TEST MOLECULAIRE DIAGNOSTIQUE DES ESPECES JUMELLES DE RONGEURS DU GENRE TATERILLUS.

TEST MOLECULAIRE DIAGNOSTIQUE DES ESPECES JUMELLES DE RONGEURS DU GENRE TATERILLUS.

 Généralité sur les Taterillus

Les Taterillus sont des rongeurs de la famille des Muridae. Cette famille occupe une place capitale dans la classe des Mammifères, représentant plus du quart de sa diversité spécifique. Elle renferme 310 genres et 1517 espèces (Musser & Carleton in Wilson & Reeder 2005). Les Taterillus appartiennent à la sous-famille des Gerbillinae. Ils n’habitent pas hors des limites de l’Afrique et dans ce continent ils vivent dans les régions ouvertes au sud du Sahara, du Sénégal à l’Abyssinie et au Kenya (Genest & Petter 1973). 

Cytogénétique et diversité spécifique des Taterillus

L’importance de l’approche cytotaxonomique est parfaitement illustrée par les Taterillus. En effet il est difficile voire impossible de caractériser par les seules méthodes classiques (i.e. morpho-anatomiques ou morphométriques) les espèces du genre Taterillus. En 1969, Rosevear fit une révision générale du genre en Afrique de l’Ouest. Au terme de son étude, il conclut sur la base de leur pigmentation et de leurs mensurations à l’existence de deux espèces : Taterillus gracilis et Taterillus nigeriae. Par la suite, les progrès de la systématique des Taterillus ont été liés au développement des méthodes cytotaxonomiques, et en particulier aux travaux de Matthey (1969) qui fut le premier à utiliser des caryotypes pour discriminer des espèces dans ce genre. Au cours des décennies suivantes, et suite à l’étude de leurs formules chromosomiques, les huit espèces suivantes ont été caractérisées : 9 – Taterillus emini Thomas, 1892, est caractérisée par sa formule chromosomique 2N = 44 ; NFa = 68 (Matthey, 1969). Cette espèce est décrite des rives du lac Rodolphe en Ethiopie (Matthey, 1969 ; Genest & Petter, 1973). – Taterillus gracilis Thomas, 1892, espèce décrite pour la première fois de Gambie. L’étude de son caryotype en 1972 par Matthey & Jotterand a donné 2N = 36/37 respectivement chez les femelles et les mâles et NFa = 46. Du fait du polymorphisme intraspécifique, le nombre de chromosomes peut varier de 36 à 39 (Dobigny et al., 2005), et les T. gracilis du Burkina-Faso diffèreraient légèrement de ceux du Sénégal par une inversion péricentrique portant sur les constituants d’une paire (Matthey & Jotterand, 1972). Volobouev & Granjon (1996) ont montré que la présence de trois chromosomes sexuels chez les mâles de ces tatérilles (retrouvée chez plusieurs espèces du genre) est le résultat d’une translocation X-autosome. Au Sénégal tous les Taterillus ont dans un premier temps été rapportés à T. gracilis par Rosevear (1969). L’étude de leur formule chromosomique a permis de mettre en évidence l’existence de deux espèces sympatriques qu’on ne peut pas distinguer par la morphologie (Matthey & Jotterand, 1972). L’une d’elle possède une formule chromosomique à 2N = 22/23 respectivement chez les femelles et les mâles et NFa = 46. Elle est nommée T. pygargus Cuvier, 1838 et l’autre 2N = 36/37 est T. gracilis. Matthey & Jotterand (1972) ont montré aussi que l’analyse biométrique portant sur les mensurations externes classiques (longueurs « tête et corps », « queue », « pied » et « oreille ») n’apporte aucune indication permettant de discriminer les deux groupes. – Dans la localité de Bangui, en République Centrafricaine a été décrite Taterillus congicus Thomas, 1915. Matthey & Petter (1970) ont établi son caryotype à 2N = 54 ; NFa = 64. – Tranier et al. (1973) ont décrit sur les rives du lac Tchad le caryotype d’une espèce de Taterillus nommée Taterillus lacustris, Thomas et Wroughton, 1907. Il est caractérisé par une formule chromosomique à 2N = 28 ; NFa = 48. Cette espèce est rencontrée aussi au Nigeria et au Cameroun (Tranier et al., 1973). – Taterillus petteri Sicard, Tranier et Gautun, 1988 est décrite du Burkina Faso et du Niger à l’ouest du fleuve. Son caryotype est à 2N = 18/19 respectivement chez les femelles et les mâles et NFa = 25 à 30 (Sicard et al. 1988). Elle est affectée par une translocation Xautosome (Volobouev & Granjon, 1996). – Volobouev & Granjon (1996) ont décrit le caryotype de Taterillus arenarius Robbins, 1974 du sud de la Mauritanie, à 2N = 30/31 (respectivement chez les femelles et les mâles), NFa = 36. Cette espèce est aussi affectée par une translocation X-autosome d’où trois chromosomes sexuels chez les mâles (Volobouev & Granjon, 1996). 10 – En 2003, Dobigny et al. étudient un nouveau cytotype qui justifie la description d’une nouvelle espèce, Taterillus tranieri Dobigny, Granjon, Aniskin, Bâ et Volobouev, 2003, nommée en hommage au Professeur Michel Tranier. Cette espèce décrite du Mali et de Mauritanie possède un caryotype à 2N = 14/15, NFa = 22 et 24 du fait d’une inversion péricentrique sur le paire 6 (Dobigny et al., 2003). – Taterillus harringtoni Robbins, 1977 dont le caryotype n’est pas encore connu. Le genre Taterillus constitue ainsi un complexe d’espèces jumelles qui sont discernables sur la base de leur caryotype (Dobigny, 2002; ; Gautun et al., 1985 ; Matthey, 1969 ; Matthey & Jotterand, 1972 ; Matthey & Petter, 1970 ; Robbins, 1974 ; Sicard et al., 1988; Volobouev & Granjon, 1996 ; Figure 2). Figure 2 : Répartitions géographiques spécifiques basées sur l’identification cytotaxonomique non ambiguë des Taterillus en Afrique de l’Ouest (Dobigny, 2002).

Morphologie, éco-éthologie et physiologie des Taterillus

Les Taterillus sont des gerbilles de taille moyenne à allure gracile. Ils se caractérisent par un museau fin et pointu, des oreilles allongées et de grands yeux exorbités (Figures 3 et 4). Leur pelage ventral est d’un blanc pur, avec une ligne de démarcation nette entre flancs et ventre. Le pelage dorsal et la tête ont des couleurs qui varient selon les sols exploités d’un jaune sable assez clair à un brun rougeâtre (Rosevear, 1969 ; Genest & Petter, 1973 ; Sicard et al., 1988 ; Dobigny, 2002). Ils ont une queue longue, couverte de poils courts et terminés par un long pinceau de poils. Les joues sont blanches avec des taches supra-orbitaires et post-orbitaires blanches. Ils possèdent des pieds et des mains blancs. Les pieds sont longs et fins, à soles plantaires sombres et nues (parfois barrées par une très mince bande de poils). La formule mammaire est 2 + 2 : 8 (Granjon & Duplantier, 2009). 11 Les Taterillus se distinguent des autres genres de la sous-famille des Gerbillinae par un développement important des bulles tympaniques, un rostre relativement fin et long, des foramens palatins antérieurs bien marqués (Rosevear, 1969). Ils possèdent des plaques zygomatiques relativement larges et projetées vers l’avant le long du rostre. Les Taterillus sont des rongeurs qu’on ne rencontre qu’en Afrique dans une zone géographique relativement étroite. Leur distribution va des steppes saharo-sahéliennes aux savanes guinéennes, et de l’océan atlantique aux côtes est africaines (Robbins, 1977 in Dobigny, 2002). Dans ce continent ils habitent des savanes dont le sol est sableux à sablo-argileux au couvert végétal plus ou moins dense (Genest & Petter, 1973). Au niveau populationnel, T. gracilis et T. pygargus du Sénégal sont les espèces les mieux connues (Hubert, 1981, 1982 ; Hubert & Adam, 1975 ; Poulet, 1972). Dans ces populations la saison de reproduction démarre en fin de saison des pluies, généralement en septembre, et se poursuit plus ou moins longtemps pendant la saison sèche en fonction de la disponibilité en ressources. La gestation a une durée moyenne inférieure à trente jours. Les portées sont en moyenne de quatre à six petits avec autant de mâles que de femelles. Ces petits atteignent la maturité sexuelle entre huit et douze semaines après leur naissance. Leur longévité dans la nature peut atteindre deux ans et la mortalité des jeunes varie selon les saisons. Les Taterillus sont des animaux nocturnes, qui creusent des terriers assez profonds les protégeant de la chaleur du jour. Ils ont la faculté de faire des réserves de graisses mobilisables en cas de besoin et un métabolisme hydrique permettant de forte rétention d’eau (Dobigny et al., 2002). Figure 3 : Taterillus gracilis et ses petits Figure 4 : Taterillus pygargu

Matériel biologique

Nous avons réuni un certain nombre d’informations biologiques sur 78 individus du genre Taterillus capturés au Sénégal et dans les pays avoisinants ces dernières années à l’occasion des missions réalisées par l’équipe de l’UMR 022 CBGP de l’IRD. Parmi eux, 50 proviennent de différentes régions du Sénégal [région du fleuve Sénégal, Ferlo, région de Sabodola (Sénégal Oriental), Sandiara, Bandia, Mbour], ainsi que du Mali, du Niger et du Burkina Faso. Par ailleurs, 32 spécimens ont été capturés dans le cadre d’une mission à laquelle nous avons personnellement participé, sur le site de la grande muraille verte dans le Ferlo (15 – 26 juillet 2011). Les Taterillus sont des animaux nocturnes, donc capturables uniquement la nuit où ils sont en activité. Les techniques de captures de ces rongeurs sont le piégeage et la chasse nocturne. En chasse nocturne la capture des rongeurs se fait à la main. Pour le piégeage, des pièges grillagés sont utilisés, appâtées à la pâte d’arachide grillée (tiga-dégué) qui par son odeur attire les rongeurs. La pâte d’arachide est déposée au bout d’une tige métallique dont le toucher par l’animal déclenche la fermeture immédiate du piège. Les pièges sont disposés en lignes de trente à quarante pièges avec une distance de dix mètres entre deux pièges et quarante mètres au moins entre deux lignes. Ils sont installés avant la tombée de la nuit et relevés le lendemain dans la matinée.

Table des matières

Introduction
Chapitre I : Synthèse bibliographique
I-1- Point sur la biologie moléculaire et ses outils
I-1-1- La biologie moléculaire
I-1-2 La RFLP (Restriction Fragment Length Polymorphism)
I-1-3- Les données de séquence et le DNA barcoding
I-2- Les gènes.
I-2-1- Béta-fibrinogène
I-2-2- G6PD (Glucose-6-phosphate déshydrogénase)
I-2-3- Intron 10 large
I-2-4- PRKCI (Protéine Kinase C, Iota)
I-3- Généralité sur les Taterillus
I-3-1- Cytogénétique et biodiversité spécifique des Taterillu
I-3-2- Morphologie, éco-éthologie et physiologie des Taterillus
Chapitre II : Matériel et méthodes
II-1- Matériel biologique
II-2- Méthodologie
II-2-1- Le caryotypage
II-2-2- Les études moléculaires
II-2-2-1- L’extraction d’ADN
II-2-2-2- La PCR (Polymerase Chain reaction)
II-2-2-3- La RFLP
II-2-2-4- Le séquençage et traitement des séquences
Chapitre III : Résultats et discussions
III-1- Résultats
III-1-1- Morphométrie des Taterillus gracilis et Taterillus pygargus
III-1-2- Cytogénétique
III-1-3- Digestion enzymatique
III-1-4- Séquençage
III-1-4-1- Reconstructions phylogénétiques
III-1-4-2- Distances génétiques
III-2- Discussions
III-2-1- Morphométrie, cytogénétique et écologie
III-2-2- Digestion enzymatique
III-2-3- Analyses moléculaires
Conclusion et perspectives
Références bibliographiques

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