Une lecture politique de la forme scolaire et pluralité interne du lycéen

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La forme scolaire : une perspective pour penser l’intégration scolaire des outils numériques nomades

L’importation en classe des usages éducatifs du numérique par les lycéens-adolescents suppose qu’ils se positionnent par rapport à des normes institutionnelles et pédagogiques (Painvandi & Espinosa, 2013). La normalisation de ces usages implique également que les enseignants reconnaissent le téléphone comme une ressource dans la situation pédagogique, c’est-à-dire une aide à la réalisation des apprentissages des élèves au même titre que les outils classiques de travail scolaire tels que les dictionnaires sur papier et les manuels (Bax, 2003). Mais cette reconnaissance n’est pas du seul ressort de l’enseignant. Comme les élèves, celui-ci doit se positionner par rapport à la norme institutionnelle concernant le téléphone. L’importation du téléphone en classe ne peut donc se réduire à réalité de ses usages, pédagogiques ou pas (Endrizzi, 2010). Comme l’introduction de toute nouvelle technologique dans un contexte social, celle du téléphone dans la situation pédagogique par les élèves constitue un enjeu de pouvoir entre les enseignants, les élèves et l’institution scolaire (Jauréguiberry & Proulx, 2011 ; Warschaeur, 1998). Ce chapitre propose un cadre conceptuel qui permet de rendre compte de la dialectique du pouvoir entre la norme instituée concernant les outils numériques des élèves et la contre-norme scolaire et pédagogique que la réalité des usages clandestins institue. Le cadre conceptuel de la forme scolaire de la relation pédagogique (Vincent, 1994, 2008 ; Lahire, 2008 ; Maulini & Perrenoud, 2005) permet une lecture de l’institution scolaire comme étant un « lieu où se nouent des relations sociales déterminées et où se jouent des rapports singuliers au savoir et au pouvoir » (Lahire, 2008 : 23). La forme scolaire de la relation pédagogique sera appréhendée dans sa double lecture telle que suggérée par Lahire (ibid.).
Une lecture politique de la forme scolaire permettra de mettre en avant cette tension entre ce que Michel de Certeau (1990 : xl) appelle, à propos de l’appropriation des produits culturels, la production rusée des consommateurs opposée à celle, légitime, des producteurs. En effet, nous envisagerons la forme scolaire de la relation d’enseignement-apprentissage comme un produit culturel car il s’agit d’un modèle culturel d’action collective historiquement constitué (Vincent, Lahire & Thin, 1994), sujet à des réajustements permanents dans l’agir quotidien en éducation. De ce fait, la forme scolaire de la relation pédagogique fait l’objet d’appropriation et d’usage différenciés de la part de chaque sujet de l’éducation en fonction de son expérience scolaire (Perrenoud, 2013 ; Charlot, 2005 ; Cambra-Giné, 2003 ; Dubet, 1994).
Une lecture cognitive de la forme scolaire nous conduira à décrire l’enseignement des langues au sein de l’Enseignement Secondaire malien en termes de contenus, d’objectifs et de méthode institutionnels d’enseignement.

Définition du concept

Élaboré en sociologie de l’éducation, le concept de forme scolaire a été émis par Guy Vincent (1980) pour interroger « l’école en tant que telle, c’est-à-dire comme sphère d’activité où se déploient des pratiques spécifiques autour de savoirs spécifiques » (Lahire, 2008 : 23). En proposant ce concept en vue de décrire l’institution scolaire dans ce qu’elle a de spécifique aussi bien dans son organisation spatio-temporelle que dans son mode de transmission des savoirs et de socialisation, il s’agit selon Chartier (1999 : 209 ; cité par Lahire, 2008 : 24) de questionner plus avant le pouvoir des dispositifs [propres à l’institution scolaire] qui orientent les conduites et les représentations du seul fait qu’ils sont le cadre d’expériences communes, si communes qu’elles finissent par avoir la naturalité des évidences et restent donc impensées.
À cet égard, l’intérêt du concept de forme scolaire est double : il permet de conduire une analyse des usages numériques ordinaires des enseignants et des lycéens-adolescents sans occulter les facteurs contextuels qui pèsent sur eux ; il permet également de savoir de quelles façons l’importation en contexte scolaire des pratiques numériques développées en contexte extrascolaire interroge les principes mêmes de fonctionnement de l’institution d’enseignement secondaire malien et, inversement, comment la forme scolaire de l’enseignement-apprentissage des langues s’exporte au-delà des murs de l’école pour façonner certains usages numériques extrascolaires des lycéens-adolescents (cf. chap. 5 à 9, portraits de lycéens).
Nous rejoignons Maulini et Perrenoud (2005 : 149) pour définir la forme scolaire comme étant une « forme sociale », c’est-à-dire, un modèle d’action collective figurant dans la culture d’une société en tant que démarche pertinente pour réaliser un projet. Ce modèle d’action collective est consacré par un pouvoir sociétal qui le codifie et le légitime en lui donnant son caractère institutionnel. À cet égard, le type de forme sociale dont il s’agit quand il est question de forme scolaire renvoie à la relation pédagogique spécifique à l’univers scolaire, et qui s’oppose à d’autres formes sociales concurrentes de transmission des savoirs et de socialisation. Lahire (2008 : 25) rappelle que cette relation pédagogique concerne aussi bien « ce qui est enseigné que la manière de l’enseigner, les pratiques des élèves que les pratiques des maîtres ». Dès lors, il s’agit pour nous d’envisager la description du contexte d’enseignement scolaire des langues au Mali à partir de ce qui est enseigné et comment cela doit-il être enseigné d’un point de vue institutionnel. Mais cette description doit s’ouvrir aux manières dont les enseignants et les apprenants perçoivent et intègrent ces contraintes institutionnelles, comment ils s’en saisissent comme « offre de significations » (Barbier, 2005 : 78) qu’ils traduisent en un espace des possibles dans leur agir quotidien.

Une double lecture de la forme scolaire

Selon Lahire (2008 : 28), la forme scolaire de la relation d’enseignement-apprentissage, en tant qu’il renvoie à un faire selon des règles impersonnelles, établit « un type particulier de pouvoir », qui repose sur un principe « d’obligation légale » (Perrenoud, 2013 : 65). Cette obligation légale dont l’objet concerne autant ce qui est enseigné que la manière de l’enseigner est aussi une forme de « domination légale», entendue comme l’obéissance par chacun à des règles impersonnelles (Weber, 1971 : 233 ; cité par Lahire, 2008 : 28). En effet, il s’agit, pour l’enseignant comme pour l’apprenant, de soumettre son activité cognitive et sociale à des normes institutionnelles, lesquelles régissent le fonctionnement du système didactique par l’imposition à chacun d’une discipline corporelle et intellectuelle (Foucault, 1975).
De son côté, Perrenoud (2013) rappelle que faire selon des règles à l’école ne se réduit pas seulement à soumettre son activité cognitive à des principes généraux, c’est également apprendre à vivre et à agir dans un système de relations sociales fortement codifiées.
Parce qu’il spécifie un type de relation sociale propre à l’univers scolaire, le concept de forme scolaire nous permet, dans sa lecture politique, de préciser les dimensions de la pluralité interne des lycéens-adolescents (Lahire, 2011).

Une lecture politique de la forme scolaire et pluralité interne du lycéen

En parlant de lecture politique de la forme scolaire de l’enseignement-apprentissage, Lahire (2008 : 28) suggère d’entendre le terme politique comme « forme d’exercice du pouvoir », qui concerne le lien profond pouvant exister entre les processus d’énovation des pratiques d’enseignement-apprentissage et les modes d’organisation du pouvoir au sein de l’institution scolaire. De ce fait, la dimension politique de la forme scolaire de la relation pédagogique « a partie liée avec la normalisation des pratiques » (p. 28), cette normalisation étant le fruit d’une codification institutionnalisée des manières de faire et de vivre à l’école (Perrenoud, 2013). Pour Vincent, Lahire et Thin (1994 : 37), dès lors que ce sont des savoirs, des rapports au langage et au monde qui se construisent dans la forme scolaire de l’enseignement-apprentissage, cela implique également l’apprentissage « des modalités du rapport à autrui dans des formes de relations sociales spécifiques correspondant à des modalités du pouvoir ».
Ainsi envisagée, la lecture politique de la forme scolaire nous permet à présent de reconstruire le sujet-lycéen dans sa dimension plurielle (Lahire, 2011). Plus précisément, nous l’appréhenderons en tant que sujet scolaire, sujet didactique et sujet adolescent, en sorte de pouvoir rendre compte de façon à la fois holistique et plus fine de ses usages numériques à l’école et hors de l’école.

Un sujet scolaire agi et agissant

Dans la forme scolaire de la relation d’enseignement-apprentissage, l’élève est un sujet scolaire sommé de se soumettre aux règles impersonnelles différenciant les pratiques scolaires des autres pratiques sociales. Mais Perrenoud (2013) nous rappelle que les élèves, pris dans un système didactique qui leur est imposé, parviennent toujours à s’inventer, clandestinement le plus souvent, « des stratégies défensives » consistant « à jouer avec les règles, à les contourner, à y échapper ou à en négocier l’application de cas en cas » (p. 102). Dans cette perspective, adopter une lecture politique de la forme scolaire comme étant à la fois un type d’exercice de pouvoir et de légitimité mais aussi de contre-pouvoir et de contre-légitimité permet d’enrichir l’analyse des usages numériques des lycéens en contexte scolaire d’une dimension anthropologique telle que l’envisage De Certeau (1990 : xl) lorsqu’il s’interroge :
quelles procédures populaires (elles aussi minuscules et quotidiennes) jouent avec les mécanismes de la discipline [scolaire] et ne s’y conforment que pour les contourner ; […] quelles manières de faire forment la contrepartie, du côté des consommateurs [de la forme scolaire que sont les élèves et les enseignants] des procédés muets qui organisent l’ordre socio-politique [de l’école] ?
L’adoption de la perspective de Michel de Certeau articulée à la lecture politique de la forme scolaire nous conduit à considérer que dans la sphère scolaire, les élèves ne font pas que consommer la norme scolaire : ils la produisent aussi, sous forme de « vie souterraine » (Perrenoud, 2013 : 102), en y important des pratiques sociales et des identités autres que celles reconnues par la forme scolaire et contre lesquelles elle s’est constituée. La notion d’identité est entendue ici comme ce qui permet à l’individu de « prendre position » dans un contexte social donné en mobilisant son expérience du contexte (Debarbieux, 2006 : 349). Constitutive de sa trajectoire personnelle, cette expérience que l’individu a du contexte lui permet de produire le comportement qu’il estime socialement adapté en fonction de ce qu’il approuve ou pas.
La figure 1 est un extrait du journal d’usages numériques de Siaka, un élève de la Terminale Langues et Littérature (TLL) du lycée Massa Makan Diabaté de Bamako (cf. chap. 9). Il y est question d’utilisation de Facebook en classe pour se détendre et échapper ainsi à l’ennui causé par l’interaction didactique. Nous proposons ici cet extrait afin de souligner que, même agi par des « pratiques de contrôle symbolique fondées sur une hiérarchie graduée de positions » (Paivandi & Espinosa, 2013 : 3), le sujet scolaire n’en demeure pas moins un sujet agissant : il dispose d’un « pouvoir de négation, de contre-stratégie » (Ardoino, 1993 : 2) dont il use pour affirmer sa pluralité interne face aux mécanismes de la discipline scolaire qui entend l’enfermer dans son statut de sujet scolaire.
Figure 1. Utilisation de Facebook en classe pour dissiper l’ennui
Dans le lycée de Siaka, l’utilisation du téléphone pendant les cours est interdite par l’administration scolaire. Son utilisation est punie d’un retrait de cinq points de la note de conduite de l’élève et d’une possible confiscation du téléphone pouvant s’étendre à toute l’année scolaire. Dans le cas d’une confiscation, les parents de l’élève « fautif » sont convoqués par l’administration du lycée. Les enseignants sont chargés de veiller à l’application de ce règlement spécifique à l’établissement (cf. chap. 10,
section 1.2.). La note administrative interdisant le téléphone en classe est affichée au tableau d’affichage de l’établissement pour la rendre accessible à tous les élèves, ce qui est une façon de leur rappeler en permanence les « modalités de l’être-ensemble » Prairat, 2012 : 40) dans l’univers scolaire. Face à cette norme institutionnelle, entendue comme une « instance opératoire» (Prairat, 2012 : 39) qui organise les conduites et les actions des lycéens en situation de classe, ces derniers développent leurs « tactiques » (De Certeau, 1990 : 60) qui leur permettent de se protéger du regard et du contrôle des enseignants. Ces tactiques ne puisent pas leur légitimité dans les fondements de la norme scolaire mais dans une culture numérique juvénile importée à l’école. Celle-ci a ses propres normes parmi lesquelles la littérature scientifique a largement identifié la conduite simultanée de plusieurs activités par le biais des outils numériques nomades (Smartphones, tablettes, ordinateurs) (Junco & Cotten, 2012 ; Guichon & Koné, 2015). Or, en interdisant formellement à l’élève l’utilisation d’outils numériques nomades en situation de classe, l’administration scolaire entend le soumettre au principe élémentaire de la forme scolaire, celui d’isoler physiquement et symboliquement, par l’imposition d’une discipline, la relation pédagogique de la « fureur du monde » (Perrenoud, 2010). Pour souligner cette tension entre les injonctions de la forme scolaire et les « techniques de soi » (Foucault, 2001 : 418) qui permettent aux élèves se construire une façon d’être dans la situation didactique, nous proposons un extrait de l’entretien d’explicitation que nous avons eu avec Siaka autour de son journal d’usages numériques. L’encadré 6 porte sur le passage de son journal présenté à la figure 1. Il donne un aperçu des stratégies clandestines que les sujets scolaires de notre recherche s’inventent au quotidien dans l’exercice de leur métier d’élève en classe.
Encadré 6 : Stratégie et motivation d’utilisation clandestine du téléphone en classe
Sk : tu peux m’expliquer comment tu as fait ?
Siaka : ah bon je me suis caché
Sk : tu t’es caché ?
Siaka : ouais on peut dire, puisque j’ai mis le téléphone sous le banc quoi oui pour naviguer et souvent je regarde si le prof, si le prof ne me voit pas quoi ; si je vois qu’il ne me voit pas, je navigue mais à chaque fois je le regarde s’il ne fait pas attention bon je continue comme ça
Sk : tu continues ?
Siaka : oui
Sk : et pour toi c’est normal de faire ça en classe ?
Siaka : bon euh cette année quand même dans la classe cette année bon si j’ai la tête chauffée seulement j’essaie de me connecter quoi
Sk : te connecter en classe pour aller sur Facebook ça te permet de te détendre ?
Siaka : ouais je crois
Sk : tu crois?
Siaka : ouais ça me détend puisque souvent le prof là il ne fait que parler, parler sans rien dire quoi
Sk : quand tu dis qu’il ne fait que parler, parler sans rien dire, ça veut dire quoi ?
Siaka : bon ils vont aller en dehors de leurs leçons souvent parce que il y a un prof lui il n’écrit pas il n’explique pas, il ne fait que parler et on ne comprend rien quoi de ce qu’il dit, de ce qu’il fait quoi voilà
Sk : et donc toi tu profites de ces moments pour aller sur Facebook ?
Siaka : oui oui
Sk : parce que tu ne veux pas suivre le cours ?
Siaka : c’est pas que je ne veux pas suivre ; parce que pour moi c’est pas important ce qu’il dit quoi ; pour moi c’est pas important
Il peut être loisible d’attribuer un caractère résiduel à ces usages clandestins dans une situation didactique. Toutefois, ils remettent en question les fondements mêmes de la légitimité de la forme scolaire de la relation pédagogique qui contraint les corps des apprenants, mobilise leur attention par des activités à faibles enjeux personnels, et bride leurs possibilités de s’exprimer (Guichon & Koné, 2015). En appréhendant ces usages clandestins comme une manière pour un lycéen-adolescent de se poser comme sujet dans la situation didactique, il s’agira pour nous de les mettre en regard des attitudes des enseignants de français afin de savoir de quelles façons ceux-ci se saisissent de ce phénomène qui interrogent leurs propres pratiques pédagogiques.
De la même manière que les élèves développent leurs stratégies clandestines face aux règles censées orienter leur participation au fonctionnement du contrat didactique, l’exercice de son métier conduit bien souvent l’enseignant de langue à prendre des libertés « avec certaines règles rigides » (Perrenoud, 2013 : 102) de la forme scolaire. Pendant notre enquête de terrain, nous avons rencontré certains enseignants de français pour lesquels l’approche par compétences à la malienne (cf. section 3.3., infra) ne peut être mise en œuvre sans que les élèves n’aient recours à leurs propres outils de travail y compris les téléphones (cf. chap. 10, section 3.1.). L’intégration aux cours des outils numériques des élèves par ces enseignants leur demande de se repositionner par rapport à la norme pédagogique qui définit les aides pédagogiques comme étant « la catégorie constituée par les outils physiques, pensés ou choisis par l’enseignant » (Cohen-Azria, 2007 : 159).
La photo 4 montre des lycéens en train de faire des recherches d’informations sur Internet à partir de leurs smartphones pendant un cours de français avec l’autorisation de l’enseignant. Pour Samuel (l’enseignant en question, cf. chap. 10, section 3.1.) dès lors que l’approche par compétences préconise des méthodes d’enseignement actives, l’enseignant demeure l’unique responsable de ses choix pédagogiques y compris celui des aides didactiques qu’il autorise ou fournit aux apprenants pour la conduite des activités didactiques. À cet égard, il ne saurait convenir pour nous d’envisager en termes évaluatifs de bonnes ou de mauvaises pratiques ces usages d’outils numériques nomades des apprenants normalisés par l’enseignant. Nous nous placerons du côté du discours que l’enseignant se forge autour de ses choix pédagogiques. L’entrée par le discours de l’enseignant permettra d’inscrire ces usages dans un réseau de significations négociées en tension avec l’institution, de sorte à rendre compte du regard qu’il porte sur sa propre pratique à un moment précis de son parcours professionnel. Ce regard de soi sur soi par le biais du discours de l’enseignant de langue rend possible l’accès au processus symbolique en jeu dans l’intégration scolaire des outils numériques au Mali.
Photo 4 : L’utilisation autorisée du téléphone comme ressource pédagogique en cours de français.
En somme, poursuivant la perspective anthropologique de De Certeau (1990 : xl) articulée à la lecture politique de la forme scolaire, il s’agira de rendre compte de quelles façons les enseignants et les élèves impliqués dans notre recherche « réinventent en partie leur métier [respectif] et comment se dessinent de nouvelles normes pédagogiques » (Guichon, 2011 : 157) sans que celles-ci ne soient affichées dans la culture pédagogique de l’institution scolaire.

Du sujet scolaire au sujet didactique

Dans la forme scolaire de la relation pédagogique, l’élève est aussi un sujet-didactique, c’est-à-dire un acteur « constitué par des relations d’enseignement ou d’apprentissage institutionnalisés, par des objets de savoirs, référés à des disciplines » (Reuter, 2007 : 91). Ainsi défini, le concept de sujet didactique permet de situer l’apprenant par rapport à trois types de relations systémiques : institutionnelle, c’est-à-dire que la relation pédagogique à laquelle il participe est située dans une institution comme le lycée dans le cas des individus impliqués dans notre recherche; pédagogique, en ce sens qu’il existe dans chaque contexte d’enseignement scolaire des principes et des manières de travailler qui déterminent le comportement attendu de l’élève pour apprendre ;
disciplinaire, dans la mesure où le comportement attendu de l’apprenant est structuré en fonction des manières de faire spécifiques à chaque discipline d’enseignement scolaire.
En suivant l’idée selon laquelle chaque classe disciplinaire, au sens générique, fonctionne sur des manières spécifiques de « penser, de dire et d’agir » (Reuter, 2007 :
92), manières qui érigent le sujet scolaire générique (l’élève) en sujet didactique spécifique (l’apprenant de langue), nous proposons d’affiner par le concept de contrat d’usage d’aides didactiques le statut de sujets didactiques des lycéens. Cela nous permet de souligner, à la suite de Brousseau (1998) que ces manières spécifiques de faire propres à chaque classe disciplinaire dépendent étroitement des savoirs et savoir-faire qui y sont en jeu, lesquelles affectent à leur tour le rôle que les aides didactiques peuvent assumer dans toute situation d’enseignement-apprentissage (Larose & Ratté, 2001 ; Cohen-Azria, 2007). Mais avant d’introduire ce concept, il nous faut présenter celui dont il découle et qui permet de spécifier en quoi la classe de langue se différencie dans son fonctionnement quotidien des autres classes disciplinaires.

Du contrat didactique au contrat d’usage d’aides didactiques en classe de langue

La notion de contrat didactique a fait son apparition en recherche en acquisition des langues (RAL), et plus particulièrement dans les travaux sur la communication exolingue (De Pietro & Matthey, 1988), où elle a été mobilisée pour étudier le caractère didactique de certaines séquences dites potentiellement acquisitionnelles (SPA). Mais ce contrat qui s’instaure entre les locuteurs natif et non-natif de la conversation exolingue n’est pas assimilable à celui qui a cours au sein de l’institution scolaire (Charaudeau, 1993).
En didactique des langues, ce sont les travaux de Cambra-Giné (2003), inscrits dans une approche ethnographique de la classe de langue, qui ont suggéré la valeur heuristique de cette notion pour la recherche. Envisageant la classe de langue dans sa dimension socio-anthropologique, c’est-à-dire comme une institution, un objet social, une réalité éducative vécue et produite par des sujets (Pallotti, 2002), Cambra-Giné propose de décrire son fonctionnement en termes de contrat didactique entendu au sens large comme un ensemble « d’attentes sur l’adéquation des comportements interactionnels dans un groupe culturel » (p. 83). Le contrat didactique qui organise la relation pédagogique scolaire repose sur un principe ‒ explicite en partie mais surtout implicite ‒ de réciprocité de devoirs et de droits entre chaque partenaire de la situation (Brousseau, 1998 ; Filloux, 1996). Pour Cambra-Giné, le contrat didactique qui s’actualise dans une classe de langue est constitué de trois types de micro-contrats :
le contrat d’apprentissage engage enseignant et apprenants dans une situation éducative institutionnelle (p. 83) ;
le contrat de parole « régit […] les conditions de réalisation des échanges » (p. 85) ;
le contrat codique, en tant que modalisation du contrat de parole, renvoie au « choix des langues selon les situations et les fonctions » (p. 83).
En reprenant à notre compte la définition du contrat codique, nous proposons d’élargir cette typologie de contrats spécifiques à la classe de langue en y introduisant un contrat d’usage d’aides didactiques. De la même manière que le contrat codique détermine les modalités d’utilisation des langues cible et source selon les situations et les fonctions, nous considérons que le contrat d’usage d’aides didactiques peut être envisagé comme ensemble de règles définies par un enseignant et ses élèves concernant l’utilisation de leurs outils numériques personnels pour réaliser des tâches d’apprentissage. Dans la perspective de la lecture politique de la forme scolaire, le concept de contrat d’usage d’aides didactiques permet ainsi de rappeler que le rôle de l’apprenant de langue ne se réduit pas à comprendre et produire des énoncés dans la L2, aussi important que cela soit comme le note Pallotti (2002). En effet, se pose dans une classe de langue ‒ aussi bien pour l’enseignant que pour l’apprenant ‒ le problème des aides didactiques (Cohen-Azria, 2007) qu’il convient de mobiliser (pour l’apprenant), d’autoriser ou de fournir (pour l’enseignant) afin de réaliser (ou de faire réaliser) telle ou telle activité de compréhension ou de production langagière. La notion permet d’interroger autrement la classe de langue dans son fonctionnement, non plus du point de vue exclusif de la communication qui s’y déploie, mais sous l’angle de la palette des outils ordinaires de travail, reconnus ou clandestins, qui y sont mobilisés dans l’agir quotidien des enseignants et des apprenants. Pour la recherche en didactique des langues, le concept de contrat d’usage des aides pédagogiques permet de construire la classe de langue en objet de recherche en la situant au croisement « des programmes, des méthodologies, des buts des acteurs » (Cicurel, 2011 : 42), tous éléments qui sont des facteurs contextuels affectant le choix et le rôle des aides didactiques dans l’enseignement-apprentissage de la L2 en milieu scolaire.
L’introduction du concept de contrat d’usage des aides didactiques dans la typologie de contrats spécifiques à la classe de langue mise au jour par Cambra-Giné (2003) nous amène ci-dessous à définir le concept d’aides didactique en relation avec les usages numériques des lycéens.

Les aides didactiques dans l’apprentissage scolaire de la L2

Nous proposons de mobiliser le concept d’aides didactiques en référence à l’utilisation des outils numériques nomades comme instrument au service de la réalisation d’activités d’apprentissage en classe et hors la classe.
La recherche didactique prenant pour objet d’étude l’usage des aides didactiques dans les situations d’enseignement-apprentissage scolaire a établi deux grandes catégories : les outils spécialement conçus pour la conduite des activités didactiques en situation de classe (les manuels, le tableau, les cahiers, etc.) et ceux qui ne sont pas initialement conçus pour l’école mais qui sont détournés pour l’école (Cohen-Azria, 2007 ; Mœglin, 2005). Dans la première catégorie, celle des outils conçus pour l’école, il y a les outils de l’enseignant et ceux de l’apprenant. Mais quels que soient l’outil considéré (fait pour l’école ou détourné par et pour l’école) et le partenaire de la situation didactique (l’enseignant ou l’apprenant), l’outil a pour fonction de servir la situation d’enseignement-apprentissage en tant qu’aide didactique. En posant que la notion de situation didactique n’est réductible ni à la chronogenèse ni à la topogenèse (Lahanier-Reuter, 2007) du contrat didactique qui se déploie dans l’ici-et-maintenant de la classe, on peut définir l’aide didactique comme tout artefact qui est censé participer, du point de vue de l’apprenant , à l’apprentissage de la langue, et cela quels que soient les contextes (scolaire ou extrascolaire) et les situations (en classe pour faire une activité demandée par l’enseignant ou pour réviser au domicile par exemple). Il s’agit par conséquent de prendre en compte les usages qui sont associés à l’objet technologique (téléphone, tablette, ordinateur) et qui lui donnent un statut d’aide à l’apprentissage. Cela signifie que le caractère didactique de l’outil doit être pensé en intégrant aux éléments d’analyse les représentations et les fonctions que lui associe celui ou celle qui en fait usage. La prise en compte conjointe des usages réels et des facteurs affectifs dans la définition de l’aide didactique est nécessaire car « chacun peut l’appréhender différemment selon son positionnement et des fonctions qu’il lui attribue » (Cohen-Azria, 2007 : 158), d’autant que « la part du possible dans l’usage » (Jarrigeon & Menrath, 2008 : 99) des outils numériques nomades importables en classe reste ouverte. Les fonctions associées à l’outil peuvent varier d’un individu à un autre, de sorte qu’elles en déterminent et différencient les usages dans les contextes sociaux que l’individu habite.
L’avantage d’envisager l’aide didactique à partir des usages de l’objet matériel et des fonctions qui lui sont associées par le sujet didactique est de rendre visible la singularité du rapport de l’individu à cet objet et de comprendre ainsi plus finement la construction de ses usages. C’est dans une telle perspective que nous tâcherons de donner à voir au lecteur comment, moment par moment, les lycéens impliqués dans notre recherche mobilisent, comme aide didactique, les outils numériques nomades dont ils disposent dans le cadre de leur travail scolaire.

Un sujet adolescent ignoré par la forme scolaire

Malgré l’ignorance4 dans laquelle la forme scolaire s’attache à maintenir les pratiques extrascolaires des élèves (numériques ou autres, par exemple les pratiques d’écriture extrascolaires des élèves mises au jour par Penloup, 1999), Vincent, Lahire et Thin (1994) soutiennent que l’institution scolaire n’est jamais totalement à l’abri des formes de relations sociales différentes de celles qu’elle promeut et légitime. Ces auteurs donnent l’exemple de l’importation à l’école des formes sociales orales, c’est-à-dire l’usage populaire de la langue par des élèves qui manifestent une résistance sourde ou ouverte à la norme scolaire du fait qu’elle bride leur autonomie, entame leur créativité ou exige d’eux un investissement subjectif qu’ils ne peuvent ou ne souhaitent consentir (Maulini & Perrenoud, 2005). À cet égard, Verhoeven (2012 : 101) a émis l’hypothèse d’un « affaiblissement de la clôture institutionnelle et symbolique de l’école » dû à la présence de plus en plus visible de la culture juvénile (surtout numérique) et de ses normes au sein même de l’espace scolaire. Cela nous rappelle que le sujet scolaire qu’est le lycéen est aussi un sujet adolescent, qui « va et vient entre deux mondes », et « de l’un à l’autre, il fait passer tout ce qu’un être humain peut capter, filtrer, restituer en vertu de son équation personnelle, mais aussi de ses stratégies » (Perrenoud, 2013 : 97). Cette dimension de l’apprenant, qui lui est trop souvent déniée à l’école par la forme scolaire, fonctionne comme une interface entre les contextes scolaire et extrascolaire et nous incite à souscrire à l’appel de Soubrié (2014 : 184), qui est de déplacer notre regard de chercheur de l’outil technologique vers « les types de relations que l’école pourraient entretenir avec son environnement » extrascolaire. Pour rappel, la forme scolaire s’est constituée par opposition « tout à la fois à l’apprentissage dans et par la pratique [et] à ce qu’on appelle la pédagogique diffuse ou informelle » (Lahire, 2008 : 26). Or, en se substituant à « l’ancien mode d’apprentissage par ouï-dire, voir faire et faire avec » (Vincent, 2008 : 49), la forme scolaire s’oppose de fait au mode d’appropriation des usages du numérique par les adolescents-lycéens. Ceux-ci développent, dans des contextes extrascolaires, leurs usages numériques par « ouï-dire, voir faire et faire avec » et ensuite les importent souvent massivement à l’école (Schneider, 2013 ;
4 Parlant des « connaissances ignorées » des élèves par l’institution scolaire, Penloup (2007 : 9) attribue trois degrés de significations au verbe « ignorer » : « ne pas connaître, ne pas savoir, d’une part, ne pas tenir compte de, ne pas accorder de considération, d’autre part, et, enfin, exclure au sens de refuser, rejeter ». Ces trois sens de l’ignorance sont bien présents dans la forme scolaire de la relation pédagogique concernant les pratiques extrascolaires des élèves.
Guichon & Koné, 2015), contribuant ainsi à réinventer l’ordre socio-politique scolaire pour paraphraser De Certeau (1990 : xl).
En insistant sur le statut de sujet adolescent du lycéen dans le cadre de la problématique de l’intégration des outils numériques nomades dans le travail scolaire des élèves, il s’agit d’envisager de quelles façons et jusqu’à quels degrés l’école peut-elle s’ouvrir au monde des apprenants-adolescents et à leurs pratiques numériques, en sorte de mieux les comprendre, les analyser afin d’en faire des « points d’appui pour la réalisation des apprentissages institutionnellement visés » (Penloup : 2007 : 7). Prendre en compte ces ressources construites à l’insu de l’école que Penloup appelle « les connaissances ignorées » (p. 7) exige d’aller au-delà de la double attitude consistant, d’une part, à se lamenter sur l’état actuel de la question opposé à un « passé idyllique illusoire » (Reuter, 2001 : 10) et, d’autre part, à nier ou à stigmatiser les savoirs et savoir-faire (numériques) des élèves, acquis et développés dans un programme d’éducation buissonnière (Barrère, 2011) par ouï-dire, voir faire et faire avec. Dans cette perspective, la recherche didactique sur les technologies numériques en éducation, en tant qu’elle doit répondre à la demande sociale d’informer les pratiques pédagogiques, peut jouer pleinement sa « fonction de médiateur des savoirs » (Guichon, 2011 : 164) entre différents protagonistes de la situation éducative : les enseignants, les apprenants et les responsables de l’administration scolaire.

Synthèse partielle

En proposant une lecture politique de la forme scolaire de l’enseignement-apprentissage, l’objectif était d’envisager le contexte de notre recherche comme un lieu où s’exerce une forme particulière du pouvoir, celui des dispositifs institutionnels qui soumettent l’agir de l’enseignant et plus encore celui de l’apprenant à un ensemble de règles impersonnelles. Mais nous avons également veillé à mettre en avant la capacité de chaque sujet de l’éducation, enseignant comme apprenant, à se construire une représentation de soi dans son contexte d’action, ce qui l’amène parfois à définir sa propre perspective en tension avec celle de l’institution scolaire. À cet égard, l’institution scolaire et plus particulièrement la classe de langue en tant que microcosme social deviennent des lieux où se développent une nouvelle dialectique du pouvoir, celle qui met en tension ce qui est institué par l’institution et ce que l’agir ordinaire des partenaires de la relation pédagogique institue (Paivandi & Espinosa, 2013).

Une lecture cognitive de la forme scolaire de l’enseignement des langues au Mali

En parlant de lecture cognitive de la forme scolaire, Lahire (2008) entendait signifier que l’accès à n’importe quel savoir scolaire passe par la maîtrise de la « langue écrite » (p. 28). Dans cette perspective, l’école est envisagée comme « un lieu d’enseignement de la langue » (ibid.), où il s’agit de développer chez les élèves un type particulier de rapport au langage : « une maîtrise symbolique, seconde qui vient ordonner et raisonner ce qui relève de la simple habitude, du simple usage pratique » (ibid.). Ainsi, la lecture cognitive de la forme scolaire telle que la conçoit Lahire repose-t-elle sur l’omniprésence de l’écrit sous de multiples formes dans les savoirs et les pratiques scolaires. En adoptant une perspective de la didactique scolaire des langues (Puren, 1990), nous proposons de ramener la lecture cognitive de la forme scolaire aux objectifs institutionnels (compétences langagières et culturelle) de l’enseignement-apprentissage des langues dans le secondaire malien.
Définir la lecture cognitive de la forme scolaire de l’enseignement des langues au Mali en termes d’objectifs institutionnels, qui façonnent et orientent les pratiques didactiques avec ou sans TIC sur le terrain, permet d’appréhender ce contexte dans sa singularité. L’intérêt d’une telle lecture est de permettre de décrire comme facteurs contextuels la méthodologie d’enseignement institutionnelle, sachant, d’une part, que chaque méthodologie d’enseignement scolaire de la L2 privilégie plus ou moins un type particulier de compétence langagière et/ou culturelle (Puren, 1988) et, d’autre part, que le type de compétence privilégiée affecte le recours pédagogique aux technologies numériques en classe (Larose & Karsenti, 2005 ; Demaizière & Grosbois, 2014). Puren (1990) a bien montré que les méthodologies d’enseignement des langues se constituent à partir d’éléments sujets à des variations historiques et contextuelles. Ces éléments correspondent aux objectifs généraux de l’enseignement scolaire de la L2, lesquels induisent des contenus linguistiques et culturels « où l’on peut privilégier la langue parlée ou la langue écrite, la culture artistique ou la culture anthropologique » (p. 12).
L’enseignement secondaire malien a récemment entrepris une réforme curriculaire suivie d’un changement de méthode d’enseignement mise en œuvre à la rentrée scolaire 2010-2011. Les nouveaux programmes et la méthode d’enseignement correspondant « se proposent de créer un environnement propice à l’épanouissement des aptitudes en état de latence chez tout apprenant » (Instructions Pédagogiques officielles, désormais IPO, p. 1., les auteurs soulignent), ce qui sous-entend que l’ancienne méthode d’enseignement avait de « la peine à mener activement une séquence de français » (IPO, p. 1, les auteurs soulignent) au point que les apprenants en sortaient « plus confus qu’éclairés » (IPO, p. 1). À l’objectif pédagogique de créer un environnement qui permette à l’apprenant de développer ses aptitudes cognitives latentes correspond une démarche didactique qui interdit aux enseignants de « bâtir une séquence sur la base d’une longue énumération de règles et de remarques artificielles [sur la langue] qui ne sont liées à rien, à aucune situation de communication réelle » (IPO, p. 1). À cet égard, il s’agit à présent de spécifier, de la langue écrite ou de la langue parlée, laquelle est privilégiée dans les objectifs institutionnels de l’enseignement secondaire des langues au Mali. Parce que le statut de la langue dans un système d’enseignement scolaire est un facteur contextuel à mettre en lien avec les orientations de la politique scolaire, et plus précisément linguistique, il convient de préciser au préalable le statut du français dans le système de l’enseignement secondaire malien.

Le double statut scolaire du français dans l’enseignement secondaire général malien

Nous avons jusqu’ici utilisé la lexie « français langue seconde » (FLS) sans la préciser. À présent, nous proposons de la considérer à la suite de Cuq (1995) comme un concept didactique en ce sens qu’il désigne « un mode d’enseignement et d’apprentissage du français auprès de publics scolaires dont la langue d’origine est autre que le français et qui ont à effectuer tout ou partie de leur scolarité dans cette langue ». (Cuq, 2003 : 109). Dans l’enseignement secondaire malien, le français est à la fois une langue enseignée, c’est-à-dire un objet d’enseignement-apprentissage, et un moyen ou un médium, c’est-à-dire une langue d’enseignement des autres disciplines non linguistiques. À cet égard, son statut est double.
En tant qu’objet d’enseignement-apprentissage scolaire, les instructions pédagogiques officielles assignent à son enseignement l’objectif de répondre au « besoin impératif des apprenants de pratiquer la langue en toutes circonstances en vue d’en asseoir sinon la maîtrise totale, du moins une expression correcte autant à l’oral qu’à l’écrit » (IPO, p. 1). Pour atteindre cet objectif de « maîtrise totale » de la langue ou d’« expression correcte » en français chez l’apprenant, le programme d’enseignement est organisé autour de trois compétences langagières (cf. tableau 1, infra) qu’il s’agit de développer « pour elles-mêmes » (IPO, p. 1).
Considérée comme langue d’enseignement pour les disciplines non linguistiques, les instructions pédagogiques rappellent aux enseignants de français que « l’interdisciplinarité impose la culture du développement des compétences [langagières] du domaine [d’enseignement du français] pour leur caractère transversal » (IPO, p. 1), ce qui les met en demeure « d’œuvrer pour les autres domaines » (IPO, p. 2). Dans cette perspective, le cours de français entretient a priori une relation systémique avec l’enseignement des autres disciplines.
La figure 2 présente l’organigramme des différentes séries au lycée et précise la place du français (son volume horaire hebdomadaire) dans les enseignements de chaque série. Pour les quatre terminales entourées par des tirets dans le schéma, le français a l’unique statut de langue d’enseignement. Pour les autres classes, il est à la fois langue enseignée et langue d’enseignement. Les auteurs du programme ne précisent pas pour quelles raisons ces quatre terminales ne bénéficient pas de cours de français alors que les instructions pédagogiques officielles soulignent que « le principe cardinal de la méthodologie des apprentissages dans un cadre systémique » (IPO, p. 2) exige des enseignants de français d’ « œuvrer pour soi » mais également « pour les autres domaines » (IPO, p. 2). On peut également constater sur le schéma que pour les classes de 11ème, le volume horaire hebdomadaire du français se rétrécit quand on se déplace des 11ème Lettres, à gauche du schéma, vers les 11ème Sciences, à droite du schéma.

Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1 Usages numériques et travail scolaire des lycéens
1. Une approche pragmatique du travail scolaire
2. Spatio-temporalités des usages du numérique dans les apprentissages des lycéens
3. Pour une épistémologie du contexte dans l’étude des usages éducatifs des outils numériques nomades
4. Univers de construction des usages numériques des lycéens adolescents
4.1. Les réseaux d’amis au lycée
4.2. Le « grin » : des lieux, des moments, un univers de socialisation
5. Conclusion
Chapitre 2 La forme scolaire : une perspective pour penser l’intégration scolaire des outils numériques nomades
1. Définition du concept
2. Une double lecture de la forme scolaire
2.1. Une lecture politique de la forme scolaire et pluralité interne du lycéen
2.1.1. un sujet scolaire agi et agissant
2.1.2. Du sujet scolaire au sujet didactique
2.1.2.1. Du contrat didactique au contrat d’usage d’aides didactiques en classe de langue
2.1.2.2. Les aides didactiques dans l’apprentissage scolaire de la L2
2.1.3. Un sujet adolescent ignoré par la forme scolaire
2.1.4. Synthèse partielle
3. Une lecture cognitive de la forme scolaire de l’enseignement des langues au Mali
3.1. Le double statut scolaire du français dans l’enseignement secondaire général malien
3.2. Un enseignement des langues scripturo-centré
3.3. La méthode d’enseignement institutionnelle : l’approche par compétences (APC)
3.4. Synthèse partielle
4. Conclusion
Cadre méthodologique
Chapitre 3 Retour sur l’enquête
1. Questionnements épistémo-méthodologiques initiaux
1.1. La prise en compte des usages du numérique en contexte extrascolaire : quel dispositif d’investigation ?
1.2. Des présupposés à expliciter sur l’intérêt de la prise en compte des usages du numérique en contexte extrascolaire
1.3. Quels postulats pour la prise en compte des usages numériques extrascolaires des élèves ?
2. Présentation du terrain de recherche
2.1. Le contexte scolaire
2.1.1. S’engager sur le terrain
2.1.1.1. Établir des contacts et assumer son identité
2.1.1.2. Par quels acteurs du lycée commencer l’enquête ?
2.1.2. Les quatre lycées de l’enquête
2.1.2.1. Le Lycée Fily Dabo Sissoko de Bamako
2.1.2.2. Le Lycée Mamadou M’Bodj de Bamako
2.1.2.3. Le Lycée Massa Mankan Diabaté de Bamako.
2.1.2.4. Le Lycée Askia Mohamed de Bamako.
2.2. Un bref état des coûts de la connexion mobile au Mali
3. Le dispositif de l’enquête
3.1. Les conversations
3.2. Les entretiens
3.3. Journaux de bord et entretiens d’explicitation
3.4. Observation non-participante et photographies
4. Conclusion
Chapitre 4 Positionnement épistémologique
1. Raisonner entre singularité et généralité
2. Choix et construction des portraits
3. Analyse critique du discours
Portraits de lycéens-adolescents
Chapitre 5 Amélie et Fatoumata : l’usage scolaire du numérique conditionné au rythme des devoirs
1. Amélie : « si j’ai pas de devoirs à faire, si je suis connectée c’est pour causer » – numérique et instrumentalisme scolaire
1.1. Situations scolaire et familiale
1.2. Travail scolaire et multitâchage au domicile
1.3. L’école et les outils numériques nomades : deux univers déconnectés
1.4. Synthèse du portrait
2. Fatoumata : s’affirmer contre l’ordre moral familial
2.1. Situations familiale et scolaire
2.2. Usages scolaires des outils numériques hors la classe
2.3. Les usages du téléphone en classe
2.3.1. L’utilisation du téléphone connecté pour se divertir
2.3.2. L’usage du dictionnaire numérique comme aide à l’expression orale
3. Conclusion
Chapitre 6 Pierre : « pour que je le fasse bien, il faut que j’aille sur Internet »- le numérique comme moyen d’améliorer son rendement scolaire
1. Un élève curieux et attachant
2. L’usage des applications de grammaire comme pratique de loisirs
3. Le non-usage du téléphone en classe : contrainte ou choix autonome ?
4. Bricoler des ressources avec le téléphone
5. De la circulation des objets numériques à celle du savoir scolaire entre pairs
6. Conclusion
Chapitre 7 Kassim : « avec mon téléphone, je fais tout » – le téléphone comme boîte à outils scolaires
1. L’univers familial, un lieu marginal dans la construction de ses usages
2. Imitation des pairs et singularisation de soi
3. Stocker et organiser des ressources sur le téléphone
4. Conclusion
Chapitre 8 Amadou : Contraintes familiales et spatialisation du travail scolaire hors la classe
1. Un élève aux engagements multiples
2. Bricoler des ressources et des lieux pour faire ses devoirs
3. Le cybercafé : un lieu, des usages et une stratégie de onsommation d’Internet
4. Outils numériques nomades et appropriation de l’anglais oral hors du lycée
5. Conclusion
Chapitre 9 Siaka : Hyperconnectivité et insociabilité
1. Stocker des ressources dans le téléphone pour gagner du temps
2. Hyperconnectivité et stratégies de gestion des coûts de connexion
3. Facebook : ressource d’apprentissage et source de distraction
3.1. Apprendre et partager sur Facebook
3.2. L’utilisation de Facebook pour gérer sa concentration en classe
4. Recherche d’informations sur internet et dialectique du pouvoir en classe
5. Conclusion
Les outils numériques dans les discours institutionnels et enseignants
Chapitre 10 L’institution scolaire et les enseignants face aux outils numériques nomades
1. Statut des outils numériques nomades dans le discours institutionnel
2. Des normes instituées en marge des textes réglementaires
2.1. L’interdiction du téléphone
2.2. L’autorisation par défaut du téléphone
3. Les enseignants aux prises avec le téléphone importé en classe
3.1. Samuel : le téléphone des élèves, une catachrèse pédagogique
3.1.1. Éléments de biographie professionnelle et rapport aux outils numériques
3.1.2. Intégrer ses outils numériques personnels à la conduite d’activités pédagogiques
3.1.3. La contractualisation des usages du téléphone en classe
3.1.3.1. Négocier des règles autour des usages à finalité non éducative
3.1.3.2. Temporalités de l’usage pédagogique du téléphone
3.1.3.3. « Je fais avec le peu que j’ai » : injonctions institutionnelles et ressources bricolées
3.2. Samba : La tentation du contrôle sur la situation pédagogique
3.2.1. L’identité enseignante au révélateur des usages clandestins du téléphone
3.2.2. La culture documentaire numérique des élèves comme levier d’évolution de celle des enseignants
3.2.3. « Je ne dois pas tenir compte de ça mais… » – contraintes institutionnelles et initiative pédagogique
4. Conclusion
Chapitre 11 Discussion
1. L’usage scolaire des outils numériques au domicile
1.1. Pour le travail scolaire
1.2. Usage pour les apprentissages informels
2. Le téléphone en classe, entre défis et promesses
2.1. Un outil de transgression de la norme scolaire
2.2. Une ressource pour participer au cours
2.3. Un vecteur du multitâchage
2.4. Un instrument de contre-pouvoir pour l’élève
2.5. Un objet du discours scolaire
2.6. Quelles réponses pédagogiques à l’importation du téléphone en classe ?
Conclusion générale
Bibliographie
Tables des matières
Index des photos
Index des Tableaux
Index des figures
Index des notions
Index des auteurs
Annexes

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