Un cours d’eau règlementé.

Un cours d’eau règlementé

Une règlementation générale

Durant l’Ancien Régime, l’Orge est aux mains des seigneurs. La rivière est alors entretenue par leurs sujets. Au lendemain de la Révolution, avec l’abolition du droit féodal, le cours d’eau se retrouve négligé. L’instauration d’une nouvelle réglementation devient par conséquent une nécessité urgente. La fin du XVIIIe siècle voit les rivières soumises à de trop nombreux abus, lesquels troublent la tranquillité publique et portent préjudice aux activités économiques du département. Que ces abus soient attribués à l’ignorance, à l’oubli, ou à la mauvaise interprétation des lois préexistantes, il n’en demeure pas moins que les conséquences sont bien souvent désastreuses pour le bien public. Ainsi, un règlement est établi au tout début du XIXe siècle. Lors de l’envoi de ce dernier aux maires et adjoints des communes de son arrondissement, le sous-préfet de Corbeil l’accompagne d’une lettre dans laquelle il met en exergue l’importance du respect des lois, dans le but de vivifier une branche importante du commerce, mais aussi de préserver les propriétés riveraines des inconvénients616 . C’est précisément le 25 floréal an IX617 que le préfet du département de Seine-et-Oise arrête le règlement en question sur la police des eaux, des moulins et usines618. Celui-ci n’est pas propre à la rivière d’Orge, il est commun à toutes les rivières du département. Le règlement regroupe l’ensemble des dispositions des différentes lois déjà existantes relatives aux cours d’eau. Dans son préambule, il est précisé que les lois en questions sont à adapter à chaque localité. Si le règlement du 25 floréal an IX n’est pas spécifiquement consacré à l’Orge, il n’en reste pas moins un règlement à-propos qui se doit d’être respecté pour le bien de la rivière. L’acte en lui-même se compose de quatorze pages dactylographiées. Il est divisé en cinq titres, eux-mêmes divisés en plusieurs articles.

Quelques points spécifiques

Malgré un règlement établi, certains points répondent à une législation spécifique. De plus, il arrive que certains arrêtés viennent en complément dudit règlement. Au XVIIIe siècle, l’Orge appartient à des seigneurs. Le droit de pêcher dans la rivière, reconnu comme privilège féodal, leur est alors strictement réservé. Avec la Révolution, les choses vont cependant rapidement changer. Un décret parmi de nombreux autres, daté du 6 juillet 1793 et promulgué par la Convention nationale636, vient confirmer celui du 25 août 1792. Ce dernier stipule que sauf preuve du contraire, toutes les propriétés 635 AM Sainte-Geneviève-des-Bois 3O4, Lettre de la comtesse de Grigny à Ris et du maire de Fleury à l’attention du préfet de Seine-et-Oise, 30 mars 1861. 636 AD91 79J81/7. BELLINA Nicolas Université d’Évry-Val-d’Essonne 143 / 223 foncières sont réputées franches et libres de tous droits, tant seigneuriaux que censuels. Ainsi, les privilèges féodaux, quelle que soit leur nature ou leur dénomination, sont abolis sans indemnité aucune. Le 30 juillet 1793, un nouveau décret637 vient spécifier l’abolition des droits exclusifs de pêche et de chasse suite à la question de l’administration de Charente. Le droit de pêche disparaît en même temps que le transfert de propriété est confirmé. Les fermiers deviennent alors propriétaires de leurs terres. Ces derniers peuvent en conséquence jouir du cours d’eau comme bon leur semble, dans le cas où ils en sont riverains. Un énième décret intervient le 8 frimaire an X638 pour proclamer « la liberté de pêche pour tous et sur tous les cours d’eau » 639. Il résulte de cette annonce un « pillage » des rivières, fleuves et étangs par les citoyens de la République640. En effet, ces derniers se voient accorder un droit jadis réservé aux seigneurs, ce qui a pour effet d’engendrer de nombreux abus ainsi que des dégâts sur des propriétés particulières. De plus, la pratique de la pêche n’est plus seulement pratiquée par quelques privilégiés pour leur plaisir, mais par la presque totalité de la population dans le but premier de se nourrir. Face à cette situation non envisagée et qui met les rivières comme celle de l’Orge à mal, le gouvernement ne tarde pas à réagir. Le 28 messidor an VI641, un arrêté du Directoire concernant la police du droit de pêche est promulgué. Il est stipulé que l’abolition du droit exclusif de pêche, en donnant à chacun le droit de pêcher dans les rivières, n’abolit pas les règles établies pour la conservation des différentes sortes de poisson. Ainsi, certains points de l’Ordonnance de Colbert de 1669 sont repris. En ce qui concerne les périodes de pêche, il est interdit de se livrer à ladite activité les dimanches et jours de fête, les filets et engins devant être mis sous séquestre durant cesdits jours. La pêche ne peut se faire que du lever au coucher du soleil. Par conséquent, la pêche de nuit est strictement défendue, excepté aux arches des ponts, aux moulins et aux gords. Enfin, il convient de respecter la période de frai des poissons, le but étant de permettre leur reproduction pour assurer un peuplement suffisant de la rivière. Malgré ces bonnes intentions, Bernard Breton note dans l’un de ses ouvrages642 que la période de fermeture de la pêche en ce qui concerne certaines espèces ne correspond pas toujours avec leur période de frai. En effet, la pêche de la truite est interdite du 1er février au 15 mars, alors que la période de frai de cette espèce se déroule entre novembre et janvier643. En ce qui concerne la méthode de pêche, de nombreux engins sont prohibés, car « inventés au dépeuplement des rivières » 644. C’est le cas des bires et des nasses d’osier, uniquement pendant les temps de frai. C’est également le cas de ceux appelés giles, tramail, furet, épervier, châlon et sabre. De même, il est interdit de bouiller dans la rivière avec bouilles ou rabots. Toujours en ce qui concerne la méthode de pêche, il est défendu de jeter quelques drogue ou appât -sous-entendu toxique- telles de la chaux, de la noix vomique, de la coque de levant ou de la momie. Ces techniques ont en effet une portée trop grande pour pouvoir être utilisées, il s’agit là de pêche de masse qui peut nuire gravement au bon peuplement de la rivière. Pour finir, il est fait obligation de rejeter à l’eau les truites, carpes, barbeaux, brèmes et mouniers capturés de moins de six pouces645 entre l’œil et la queue, ainsi que les tanches, perches et gardons de moins de cinq pouces646 suivant les mêmes indications. La pêche en elle-même étant réglée, une nouvelle interrogation surgit rapidement sous la forme d’une question du ministre de l’Intérieur au Conseil d’État, pour savoir à qui des propriétaires riverains ou de la commune le droit de pêche sur les rivières non navigables ni flottables revient. Il s’avère que ce droit relève à la base des droits féodaux, puisqu’autrefois réservé aux seigneurs hauts-justiciers ou aux seigneurs de fiefs, et que l’abolition a été faite non pas au profit des communes mais bien à celui des vassaux devenus libres. De plus, les propriétaires riverains sont exposés à tous les inconvénients du voisinage de la rivière pour laquelle ils sont assujettis au curage, et dans l’équité naturelle, celui qui supporte les charges doit aussi jouir des bénéfices

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