Anticipation du parcours de soins et respect des volontés des patients en soins palliatifs

Hospitalisations non programmées depuis la rédaction de la FUP

Sur les 114 patients, 30.7 % avaient été hospitalisés de façon non programmée depuis la rédaction de la FUP (n = 35).
Parmi les patients refusant l’hospitalisation (n = 63), 73 % n’ont effectivement pas été hospitalisés (n = 46). Le test du Chi2 réalisé met en évidence une différence significative entre le groupe de patients refusant l’hospitalisation et le groupe souhaitant une hospitalisation en cas d’aggravation. Les patients dont la fiche indique un refus d’hospitalisation sont significativement moins hospitalisés que ceux dont la fiche indique un souhait d’hospitalisation.
Les patients hospitalisés malgré leur refus d’hospitalisation (n = 11) l’ont été pour les motifs suivants : détresse respiratoire (n = 1), anxiété (n = 1), hémorragie (n = 1), maintien à domicile difficile (n = 2) et fin de vie sans plus de précisions (n = 4). Le motif était inconnu pour 2 d’entre eux. La plupart de ces patients vivaient à domicile (n = 7) et 4 d’entre eux vivaient en EHPAD. La HAD était en place pour 3 patients et un réseau de SP pour 6 patients. Pour l’un d’entre eux, la structure de suivi n’avait pas été renseignée.
Aucune différence significative n’a été mise en évidence entre les groupes RH et NRH selon les critères étudiés. Parmi les patients hospitalisés (n = 35), 40 % sont passés par les urgences (n = 14). Les autres ont pu être admis en hospitalisation directe. L’admission dans les lits de repli prévus par la FUP a été possible dans 34 % des cas (n = 12) et dans 29 % des situations (n = 10) le patient a été admis dans le service référent renseigné sur la FUP.

Lieux de décès et hospitalisations

Cette étude suggère que les FUP pourraient avoir un réel intérêt en ce qui concerne le respect de la volonté des patients quant à leur lieu de décès et à leurs souhaits concernant les hospitalisations. En effet, 58 % des patients de notre échantillon sont décédés à domicile (n = 67) ce qui est supérieur aux données de l’étude nationale de Poulalhon et al qui sont de 42 % de décès sur le lieu de vie. Lorsque les patients avaient exprimé dans la FUP un souhait de décès à domicile, les chiffres de notre étude atteignent les 73 % de décès à domicile, ce qui peut signifier que le fait d’exprimer ses souhaits quant au lieu de décès et de le transmettre, ici, par écrit, peut avoir une réelle influence sur la probabilité de décéder dans son lieu de vie. La FUP peut donc être un véritable support pour aborder la question de la fin de vie et du lieu de décès avec le patient et son entourage.
Notre comparaison avec l’étude de Poulalhon et al doit cependant être nuancée car elle s’est intéressée aux décès de l’année 2013 et les pratiques concernant les SP ont pu évoluer, notamment depuis le Plan National des SP 2015-2018 a préconisé la formation aux SP du personnel soignant en contact avec la fin de vie, notamment les professionnels de santé en ville, le développement des SP dans les EHPAD (grâce à l’amélioration du partenariat avec les équipes mobiles et les réseaux de SP, ainsi qu’au développement de la HAD dans ces établissements), le soutien des aidants à domicile et l’intensification du maillage territorial en SP. Le rapport de ce plan met en évidence la mise en place de certaines actions comme le financement des HAD palliatives ou la présence d’IDE de nuit dans les EHPAD, mais d’autres actions comme l’amélioration du soutien aux aidants n’ont pas été réalisées, et le maillage territorial en SP n’a que peu progressé. La conclusion est un impact sur le terrain finalement plutôt Réflexion collégiale n (%) modeste. Les données de l’INSEE en 2018 mettent d’ailleurs en évidence une proportion de décès sur le lieu de vie de 37% (domicile et EHPAD), ce qui reste comparable aux chiffres de 2013. La formation en SP du personnel des EHPAD et l’augmentation des effectifs des équipes soignantes sont des pistes pour favoriser les décès au sein de ces structures.

Information concernant le diagnostic et le pronostic

Le patient était informé de son pronostic dans 48% des situations alors que son entourage l’était dans 84% des cas. Le patient était donc moins bien informé de sa propre situation que ses proches, ce qui pourrait remettre en question la discussion éthique et les décisions prises lors de la rédaction de la FUP. Une partie des champs concernant l’information sur le diagnostic et le pronostic avaient été renseignés comme non adaptés (NA), ce qui peut signifier que le patient n’était pas en état de recevoir ces informations, peut être en raison de troubles cognitifs évolués, en cas de syndrome confusionnel ou encore d’atteinte neurologique liée au cancer par exemple. En effet, les patients présentant des troubles cognitifs sont peu informés et peu consultés en ce qui concerne leur fin de vie. Dans ces cas-là, il s’agit vraisemblablement plutôt d’un travail avec l’entourage du patient, qui dans notre étude est souvent bien informé de la situation. On remarque d’ailleurs que la proportion de patients connaissant leur pronostic est identique à celle des FUP ayant obtenu l’accord du patient pour leur rédaction. En effet, la connaissance du diagnostic et du pronostic par le patient est à l’origine d’une meilleure qualité de vie et d’une plus grande implication dans les prises de décision concernant sa propre prise en charge .
Peu de patients de notre population avaient rédigé des DA (18%), ce qui est comparable avec les chiffres observés au niveau national. A contrario, la plupart des patients avait désigné une personne de confiance (65%), ce qui peut aussi, dans certains cas, écarter le patient des discussions le concernant notamment lorsqu’il est âgé et/ou présente des troubles cognitifs .

Rédacteurs et place du médecin traitant

Les acteurs de soins hospitaliers représentent 54% des rédacteurs des FUP (EMSP et médecins hospitaliers), ce qui laisse supposer que la rédaction peut avoir lieu avant la sortie d’hospitalisation afin de préparer le retour à domicile (dont les sorties avec la HAD qui est à l’origine de seulement 3% des FUP, ce qui suggère qu’elles sont rédigées en amont de l’admission). En effet, l’hospitalisation peut être une occasion de rassembler le patient et ses proches afin de faire le point sur la situation avec les acteurs de soins, dont les référents de la pathologie, ce qui peut plus aisément mener à la rédaction d’une FUP. L’hospitalisation est peut-être également pour la plupart des patients l’occasion de rentrer en contact avec une équipe de SP qui sont les principaux rédacteurs des FUP (les EMSP et les réseaux de SP représentent en effet plus de la moitié des rédacteurs dans notre étude). Les rédacteurs de la FUP semblent en effet sensibilisés aux questionnements concernant la fin de vie puisque les FUP sont rédigées de manière assez complète et que toutes rubriques confondues on dénombre finalement assez peu de champs NR. Les réseaux de SP étaient à l’origine de près d’un quart des FUP (23%) alors qu’ils n’interviennent pas en milieu hospitalier, ce qui laisse supposer qu’ils sont contactés par les acteurs de soins de ville : les MT et/ou les personnels d’EHPAD (61% des FUP rédigées par un réseau concernaient un patient résidant dans un EHPAD).
Seules 5 FUP avaient été rédigées par des MT, peut-être par méconnaissance de cet outil. Seuls 41% des MT contactés pour notre étude savaient qu’une FUP avait été rédigée pour leur patient et une proportion encore plus faible avait participé à son élaboration (30%). La communication entre les rédacteurs de la fiche et le MT pourrait donc être optimisée afin de rendre au MT sa place de référent lors de la prise en charge à domicile du patient (34). De plus, lors des contacts téléphoniques, les MT qui avaient été informés de l’existence de la FUP ou qui avaient participé à sa rédaction appréciaient l’occasion qu’elle leur donnait d’être en contact avec les référents hospitaliers et de participer activement aux prises de décision. En effet, à domicile le MT reste le prescripteur et le coordinateur des soins et il joue un rôle majeur dans le maintien à domicile des patients en fin de vie, grâce à l’appui des équipes de SP. La FUP peut être un soutien pour le MT en ce qui concerne les prises de décisions dans la mesure où ces dernières auront été discutées en amont.

Observations sur les rubriques de la FUP

On peut discuter l’utilité du champ «situation palliative» et «situation palliative terminale» puisqu’il n’était pas renseigné dans près d’un quart des cas et que le champ «situation palliative terminale» n’était coché que dans 12% des FUP bien que le décès soit souvent de survenue rapide après la rédaction de la fiche. Des prescriptions anticipées avaient été prévues dans 40% des FUP. Cette rubrique est renseignée de façon assez hétérogène puisque dans 8 situations, ces prescriptions n’étaient pas précisées. Ceci peut être expliqué par les limites des prescriptions anticipées, qui nécessitent une coordination optimale entre les différents intervenants à domicile, mais aussi une réévaluation très régulière en fonction de l’évolution des symptômes du patient et de ses volontés. En effet, des prescriptions anticipées rédigées le jour de la rédaction de la FUP pourraient être caduques quelques jours ou quelques semaines plus tard .
De même, la différence entre les champs «hospitalisation souhaitée si aggravation» et «hospitalisation envisageable» ne parait pas évidente. On peut se demander si, en cas de recours à la PDS et de réflexion quant à l’indication d’une hospitalisation, la décision sera différente selon si la case «hospitalisation souhaitée si aggravation» a été cochée par rapport à la case «hospitalisation envisageable». Il pourrait être intéressant, lorsque la case «hospitalisation envisageable» a été cochée, de préciser dans quelles situations un transfert à l’hôpital pourrait être accepté par le patient.
Près de la moitié des annexes de notre étude n’avaient pas été remplies. Lorsqu’elles le sont, elles donnent pourtant des indications utiles comme une aide à la prescription permettant une meilleure gestion des symptômes, ou encore des précisions sur parcours de soins, en hiérarchisant plusieurs lieux d’hospitalisation possible par exemple.

Table des matières

I. Introduction 
II. Matériels et Méthodes 
1. Type d’étude
2. Population étudiée
3. Déroulement de l’étude
4. Analyses statistiques
5. Considérations éthiques
III. Résultats 
1. Rédaction des FUP et caractéristiques des patients
1.1.Caractéristiques de la population
1.2.Acteurs de suivi et de soins
2. Lieux de prise en soins et de fin de vie
2.1.Parcours de soins prévu par la FUP
2.2. Lieux de décès
2.3.Hospitalisations non programmées depuis la rédaction de la FUP
2.4. Passages en réanimation
3. Réflexion éthique
IV. Discussion 
1. Parcours de soins
1.1.Lieux de décès et hospitalisations
1.2.Influence des pathologies sur le parcours de soins
2. Information et implication du patient
2.1.Information concernant le diagnostic et le pronostic
2.2.Implication du patient dans les décisions et évolutivité de la FUP
3. Rédacteurs et place du médecin traitant
4. Observations sur les rubriques de la FUP
5. Forces et limites
V. Conclusion

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