent la plupart du temps dans un milieu aqueux appelé électrolyte et servant de milieu conducteur.
Figure 2-8 : Principe général de l’électrophorèse capillaire (issu de www.esi.umontreal.ca/~badiaa/CHM3102_CE1a.pdf)
La séparation des composés par électrophorèse capillaire résulte de deux mécanismes de transport, l’électromigration et l’électroosmose.
L’électromigration résulte du déplacement d’une espèce chargée lorsqu’elle est soumise à un champ électrique. La vitesse linéaire acquise (ou vitesse électrophorétique) est alors fonction du champ électrique et de la mobilité électrophorétique de l’ion selon la relation suivante :
vep=μep*E où vep = vitesse électrophorétique (cm.s-1)
μep = mobilité électrophorétique (cm2.V−1.s−1)
E = champ électrique appliqué (V.cm−1)
L’électromigration s’effectue dans le sens du champ électrique (mobilité électrophorétique positive) pour les cations et dans le sens opposé pour les anions (mobilité électrophorétique négative). Une molécule neutre n’est pas soumise au phénomène d’électromigration, elle se déplace donc à la vitesse du flux électroosmotique (Figure 2-9).
Figure 2-9 : Migration des espèces dans un capillaire.
La mobilité électrophorétique, μep, et donc la vitesse électrophorétique, vep, dépendent du milieu, pH et composition du tampon (force ionique, viscosité, etc) et de la température.
L’électroosmose est responsable du flux électroosmotique. La paroi interne des capillaires de silice fondue est rincée avec de la soude ce qui permet l’hydrolyse des ponts siloxanes en groupements silanols. En fonction du pH de l’électrolyte, ces derniers seront plus ou moins déprotonés (pKa=5.5). Les contres ions positifs de l’électrolyte vont neutraliser la paroi. Ces cations nombreux, attirés par le pôle négatif, entraînent avec eux le liquide : le flux électroosmotique. La vitesse électroosmotique s’exprime selon la relation suivante :
veof=μeof*E où veof = vitesse électroosmotique (cm.s-1)
μeof = mobilité électrophorétique (cm.s-1)
E = champ électrique appliqué (V.cm−1)
Lorsque le capillaire est rempli d’un électrolyte tampon, les cations du tampon sont attirés vers les charges négatives de la surface du capillaire, formant ainsi une double couche électrique, caractérisée par un potentiel de surface ou potentiel zéta (ζ).
Le flux électroosmotique est fonction des propriétés du tampon (nature, force ionique, pH et viscosité).
En raison des dimensions mêmes du capillaire et des faibles volumes injectés (quelques nanolitres), il n’est pas possible d’employer les méthodes classiquement utilisées en chromatographie pour l’injection des échantillons. Deux modes d’introduction de l’échantillon dans le capillaire existent : l’injection hydrodynamique et l’injection électrocinétique.
Le mode d’injection hydrodynamique consiste, par exemple, à créer pendant une durée de quelques secondes, une surpression au niveau du flacon de l’échantillon, qui le propulse alors à l’intérieur du capillaire. Le volume d’échantillon injecté dépend de plusieurs paramètres : différence de pression appliquée, temps d’injection, viscosité de l’échantillon, longueur et diamètre du capillaire. De même que pour l’injection électrocinétique où la pression est remplacée par la tension. Ce dernier type d’injection est surtout utilisé soit dans les travaux de préconcentration ou d’injection dans des capillaires remplis de gel.

Différentes méthodes d’électrophorèse capillaire :

NECEEM

Krylov et son équipe ont décrit la méthode suivante : Nonequilibrium Capillary Electrophoresis of Equilibrium Mixtures (NECEEM (93)). C’est une méthode simple et efficace de séparation dans une solution d’une cible liée et non liée avec des oligonucléotides pour la sélection d’aptamères. De plus, le temps de sélection d’un aptamère serait considérablement réduit (temps = 1h). Cela permet la détermination aisée des paramètres cinétiques ; kon ; koff lors de l’interaction entre un aptamère et une protéine. Cette méthode permet de déterminer la valeur de KD si la concentration de la cible et de l’ADN sont connus ou de déterminer les concentrations de la cible si KD et la concentration des molécules d’ADN sont connus.
Le principe de cette méthode est basé sur deux processus majeurs :
– L’interaction entre une cible (T), des molécules d’ADN (L) et le complexe aptamère – cible (T. ADN)
kon et koff sont respectivement les constantes de vitesse de la formation et de la dissociation du complexe. Elles définissent la constante de dissociation KD qui est le rapport des deux constantes de vitesse koff/kon.
Cette constante KD, est caractérisée par l’équation suivante :
KD = [T]eq[L]eq
[TL]eq
– Et la séparation du complexe aptamère/cible des oligonucléotides non liés, selon la mobilité électrophorétique de chacun.
Dans un premier temps, on prépare un mélange de molécules d’ADN greffée à un fluorophore avec une cible et on incube ce mélange afin d’atteindre l’équilibre ADN-cible (Figure 2-10).
Figure 2-10 : Préparation et injection du mélange ADN + cible par électrophorèse capillaire, d’après (93)
Quand l’équilibre est atteint, le mélange est injecté par électrophorèse capillaire (CE) et séparé en appliquant un champ électrique. La séparation en CE entraîne une séparation des espèces en équilibre. L’équilibre entre les molécules d’ADN liées et non-liées est donc rompu et le complexe ADN-cible commence à se dissocier (Figure 2-11).
Figure 2-11 : Séparation du mélange à l’équilibre ADN.cible au début de l’analyse (t1) par application d’un champ électrique. Le mélange à l’équilibre contient la cible, la cible liée aux molécules d’ADN et les molécules d’ADN libres (cas où µcible>µADN.cible>µADN), d’après (93) Les molécules d’ADN qui ont beaucoup d’affinités pour la cible restent liées majoritairement à cette dernière (koff faible). Inversement, les molécules ayant peu d’affinité sont principalement non-liées à la cible (koff important) (Figure 2-12).
Figure 2-12 : Distribution dans le temps des différents composés dans le capillaire. Toutes les molécules d’ADN ont la même mobilité électrophorétique, seule la mobilité de la cible est supérieure aux molécules d’ADN. Ainsi, la mobilité du complexe ADN.cible sera intermédiaire à celle de la cible et de l’ADN. Cet équilibre n’est pas maintenu longtemps et les molécules d’ADN.cible commencent à se dissocier, d’après (93)
On suppose que toutes les molécules ont la même mobilité électrophorétique indépendamment de leurs séquences et de leur structure tertiaire et donc ont le même temps de migration. De plus, pour notre exemple, nous considérons que la mobilité de la cible est positive, donc elle migre en premier. Donc nous illustrons notre propos en indiquant que la mobilité du complexe ADN-cible se situera dans une zone intermédiaire entre la cible et les molécules d’ADN libre, soit : µcible>µADN.cible>µADN.
Il faut noter également que grâce à la grande efficacité de séparation, il n’y a pas de possibilité de re-complexation entre l’ADN dissocié et la cible. L’ordre de migration des composés est donc le suivant : 1° les molécules cibles, 2° les molécules cibles dissociées de l’ADN, 3° le complexe ADN-cible, 4° les molécules d’ADN dissociées de la cible et 5° les molécules d’ADN libres.
A partir de la connaissance des temps de migration, une fraction contenant le complexe ADN.cible est collectée. Connaissant les concentrations de la protéine et de l’ADN, la constante de dissociation KD peut être déterminée. Inversement, à partir d’une constante de dissociation connue, on peut déterminer la concentration de la protéine. Les molécules d’ADN ayant un KD inférieur à la concentration de la cible [T1] sont principalement liées à la cible tandis que celles [T2] avec un KD supérieur à la concentration de la cible sont non-liées. Deux types de sélection peuvent être réalisés : positive ou négative. On appelle sélection positive, la collecte des molécules d’ADN correspondantes au complexe ADN-cible. Cette méthode est utilisée pour sélectionner les aptamères qui sont liés spécifiquement à la cible. Donc, dans ce cas, les molécules d’ADN ont une constante de dissociation KD inférieure à la concentration de la cible. De plus, en fonction de la fenêtre de sélection utilisée pour la sélection positive (t1 à t2), on peut déterminer précisément la valeur de koff correspondent aux temps de migrations respectifs de l’ADN libre et du complexe ADN.cible.
L’efficacité de séparation ne dépend pas seulement de la résolution entre le complexe ADN.cible et les molécules d’ADN libres mais également de l’emplacement de la fenêtre de sélection, du fait du décalage des temps de migration ou de la réassociation du complexe.
La sélection négative correspond à la collecte de la partie à l’équilibre de l’ADN libre. La collecte de cette fraction peut être intéressante pour éliminer les aptamères non spécifiques présents dans le tampon qui possèdent donc un KD supérieur à la concentration de la cible. L’alternance de l’utilisation de ces deux modes de sélection conduit à la sélection d’aptamères dans une gamme d’affinité limitée, définie par : [T2] <KD <[T1] (Figure 2-13) à l’équilibre du complexe ADN.cible. La sélection négative correspond à la collecte des molécules d’ADN à l’équilibre non-liées. D’après (93).

SweepCE :

Le concept du Sweeping Capillary Electrophoresis est complémentaire de la sélection par NECEEM. Cette dernière permet de mesurer la constante de vitesse monomoléculaire kon ainsi que la constante de dissociation KD.
Le concept est basé sur la migration d’ADN par balayage (sweeping) continu d’une solution de protéine durant l’électrophorèse (94). Un capillaire est rempli d’une solution d’ADN (Figure 2-14), puis une solution de protéine est injectée par électrophorèse capillaire (Figure 2-15).
Figure 2-14 : Injection et remplissage du capillaire par une solution d’ADN greffée à un fluorophore. En l’absence de protéine, l’ADN s’écoule continuellement à l’outlet du capillaire tandis qu’à l’inlet, de l’ADN est injecté en continu. D’après (94).
Du fait de la plus grande mobilité électrophorétique des protéines par rapport à l’ADN, ces dernières se mélangent continuellement avec l’ADN et forment les complexes ADN.protéines à l’équilibre (Figure 2-16). Le complexe migre avec une vitesse supérieure à celle de la banque d’ADN libre et provoque le balayage de l’ADN qui interagit avec la cible, il est donc préconcentré sur la cible.
Figure 2-16 : Schéma décrivant le phénomène de SweepCE à l’intérieur du capillaire. Comme la mobilité électrophorétique de la cible est supérieure à celle des molécules d’ADN, elle sera continuellement balayée avec les molécules d’ADN et formera les complexes ADN.cible. D’après (94) .
Figure 2-17 : Electrophérogramme décrivant en rouge le phénomène de balayage de l’ADN par injection d’une solution cible. Le contrôle de non balayage est décrit dans l’électrophérogramme (en rouge) où une solution d’ADN est injectée et remplie le capillaire. D’après (94) .
La valeur de la constante de vitesse de formation du complexe kon peut être déterminée à partir du profil de concentration de l’ADN (Figure 2-17). Avec cette méthode, de faibles concentrations de réactifs peuvent être utilisés, permettant des mesures faibles de kon de 109 M-1 s-1. Cette méthode donne non-seulement la constante de dissociation KD mais aussi la constante de formation du complexe kon qui permet d’étendre la connaissance de l’interaction du complexe aptamère-cible. La limitation de la méthode est évidemment les interactions non sélectives.

ECEEM

L’ECEEM (Equilibrium Capillary Electrophoresis of Equilibrium Mixtures) est une méthode de sélection des aptamères basée sur critères cinétiques ADN.cible prédéfinis (Figure 2-18). C’est la seule méthode pour laquelle l’équilibre ADN.cible est maintenu pendant la séparation du complexe ADN.cible / ADN libre par électrophorèse dans le capillaire (95). Pour maintenir l’équilibre, il faut que la cible soit présente dans le capillaire ce qui augmente la consommation de réactifs contrairement à la méthode NECEEM.
Dans cette approche, l’équilibre entre les molécules qui interagissent est maintenu pendant l’électrophorèse capillaire en ajoutant dans le tampon de migration l’un des deux composants. Un mélange ADN.cible à l’équilibre est préparé et injecté dans un capillaire pré-rempli avec un tampon de migration contenant les protéines à une concentration identique à celle du mélange. Les composants du mélange à l’équilibre sont séparés par électrophorèse capillaire pendant que l’équilibre est maintenu entre la cible et les aptamères. A cause de l’interaction dynamique entre les aptamères libres et complexés durant la séparation par ECEEM, les aptamères passent un certain temps complexés et d’autre fois sont sous forme libre non liés à la cible. Ceux qui ont la valeur de KD la plus faible sont ceux qui sont sous forme complexés et leur temps de migration est proche de celui des molécules d’ADN complexées. Inversement, ceux qui ont la valeur la plus élevée de KD sont ceux qui sont sous forme libre et ont donc un temps de migration proche de celui de la banque d’ADN libre.
Figure 2-18 : Principe de l’ECEEM. La distribution spatiale des composés est montrée à deux instants. A l’instant t0 correspondant à l’injection du mélange à l’équilibre, et à trois différents moments : KD >> [T], KD ~ [T] et KD << [T] ; [T] correspondant à la concentration de la cible. Si KD >> [T], la plupart des molécules d’ADN seront à l’état libre et la zone du mélange à l’équilibre migrera avec la même vitesse effective que l’ADN libre dans le cas de la NECEEM. Si KD << [T], la plupart des molécules d’ADN seront complexées avec la cible et le mélange migrera avec la même vitesse que celle du mélange ADN.cible. Enfin, si KD ~ [T], les quantités de cible et de complexe seront similaires et la vitesse effective du mélange à l’équilibre sera intermédiaire entre celle de la cible et du complexe en NECEEM.
Le temps de migration des aptamères par la méthode ECEEM dépend de la concentration de la cible ainsi que de la valeur de KD.
Où t, et . correspondent au temps de migration respectivement de la cible, de l’ADN et du complexe [ADN.cible].
Un électrophérogramme en ECEEM contient un plateau correspondant à la cible avec un pic unique correspondant au mélange à l’équilibre dont le temps de migration dépend de KD et de la concentration de la cible [T].
Expérimentalement, cette méthode a été appliquée à la sélection d’aptamères avec un KD déterminé préalablement par la méthode NECEEM. La cible utilisée était la protéine MutS. La banque d’ADN utilisée était dégénérée sur 39 nucléotides. La méthode NECEEM décrite précédemment a été utilisée pour trouver les temps de migrations des molécules d’ADN complexées et libres. 100nM de protéines MutS et 9*1011 molécules de banques d’ADN ont été injectées dans le capillaire. 3 cycles d’injections ont été réalisés. Ce nombre suffit à obtenir une valeur de KD prévue. Les aptamères collectés ont été amplifiés par PCR afin d’obtenir des molécules d’ADN enrichies (95).

Applications de la CE-SELEX :

La CE-SELEX peut être appliquée dans la détermination des constantes de vitesses de dissociation et de formation, l’étude des interactions moléculaires, la détermination de la stœchiométrie de liaison. Dans le tableau suivant (Tableau 2), est comparé les constantes de dissociations pour des aptamères ayant été obtenus à partir de la méthode CE-SELEX et de la méthode SELEX.
Comme l’indique ce tableau, la CE-SELEX a déjà été adoptée par plusieurs groupes pour identifier les aptamères envers un certain nombre de cibles. Introduit par Mendosa et son équipe, la CE-SELEX a été utilisée pour sélection des aptamères pour l’IgE humaine (200kDa) (89), la transcriptase inverse du virus de l’immunodéficience humaine du type 1 (VIH-1) (91), la protéine farnésyltransférase (45-48 kDa) (93), la toxine ricine (99), la protéine MutS (93), la protéine kinase C- δ, (98). La CE-SELEX permet de réduire la procédure de sélection des aptamères en raccourcissant ce procédé de plusieurs semaines à quelques jours (2 jours pour les aptamères anti IgE), (4 jours pour les deux aptamères A9 et B4 du virus H9N2). Krylov et son équipe sont mêmes parvenus à réduire cette méthode à un seul cycle de sélection pour les aptamères contre la protéine farnésyltransférase (93). L’efficacité de séparation par CE-SELEX permet de réduire le nombre de cycles SELEX de plus de 10 cycles avec la méthode conventionnelle SELEX à 5 -6 cycles en CE-SELEX. Les valeurs de KD obtenues sont de l’ordre de la dizaine de nanomolaire, à l’exception de la transcriptase inverse du virus de l’immunodéficience humaine du type 1 (VIH-1) pour laquelle une valeur de 180pM a été trouvée. La CE-SELEX a également été appliquée à des protéines plus petites (le neuropeptide Y=4 kDa), (96), pour laquelle la sélection est plus compliquée en raison du faible poids moléculaire de la cible donc une vitesse de migration du complexe [ADN.cible] proche de celle de la banque d’ADN libre. La sélectivité de la procédure CE -SELEX a été confirmée car bien souvent dans la méthode SELEX, les aptamères sélectionnés sont ceux qui sont liés au support et non à la cible. En présence d’albumine de sérums humains (BSA) et de caséine, Tang et son équipe n’ont pas observé d’interactions entre les aptamères sélectionnés et ces molécules (99). Par ailleurs, la même équipe (99) a mis en évidence qu’au bout de 4 cycles de sélection CE-SELEX, 87,2% de l’ensemble de l’échantillon avait une affinité pour la ricine mais seulement 38.5% du pool avait ensuite une affinité au bout de 9 cycles de sélections. Depuis, la méthode CE-SELEX a continué à être développée et grâce au développement des techniques de séquençage haut-débit, il est plus aisé d’obtenir des centaines de millions de séquences qui peuvent être testées pour leur capacité de liaison avec la cible. C’est ainsi, que plutôt que d’utiliser le clonage comme dans le cas de la sélection d’aptamère contre un allergène de la cacahuète (Ara h 1) (107), la toxine Anthrax (102) ou l’alpha-fétoprotéine (103), Whelan et son équipe (101), ont utilisé la technique de l’Illumina pour séquencer des aptamères pour le biomarqueur du cancer ovarien HE4, ce qui leur a permis à partir de 6.4*106 séquences, d’identifier des biais de séquençage et de regrouper les séquences dupliquées sous forme de familles avant d’aboutir à la sélection de 4 séquences d’aptamères jusqu’à l’identification de la séquence présentant la meilleure affinité. D’autres ont utilisé le pyroséquençage 454 (104), ce qui leur a permis d’obtenir 3*104 séquences à partir d’une banque d’ADN et d’une cible la protéine VEGF165. Ils ont mis en évidence, l’hétérogénéité des séquences obtenues par la méthode CE-SELEX, puisque le motif le plus présent a été trouvé mais avec une abondance de seulement 0.8%, mais ont également observé l’évolution de la formation des sous -produits qui augmente au cours des cycles 6 et 7 de CE-SELEX. Ces sous-produits sont issus d’une erreur d’amplification par PCR. Ainsi, la CE-SELEX fournit un plus grand nombre d’aptamères indépendants par rapport à la méthode SELEX conventionnelle mais à cause du faible diamètre du capillaire, un nombre limité de molécules est injecté et donc seule une petite proportion de la banque d’ADN peut être séparée par électrophorèse capillaire.

L’électrophorèse capillaire et le non-SELEX :

Avec la méthode non-SELEX, on élimine l’étape intermédiaire d’amplification par PCR entre chaque cycle de sélection (Figure 2 -19). Cette méthode est une variante dérivée de la méthode CE-SELEX qui implique plusieurs étapes répétitives de séparation par électrophorèse capillaire sans étape intermédiaire d’amplification par PCR entre chaque cycle de sélection. C’est en 2006, que Berezovski et son équipe ont utilisé cette méthode pour la première fois en électrophorèse capillaire (108). Ils ont ainsi pu sélectionner les aptamères pour la protéine hRAS en effectuant 3 cycles de sélection par électrophorèse capillaire sans étape d’amplification par PCR entre les séparations.
Figure 2-19 : Comparaison entre la méthode SELEX où plusieurs cycles de séparation et d’amplification sont réalisés et le non-SELEX ou plusieurs cycles de séparations sans amplification sont réalisés. Issu de (108).
Un mélange de banque d’ADN et de molécules cibles est injectée par électrophorèse capillaire. Comme la quantité injectée est faible, la diversité du nombre de molécules d’ADN est plus faible en comparaison avec la méthode SELEX conventionnelle. Pour remédier à cela, l’équipe de Li (109) a optimisé les conditions d’injection en utilisant des capillaires de diamètre interne de 100µm. En augmentant le diamètre interne du capillaire, le volume d’injection est plus important (411 nL avec un capillaire de 100µm au lieu de 150nL avec un capillaire de 75µm) et donc le nombre de molécules injectées également (1013 molécules avec un capillaire de 100µm de diamètre et 2*1012 molécules avec un capillaire de 75µm de diamètre) (Figure 2-20).
Figure 2-20 : Optimisation du volume du capillaire et donc du nombre de séquences injectées dans la méthode CE/non-SELEX. (a) Diamètre de 100µm, (b) diamètre de 75 µm, (c) diamètre 50µm. Tampon de migration : tris (hydroxyamino) methane-glycine-potassium 3X, 333Vcm-1, [ADN]= 50µM, injection 1 psi, 13s. Détection UV à 260 nm Issu de (109).
La fraction contenant le complexe [ADN.cible] est ensuite collectée dans un flacon contenant quelques microlitres de la protéine (5µL de protéine hRAS, 30µL de bovine catalase). Puis ce mélange est de nouveau injecté par électrophorèse capillaire et soumis à une seconde séparation. Une nouvelle fraction est de nouveau collectée, incubée avec la protéine contenue dans le flacon de collecte et ce mélange est réinjecté (Figure 2-21). Dans le cas de la protéine h-RAS, le calcul de la constante de dissociation KD a été effectué pour chaque fraction collectée et l’affinité au cours des cycles de sélection s’est améliorée passant de 102 µM à 0.3µM.

Table des matières

Introduction
1. Les aptamères : structure et propriétés
1.1 L’architecture des aptamères
1.1.1 Structure primaire
1.1.2 Structure secondaire et tertiaire
1.2 Etude de la structure en G-quadruplex de l’aptamère anti-thrombine
1.2.1 Définition des G-quadruplex
1.2.2 Topologie des G-quadruplex
1.2.3 Le rôle des ions sur la stabilité des G-quadruplex
1.2.4 Etudes des aptamères anti-thrombine :
2 Modes de sélection des aptamères
2.1 SELEX
2.1.1 Principe général
2.1.2 Modification de la technologie SELEX
2.2 L’électrophorèse capillaire et le SELEX (CE-SELEX)
2.2.1 Principe général de l’électrophorèse capillaire
2.2.2 Différentes méthodes d’électrophorèse capillaire
2.2.3 Applications de la CE-SELEX :
2.3 L’électrophorèse capillaire et le non-SELEX
2.4 Conclusion
3 Techniques de mesure de la constante de dissociation KD à partir de l’électrophorèse capillaire
3.1 Techniques de séparation
3.1.1 La dialyse
3.1.2 L’ultrafiltration ou filter binding
3.1.3 L’électrophorèse sur gel
3.1.4 La CLHP (chromatographie liquide haute performance)
3.1.5 Anisotropie de fluorescence
3.1.6 Absorption UV-visible
3.1.7 Dichroïsme circulaire (DC)
3.1.8 Résonance plasmonique de surface (SPR)
3.1.9 Titration calorimétrique isotherme (ITC)
3.1.10 Thermophorèse à micro-échelle (MST)
3.1.11 L’électrophorèse capillaire
4 Optimisation de l’amplification par PCR
4.1 Après la sélection par électrophorèse capillaire, la PCR
4.2 La PCR en temps réel
4.3 L’émulsion PCR
5 Next Generation sequencing (NGS) pour la sélection d’aptamèreS
5.1 Principe
5.2 Le pyroséquençage (Roche)
5.3 Principe du séquençage haut-débit Illumina
5.4 Le séquençage par ligation
5.5 Application du séquençage haut débit
6. Conclusion
Chapitre 1 : L’électrophorèse capillaire et l’utilisation de la double détection UV- LEDIF pour sélectionner, caractériser les cibles, les aptamères et les complexes aptamères-cibles
1 Influence de l’utilisation du tampon de migration Tris Acétate sur la dégradation de l’ADN
1.1 Introduction
1.2 Le tampon TRIS, un piège pour la sélection d’aptamères ?
1.2.1 Introduction
1.2.2 Article
2 Mesure des paramètres de liaisons entre la thrombine et un aptamère par électrophorèse capillaire
2.1 Caractérisation de la thrombine par électrophorèse capillaire
2.1.1 Capillaire en silice
2.1.2 Capillaire recouvert d’un revêtement en PVA (Polyvinylalcool)
2.2 Caractérisation de l’aptamère T29 et du complexe T29.Thrombine par électrophorèse capillaire
2.2.1 Avec un capillaire en PVA
2.2.2 Avec un capillaire en silice
2.3 Détermination de la constante de dissociation du complexe T29. Thrombine
2.3.1 Par électrophorèse capillaire
2.3.2 Par filter binding
2.3.3 Conclusion
Chapitre 2 : Est-on capable d’identifier un aptamère G-quartet en CE- Illumina ?
1 Validation / Mise en place de la collecte à partir de l’exemple de 3 sucres
1.1 Injection et séparation de trois sucres : exemple
1.2 Méthode de collecte de trois sucres par électrophorèse capillaire
1.3 Détermination du facteur de dilution et du rendement de collecte
2 Collecte d’aptamères
2.1 Optimisation du diamètre du capillaire
2.2 Injection de la banque d’ADN, de l’aptamère AT29B et de la thrombine
2.2.1 La banque d’ADN (N=30)
2.2.2 Injection de l’aptamère AT29B
2.2.3 Injection de la thrombine
2.2.4 Réalisation du complexe Banque d’ADN + thrombine + AT29B et détermination des fenêtres de collectes
3 Le contrôle qualité à l’issu de la collecte des échantillons par électrophorèse capillaire
1 Principe de l’analyse par Illumina
1.1 Principales définitions utilisées en bioinformatique
1.2 Principales étapes de l’analyse bioinformatique
1.3 Evaluation de la qualité des données grâce à Fastqc
1.4 Nettoyage des reads – filtrage des séquences d’adaptateurs
1.5 L’alignement des séquences
1.6 Profondeur de lecture = le nombre de fois où chaque nucléotide est lu
2 Utilisation de la PCR – Illumina pour séquencer le T29
2.1 Réalisation de la gamme étalon
2.2 Caractérisation du nombre de séquences de T29 obtenues – étude de la réponse de l’Illumina
2.3 Reproductibilité
2.4 Publication
2.5 Précision sur l’analyse des nucléotides de T29 dans le brin anti-sens
3 La contamination des blancs
4 Mesure de l’enrichissement de l’aptamère T29 par électrophorèse capillaire couplée au séquençage Illumina
5 Conclusion
Conclusion
Annexes
Instrumentation
1.1 Le détecteur de fluorescence
1.2 La double détection absorbance UV – fluorescence
2 Réactifs et produits utilisés
2.1 Réactifs
2.2 Oligonucléotides
2.3 Tampons
3 Capillaires
Capillaire en Silice
3.1 Capillaire en Poly-vinyl-alcool : PVA
3.2 Conditionnement du capillaire
4 Principe de la PCR en temps réel
4.1 Conditions opératoires
4.2 Utilisation de la PCR en temps réel pour amplifier l’aptamère T29
Réalisation d’une gamme étalon de l’aptamère AT29B
4.2.1 Répétabilité de la qPCR
4.2.2 Diminution du nombre de cycles qPCR.
4.2.3 Effet des amorces – diminution de la concentration des amorces
4.2.4 Augmentation de la température d’hybridation.
4.3 Changement des constituants
4.3.1 Changement des amorces
4.3.2 Changement de la matrice : utilisation d’un aptamère sans G-quartet
4.4 Conclusion
5 Principe de la PCR conventionnelle
6 Protocole d’amplification et de purification des molécules d’ADN
6.1 L’électroélution
6.2 Kits de purifications
7 Quantification post-PCR des aptamères amplifiés
7.1 Le nanodrop
7.2 Par électrophorèse sur gel d’agarose
8 Représentation de la méthode globale de sélection par électrophorèse capillaire, amplification par PCR, purification des aptamères
9 Principe du séquençage haut-débit Illumina
9.1 Préparation de l’ADN : préparation de librairies.
9.2 Amplification clonale : création de clusters
9.3 Séquençage
9.4 Analyse bioinformatique
Bibliographie

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