ANALYSE SOCIOLOGIQUE DU PHÉNOMÈNE DU VOL DE BÉTAIL À NDIAGANIAO

Télécharger le fichier original (Mémoire de fin d’études)

Histoire de la collecte

C’est les différentes phases de l’évolution de la collecte des données qualitatives et quantitatives. A part l’approche transversale, l’approche longitudinale permettra de faire le processus global du vol de bétail. Les construits sociaux, en tant que des hypothèses nous obligent à adopter une méthode pour ne pas tomber dans les préjugés, les stéréotypes, la banalisation ou la dramatisation. Notre démarche principe de triangulation, chevauchement des méthodes, visait à mieux voir la richesse et la complexité des comportements. Ceci démontre la logique de nos préoccupations de chercheur. Conscient du principe de la falsifiabilité ( vérification ), nous avons tenté d’identifier tout d’abord :
– les personnes-ressources sur le terrain ;
– les rencontres au sujet du thème ;
– l’exploitation de ces documents et la confrontation des points de vues après observation pour y voir clair, et les voies et moyens d’avoir une documentation précise. Tout ceci s’est passé tantôt de façon informelle tantôt de façon formelle. En effet au grès des circonstances, nous avons introduit, de manière innocente, le sujet à l’ordre des discussions.
Notre attention fut très tôt attirée par certains cas de vols dans leur suite heureuse ou malheureuse. Il s’agit de la sommation, des lynchages publics de voleurs ou des règlements à l’amiables entre victimes et intermédiaires si ce n’est pas les commentaires d’interlocuteurs indirectement informés ou témoins voire de simples rumeurs (question sans réponse). Nous avons abordé des victimes réelles et d’anciens voleurs repentis au sein d’associations de lutte contre le phénomène. Les réunions des éleveurs, des structures de lutte, au plan national et local portant sur le thème, ont été des occasions favorites pour appréhender les différentes dimensions ainsi que l’impact du vol de bétail. En partie déjà, suite à ces rencontres, l’exploration avait gagné en qualité et en quantité pour identifier les aspects réels et pertinents du phénomène. Ceci a pris fin avec la journée de réflexion organisée à Ndiaganiao le 25 février 2003, par le Réseau des Parlementaires contres le Vol de Bétail et la Protection des Ressources Animales.
Rentré à Dakar nous étions déjà en possessions d’informations, de nombreux documents et statistiques officiels. Il nous reste de les discuter avec d’autres par confrontation pour comparer ; pour saisir les non-dits du discours. Pour répondre aux exigences de la démarche de la sociologie et de sa dimension cumulative, nous avons cherché ce que les autres ont dit sur le sujet avant nous. Or nous ne faisons cautionner que la validité externe de notre travail.
La documentation pour la lecture, ne sera effective que grâce aux fichier manuel ou électronique des bibliothèques, et surtout l’Internet. Tout cela a permis la planification et la systématisation des recherches.
En effet nous avons repéré les points sur lesquels les supports tels que les guides et le questionnaire des enquêtes systématisées devraient porter face aux différents enquêtés. Elles ne seront effectives et formelles que durant le mois de novembre plus précisément du 5 au 29, pour se poursuivre.
Sur demande du chef du village et recommandation du député, membre R.P.L.V.B.P.R.A, nous avons eu, auprès d’un président de l’associations des éleveurs au niveau local, une liste de base où sont tirés au hasard des enquêtés. Nous sommes retourné les semaines suivantes auprès de certains pour compléter et approfondir les informations. Ce qui s’est poursuit jusqu’au 5 mai 2004 où nous avons assisté à la deuxième mobilisation sur le thème à Nguéniène.

Inventaire des techniques

La collecte des données nous a conduit à la mise en œuvre de plusieurs techniques : entretien et lecture exploratoire ou les enquêtes dont les supports privilégiés sont essentiellement questionnaire, observation participante, guides d’entretien. Il s’agit de respecter la hiérarchie des actes épistémologiques que Bachelard résume en cette célèbre formule : « Le fait scientifique est conquis, construit et constaté ».
Après une première phase exploratoire de collecte des données documentaires, nous avons les premiers éléments d’approche pour élaborer des techniques. Notre étude, se voulant empirique, a privilégié l’observation directe et l’usage de techniques appropriées quand les conditions le permettent. Notre but était de nous mettre à l’épreuve des faits au lieu de s’en tenir à nos idées reçues. Pour appréhender les dimensions individuelles et collectives nous avons privilégié l’observation directe où nous étions associé au sujet. Dès lors il était nécessaire de nous connaître pour connaître notre objet afin de décrire puis classer, avec un peu de recule nécessaire, les spécificités des faits.
En effet, nous fûmes tout d’abord notre propre instrument d’observation, pour avoir vécu sur le terrain. Or « tout criminologue est un délinquant en puissance[…]s’il n’a pas déjà délinqué »38. Ou plutôt une simple victime. Car notre approche ne laisse pas de côté les nombreuses victimes de vol de bétail. Il s’agit de nous connaître pour connaître notre objet ; il y’a une part objective mais personnelle selon Balandier.
Les guides d’entretien semi-directifs instaurant une relation d’écoute active et méthodique, loin du dirigisme du questionnaire ( Bourdieu, 1993) ou du laisser-faire des guides d’entretien non-directifs, ont permis de recueillir, d’analyser et classer des faits difficilement quantifiables. Ils ont permis de faire connaissance avec les faits pour une description des facteurs lourds du phénomène, son évolution ainsi que les différentes motivations et le sens des actes.
Nos outils en tant que techniques de collecte sont donc les entretiens dont les supports sont les guides d’entretiens semi-structurés soumis aux personnes-ressources, capables de nous donner les informations exactes et pertinentes. Ce faisant nous avons élaboré :
– guide soumis à une personne ressource sur l’évolution de la société, les origines ou les facteurs explicatifs du vol de bétail ; (Ce qui permet de faire les processus avant coureurs).
– à une victime ; ( saisir leurs rapports avec les voleurs, leurs attitudes ) ;
– à un ancien voleur « repenti » acceptant de se confesser à nous ( sur les motivations, les finalités anciennes ou nouvelles et les raisons d’abandons ou les modalités des vols ) ;
– à un professionnel de la justice (procure pour avoir une idée sur les définitions et les typologies légales en la matière)
– à un responsable de la gendarmerie sur leur d’intervention ;
– aux députés membres du Réseau. Il s’agit de saisir les mobiles, la portée politique et sa dimension et une certaine évolution des faits.
Le questionnaire de victimisation aborde les aspects quantifiables ou à mettant en corrélation des variables qualitatives. Il a permis de mesurer une fréquence des vols dans le temps. Notre questionnaire pour cerner la situation qui concourt aux vols s’inspire, en partie, de la règle d’or en 7 points de Pinatel39 : Qui ? (le voleur), avec qui ? (le complice) quoi ? (l’animal), comment ? ( Modus operandi ), pourquoi ? ( la finalité, mobile), quand ? (le moment du vol ), où ? ( le lieu ). Nous avons interrogé les victimes pour saisir leurs attitudes, leurs perceptions et la nature de leurs réactions face au vol. L’objectif était de mesurer les vols réels et de faire ressortir leur écart avec les vols officiels. Autrement dit le « chiffre noir » des vols de bétail.
Pour l’analyse des résultats, il nous a fallu des techniques d’analyse dont la description. Pour les données quantitatives il a fallu des opérations de calcul pour estimer, comparer et faire des tableaux croisés ou des corrélations.
Les analyse de contenu des journaux sur le vol ont parachevé nos recherches.

Echantillonnage

Notre échantillon par réalisme, est tiré d’une population constituée des membres de l’association des éleveurs du village traditionnel de Ndiandiaye. Il est choisi pour ses caractéristiques assez communes avec tous les autres villages de la localité. L’unité est constituée de victimes potentielles ou réelles pour avoir un taux de victimisation dans la population. D’ailleurs puisque des enquêtes pouvant servir de base était inexistante, nous avons pris nos une liste disponible.
Le tableau d’échantillonnage standard, de 5% marge d’erreur de Krejcie et Morgan (1970 ) nous ont permis de prendre l’échantillon suivant : Population de base P = 100 et l’échantillon est tiré taux de 80%. N = 100 x 80/100 = 80 individus tirés au hasard à partir de la liste de base.
Pour les quotas par sexe, faute de pourcentages, nous avons pris 12,5, celui des femmes tirées de l’échantillon. Par contre, les quotas par ethnie sont calculés à partir des pourcentages de chacune pour la population totale.

Les difficultés rencontrées

Elles sont de plusieurs ordres. Nous allons les citer sans être exhaustif.
Il y a eu tout d’abord les refus de répondre ou les exagérations délibérées nous obligeant toujours de faire le détour par des groupes de contrôle. Car un enquêté vous parlera du vol par rapport à un adversaire politique ou à des indexés. En effet les voleurs, même sortie ou non de prison accusent les autres et clament leur innocence. Par conséquent refusent de témoigner.
Les victimes dont les cas ont fait l’objet de dénouements malheureux, sous le coup du chagrin, ont parfois refusé d’y revenir. D’autres ont voulu, sous l’effet de la « panique morale », créant les réactions contre les vols qui menacent les normes morales, en rapport avec leur rôle et statut dans les structures de lutte, dramatiser, surdimensionner leur cas ou celui des autres au point d’exagérer les chiffres ou les faits. Ce qui se lit sur le regard et les gestuels.
Ensuite les populations cibles sont très mobiles fréquemment absentes, sans préciser leur destination, alors que nous partions sur le terrain sur base de calendrier.
Enfin au niveau officiel, aucune base de données n’était pas disponible, de façon officielle, et il fallait des rendez-vous pour leur permettre de les confectionner. Les rares statistiques ne permettent pas des comparaisons dans le temps et l’espace. Le milieu nous obligeait à se munir d’autorisation selon des démarches complexes. D’autres face à la tournure politique du débat, refusent de s’y prononcer, tout en banalisant la nécessité de s’y pencher, ignorant l’intérêt que la sociologie peut accorder aux enjeux pour les différents acteurs. Certains n’ayant pas bien perçu l’utilité de notre étude ; n’ont collaboré qu’avec réticence, car la logique partisane est stigmatisant. Les jugements de fait sur la composition des adhérents de l’association n’est pas bien perçu. Car ce qui compte c’est plutôt le nombre. Leurs intrigues étaient de véritables biais pour saisir la réalité des faits de façon neutre. Bref les difficultés ont été une déception et non un découragement. Elles ont permis de douter des non-dits, pour afin saisir ce qui est et non ce qui est voulu dire.

ORIGINES ET FACTEURS DU PHENOMENE

Contexte et enjeux

Le contexte dans lequel s’inscrivent les faits que nous abordons, est marqué par des changements. La toile de fond de la réaction contre les vols de bétail est composée d’enjeux. Actuellement, le débat sur le vol de bétail semble être une spécificité des problèmes publics locaux. La priorité reste la recherche de stratégies de sortie de crise, concernant toutes les parties les plus touchées par le phénomène. Ce faisant l’intérêt croissant accordé à la question mérite une attention particulière. Car selon les contextes et les enjeux, le constat est que la problématique du vol de bétail n’a pas eu le même traitement. Ainsi le régime actuel semble être plus déterminé à arriver à bout de ce fléau. Les media vont servir de relais aux politiques.
Nous sommes dans une société où le bétail, principale source de revenu, est sérieusement menacé. D’ailleurs, pendant longtemps l’instrumentalisation des associations ont conféré de puissants pouvoirs de leadership aptes à protéger, organiser, et développer les vols dans l’impunité. Les préoccupations ou les débats publics ont changé d’orientation.
Avant l’Alternance politique au Sénégal, les vols de bétail ont été un fléau. Au début, les politiques ont semblé être moins déterminées à engager une dynamique de lutte. Les structures chargées de lutter contre les vols de bétail et les responsables à défaut de comprendre et de trouver des solutions, sont obligés ou bien de rassurer les populations ou bien de se rabattre sur l’usage exclusif de la force.
Les deux premières années de l’Alternance, sont marquées par une bonne production agricole. Les attentes des populations n’ont pas été au rendez-vous, car la production arachidière est achetée en partie avec des bons impayés. De surcroît, l’année 2002 a été marquée par des demandes d’assistance des vivres de soudure. Des frustrations d’espoirs déçus, de la rupture des habitudes de rapports entre politiques et monde rural est né le débat sur le vol de bétail.
Ce constat provoque les critiques de bon aloi de personnalités politiques de l’opposition, de membres de la Société civile, du petit peuple que de la Nation dans sa majorité. Critiques parfois fondées quand on sait que la nécessité impérieuse de vaincre l’insécurité, la pauvreté et la corruption pour un développement global du Sénégal, où les 60% de la population constitués de ruraux seraient pris en compte. Dès lors il convient que l’Etat comprenne les maux de la société qui minent le développement des secteurs poumon de l’économie rurale où les activités agropastorales occupent une place de choix, pour un apport de 40% des revenus en milieu agropastoral.
Le bassin arachidier où se trouve la zone de Ndiaganiao est devenue une « plaque tournante » des vols de bétail du fait de sa position et d’autres facteurs spécifiques au milieu, au-delà des impressions. La localité par sa position géographique constitue un melting-pot socioculturel où se mêlent des pasteurs peul et des agropasteurs sérères. Elle est devenue une zone carrefour, de transit et de transhumance du bétail en provenance ou en partance des pâturages du Ferlo. Les voies de communication qui relient Touba à Dakar, l’expansion et le développement de l’activité touristique de la Petite Cote, les marchés hebdomadaires, constituent des facteurs encourageant les vols à grande échelle.
Les réformes foncières, le manque de pâturage, d’eau et de terres cultivables créent des mouvements saisonniers de plusieurs troupeaux en quête de pâturage (mangaan) entre le Ferlo et les villes de l’Ouest où les conditions sont plus clémentes. Enfin il découle de tout ceci des « associations différentielles »3 de groupes socioculturels aux coutumes opposées dont les résultats n’ont pas manqué de pousser à la déviance et à la délinquance. Dans ce processus d’interaction sociale, comment en est-on arrivé là ? La réponse à cette question principale passe nécessairement par un diagnostic des différents processus avant-coureurs.
Le vol de bétail est une pratique coutumière, vieille dans la zone. Elle inspire les bandits. Il ne tombe pas du ciel ; d’où son explication par le social. La dramatisation ou la banalisation d’un fait social comme les vols de bétail pourraient être imputables aux enjeux ou aux contextes politiques auxquels une société et ses dirigeants restent soumis. Il est possible dès lors que le normal tienne de la banalisation ou que la pathologique relève de la dramatisation du phénomène. Elles deviennent dès lors l’effet d’interactions sociales déterminant pour l’opinion. Or le discours n’est pas un critère comme nos impressions. A fortiori la réalité physique des vols ne nous dirait pas beaucoup sur le phénomène et son impact social. Ce qui importe dès lors, c’est de comprendre les opinions et leur évolution à un moment donné de l’évolution des faits individuels que collectifs. Autrement dit saisir la position du débat dans la société selon les contextes et les enjeux socio-politiques. L’aspect des vols de bétail qualifiable de « pathologique » pourrait être révélateur d’une décomposition de la société.
La pauvreté au cours de ces dernières années et l’affaiblissement subséquent des croyances aux valeurs morales de la société comme antidote à la délinquance explique l’envergure et l’intensité des vols et leurs corollaires. La résistance du phénomène à l’épreuve du temps, semble être le signe manifeste des changements de mœurs intervenus dans le milieu. De surcroît les faiblesses de la société comme les failles de notre système social ou judiciaire sont mises à profit par les malandrins et leurs complices. Depuis longtemps ces pratiques ont perduré, mais organisées sous d’autres formes.
L’impact des vols traduit une crise sociale de l’élevage à Ndiaganiao qui remet souvent en cause l’ordre public. La lutte contre les vols de bétail dans le monde rural est normale avant d’être légitime ou légale. Elle est nationale et locale Car cette maladie sociale marquée par la déviance et la délinquance suscite l’inquiétude principale des éleveurs traditionnels.
Ici la société tente de se modifier et est en même temps modifiée de l’extérieur, d’où les caractères endogènes et exogènes qui sont un aspect explicatif des vols de bétail. Il y a le vol, en tant que phénomène social, les voleurs, en tant qu’acteurs soumis à une interaction sociale ainsi que les victimes et autres à travers un processus à interroger qui décrit la question dans sa spécificité locale.
Influencé par une approche Nord américaine des Ecoles de Montréal et de Chicago en sociologie criminelle, qui traitent surtout des questions de la déviance et de la délinquance qui inclussent théoriquement le vol, notre attention fut attirée sur les enjeux des chiffres officiels donnant parfois une vue biaisée mais également leur valeur scientifique et les enjeux dont ils sont question dans le contexte actuel. Ainsi ici, techniques ne seraient mieux indiquée pour saisir la réalité du phénomène que de réfléchir sur les enjeux que représentent les chiffres. Notre doute est bien fondé que les statistiques officielles ne sont que l’image déformée des vols commis sur le terrain. Leur enjeu fait qu’on les manipule ou tout simplement qu’on les fabrique pour des faits de propagandes politiques.

description des faits

Les pratiques de vol de bétail existent partout où l’activité pastorale est développée. La localité de Ndiaganiao fut dans l’histoire un terrain où razziaient les ceddo du Cayor et du Baol. Ces pratiques ont persisté mais organisées sous d’autres formes, d’où leur évolution. Le fait de voler du bétail est aussi vieil qu’on ne le soupçonne. Depuis longtemps « l’aristocratie guerrière a fondé son pouvoir et sa puissance sur des pratiques insolites de déprédation par le vol et les rezzou, le brigandage et le rapt à grande envergure sur les paisibles pasteurs »40. C’était le temps de l’économie de pillage, du ruggo et du koonu (halpulaar) du siif (wolof) ou du njangal (sérère). Ces pratiques semblent survivre sous d’autres formes.
A Ndiaganiao la période de la première guerre mondiale a correspondu au temps fort des vols de bétail. Ils ont connu une accalmie considérable selon les anciens à partir de 1918 avec le commandant Abdoulaye Ly dit « Alkati-ly »41. Le vol fut une conséquence de l’insécurité d’alors. Les voleurs furent, en un moment, des tefanke juula Laobe qui ne volaient que les ânes. Une bête de somme qui fut un principal moyen de transport. C’est entre 1970 et 1980 avec les transhumances que le vol de bétail commencera à faire parler de lui. Et tout récemment en 1998, les vols de bétail se sont multipliés à la suite de deux hivernages déficitaires et l’arrivée de transhumants surtout peuls. Donc la recrudescence des vols de bétail a été précédée par des famines et des pratiques de transhumance.
Avant, le phénomène s’était limité jusque-là le long de la frontière. Il sera assez grave pour que des opérations de ratissage soient effectuées. Elles ont permis l’arrestation de grands voleurs tels que Mama Thiam avec sa bande de brigands. Il s’ensuivra d’autres arrestations de Alassane Sow, Harona Sow, Amadou Ndiaye Baylo, Mamadou Ndiaye et d’autres grands spécialistes de vol de bétail.
A Ndiaganiao plusieurs troupeaux ont disparus, sans compter ça et là quelques têtes astucieusement prises par les bergers locaux transhumants. Ces bergers ont entraîné avec eux de jeunes Peuls, sur qui portait le soupçon des vols. Cette stigmatisation portée sur les étrangers corrobore cette idée que l’ethnocentrisme largement dominant dans l’histoire de l’humanité faisant des autres des hors la loi ; parce que l’humanité cesse aux frontières du groupe social selon Lévi-Strauss42. Néanmoins les Sérères n’ont pas fait exception. L’adage halpulaar dit « si un objet ou une bête domestique arrive à disparaître c’est que le Peul ou le Maure est passé par-là »43. Les Peuls nomades ou les Maures ont été longtemps craints par les sédentaires. Le Peul a été longtemps caricaturé comme un voleur de bétail. Ce à quoi le colon n’a pas manqué : « c’est ainsi qu’au Sénégal les administrateurs coloniaux traitaient les Wolofs de menteurs et de grands bavards, les Sérères de sournois, les Peuls de voleurs de bétail… »44 Actuellement l’explication du vol de bétail a beaucoup évolué. Car mis dans les mêmes conditions sociales le vol est le fait de membres de la société, en l’occurrence les gorkaaji. Le gorkaaji se recrute dans toutes les ethnies.
Le terme gorkaaji désigne un homme d’un certain âge et d’un certain statut social dans le Jolof, c’est un pis-aller pour nommer le petit-fils pour la grand-mère, par plaisanterie.45 Le métissage Peul et Sérère, surtout, ont permis des influences réciproques. Leurs deux termes pour désigner la notion de vol sont : nguuyka pour les halpulaar et nguud pour les Sérère. On constate que la racine nguu est commune aux deux langues. Selon le linguiste pulaarophone Mamadou Ndiaye, Gorkaaji vient de la racine gor gor-k, gor-ko ajoutée au suffixe aaji,ont donné gorkaaji. Il précise que les suffixes aaji, eeji, uuji sont l’effet des influences des autres langues sur le Pulaar46. A Ndiaganiao, le terme définit le berger Sérère et autres voleurs de bétail aux accoutrements des bergers Peul. Il est étiqueté comme le principal abigeator. C’est un type socialement construit avec le phénomène.

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
Chapitre I : Cadre théorique
Section 1 : Problématique
Section 2 : Présentation du champ de l’étude
Section 3 : Hypothèses
Section 4 : Objectifs
Section 5 : Revue de la littérature
Section 6 : Modèle d’analyse
Section 7 : Définition opérationnelle des concepts
Chapitre II : Méthodologie
Section 1 : Histoire de la collecte
Section 2 : Inventaire des techniques
Section 3 : Echantillonnage
Section 4 : Difficultés rencontrées
DEUXIEME PARTIE : PRESENTATION, ANALYSE ET INTERPRETATION DES RESULTATS
Chapitre I : Origines ou facteurs du phénomène
Section 1 : Contexte et enjeux
Section 2 : Description des faits
Section 3 : Modalités des vols
Section 4 : Perception et représentation sociales
Section 5 : Motivations et typologie
Section 6 : Processus de passage au vol
Chapitre II : L’ampleur, les réactions et les conséquences
Section 1 : L’ampleur des faits
Section 2 : La nature et l’évolution des vols
Section 3 : Les répliques
Section 4 : L’évolution des actions
Section 5 : Conséquences
Conclusion
Bibliographie
Annexe

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *